P ENJON
Variétés. De l’étude et de l’enseignement des sciences mathématiques, chez les aveugles de naissance
Annales de Mathématiques pures et appliquées, tome 3 (1812-1813), p. 308-317
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308
VARIÉTÉS.
De l’étude
etde l’enseignement des sciences mathéma-
tigues, chez les aveugles de naissance;
Par M. P E N J O N , professeur de mathématiques
aulycée d’Angers.
INSTRUCTION
Au
RÉDACTEUR DESANNALES,
MONSIEUR
Vous
avez désiré de moiquelques
détails sur lamanière
dont unaveugle
de naissancepeut acquérir
des connaissances enmathématiques
et transmettre ensuite ces connaissances à autrui. Vous avez
pensé
que ces détails
pourraient
intéresser voslecteurs ,
et que sur-tout ils deviendraient utiles à ceux d’entr’euxqui
se trouveraientappelés à diriger
l’éducation dejeunes-gens privés ,
commemoi ,
d’un organe que l’onregarde,
avec raison sansdoute,
comme l’un desplus
propres à nous aider
puissamment
dans ungrand
nombre d’étudeset de recherches.
Rien ne
peut
m’êtreplus agréable,
et rien en mêmetemps
nem’est
plus facile , Monsieur,
que desatisfaire ,
sur cepoint ,
votrecuriosité et celle de vos lecteurs. Mais
je
ne doispas
vous dissimulerque
j’ai grand’peur qu’il
n’en arrive ici comme en tant d’autres ren-contres ; et
qu’après
avoir trouvé presqueincroyable qu’un
hommequi
n’ajamais
eul’usage
de la vue , ait puapprendre ,
cultiveret
enseigner
les sciencesexactes, beaucoup
de gens ne disent ensuite:n’est-ce
309 DES AVEUGLES.
n’est-ce
que cela ?
dèsqu’ils
sauront que , pourparvenir
à sonbut, l’aveugle
de naissance n’a besoin de recourirqu’à
desprocédés
asseznaturels,
et tels que lesimple
bon senspourrait
facilement lesuggérer
à tout homme
qui
voudraitprendre
lapeine d’y
réfléchir.Si cette
appréhension , quelque
fondéequ’elle
meparaisse ,
ne m’apas semblé un motif
suffisant pour
medispenser
desatisfaire, Monsieur,
à ce que vous m’avez fait l’honneur de demander de
moi , je
croisdu moins
pouvoir
m’en autoriser pour donner à cette lettre aussi peu d’étendue que la nature dusujet
pourra lepermettre :
sauf ensuite àrevenir,
une autrefois,
sur ce mêmesujet , si.
des éclair-cissemens ultérieurs sont
jugés
nécessaires.Je vais donc exposer, aussi succinctement
qu’il
me serapossible
la méthode
qui
meparait
laplus convenable,
pourenseigner
lesmathématiques
à unaveugle
denaissance, auquel je supposerai
d’ailleurs
qu’on
procure toutes les ressources et facilités que sa situationpeut lui
rendre utiles. Jedirai,
en mêmetemps , quelque
chosedes moyens que cet
aveugle
doit ensuite mettre en usage, pourcommuniquer
les connaissancesqu’il parvient
àacquérir.
Je meciterai souvent moi-même en
exemple ;
car , si l’on enexcepte peut-étre Saunderson ,
laplupart
desaveugles qui
m’ontprécédé,
sesont peu mis en
peine
d’instruire lepublic
de leursprocédés. (*)
A l’aide d’un instrument dont il était
l’inventeur ,
Saundersonexécutait toutes les
opérations
del’arithmétique ,
ettraçait
toutes lesfigures rectilignes
de lagéométrie ;
mais onignore
comment ils’y prenait
pour faire des calculsalgébriques ,
et on ne sait pas davan-tage
comment, à l’aide de cetinstrument ,
ilparvenait
àenseigner
(*) On trouve
quelques
détails sur cesujet
dans lesMélanges physico-mathé- matiques de
M.Bérard, principal
etprofesseur
demathématiques
aucollége
deBriançon,
page 182,J. D. G.
Tom. III.
43
3I0
INSTRUCTION
les
autres ,
ni comment ses élèvéspouvaient pàïvemr
à ’le com-prendre ,
sans se livrerpréalablement à
une étude tout à faitétrangère
au but
principal qu’ils
avaient en vue.Les moyens
qu’employait
Saunderson avaient encore un autrev
inconvénient ;
c’e-stqu’il,
nepouvait
par leurs secours,acquérir
aucune notion des
procédés
mis en usage par les voyans : cequi
me
paraît pourtant
si nécessaire queje
ne pense pas quel’aveugle puisse
autrementenseigner
avecquelque
succès. Ainsi il fautqu’il
t
soit instruit de
la forme des lettres et autressignes,
des cas danslesquels on emploie
les lettresmajuscules
etminuscules,
tant grecquesque
romaines ,
de la manière dont ondispose
ordinairement les calculs etleurs résultats,
soit sur lepapier
soit sur untableau,
etc. ; tousobjets
sur les moindres
détails desquels
,il estindispensable qu’il
soit bieninfôrmé.
M.
Haüy,
ancien Instituteur desaveugles , frappé
des inconvéniens queprésentaient
les méthodesemployées
avantlui ,
crut devoir recourir a des caractèresmobiles,
isolés les uns des autres, sensibles au tact, semblables à ceuxqui
sont enusage parmi
lesvoyans
et dontl’aveugle pût
se servir pourreprésenter
les dif’érens mots de lalangue ,
et exécuter toutes les
opérations arithmétiques
etalgébriques.
Chacunde ces caractères est
gravé
enrelief, sur
l’une des faces d’unparal- lélipipède rectangle ,
tandisqu’un
autreparallélipipède ,
aussi rec-tangle,
mais de moindresdimensions
est solidement fixé au milieu de la faceopposée
dupremier.
Ce dernier est ce que l’on nomme la queue du caractère ; il est destiné às’engager
dans les intervalles-
que laissent entre elles des traverses, de
bois, également espacées,
-
fixées à deux côtés
opposés
d’un châssisrectangulaire posé
horizon-talement ,
etparallèles
aux deux autres côtés de ce châssis.Au moyen de cet
instrument , appelé planche ,
onpourrait ,
sansdifficulté,
exécuter toutes sortesd’opérations algébriques ,
si le, nombre-des divers caractères dont on fait usage , dans ces
opérations ,
n’étaitpas
trop,
considérable. Mais souvent on yemploie
concurremment les lettresgrecques
etromaines,
tantmajuscules
queminuscules
sansDES AVEUGLES. 3II
compter
les lettres affectées d’accens oud’indices ;
la casequi
con-tiendrait tous ces divers
alphabets
devraitdonc être très-grande :
cequi exigerait plus
detemps
pour y choisir lescaractères ,
et rendrait ainsi les calculs fortlongs.
Il est d’ailleurs presqueimpossible
dereprésenter ,
avec des caractèresmobiles ,
toutes les diverses sortes defonctions
algébriques,
et celaquelque complète
que la casepuisse
être d’ailleurs. Si l’on
avait ,
parexemple ,
cettequantité axy , il
fau-drait que la case contint trois sortes de
caractères ,
différantuniquement
entre eux par la
place qu’ils occuperaient
sur leursparallélipipèdes respectifs;
cequi ,
enobligeant
de donner degrandes
dimensions auxparallélipipèdes, exigerait qu’on
donnât unelargeur proportionnée
aux,traverses entre
lesquelles
les queues de cesparaliélipipèdes
doiventêtre
maintenues
, et diminueraitconséquemment
le nombre de cestraverses , pour une
planche
de dimensions données.Gêné par ces
obstacles , dès
mespremiers
pas dans l’étude del’algèbre, j’ai pris
leparti
de me créer des notations mieuxappropriées
aux seules ressources dont il me soit
permis
dedisposer. Ainsi, pat exemple,
au lieu deaxy , j’écris
a·x·y ; pouraxy, j’écris
a·xy ,et ainsi du reste. Privé aussi de
l’alphabet
grec,je
renverse les lettresromaines ,
poursuppléer
à celles de cetalphabet ;
de manière que, parexemple pour représenter 03B1 , j’écris x?.
Lesparenthèses sont
ordinairement de toutes sortes
de grandeurs ; mais , dans
la case d’unaveugle ,
elles sont nécessairementlimitées ;
il m’a donc fallucréer
encore des notations
pour
lesremplacer. Enfin, je
suis presquetoujours
forcé d’inventer de nouveaux
symboles ,
à mesure que les calculs et les formules seprolongent
et secompliquent.
Ce n’est
guère ,
ausurplus,
que dans ce cas quej’ai
recours auxcaractères
mobiles ;
car on nepeut
se dissimuler que leur usage entraînetoujours quelque longueur
etquelque
embarras.L’aveugle doit
doncavoir une
planche;
mais ildoit ,
en mêmetemps , apprendre ,
peuà peu, à s’en passer, du moins dans les cas
les- plus
ordinaires. Ilfaut ,
parexemple, qu’il puisse
suivre de tête uneopération
que l’on fait3I2
INSTRUCTIONen sa
présence,
lors même que cetteopération
ne donne pas des résultatssymétriques.
Pouracquérir
cettehahitude, j’avais soin ,
dans les comrnencemens , derépéter ,
de vivevoix,
les calculs quej’avais
exécutés avec mes lettres
mobiles ; je
me faisais lire aussi des livresd’algèbre ,
etj’effectuais
lesopérations qui s’y
trouvaient contenues,sans autre secours que celui d’un
voyant , qui
les écrivait sur untableau à son usage. Par cet
exercice , fréquemment répété , je parvins ,
en peu detemps,
et sans yemployer
les caractèresmobiles,
à faire de tête des calculs
très-compliqués ,
tels que ceux de laMécanique
céleste. J’avais mêmeacquis
assez d’habitude en ce genre , poursuivre,
avecquelque fruit ,
les courspublics
de MM. Biotet Francoeur. Souvent ce dernier me faisait démontrer de vive
voix a
tandis
qu’il
écrivait les résultats sur le tableau. En un mot ,je subissais,
comme les autresélèves,
les examensqu’on
fait ordinaire-ment dans les
lycées ; je
concourais avec eux et comme eux ; sice n’est seulement
qu’il
me fallait un enfant pour écrire ce dontj’avais
besoin.
A
l’égard
de cetenfant , plusieurs
personnes ontpensé qu’il
fallaitque celui dont
l’aveugle emprunte
le secours fût non seulement un hommefait,
mais encore un homme presque aussi instruit que cetaveugle
lui-même. C’est là une véritable erreur;l’aveugle n’ayant uniquement
besoin que de deux yeux et d’une mainqu’il puisse
mouvoir à son
gré.
Mais un enfant neremplira
bienl’objet
quel’aveugle
se propose ,qu’autant
que celui-ciprendra
soin de l’ins- truire lui-même. C’est pour cela quej’ai toujours pris
avec moides enfans
très-jeunes, auxquels,
fort souvent ,j’ai
même étéobligé
de montrer à
lire ,
et queje
dressais ensuite auxpetits
services queje pouvais
attendre d’eux. Je croisqu’en
s’aidant de semblables moyens,un
aveugle parviendra
àétudier ,
avecquelque
facilité etquelques
succès,
tantl’algèbre
que toutesles
sciencesqui
endépendent.
Si nous passons de l’étude de
l’algèbre à
celle de lagéométrie (*),
(*)
Jeparle
ici non seulement de la Géométrie proprement dite , mais encoreDES AVEUGLES. 3I3
les difficultés croissent sensiblement. On
peut ,
il estvrai, acquérir
l’idée des
figures
par le tact ; mais cesfigures
sont tellement mul- stipliées
que , s’il fallait les faire toutes toucher àl’aveugle ,
l’étudede la
géométrie
deviendrait pour luitrès-longue
ettrès-pénible.
Ilme
parait
doncplus
convenable de suivre la marche que voici : on fera percer de trous, suivant une directionrectiligne ,
chacune destraverses de la
planche
dontj’ai parlé plus haut,
de manière quechaque
trou
puisse ,
aubesoin ,
recevoir unecheville ;
et l’on pourraainsi,
avec un
fil,
former les diversesespèces d’angles ,
detriangles ,
dequadrilatères,
et mêmeplusieurs
sortes depolygones,
tantréguliers qu’irréguliers.
L’élève acquerra par la l’idée de cesfigures
que désormaisje
nommeraiprimitives.
Il faudra deplus
lui faire con-naître le
cercle ,
cequi
serafacile ,
soit en traçant cettefigure
surde la terre
molle,
soit en l’exécutant avec dupapier
ou du carton.Pour les
solides,
on lespeut
construire enbois ;
et cette méthode sepratique
mêmefréquemment
àl’égard
des voyans.Il
importe
aussi de faire connaître àl’aveugle
dequelle
manièreles voyans
représentent
les corps sur untableau ;
car il se lesfigure toujours
telsqu’ils
existentréellement ,
et ne concevrajamais ,
àmoins
qu’on
ne le luiexplique , qu’on puisse représenter
unprisnie,
une
pyramide,
uncylindre,
uncône ,
etc. , sur une surfaceplane.
Il est encore un
point
surlequel je
crois très-nécessaire de m’arrêter : c’est que , pour bien faire connaître des corps , par le tact , à une personneaffligée
decécité ,
il ne suffit pas de lui fairesimplement
porter
la main successivement sur chacund’eux ;
car il n’enacquerrait
par cette voie que des notions
très-imparfaites.
Il faut les lui laisser manier à sonaise, a
diversesreprises ,
et sansjamais
le presser,de tout ce
qui
est relatif à cette science ; tout comme jedistingue
l’analise purede toutes les
applications
qu’on en peut faire. C’est dans les études purement ana-litiques
quel’aveugle
rencontre le moins de difficulté, et c’est pour cela quej’ai
cru devoir en
parler
d’abord.3I4
INSTRUCTIONni le
gêner
en aucune manière. Le défaut de cetteattention , quelque
minutieuse
qu’elle puisse paraître d’ailleurs ,
a sensiblement retardé leprogrès
de mes études.Lorsque
lesfigures primitives
sont devenues assez familières àl’aveugle
pourqu’il puisse
les bien concevoir et les définir nettement, il doit s’habituer à démontrer les théorèmes sans toucher à lafigure.
Il arrivera
quelquefois ,
à lavérité,
que la démonstration deviendra tellementcompliquée qu’il
lui sera presqueindispensable ,
pourpouvoir
la
suivre,
d’en mettre lafigure
sous sesdoigts ;
mais cela ne doitarriver que rarement; et , dans ce cas
même, l’aveugle
fera bien derépéter
ensuite la démonstration sansfigure.
Dans la
géométrie transcendante ,
pour faire connaître ril’aveugle
laforme des différentes
lignes
et surfacescourbes,
on pourra lui tracer lespremières ,
par leprocédé déjà indiqué
pour lecercle ,
et exécuterles dernières avec de la cire ou de
l’argile humide ;
mais celanéan
moins ne sera le
plus
souventnécessaire ,
ni pour les unes ni pour les autres : le mode degénération
d’uneligne
oud’une
surfacecourbe
suffisant,
dans les cas lesplus ordinaires,
pour en donner uneidée distincte. Il m’arrive
même communément ,
de devinerla
formequ’affectent
leslignes
et les surfacescourbes
par lasimple
con-naissance de leurs
équations-,
d u moinslorsque
ceséquations
ne sontpas
très-compliquées.
Après
les détailsdans lesquels je viens d’entrer,
on sent que l’étude de lamécanique
ne pourra offrirbeaucoup
de nouvelles diffi- cultés. Il faudra seulementprendre
laprécaution
de faire toucher etmanier à
l’aveugle
les diverses machines dont on se proposera de lui exppser lespropriétés.
Je merappelle,
à cesujet ,
queje
nesuis parvenu à bien
comprendre
lagénération
de lavis, qu’après
avoir touché des vis de différentes
espèces
et dimensions. A celaprès,
les diverses branches desmathématiques ,
tant puresqu’appli- quées,
nesauraient ,
en aucunemanière ,
embarrasserl’aveugle , puis- qu’il n’y
serajamais question
que degéométrie
et de calcul.Cependant ,
pour laisser le moinspossible
à désirer sur cesujet,
DES
AVEUGLES.
3I5je
crois devoirajouter
encore, àl’égard
del’optique, que
si l’onfait concevoir à
l’aveugle
les rayons de la lumière comme deslignes
droites ;
que , s’ilconçoit chaque point
d’un corps lumineux ou éclairé comme lepoint
commun dedépart
d’unsystème
de cesrayons
qui , conséquemment ,
doivent aller en s’écartant les uns des autres , à mesurequ’ils s’éloignent
de cepoint
dedépart,
la réfractionet la
réflexion ,
lespropriétés
des verres et miroirsplans ,
convexes , et concaves, etgénéralement
tous lesphénomènes
del’optique ,
non seule-ment
pourront
lui êtredémontrés,
maispourront
même être assez nette-ment conçus par
lui,
pourqu’il
soit en état d’en transmettre la démonstration à autrui.Chacun convient et
aperçoit
facilementqu’il
est absolument im-possible
à unaveugle
de naissance de se faire aucune idéejuste
dela lumière et des
couleurs ; mais ,
comme la couleur des corpsdépend
non seulement de la nature des rayons de lumière
qu’ils réfléchissent,
mais encore de la
figure
ou de ladisposition respective des
moléculesde leur
surface, qui
les rend propres à réfléchir tels rayons de lumière depréférence
à tels autres ;quelques
personnes ontpensé
que, cettedisposition
de moléculespouvant
devenir sensible au tact , il n’étaitpoint
hors de vraisemblancequ’elle pût
mettre lesaveugles
en étatde
distinguer
, autoucher
les corps de couleurs différentes. C’est là unpoint
surlequel je
ne voudrais -riendécider , d’une manière trop absolue ; mais ,
ce queje puis
du moinsaffirmer ,
c’estqu’un grand
nombred’aveugles
quej’ai
connus n’ont puparvenir, plus
que
moi,
à rencontrer laplus légère
différence entre les surfaçes des corps différemmentcolorés ;
dumoins
,lorsque
toutes les autrescirconstances se trouvaient être exactement les mêmes ; et ,leur
expé- rience , jointe
à lamienne ,
meparait
suffisante pourprésumer
que les causesqui
déterminent les corps à être de tellecouleur, plutôt
que de telle autre , sont de nature à se dérober éternellement au
sens du toucher.
Voici, très-probablement ,
la source de l’erreur oùbeaucoup
depersonnes
ont été induites sur cepoint.
Il est certaines étoffesdont
3I6 INSTRUCTION
DESAVEUGLES.
le tissu est très-sensible au tact et sur
lesquelles
onapplique
pres- quetoujours
les mêmes couleurs. D’un autre côté, les teintures donton les
imprègne peuvent,
à raison des diversingrédiens
dont ellesse
composent ,
se manifester autoucher ;
et cettecirconstance ,
réunie à lapremière, peut
souvent donner àl’aveugle
des indices à peuprès
certains.
Ainsi,
parexemple , je croyais
autrefois que toutes les étoffes de camelot étaient rouges ; etje
m’étaisfiguré,
àl’inverse ,
que les étoffes douces au toucher devaient êtreblanches ;
or, commeces fausses notions me faisaient
quelquefois
rencontrer assezjuste ,
ons’imaginait
queje
discernais réellement les couleurs par le tact.Il existe encore une
question qui
n’estpoint
facile à traiter :c’est celle relative à l’idée
qu’un aveugle
de naissancepeut
se formerdu sens de la vue , et à la manière dont il
conçoit
que ce senspeut
faire connaitre aux voyans lesobjets qui
sont hors de leurportée.
Je me bornerai à dire ce queje pense
mol-même à cetégard.
Il me semble que les rayons delumière , partis
dechaque point
de la surface d’unobjet, apportent
tous cespoints
dansl’0153il ,
et les
apportent disposés
entre eux de la même manièrequ’ils
lesont dans
l’objet ;
de sorte que larétine ,
en touchant cespoints,
reconnaît la
figure
de ce mêmeobjet ;
et, comme elle connaît aussi les rayons lumineuxqui
luiprésentent
cettefigure ,
elle endistingue également
la couleur. Il meparaît
donc que la rétine est affectée par lalumière,
comme l’est la main parl’objet.
Peut-êtrepourrait-
on me faire
plusieurs
difficultés sérieuses à cesujet ?
Peut-être mêmeai -je
très-mal rencontré : cequi
n’aurait rienqui
dûtsurprendre ,
attendu que
je
n’aijamais
vu ? Mais c’est du moins là la seule manière dontje conçoive
que la vuepuisse suppléer
au tact.Je
pourrais
entrer,Monsieur,
dausbeaucoup
d’autres détails surl’instruction des
aveugles ,
et sur lesprocédés qu’ils
doivent suivre pourenseigner,
soit aux voyans , soit à d’autresaveugles..Te pourrais parler
de leurcaractère, qui influe, peut-être, plus qu’on
ne pense, sur leur manière des’instruire;
desprogrès qu’ils peuvent
faire dans les diverses branches de nosconnaissances ;
desjouissances
que ,malgré
la
3I7
QUESTIONS RÉSOLUES.
la
privation
du sens de la vue , ils sontsusceptibles
degoûter;
ainsique des désirs et de la tristesse que leur
état , comparé à
celui dureste des
hommes , peut
leur faireéprouver.
Jepourrais
enfin com-parer, sous divers rapports ,
l’aveugle
de naissance à celuiqui perd
la vue dans un
âge
où il adéjà acquis
et où ilpeut
conserver danssa mémoire les diverses notions dont cet organe est la source ; mais
je
crains d’avoirdéjà trop
abusé del’indulgence
de voslecteurs ;
et
je
croisplus convenable, à
moins d’une nouvelleprovocation ,
soit deleur part,
soit de lavôtre,
de terminerici ,
en vouspriant d’agréer,
etc.Angers,
le14
de novembre 1812.QUESTIONS RÉSOLUES.
Démonstrations des deux théorèmes de géométrie énoncés
à la page I96 de
cevolume ;
LE GRAND
FERRIOT
etLAMBERT
VECTEN LABROUSSE
ROCHAT , PENJON ,
GOBERT
C. BEAUCOURT
J. F. FRANÇAIS
Par MM. LE GRAND , élève
àl’école normale ,
FERRIOT
etLAMBERT , professeurs
aulycée de
Besancon ,
VECTEN, professeur
aulycée de Nismes LABROUSSE, professeur
àMontélimart ,
ROCHAT , professeur de navigation
àSt-Brieux , PENJON, professeur
aulycée d’Angers ,
GOBERT, élève de M. Penjon,
C. BEAUCOURT, élève
aulycée de Nismes ,
J. F. FRANÇAIS , professeur
àl’école de l’artillerie-
et
du génie, Etc. y etc. 3
etc.THÉORÈME
1. Leplan qui divise
l’un desangles
dièdres d’un tétraèdre en deuxparties égales , partage
l’aréteopposée
en deuxTom. III.