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Schizophrénie ou syndrome d Asperger?

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Texte intégral

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Schizophrénie ou syndrome d’Asperger ?

David Da Fonseca1,2, Marine Viellard1, Eric Fakra3, Delphine Bastard-Rosset1,2, Christine Deruelle2, François Poinso1,2

1. Centre Ressources Autisme PACA, Service de pédopsychiatrie, Hôpital Sainte-Marguerite, F-13009 Marseille, France

2. Institut des neurosciences cognitives de la Méditerranée, UMR 6193, CNRS et Université de la Méditerranée, F-13000 Marseille, France

3. Fédération de psychiatrie adulte, Hôpital Sainte-Marguerite, F-13009 Marseille, France

Correspondance :

David Da Fonseca,270 boulevard Sainte-Marguerite, F-13009 Marseille, France.

Tel. : +33 4 91 74 62 53 david.dafonseca@ap-hm.fr Disponible sur internet le :

15 avril 2008

Mise au point

Key points

Schizophrenia or Asperger syndrome?

Patients with Asperger syndrome are often diagnosed late or are wrongly considered to have schizophrenia.

Misdiagnosing Asperger syndrome creates serious problems by preventing effective therapy.

Several clinical signs described in Asperger syndrome could also be considered as clinical signs of schizophrenia, including impaired social interactions, disabilities in communication, restricted interests, and delusions of persecution.

A number of clinical features may facilitate the differential diagnosis: younger age at onset, family history of pervasive developmental disorder, recurring conversations on the same topic, pragmatic aspects of language use, oddities of intonation and pitch, lack of imagination, and incomprehension of social rules are more characteristic of Asperger syndrome.

Accurate distinction between Asperger syndrome and schizo- phrenia would make it possible to offer more treatment appropriateto the patient’s functioning.

Points essentiels

Les patients ayant un syndrome d’Asperger sont souvent diag- nostiqués tardivement ou considérés à tort comme des patients atteints de schizophrénie.

La méconnaissance du syndrome d’Asperger est un véritable problème, car elle est bien souvent à l’origine d’une prise en charge inefficace.

Certains signes cliniques décrits dans le syndrome d’Asperger peuvent être considérés comme des signes cliniques de la schizophrénie : l’altération des interactions sociales, les capacités de communication, les intérêts restreints et les éléments de persécu- tion.

Un certain nombre d’éléments facilite le diagnostic différentiel: l’âge d’apparition des troubles, les antécédents familiaux de troubles envahissants du développement, les conversations récurrentes autour de thèmes précis, les aspects pragmatiques du langage, le ton assez singulier, le manque d’imagination et l’incompréhension des conve- nances sociales sont plus caractéristiques du syndrome d’Asperger.

La reconnaissance du syndrome d’Asperger au détriment du diagnostic de schizophrénie permet d’éviter quelques écueils au niveau de la prise en chargeet offre surtout la possibilité de mettre en place une prise en charge plus adaptée au fonctionnement du patient et de sa famille.

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ans Asperger a décrit en 1944 des patients atteints de

«psychopathie autistique», caractérisée par une altération de leurs capacités de socialisation et de communication[1]. Ces patients avaient également des centres d’intérêt inhabituels de par leur nature et leur intensité, ainsi que des comportements répétitifs et stéréotypés. Ce syndrome d’Asperger, moins célèbre que l’autisme décrit à la même époque par Léo Kanner [2], est mieux connu depuis l’article de revue de Lorna Wing paru en 1981[3]. Mais il aura fallu attendre la 4eédition du DSM [4] pour voir apparaître le syndrome d’Asperger dans les classifications internationales (encadré 1).

Actuellement, le syndrome d’Asperger fait partie du cadre plus vaste des troubles envahissants du développement (TED). Il est considéré comme un trouble neurodéveloppemental, avec une origine plurifactorielle, faisant intervenir probablement des facteurs de susceptibilité génétique et des facteurs environne- mentaux[5].

Le diagnostic de syndrome d’Asperger est généralement fait beaucoup plus tardivement que le diagnostic d’autisme[6]. Sa prévalence actuelle est de 10,1/10 000 et reste inférieure à celle de l’autisme typique (21,6/10 000) et à celle des troubles envahissants non spécifiés (32,8/10000)[7]. Lesex ratiovarie de 4 à 8 garçons pour 1 fille. Celles-ci ont en général des comportements sociaux plus adaptés que les garçons et une symptomatologie plus discrète. Les pédopsychiatres, familia- risés avec le spectre élargi des troubles autistiques, diagnosti- quent de mieux en mieux le syndrome d’Asperger chez les enfants d’âge scolaire. En revanche, il reste largement sous- diagnostiqué chez les adolescents et les adultes, encore sou- vent considérés à tort comme des patients atteints de schi- zophrénie[8].

Cette méconnaissance du trouble est un véritable problème, car elle est bien souvent à l’origine d’une prise en charge ineffi- cace. Il nous a donc semblé particulièrement intéressant de réaliser une mise au point afin de sensibiliser les praticiens au diagnostic différentiel entre le syndrome d’Asperger et la schizophrénie.

Pourquoi de telles difficultés diagnostiques ?

La confusion entre la schizophrénie et la pathologie autistique au sens large n’est pas récente. En effet, le terme d’autisme, utilisé initialement en 1911 par Bleuler[9] pour désigner le repli des patients schizophrènes, a été repris en 1943 par Kanner[2]pour décrire des enfants présentant une altération des interactions sociales et de la communication. L’utilisation du terme«autisme»dans les deux troubles illustre bien cette confusion. Et ce n’est qu’à la suite des travaux de Kolvin et de Rutter en 1971 [10,11] que la distinction entre autisme et schizophrénie a été faite au sein des classifications internatio- nales, avec le DSM-III et la CIM-9[12,13].

Bien que mieux connu depuis quelques années, le syndrome d’Asperger reste difficile à diagnostiquer du fait d’une noso- graphie encore imprécise. Il existe en effet plusieurs classifica- tions qui présentent chacune des critères de diagnostic différents[4,14–16].

D’un point de vue clinique, il semble que la distinction entre ces deux entités cliniques ne soit pas toujours aisée. En effet, certains signes cliniques décrits dans le syndrome d’Asperger

Mise au point

E n c a d r e´ 1

Crite`res diagnostiques du syndrome d’Asperger d’apre`s le DSM-IV

A- Altération qualitative des interactions sociales, comme en témoignent au moins 2 des éléments suivants :

1. altération marquée dans l’utilisation, pour réguler les inter- actions sociales, de comportements non verbaux multiples, tels que le contact oculaire, la mimique faciale, les postures corporelles, les gestes ;

2. incapacité à établir des relations avec les pairs correspon- dant au niveau de développement ;

3. le sujet ne cherche pas spontanément à partager ses plaisirs ou ses réussites avec les autres (p. ex., il ne cherche pas à montrer, à désigner du doigt ou à apporter les objets qui l’intéressent) ;

4. manque de réciprocité sociale ou émotionnelle.

B- Caractère restreint, répétitif et stéréotypé des comportements, des intérêts et des activités, comme en témoigne au moins un des éléments suivants :

1. préoccupation circonscrite à un ou plusieurs centres d’intérêt stéréotypés et restreints, anormale soit dans l’intensité soit dans son orientation ;

2. adhésion apparemment inflexible à des habitudes ou à des rituels spécifiques et non fonctionnels ;

3. maniérismes moteurs stéréotypés et répétitifs (p. ex., bat- tements ou torsions des mains ou des doigts, mouvements complexes de tout le corps) ;

4. préoccupations persistantes pour certaines parties des objets.

C- La perturbation entraîne une altération cliniquement significa- tive du fonctionnement social, professionnel, ou dans d’autres domaines importants.

D- Il n’existe pas de retard général du langage significatif sur le plan clinique (p. ex., la personne utilise des mots isolés vers l’âge de 2 ans et des phrases à valeur de communication vers l’âge de 3 ans).

E- Au cours de l’enfance, il n’y a pas eu de retard significatif sur le plan clinique dans le développement cognitif ni dans le déve- loppement, en fonction de l’âge, des capacités d’autonomie, du comportement adaptatif (sauf dans le domaine de l’inter- action sociale) et de la curiosité pour l’environnement.

F- Le trouble ne répond pas aux critères d’un autre trouble envahissant du développement spécifique ni à ceux d’une schizophrénie.

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peuvent prêter à confusion. À l’instar de la schizophrénie, on retrouve plus de sujets masculins présentant des troubles envahissants du développement que de sujets féminins[5].

L’altération des interactions sociales, maître symptôme des troubles envahissants du développement, peut être difficile à distinguer des périodes de retrait social retrouvées dans la schizophrénie. Les personnes atteintes du syndrome d’Asper- ger ont un contact singulier du fait de leur difficulté à reconnaître et à exprimer leurs émotions de façon adaptée.

Leur absence apparente d’affects, la rareté du contact ocu- laire et le manque d’expressivité de leur visage peuvent également donner une impression de bizarrerie, qui peut être prise à tort pour la discordance décrite dans la schi- zophrénie.

Dans le syndrome d’Asperger, les capacités de communication sont altérées. Le langage verbal est singulier, peu informatif. La voix est souvent monocorde et de tonalité aiguë. Le domaine de la pragmatique, qui donne sa valeur de communication au langage, est particulièrement touché. Les sujets ont beaucoup de mal à comprendre les indices verbaux et non verbaux permettant de participer à une conversation en tenant compte de l’interlocuteur. Aussi, leur discours semble hermétique, émaillé de néologismes et d’explications étranges, ces signes pouvant s’apparenter également aux troubles du cours de la pensée, caractéristiques de la schizophrénie.

Dans le syndrome d’Asperger, il n’est pas rare de trouver des éléments de persécution liés probablement à la difficulté que rencontrent les patients pour décoder les émotions d’autrui. Le comportement des autres, leurs mimiques et leurs intonations peuvent être mal interprétés. L’entourage est alors considéré à tort comme indifférent ou hostile, ce qui engendre quelquefois des réponses agressives[8]. Pour certains auteurs, cette mau- vaise interprétation des actions et des intentions d’autrui serait en lien avec une altération de la théorie de l’esprit[17–19]. En revanche, chez les patients schizophrènes, les éléments de persécution fréquemment retrouvés sont liés à des méca- nismes plus complexes. S’ils peuvent en partie être expliqués par une altération de la théorie de l’esprit, ils sont fortement renforcés d’une part par les hallucinations et d’autre part par l’attribution excessive de la survenue d’évènements négatifs à des éléments extérieurs (délire de mécanisme interprétatif) [17].

Enfin, les intérêts restreints peuvent être également considérés à tort comme une perte d’intérêt ou une apathie et les comportements stéréotypés peuvent faire évoquer l’aspect déficitaire d’un trouble psychotique.

Par ailleurs, la comorbidité fréquente avec d’autres troubles tels que le trouble déficit attentionnel avec hyperactivité (TDAH), les troubles obsessionnels compulsifs (TOC), les troubles anxio- dépressifs, le retard mental voire même la schizophrénie, majorent un peu plus encore les difficultés diagnostiques [5,15].

Comment différencier le syndrome d’Asperger et la schizophrénie ?

Malgré les similitudes décrites précédemment, un certain nombre d’éléments facilitent le diagnostic différentiel.

En premier lieu, les TED débutent généralement très tôt, avant l’âge de trois ans. Le diagnostic de schizophrénie est fait habituellement plus tardivement, même dans les formes de schizophrénie infantile les plus précoces[8].

Par ailleurs, la recherche d’antécédents familiaux de schi- zophrénie ou de TED peut également donner quelques indica- tions.

Une analyse séméiologique minutieuse permet de distinguer la schizophrénie du syndrome d’Asperger. L’isolement social est présent dans les deux cas, mais les patients atteints du syn- drome d’Asperger peuvent développer des relations de meil- leure qualité avec certaines personnes, notamment par le biais de conversations récurrentes autour des thèmes qui les in- téressent (philosophie, culture, sport, informatique). Leur dis- cours reste généralement logique, bien organisé autour de thèmes très précis et détaillés.

Sur le plan langagier, certains aspects semblent beaucoup plus spécifiques du syndrome d’Asperger. Les difficultés sont en effet essentiellement centrées sur les aspects pragmatiques du langage. Les difficultés de compréhension du second degré, le manque d’imagination, l’incompréhension des convenances sociales et les questions incessantes sont autant d’éléments particulièrement fréquents chez les sujets atteints du syndrome d’Asperger. Un débit, un niveau sonore et une prosodie mal adaptés sont également présents. L’expression est très lit- térale, ce qui donne un aspect très précieux au discours. De surcroît, celui-ci foisonne de détails et se transforme en un monologue interminable.

Sur le plan du comportement, les patients atteints du syndrome d’Asperger supportent difficilement certains changements, même mineurs, qui surviennent dans leur environnement. Ils peuvent alors avoir des crises d’angoisse extrêmement in- tenses, qui peuvent n’avoir aucun sens pour leur entourage.

D’autres particularités de fonctionnement sont caractéris- tiques du syndrome d’Asperger. Ces patients manifestent des compétences en secteur avec des capacités mnésiques qui peuvent être très développées (par exemple calendrier, résultats de sport, plaques minéralogiques). Les intérêts inhabituels dans leur intensité (films d’horreur, violence, sexualité) contrastent avec leur isolement social et leur ap- parente timidité. Des sujets récurrents tels que le sport, les voitures, ou les bandes dessinées vont envahir bien souvent toutes les discussions sans pour autant basculer dans un discours incohérent. Enfin, il semble que les sujets Asperger ont également quelques atypies dans le domaine de la motricité globale et fine, associées à des mouvements stéréotypés.

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Quelle comorbidité entre syndrome d’Asperger et schizophrénie ?

Sur le plan developpemental, il semble que les troubles en- vahissants du développement débutent plus précocement que la schizophrénie. Pourtant plusieurs études montrent certaines particularités qui peuvent être repérées très précocement dans le développement des patients schizophrènes[20,21]. En effet, l‘isolement et l’inadaptation sociale font partie des signes prodromiques aspécifiques de la schizophrénie[22]. Certains auteurs ont même montré que ces signes pouvaient apparaître dès les premières années, bien avant que le diagnostic de schizophrénie ne soit fait. Dans une étude rétrospective récente, Muratoriet al.[20]ont retrouvé chez des adolescents schizophrènes des interactions sociales significativement al- térées entre 4 et 11 ans par rapport aux adolescents contrôles.

Bien qu’elles entretiennent la confusion entre la schizophrénie et le syndrome d’Asperger, ces particularités développemen- tales signent probablement une origine neurodéveloppemen- tale de la schizophrénie. Par ailleurs, certains enfants ont eu des signes évocateurs de trouble autistique, sans toutefois en valider tous les critères avant de recevoir plus tard un diagnostic de schizophrénie[23].

Enfin, bien que le diagnostic d’Asperger se fasse après élimi- nation d’un diagnostic de schizophrénie, ces deux diagnostics ne sont pas exclusifs : ainsi le DSM IV stipule qu’un diagnostic de schizophrénie peut être porté de manière additionnelle à celui de TED, à condition que le tableau de TED s’accompagne d’idées délirantes ou d’hallucinations prononcées (pendant au moins 1 mois) répondant favorablement au traitement. Ceci illustre l’enchevêtrement des symptômes de ces deux trou- bles, particulièrement marqué pour le dysfonctionnement social et les activités, bien que cette association soit jusqu’à présent rarement décrite[24,25]. Dans l’étude de Sporn[21], 25 % des patients atteints de schizophrénie à début précoce ont également des signes de TED. En revanche pour de nom- breux auteurs, la prévalence de la schizophrénie chez les personnes autistes est la même que dans la population générale[26,27].

Cependant, les similitudes développementales entre les deux troubles ont incité certains à émettre l’hypothèse selon laquelle la schizophrénie ferait partie des troubles faisant intervenir des facteurs neurodéveloppementaux comme les TED, et pourrait partager avec eux certaines particularités repérées au cours du développement précoce [25]. Enfin, pour d’autres auteurs, l’autisme serait un facteur de risque pour la survenue ultérieure d’un trouble psychotique[8,28].

Quel est l’intérêt du diagnostic différentiel ?

Compte tenu de tous ces éléments, ce n’est qu’après une observation clinique minutieuse nécessitant souvent plu-

sieurs rencontres que le diagnostic pourra être fait. L’annonce du diagnostic de syndrome d’Asperger peut avoir un impact considérable sur le patient et sa famille. Paradoxalement, les patients et leurs proches ressentent souvent un certain soulagement à l’annonce du diagnostic. Pour les patients tout d’abord, l’annonce du diagnostic va leur permettre de mieux comprendre leurs difficultés grâce à diverses sources d’informations. Ils vont ainsi apprendre à mieux se connaître et pourront aussi plus facilement expliquer à leur entourage leurs particularités. Ce diagnostic posé peut également permettre certains aménagements au niveau scolaire ou professionnel de manière à faciliter leur adaptation.

Le fait de mettre un nom sur une symptomatologie déroutante va permettre aux parents de mieux comprendre et de mieux appréhender leur enfant, qui semble«différent des autres» depuis toujours. Leurs demandes seront en effet plus en adéquation avec les possibilités réelles de leur enfant. L’an- nonce du diagnostic et les informations données sur la patho- logie permettent souvent de diminuer la culpabilité des parents et leurs croyances erronées. En effet, les difficultés sociales présentées par les enfants souffrant du syndrome d’Asperger sont malencontreusement souvent mises sur le compte d’une éducation laxiste et défaillante. Ces attributions erronnées sont renforcées par l’idée selon laquelle les troubles ne sont pas assez sévères pour constituer en soit un réel trouble psycho- pathologique. Par ailleurs, l’idée d’une origine neurodévelop- pementale rend moins mystérieux les troubles psychologiques de leur enfant.

Enfin, le diagnostic permet également aux parents de se mettre en relation avec d’autres parents ayant les mêmes difficultés par le biais des associations de parents.

Mais la reconnaissance du syndrome d’Asperger au détriment du diagnostic de schizophrénie va surtout permettre d’éviter quelques écueils au niveau de la prise en charge. En effet, certains patients reçus aux urgences psychiatriques et hospi- talisés à de nombreuses reprises dans les services de psychia- trie pour adultes à l’occasion d’une majoration de la symptomatologie ou d’un trouble psychiatrique comorbide ont en fait un syndrome d’Asperger méconnu. Dans leur étude, Rajaet al.[8]ont faita posteriori5 diagnostics de syndrome d’Asperger chez des patients hospitalisés aux urgences psy- chiatriques qui avaient reçu divers diagnostics allant de la schizophrénie à un trouble de la personnalité schizoptypique.

Les auteurs soulignent que le diagnostic de syndrome d’Asper- ger est encore plus difficile à faire aux urgences sur un temps d’observation très court.

Cette méconnaissance du diagnostic de syndrome d’Asperger conduit bien souvent à la prescription de neuroleptiques mo- tivée par l’agressivité envers l’entourage ou les éléments de persécution. Malheureusement les neuroleptiques sont peu efficaces sur les éléments de persécution présents dans le

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syndrome d’Asperger, avec de surcroît un risque d’effets indésirables non négligeable. En revanche, les antipsychotiques atypiques peuvent s’avérer utiles sur le plan symptomatique pour diminuer l’irritabilité ou l’agressivité des patients Asperger.

Les patients souffrant de syndrome d’Asperger et pour lesquels un diagnostic de schizophrénie a été fait à tort sont donc souvent considérés comme ayant des troubles

« résistant au traitement ». Quelquefois des traitements lourds comme l’électroconvulsivothérapie sont entrepris, sans succès. Cette inefficacité du traitement accroît bien souvent la détresse du patient et de sa famille qui se tournent alors vers diverses prises en charge plus ou moins adaptées [29].

Il convient par conséquent d’arrêter les traitements médica- menteux inefficaces et de mettre en place une prise en charge psychologique adaptée, centrée plus spécifiquement sur les habiletés sociales. Une approche psychoéducative avec les patients et leur famille est également indiquée. Ce type de prises en charge est malheureusement encore très peu déve- loppé en France, malgré des résultats probants. L’instauration rapide d’une prise en charge adaptée permet en effet de réduire la survenue ultérieure de troubles du comportement [30].

Conclusion

Le diagnostic de syndrome d’Asperger est encore trop souvent fait tardivement. Le diagnostic de schizophrénie est quelquefois évoqué à tort, avec l’instauration de traitements lourds et inefficaces. La différenciation de ces deux troubles n’est pas toujours aisée, du fait des similitudes retrouvées au niveau de la symptomatologie, avec une origine neurodéveloppementale dans les deux cas. C’est pourquoi, il est important de reprendre le plus précisément possible les étapes du développement précoce, et de discuter systématiquement les critères permet- tant de faire le diagnostic de syndrome d’Asperger en fonction des différentes classifications (critères de Gillberg 1991, critères du DSM-IV 1994). Dans ce cadre, l’utilisation d’entretien struc- turé tel que l’ADI-R (Autistic Diagnosis Interview-Revised)[31]

s’avère particulièrement utile. Compte tenu de la complexité de ce type de trouble et du diagnostic différentiel, il semble nécessaire de proposer aux patients une évaluation pluridisci- plinaire, au sein d’une équipe spécialisée incluant psychiatres, psychologues, orthophonistes, psychomotriciens, éducateurs et neuropédiatres. Cette démarche rigoureuse devrait permettre de limiter les difficultés diagnostiques. Elle vise également à mettre en place la prise en charge la plus adaptée au fonc- tionnement de l’enfant et de sa famille.

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