2 Distributions en dimension d = 1
2.1 D´ efinitions et exemples
SoitI⊂Run intervalle ouvert. On noteD(I) =C0∞(I).
D´efinition 2.1. Soit f : D(I) → RouC une fonctionnelle lin´eaire. On dit quef est unedistribution surI si pour tout ensemble compactK⊂I il existe un entierm≥0 et une constanteC >0 tels que
|f(ϕ)| ≤CkϕkCm(K) pour toutϕ∈C0∞(K),
o`uC0∞(K) d´esigne l’espace des fonctionsϕ∈C0∞(I) avec un support dansK, kϕkCm(K):= sup
x∈K m
X
l=0
|ϕ(l)(x)|.
On noteD′(I) l’ensemble des distributions sur I; c’est un espace vectoriel.
La valeur def surϕest not´ee
f(ϕ) = (f, ϕ) = Z
I
f(x)ϕ(x)dx.
Exemples 2.2. (a) Fonction de Dirac:
δ(ϕ) =ϕ(0).
(b) Soitcl ∈R et al ∈I pour l = 1, . . . , m. Alors la fonctionnelle f d´efinie par
f(ϕ) =
m
X
l=0
clϕ(l)(al) est une distribution.
(c) Soit f ∈ L1loc(I). Alors on peut consid´erer f comme une distribution surI:
f(ϕ) = Z
I
f(x)ϕ(x)dx.
Proposition 2.3. Une fonctionnelle lin´eairef :D(I)→Rest une distribution si et seulement si elle poss`ede la propr´et´e suivante :
(P) si{ϕj} ⊂ D(I) est une suite telle que
suppϕj ⊂K pour tout j≥1 (2.1) kϕjkCm(K)→0 quandj→ ∞pour toutm≥0, (2.2) o`uK⊂I est un compact, alorsf(ϕj)→0 quandj→ ∞.
D´emonstration. Il est claire que si f est une distribution, alors elle v´erifie la propri´et´e (P). Montrons l’implication r´eciproque. Supposons qu’il existe un compactK⊂I et une suiteψj⊂C0∞(K) tels que
|f(ψj)| ≥jkψjkCj(K) pour toutj≥1.
Soit
ϕj(x) = ψj(x) jkψjkCj(K)
.
Alors la suite{ϕj} v´erifie les propri´et´es (2.1), (2.2). D’autre part, |f(ϕj)| ≥1 pour toutj ≥1. La contradiction obtenue montre quef est une distribution.
Exemple 2.4. Valeur principale de x1. On d´efinit une fonctionnelle par v.p.1
x(ϕ) = lim
ε→0
Z
|x|>ε
ϕ(x) x dx.
Montrons que v.p.x1 est une distribution sur R. Soit ϕ∈ D(R) une fonction port´ee par l’intervalle [−R, R]. Alors
v.p.1
x(ϕ) = lim
ε→0
Z −ε
−R
ϕ(x)−ϕ(0)
x dx+
Z ε
R
ϕ(x)−ϕ(0)
x dx
= Z R
−R
Z 1
0
ϕ′(tx)dtdx.
Donc v.p.1x est bien d´efini et lin´eaire. Montrons que v.p.1x v´erifie la pro- pri´et´e (P) de la proposition 2.3. Supposons que {ϕk} ⊂ D(R) est une suite telle que (2.1), (2.2) ont lieu. Alors
v.p.x1(ϕk) ≤ sup
|x|≤R|ϕ′k(x)| →0 quandk→ ∞.
Exercice2.5. Soit{al} ⊂Iune suite sans point d’accumulation dansIetcl∈R des constantes. Montrer que la fonctionnellef d´efinie par
f(ϕ) =
∞
X
l=0
clϕ(l)(al)
est une distribution surI.
2.2 Convergence des distributions
D´efinition 2.6. Soitfn, f ∈ D′(I). On dit que la suite {fn} converge versf dansD′(I) si
fn(ϕ)→f(ϕ) quandn→ ∞ pour toute fonctionϕ∈ D(I).
Exemples 2.7. (a) Soit
fn(x) = n
√2πe−n2x2/2.
Alors{fn} converge versδdansD′(R). En effet, soitϕ∈ D(R). Alors fn(ϕ) = n
√2π Z
R
e−n2x2/2ϕ(x)dx
= 1
√2π Z
R
e−y2/2ϕ(y/n)dy→ϕ(0) quand n→ ∞,
o`u on a utilis´e le th´eor`eme de Lebesgue sur la convergence domin´ee.
(b) Soitfε(x) =x+iε1 avecε >0. Montrons que fε→ −iπδ+ v.p.1
x quandε→0+. Soitϕ∈ D(R) with suppϕ⊂[−R, R]. Alors
ε→0lim+fε(ϕ) = lim
ε→0+
Z R
−R
ϕ(x) x+iεdx
= lim
ε→0+
Z R
−R
(x−iε)
x2+ε2 dx ϕ(0) + Z R
−R
ϕ(x)−ϕ(0) x+iε dx
=−2iϕ(0) lim
ε→0+arctanR ε +
Z R
−R
ϕ(x)−ϕ(0)
x dx
=−iπϕ(0) + v.p.1 x(ϕ).
Exercice 2.8. (i) Soitω∈C0∞(R) une fonction telle que ω≥0,
Z
R
ω(x)dx= 1.
Montrer que la suiteωn(x) =nω(nx) converge vers la fonction de Diracδ quandn→ ∞.
(ii) Soitfn(x) = πx1 sin(nx). Montrer quefn→δ dansD′(R) quandn→ ∞. Indication: utiliser le fait que
Z A
−A
sinx
x dx→π quand A→+∞.
Th´eor`eme 2.9. (sans d´emonstration)Soit{fn} ⊂ D′(I)une suite telle que {fn(ϕ)} converge pour toute fonction ϕ ∈ D(I). Alors il existe f ∈ D′(I) tel quefn→f dansD′(I) quandn→ ∞.
2.3 Support des distributions
D´efinition 2.10. Soit f ∈ D′(I) une distribution et J ⊂ I un ouvert. On dit que f est nulle sur J si f(ϕ) = 0 pour toute fonctionϕ ∈ D(I) telle que suppϕ⊂J. Sig∈ D′(I) est une autre distribution, alors on dit quef est ´egale
`
ag sur J si la diff´erencef−g est nulle surJ.
Proposition 2.11. Soit f ∈ D′(I) et J ⊂I un ouvert. Supposons que pour toutx∈J il existe un voisinageOx⊂Itel que f = 0surOx. Alorsf est nulle surJ.
D´emonstration. Soitϕ∈ D(J), c’est-`a-dire,ϕ∈ D(I) et suppϕ⊂J. On veut montrer quef(ϕ) = 0. Par l’hypoth`ese, pour toutx∈suppϕil existe un ouvert Ox⊂I tel quef = 0 surOx. Comme suppϕest compact, on peut choisir des pointsx1, . . . , xm∈I tels que
suppϕ⊂
m
[
j=1
Oxj. (2.3)
Soit{ϕj} une partition de l’unit´e subordonn´ee au recouvrement (2.3), c’est-`a- dire,ϕj ∈C0∞(Oxj) pourj= 1, . . . , m etP
jϕj = 1 sur suppϕ. Alors f(ϕ) =
f,
m
X
j=1
ϕjϕ
=
m
X
j=1
(f, ϕjϕ) = 0, o`u on a utilis´e le fait queϕjϕ∈C0∞(Oxj).
D´efinition 2.12. Soitf ∈ D′(I). On noteNf⊂Il’ouvert maximal sur lequelf est nulle. Le compl´ementaire deNf dans I est appel´e lesupport de f et not´e suppf.
Exemple 2.13. Montrons que suppδ = {0}. En effet, si ϕ ∈ D(R) est une fonction telle que suppϕ⊂R\ {0}, alorsδ(ϕ) =ϕ(0) = 0.
Th´eor`eme 2.14. Soitf ∈C(I). Alors le support def au sens des distributions est confondu avec le support usuel def, c’est-`a-dire,
suppf ={x∈I, f(x)6= 0}. (2.4) D´emonstration. On note F l’ensemble figurant dans le membre de droite de la relation (2.4). Il est claire que siϕ ∈ D(I) est une fonction avec un support dansI\F, alorsf(ϕ) = 0. Donc, suppf ⊂F.
Montrons maintenant queF ⊂suppf. Soitx0∈/ suppf. Alors il existe un intervalle ouvertJ ⊂I contenant le pointx0 tel que la distributionf est nulle surJ. Montrons quef(x) = 0 pour tout x∈J. Si ce n’est pas le cas, alors il existe un intervalleJ′⊂J et une constanteε >0 tel que
|f(x)| ≥ε pourx∈J′.
Soit ϕ ∈ D(J′) une fonction non n´egative qui n’est pas identiquement nulle.
Alors
|f(ϕ)|= Z
J′
f(x)ϕ(x)dx ≥ε
Z
J′
ϕ(x)dx6= 0.
Donc,f n’est pas nulle surJ. La contradiction obtenue entraˆıne quef(x) = 0 pour toutx∈J, d’o`u on conclut quex0∈/ F.
Exercice2.15. Soitf ∈ D′(I) etϕ∈ D(I). Supposons que suppf∩suppϕ=∅. Montrer que (f, ϕ) = 0.