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La notion des infiniment petits chez les philosophes et les médecins du XVIIe et du XVIII siècles · BabordNum

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UNIVERSITE DE BORDEAUX

FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE

1926-1927 - N° 21

L1 NOTION DES INFINIMENT PETITS

CHEZ LES PHILO~OPHES

ET LES MÉDECINS DU xv1r E1

1

DU xvnr SIÈCLES

THÈSE POUR LE DOCTORAT EN. MÉDECINE

Présentée et soutenue publiquement le VPndrildi tO Décembre f926

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Yves - Marie PALUD

Élève du Service de Santé de la Marine

à CROZON (Finistère), le 1.1. Mai 1.901..

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. ~ ·MM. CRUCH~T, professeur... Prf.sident.

v . t d l rrl è CHAVANNAZ, professeur ... )

r.xamrna eurs e a l se MAURIAC, professeur... \ Juges.

. PAPIN, agrégé ... )

BORDEAUX

IMPRIMERIE VICTOR GAMBETTE 91., Cours de la Marne, 91.

1926

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UNIVERSITE DE BORDEAUX

FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE

1926-1927 -21

LA NOTION DES INFINIMENT PETITS

CHEZ LES PHILOSOPHES

ET LES MÉDECINS DU xv1r Er1

1

DU xvur SIÈCLES

THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE

Présentée el soutenue 1rnbliquemenl le Vendredi 10 Décembre i926

PAR

Yves - Marie PALUD

Élève du Service de Santè de la Marine

à CROZON (Finistère), le 1.1. Mai 1. 901..

· ( MM. GRUCHET, professeur... Prf.sident.

E . t d I 'l'i' ) CHAVANNAZ, professeur ....... î xam111a eu1·s e a 1ese · ~ MAURIAC, professeur..... c Juges.

PAPIN, agrégé ........ \

BORDEAUX

IMPRIMERIE VICTOR GAMBETTE 91., Cours de la Marne, 91.

1-926

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FACULTÉ DE MÉEJECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX

M. SIGALAS ....... Doyen.

PROFESSEURS HONORAIRES

MM. LANELONGUE, BADAL, PITRES, ARNOZAN, POUSSON, MOURE.

PROFESSEURS : MM.

Clinique médicale .. ·.···)

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Anatomie ... _ .. Anatomie g·énérale et histologie .. Physiologie ... . Hyg·iène ... . Médecine lég·ale et déontologie .. . Electroradiologie et clin. d'électricité médicale ..

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Orthopédie chez l'adulte, pour les accidentés du travail, les mutilés de g·uerre el les infirmes N.

Cours complémentaire annexe. - Prothèse et rééducation professionnelle... GOURDON.

Par délibération du 5 août 1.879, la Faculté a arrêté que les opinions émises dans les Thèses qui lui sont présentées doivent être considérées comme propres à leurs auteurs, et qu'elle entend ne leur donner ni.approbation ni improbation.

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lui ner

A LA MÉMOIRE DE MON PÈRE A LA MÉMOIRE DE MA SCEUR

A MA MÈRE

.fi quije dois tout.

A MES FRÈRES ET SŒURS

A TOUS LES MIENS

MEIS ET AMICIS

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A MONSIEUR LE MÉDECIN GÉNÉRAL BARTHÉLÉMY

DIHECTEUR DE L'[,COLE l'HINCIPALE

DU SERVICE DE SA;\TÉ DE LA i\IARINE ET DES THOLJI'ES COLONIALES C 0 :\DI ANDE U H DE LA LÉ G 1 0 N D' H 0 N N Ell Il.

OFFICIER DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE

A MONSIEUR LE MÉDECIN EN CHEF FOURGOUS

SOUS-DIRECTEUR DE L'ÉCOLE PRINCIPALE

DU SERVICE DE SANTÉ DE LA ;\lARINE ET DES TROUPES COLONIALES OFFICŒR DE LA LÉGION D'HONNEUR

OFFICIER D'ACADÉMIE

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A MES MAITRES

DE LA FACULTÉ DE MÉDECINE ET DES HOPITAUX

A MONSIEUR LE DOCTEUR PIERRE MAURIAC

PROFESSEUR DE MÉDECINE EXPÉRIMENTALE A LA FACULTÉ DE .MÉDECINE DE BORDEAUX

MÉDECIN DES HÔPITAUX CHRV.A.LIER DE LA LÉGION D'HONNEUR OFFICIER DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE

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A MON P:flÉSIDENT DE THÈSE

MON~EUR

LE DOCTEUR

REN~

CRUCHET

PROFESSEUR DE CLINIQUE MÉDICALE DES MALADIES DES ENFANTS A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE BORDEAUX

CHEVALIER DE LA LÉGIOI'<I D'HONNEUR CROIX DE GUERRE

OFFICIER DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE

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Au seuil que nous allons franchir de nos études médi- cales, nons ne saurions nous dispenser d'un devoir : celui de remercier tous ceux qui, au long de nos études, ont été nos guides moraux et intellectuels. Qu'ils trouvent ici l'expression émue de notre reconnaissance.

M. le Professeur . MAURIAC a été l'inspirateur de notre travail. Nous le remercions de la cordialité de son accueil et de la complaisance jamais lassée avec laquelle il nous a fait bénéficier de sa grande· érudition.

Nous prions M. le Professeur CRUCHET d'agréer nos sen- timents de gratitude pour le grand honneur qu'il nous a fait en acceptant de présider notre thèse.

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LA NOTION DES INFINl~IENT PETITS

CHEZ LES PHILOSOPHES

Err LES MÉDECINS DU XVIIe jjY1

1

DU XVIIIe SIÈCLE

INTRODUCTION

Philosophie et Médecine se touchent par trop de points pour qu'il soit nécessaire de justifier ici l'entreprise de rechercher chez des Philosophes le souci de grands pro- blèmes médicaux. Ceux-ci empruntent à leur nature même une valeur hautement philosophique. La médecine: dont l'objet est de conserver la vie, en est bien la science par excellence. La philosophie se propose de l'expliquer. Les deux sciences, différentes l'une de l'autre, marchent de concert en se prêtant un.mutuel appui. « Il faut transporter la Philosophie dans la Médecine, et la Médecine dans la Philosophie », écrivait HIPPOCRATE. Et Roger BACON affir- mait plus tard : « Toute Médecine qui n'est pas fondée sur la Philosophie est quelque chose de bien faible )) .

Or la Médecine, depuis PASTEUR, est entrée dans une voie nouvelle. La théorie des générations spontanées à jamais ruinée, et la découverte des infiniment petits, agents de la plupart des maladies, ont réalisé la plus extraordinaire des révolutions. A la vérité, l'éclosion magnifique des nouvelles idées fut de longtemps annoncée. Les biologistes de tous les temps avaient ouvert les voies au génie de PASTEUR; les soupçons mal exprimés des auteurs gréco-latins et les

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découvertes de SwAMMERDAM, LEUWENHŒCK, SPALLANZANI et autres, montrent que l'étincelle se transmettait, accrois,..

sant le brandon à chaque siècle. Dans. la main de PASTEUR, le flambeau allait briller d'un incomparable éclat.

Les Philosophes n'étaient pas demeurés étrangers à ce mouvement. Au xvne siècle, devançant les biologistes, ils admettaient. couramment l'existence. d'êtres infiniment petits, organisés, vivants pour tout dire. Et c'est en se réclamant d'eux que des médecins affirmaient à leur tour la possibilité d'organismes absolument imperceptibles à la vue, causes de.s maladies. Nous nous so;mmes proposé de le montrer ici, de façon trop incomplète.

Ces animalcules microscopiques, nos auteurs, d'une façon générale, les appellent des vers ou des insectes. Nous devons nous expliquer sur celà. Il est évident que ce qui aux xvne et xvme siècles est si souvent qualifié de ver ou d'insecte correspond exactement à ce que, aujourd'hui, nous appelons microbe. On ne s'étonnera pas que le mot microbe ne soit pas prononcé par les Philosophes ni par les Médecins de cette époque : il n'était pas encore inventé.

C'est SÉDILLOT, ancien Directeur de !'Ecole du Service de Santé Militaire de Strasbourg et membre de l'Académie de ly.[édecine, qui le proposa au mois de mars 1878. Il ne viendra à l'esprit de personne de penser que c'est de ce jour là seulement que date l'existence des microbes. Dès 1863, DAVAINE avait découvert l'agent pathogène du char- bon. Il l'appela bactéridie charbonneuse. Nul ne contestera que la bactéridie de DAVAINE ne soit un microbe. DAVAINE, cependant, ne l'appelle pas ainsi. Et pour cause. Question de mot mise à part, Philosophes et Médecins, armés de leur vocabulaire imparfait, devancent les découvertes pastoriennes : ils sont des précurseurs.

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PREMIÈRE PARTIE

LES PHILOSOPHES

Il est curieux de constater comme est ancienne, en Philo- sophie, la notion d'infini dans la pelitesse. Nous la voyons apparaître, après les spiritualistes qu'étaient SocRATE et PLATON, seulement .attachés à l'âme, avec les disciples d'ARISTOTE qui, le premier, mit en valeur les observations des sens. DÉMOCRITE dit que la nature pouvait pousser la division de la matière beaucoup au delà du terme où les portions divisées sont sensibles pour nous. Et, après lui, EPICURE affirma que les atomes générateurs surpassent infiniment en subtilité tout ce qu'il existe d'objets acces- sibles aux yeux.

Et voici que, dans les temps modernes, les découvertes biologiques vont, en quelque sorte, confirmer cette notion de petitesse.

Peu de temps après que de hardis navigateurs franchis- saient des océans inconnus et prenaient pied sur des terres nouvelles, les Savants faisaient des découvertes dont l'im- portance ne devait pas être moindre. En 1860, G:\LILÉE

« ayant reçu de Hollande le verre grossissant, construisit le télescope, le braqua et vit le Ciel » .1 Plus tard, les naturalistes destinaient à un autre emploi les verres con- caves et convexes qu'un moine inconnu du xme siècle avait inventés, et dans une simple goutte de liqueur découvraient

(1) MicHET. - L'Insecte, VIII.

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- 1 2 -

une création insoupçonnée avec une fièvre plus grande qu'avant eux les conquistadors penchés à l'avant des blanches caravelles et regardant monter

« Du fond de l'Océan des étoiles nouvelles. »

SwAMMERDAM (1637-1680), le premier dit-on, << entrevit l'infini vivant, le monde des atomes animés )) 1 LEUWEN- HŒCK (1632-1725), par le moyen de lentillès simples réunies et agencées par des viroles d'argent, étudia les poussières, les râclures, les mousses, et y trouva des bactéries. Dans la salive, le tartre dentaire, le suc intestinal, il découvrit des organismes et insista sur leurs différentes formes : bâton- nets, spirilles. Dans la· liqueur séminale, il vit le sperma- tozoïde qu'il appela homunculus. Avant eux, après eux, les noms se pressent: BoRELLI, GoDAERT, BoNONIUS, HERTZELIUS,

~TALLISMERI, BAKER, ETMULLER, SPALLANZANI.

On imagine avec quelle curiosité tous les esprits cultivés suivaient ces étonnantes découvertes. Jamais, d'ailleurs, plus qu'au xvne siècle, on ne se rendit compte « combien un cours de Philosophie serait incomplet s'il était privé des lumières que lui donnent les démonstrations anato- miques )) 2 A cette époque, les échanges entre Philosophes et Médecins sont incessants. Le1s Philosophes prêtent une attention passionnée à tout ce qui se fait dans l'art médical.

L'anglais HOBBES était l'ami intime d'HARVEY, et LocKE, le fondateur de la Psychologie, avait d'abord été médecin.

En France, c'est le Père MERSENNE qui répandit la décou- verte de PECQUET et son élève DESCARTES, dans ce fameux Discours de la Méthode, exposait la découverte d'HARVEY et se faisait le champion de la circulation. Il écrivait un Traité de l'Homme, puis un Traité de la formation du fœtus, faisait visite à PASCAL « en partie pour le consulter )) (J àcqueline PASCAL). Son adversaire, GASSENDI, se rencon- trait avec lui dans un goût commun pour l'anatomie, exact

(1 ~ MrcHET. - L'Insecte, VIII.

(:i) Cours d'opéralions de Chirurgie, par D10N1s, Paris, I jo7.

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à assister aux démonstrations anatomiques et disséquant lui-même. « Il a fait toute sa vie autant de cas de l'anatomie qu'il a eu de mépris pour l'astrologie >> 1, nous dit son biographe. Un de ses disciples fut SoRBIÈRE, un médecin, qui attaqua violemment DESCARTES, et c'est encore un médecin, BERNIER, qui était chargé de mettre en ordre ses écrits, ainsi que de MONTMORT. Chez celui-ci, académicien et Maître des Requêtes, Médecins et Philosophes se réunis- saient et discutaient de sciences en un siècle où, sur tout, on raffinait si volontiers. BossuET menait le Dauphin aux

« anatomies » de DuvERNEY, et plus attentif sans doute que son royal élève, tirait profit de ses observations pour son Traité de la connaissance de Dieu et de soi-même. Et à peu près dans le temps que le doux SPINOZA polissait avec habi- leté _des lentilles, MALEBRANCHE charmait ses loisirs en tail- lant ces verres limpides qui apportaient tant de révélations.

Elles se répandirent lentement parmi les· médecins qui n'avançaient qu'au prix de rudimentaires expériences. Mais dans leur cabinet les Philosophes allaient bien plus loin.

« Le meilleur des microscopes est un esprit pénétrant qui passe par ses conjectures beaucoup au delà de ces décou- vertes sensibles » 2Cet esprit ouvrait d'immenses horizons, les champs de recherche infinis que supporte la platine du microscope.

DESCARTES (1596-1650), dont l'autorité va être si grande, exprime l'insuffisance de nos sens. Il établit que

·nombre de chos.es leur échappent : « Mais peut-être encore que les sens nous trompent quelquefois touchant des choses fort peu sensibles », écrit-il dans sa première Méditation.

Et ailleurs : « Personne n'ignore qu'ils (les sens) nous trompent quelquefois, et que nous avons de solides raisons pour douter de ce qui nous a une fois induits en erreur » 3

(1) Le P. BouaGEUL. - Vie de Pierre Gassendi, Paris, Iï37.

(2) DUNCAN. - Histoire de l'animal, Montauban, 1686.

13) Recherche de Ja Vérité par la Lumière naturelle.

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De façon plus précise, et du point de vue de nos recher- ches, GASSENDI (1592-1656) va noter la déficience de notre vue. Nous trouvons dans un petit ouvrage 1 publié à Paris en 1669 l'expression de son sentiment : « Chacun sait que les sens extérieurs sont cinq, la vue, l'ouïe, le goût, l'odorat;

le cinquième retient le nom général de toucher. Chacun devrait savoir encore ce qu'il me semble avoir lu dans GASSENDI, qu'il nous manque un sixième sens pour distin- guer les petits corps, ceux par exemple qui sont dans le monde les causes des maladies et de la santé, et dans les Ecoles, les causes de tant d'hypothèses et de conclusions, la plupart fausses et inutiles ».Mais voi~à prévue l'existence des microbes pathogènes, et celle, même, de ces bons mi- crobes dont le bactériophage semble bien être le: type! Nous ne dirons pas, toutefois, que les discussions philosophiques, et tant d'autres moins courtoises, manifestent la présence d'un malin microbe.

Plus catégorique sera le PÈRE KIRCHER (1601-1680), Jésuite, Philosophe, et qui fut en son temps un prodigieux encyclopédiste, s'intéressant à l'histoire naturelle, à la Phy- sique, aux Mathématiques, aux Hiéroglyphes d'Egypte. Il prétendit avoir découvert à l'aide du microscope une sorte de « levain animé », constitué par des insectes très petits.

Il le considérait comme l'agent de la peste, partant des choses infectées par ce mal pour s'introduire dans le corps des personnes. << Il ajoute que ces mêmes insectes ont une viscidité gluante, qui les attache facilement aux matières sur qui ils tombent. ·» 1 BERTRAND les considère comme de simples agents vecteurs 2

(r) Nouveau cours de Médecine, où selon les Principes de la Nature et des Méca- niques, expliqués par MM. DEsCA.RTES, HoGELANDE, RÉGIUS, A.RnERIUS, 'i\r1LL1s, les Docteurs de Louvain et par d'autres; on apprend le cors de l'Home, avP.c le moyèn de conserver la Santé et de chasser les Maladies.

(2) Le Capucin charitable; moyens de se préserver de la peste, par le Père M. DE

TOULON, 1722.

(3) A. BERTRA:xD. - Mes vieux Médecins, Lyon, 1905.

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L'imagination de KmcHER le menait un peu loin. PASCAL (1623-1662), qui s'en tient à la Philosophie et aux Sciences exactes, admet cependant la possibilité d'infiniment petits:

« Quelque petit que soit un espace, on peut encore en considérer un moindre, et toujours à l'infini, sans jamais arriver à un indivisible qui n'ait plus aucune étendue » 1 Ainsi du monde animé. Après avoir confondu l'homme devant l'immense grandeur des. cieux, PASCAL le place devant l'infini de la petitesse dans la nature. « Mais, pour lui présenter un autre prodige aussi étonnant, qu'il recher- che dans ce qu'il connaît les choses les plus délicates, qu'un ciron lui offre dans la petitesse de son corps des parties incomparablement plus petites, des jambes avec des join- tures, des veines dans ces jambes, du sang dans ces veines, des humeurs dans ce sang, des gouttes dans ces humeurs, des vapeurs dans ces gouttes; que, divisant encore ces dernières choses, il épuise ses forces en ces conceptions et que le dernier objet où il peut arriver soit maintenant celui de mon discours; il pensera peut-être que c'est là l'extrême petitesse de la nature. Je veux lui faire voir là dedans un abîme nouveau. Je veux lui peindre non seulement l'unité visible mais l'immensité qu'on peut concevoir de la nature, dans l'enceinte de ce raccourci d'atome. Qu'il y voie une infinité d'univers dont chacun a son firmament, ses pla- nètes, sa terre, en la même proportion que le monde visi-

ble~ dans cette terre des animaux,_ et enfin des cirons, dans lesquels il trouvera ce que les premiers ont donné ; et trouvant encore dans les autres la même chose sans fin et sans repos, qu'il se perde dans ces merveilles aussi éton- nantes dans leur petitesse que les autres par leur étendue »2

L'éloquence d'une pareille page doit nous faire admir~r

combien le génie recrée tout ce que à quoi il touche. Admi- rables sont aussi, dans MALEBRANCHE (1638-1715) « ce

( 1) Opuscules géométriques.

( 2) Pensées.

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naturel exquis et cette grâce charmante » qu'il dut à sa mère et qui se retrouvent dans ces écrits. C'est lui surtout qui nous retiendra, car au long de son œuvre il semble avoir été véritablement hanté par ces infiniment petits~

Il note, dans ses Entretiens sur la Métaphysique, que « la matière est divisible à l'infini et que le petit n'est tel que par rapport au plus grand ». Il fait dire à THÉODORE, un des protagonistes de l'ouvrage, que, couché à l'ombre, il _ s'avise de remarquer la variété des herbes et des petits

animaux :

« THÉODORE. - Je. me mis à lire un livre 1 que j'avais sur moi, et j'y trouvai une chose fort étonnante, c'est qu'il y a dans le monde un nombre infini d'insectes pour le moins un million de fois plus petit que celui que je venais de considérer, cinquante mille fois plus petit qu'un grain de sable ...

» ... ARISTE. - Celà surprend un peu. Mais je vous prie, THÉODORE, -ces animaux imperceptibles à nos yeux, et qui paraissent à peu près comme des atomes avec de bons mcroscopes, sont-ce là les plus petits ? N'y en aurait-il pas beaucoup d'autres qui échapperont éternellement à l'indus-

trie des hommes ? Peut-être que les plus petits qu'on ait encore jamais vus sont aux autres, qu'on ne verra jamais) ce que l'éléphant est au moucheron. Qu'en pensez-vous ?_

» THÉODORE. - Nous nous perdons, ARISTE, dans le plus petit aussi bien que dans le grand. Il n'est personne qui puisse dire qu'il a découvert le plus. petit des animaux.

Autrefois c'était le ciron; mais aujourd'hui ce petit ciron est devenu monstrueux par sa grandeur. Plus on perf ec- lionne les microscopes, plus on se persuade que la petitesse de la matière ne borne point la sagesse du créateur, et qu'il forme du néant, même, pour ainsi dire, d'un atome qui ne

(1) C'est la Lettre de M. LEuRVENHœcK à M. WREN.

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tombe point sous nos sens, des ouvrages qui passent l'ima- gination, et même qui vont bien au delà des plus vastes intelligences. ))

Plus tard, dans son œuvre maîtresse, Recherche de la Vérité, MALEBRANCHE reviendra sur ces choses :

« On voit assez souvent avec des lunettes des animaux beaucoup plus petits qu'un grain de sable; qui est presque invisible; on en a vu même de mille fois plus petits. Ces atomes vivants marchent aussi bien qÙe les autres ani- maux. ~ls ont donc des jambes et des pieds, des ·os dans ces jambes pour les soutenir (ou plutôt sur ces jambes, car les os des insectes c'est leur peau); ils ont des muscles pour les remuer, des tendons et une infinité de fibres dans chaque muscle, et enfin du sang extrêmement subtil et délié pour remplir ou pour f ~ire mouvoir successivement ces mus- cles ...

)) L'imagination se perd et s'étonne à la vue d'une si étrange petitesse; elle ne peut atteindre ni se prendre à des parties, qui n'ont point de prises pour· elles; et quoique la raison nous convainque de ce qu'on vient de dire, les sens et l'imagination s'y opposent et nous obligent souvent d'en douter.

n Notre vue est très limitée, mais elle ne doit pas limiter son objet. L'idée qu'elle nous donne de l'étendue a des bornes fort étroites; inais il ne suit pas de là que l'étendue en ait Elle est sans doute infinie en un sens; et cette petite partie de matière, qui se cache à nos yeux, est capable de contenir un monde dans lequel il se trouverait autant de choses, quoique plus petites à proportion, que dans ce grand monde dans lequel nous vivons.

)) Les petits animaux dont nous venons de parler ont peut-être d'autres petits animaux qui les dévorent, et qui leur sont imperceptibles à cause de leur petitesse effrayante, de même que ces autres nous sont imperceptibles. Ce qu'un ciron est à notre égard, ces animaux le sont à un ciron, et

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peut-être qu'il y a dans la nature de plus petits, et de plus petits· à l'infini dans cette proportion, si étrange d'un homme à un ciron.

>> Nous avons des démonstrations évidentes et mathéma-

tiques de la divisibilité à l'infini; et celà suffit pour nous faire croire qu'il peut y avoir des animaux plus petits et plus petits à l'infini, quoique notre imagination s'effarouche à cette pensée ...

>> ••• L'expérience nous a déjà détrompés en cette partie,

en nous faisant voir des animaux mille fois plus petits qu'un ciron, pourquoi voudrions-nous qu'ils fussent les derniers et les plus petits de tous '?Pour moi, je ne vois pas qu'il y ait de raisons de se l'imaginer. Il est au contraire bien plus vraisemblable de croire qu'il y en a de beaucoup plus petits que ceux que l'on a découverts; car enfin les petits animaux ne manquent pas aux microscopes comme les microscopes manquent aux petits animaux. >>

Dans une langue d'une égale douceur, avec une clarté non moins grande, le délicat FENELON (1651-1715) exprime une idée analogue. Dans son Traité de !'Existence et des attributs de Dieu, après avoir, comme PASCAL, observé les merveilles qui éclatent dans les plus grands corps, il s'étonne que « l'ouvrage n'est pas moins admirable en petit qu'en grand >>. Il poursuit : « Je ne trouve pas moins en petit une espèce d'infini qui m'étonne et me surmonte.

Trouver dans un ciron, comme dans une baleine, des mem- bres parfaitement organisés; y trouver une tête, un corps, des j arobes, des pieds formés comme ceux des plus grands animaux. Il y a dans chaque partie de ces atomes vivants des muscles, des nerfs, des veines, des artères, du sang;

dans ce sang, des esprits, des parties rameuses et des humeurs; dans ces humeurs des gouttes composées elles- mêmes de diverses parties, sans qu'on puisse jamais s'arrê- ter dans cette composition infinie d'un tout si fini.

» Le microscope nous découvre, dans chaque objet,

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- 1 9 -

comme mille objets qui ont échappé à notre connaissance.

Combien y a-t-il, en chaque objet découvert par le micros- cope, d'autres objets que le microscope lui-même ne peut découvrir ? Que ne verrions-nous pas si nous pouvions subtiliser toujours de plus en plus les instruments qui viennent au secours de notre vue trop faible et trop gros- sière ? Mais suppléons par l'imagination à ce qui nous manque du côté des yeux; et que notre imagination elle- même soit une espèce de microscope qui nous représente à chaque atome mille mondes nouveaux et invisibles. Elle ne pourra pas nous figurer sans cesse de nouvelles décou- vertes dans les petits corps; elle se lassera, il faudra qu'elle s'arrête, qu'elle succombe, et qu'elle laisse enfin dans le plus petit organe d'un ciron, mille merveilles inconnues. >>

On ne peut qu'être frappé par l'identité de ces concep- tions sur la nature des infiniments petits. PASCAL, MALE- BRANCHE, FÉNELON les voient comme de véritables animaux, constitués comme tous les autres, avec « corps, yeux, jam- bes, pieds, os )). Et quoi d'étonnant à celà quand le micros- cope révélait que le ciron était un infime animal complet ! Les· Philosophes avaient beau jeu à aller plus outre, et en celà demeuraient logiques. M. le Professeur CRUCHET note très justement : « Cette conception, on en conviendra avec Pierre MAURIAC, est vraiment, aux yeux d'un médecin, la description du microbe deux cents an'5 avant sa découverte.

En réalité, le texte n'implique pas une telle précision ...

N'empêche que l'idée, telle qu'elle est, est infiniment plus juste, et plus belle, dans ses proportions idéales, que celle de ces savants germaniques qui affirmaient déjà tenir la vérité, avec des raisons soi-disant scientifiques qui sont de pures vues de l'esprit, ne reposant sur aucun fait démontré ))1

Juste, et féconde aussi cette idée : nous allons voir ce que des Médecins furent amenés à affirmer, à la suite des Philosophes.

(1) Journal de Médecine de Bordeaux. - R. CRVCHET: Jean Hameau, 25 avril 1g:l4.

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- 20 -

DEUXIÈME PARTIE

LES MÉDECINS

Il y aurait à entreprendre la réhabilitation de ces méde- cins du xvne siècle que MOLIÈRE fustigea et cloua pour jamais au pilori de son théâtre. Car tous ne furent pas de grotesques Diafoirus : « ·Il s'en faut que les fantoches qu'il anime sur la. scène représentent toute la médecine de son temps » 1 La vertu du grand siècle agissait sur les médecins comme sur tous, et, à l'aube du xvme siècle, ceux que nous allons citer apportaient à leurs recherches un véritable esprit critique et scientifique ; ils étaient des savants. Ils étaient aussi des hommes cultivés. Ils prati- quaient cette alliance de la Médecine et de la philosophie

·réclamée par GALIEN et, n'étant pas les homme d'une seule

science, ils ne craignaient pas d'adapter à leur art les idées qu'ils avaient découvertes chez les Philosophes.

* * *

C'est à l'occasion des maladies vénériennes que DEIDIER (1696-1746), Professeur en médecine à l'Université de Mont- pellier, et plus tard Conseiller-Médecin du Roi, affirma le rôle pathogène des vers, - car ce sont des « vers » qui, pour lul, sont responsables de la maladie vénérienne : nos

(1) P. MAURIAC. - Aux confins de la Médecine.

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autem ad vermes. Ils se trouvent dans les parties génitales de la femme malade et se reproduisent par des œufs. Ils sont invisibles. Comment alors affirmer leur existence ? C'est le traitement de la maladie qui va fournir la preuve.

Les maladies vénériennes sont améliorées par le mercure seul. C'est que le mercu,re agit sur les vers et sur leurs œufs. M ercurius autem vermiculos venereos- eorumque ova penitus discindit dissolvitque. Voilà la grande preuve : hoc est potissimum argumentum, quo maxime utitur conjec- tura vermium venereorum. De ce minéral remarquable (minerale illud), DEIDIER étudie les caractères et, dit-il, il faut constater que l'onguent mercuriel détruit les parasites

tels que les poux et leurs œufs. Ce qui autorise à croire qu~

le virus vénérien consiste en des vers. Quid ergo vertabit aff erere, virus vene~·eum esse vermiculorum illuvium, quo- nzm oua

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œcundata verno potissimum tempore exclu- duntzzr, et numerosissimam

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œturam excludunt ?

La grande peste de Marseille, en 1720, allait fournir à notre auteur l'occasion d'appliquer ses théories à une maladie nouvelle. DEIDiER fut envoyé avec un de ses col- lègues, CHICOYNEAU, pour combattre l'épidémie. CHICOYNEAU niait la contagion. DEIDIER se fit le champion de l'idée contraire et pensa à un virus dont les vers pourraient, comme pour la maladie vénérienne, être les éléments. Dans une lettre écrite à MoNTRESSE, Docteur en Médecine et agrégé de l'Université de Valence, il raconte ·ses expé- riences : « J'avais cru d'abord que la peste de Marseille pourrait bien dépendre d'une autre espèce de vers pesti- lentiels, qui nous avaient été portés de Seyde par le vais- seau du capitaine· CHATAUD, qui se seraient ensuite multi- pliés à l'indéfini pour répandre la peste partout. Pour m'assurer de cette conjecture, je fis préparer à Aix, par le chirurgien qui était venu avec moi', quantité d'onguent mercuriel. "Je priai le médecin qui s'enferma le premier dans les infirmeries de cette ville de faire donner des frictions avec cet onguent deux fois par jour sur les bubons

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pestilentiels.; d'en faire appliquer sur les charbons et les pustules charbonneuses. Je fis ensuite pousser ces frictions aussi loin qu'on les peut porter. Le remède animait extrê- mement les malades, sans produire aucun bon effet; ils ne laissaient pas de périr comme les autres, c1uoique le flux de bouche commença à paraître. J'appris ensuite à Mar- seille qu'un chirurgien des infirmeries avait tenté ce secours inutilement; ainsi je fus entièrement dés.abusé de cette conjecture. >>

DEIDIER, qui par ailleurs réalisa d'intéressantes expé- riences avec la bile de chiens pestiférés et crut trouver dans la bile le siège du virus, n'alla pas plus loin dans son hypothèse, en dépit de ce que dit de lui AsTRUC : « qu'il courait après la nouveauté beaucoup plus qu'après la vérité >>. DEIDIER :rie voulut pas penser que, peut-être, le mercure n'était la panacée qu'il croyait et que ces sortes de vers lui résistait. Aussi rejette-t-il finalement, pour ce qui est de la peste, les hypo,thèses que ses· recherches n'ont pu vérifier: « Quelque bien établies qu'elles paraissent, écrit-il au même MoNTRESSE, elles ne subsistent à mon avis que dans l'imagination des auteurs >>.

Nous n'avons pas trouvé que DEIDIER citat les Philoso- phes. Il leur est pourtant redevable. Il est permis de penser qu'à cette époque, où la Philosophie était pratiquée jusque par les gens du monde, les idées de MALEBRANCHE n'étaient pas étrangères à un Professeur en Médecine. Au reste, l'influence des Philosophes se retrouve dans la métho·de de DEIDIER : aventureux, il émet des hypothèses, et, plutôt que de déterminer la véritable théorie des faits, il essaie d'ima- giner comment ils pourraient se produire.

* * *

La peste de 1720 ne se limita pas à Marseille. Il existe une relation de la peste de Toulon. En réalité, l'épidémie, apportée à Marseille par un navire retour des Indes, gagna

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tout le sud de la France et les médecins du temps l'appe- laient la « Peste de Provence >>. Elle gagna les pentes du Gévaudan, l'actuel département de la Lozère, et atteignit Lyon. Il y existait à ce moment un « célèbre médecin >>

(ANDRY) du nom de GOIFFON. C'était un disciple de DES- CARTES et surtout de MALEBRANCHE. Il entreprit de recher- cher la cause de la redoutable maladie. Une explication facile était celle du « fléau de Dieu )). Il la rejeta. MALE- BRANCHE lui avait appris que dans ce monde, le meilleur possible, les lois générales président à tous les événements et suffisent à les expliquer. Elles sont « assez fécondes et assez puissantes pour opérer de plus grands et plus surpre- nants effets >> (Go1FFON). « Combien y a-t-il d'animaux qui font la guerre à l'homme et qui le font souvenir sans cesse qu'il est pêcheur,. dont Dieu peut se servir pour le punir quand sa justice l'ordonne ... ? Pour l'exécution de ce des.- sein, Dieu n'a besoin que de ses règles génèrales et n'est pas obligé ·d'agir par des voies particulières >> (Go1FFON).

La peste relève donc de causes naturelles. Qu'a-t-on pro- posé jusqu'à présent pour expliquer son apparition ? L'oc- casion doit être bonne pour GOIFFON de mettre en appli- cation les principes de la méthode cartésienne: elle enseigne de ne croire vrai que ce qui paraît évidemment tel. Or, peut-on accepter comme évidentes les causes jusque

offertes : « influence maligne des astres, planètes, comè- tes et constellations, vapeurs arsenicales et exhalaisons venimeuses de la terre, miasmes tranchants et corrosifs, sels âcres ou acides. >>. Mais, dit GOIFFON, « toutes ces causes ne sauraient se régénérer quand elles ont une fois cessé >>. Il en est dè même de ces « venins >> et « levains >>

pestilentiels dont on parle si volontiers. Un levain peut bien se répandre, se disséminer au loin, produire ses effets ; mais il s'use et ses effets disparaissent. On voit que la peste,. au contraire, à mesure qu'elle s'étend, devient plus importante, comme si dans elle-même elle trouvait les moyens de grandir. Elle paraît s'éteindre, puis se rallume;

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passe par un brusque saut d'une contrée infectée à une contrée restée saine, de Marseille dans le Gévaudan.

Quelle peut donc en être la cause ? GOIFFON est catégo- rique : pour lui la maladie est produite par des.« insectes )) . Ces insectes sont petits infiniment et, pour exprimer leur petitesse, il trahit encore l'influence des Philosophes, car c'est une de leurs comparaisons qu'il prend : « Quoiqu'il y ait de grosses différences entre les rapports de grandeur du corps d'un éléphant à celui d'une mite, il se peut néan- moins, et la raison ne s'y oppose pas, qu'il y ait des insectes qui, par rapport à la mite, sont ce que la mite est à l'égard de l'éléphant » 1

GoIFFON n'a pas vu ces insectes de la Peste plus que DEIDIER n'a vu les vers. vénériens. Un homme cependant les a vus, un ermite de Toulouse. « C'est sans doute, raille ANDRY, cet ermite qui a informé M. GOIFFON que ces ani- maux ont des pieds et des ailes, car tous les insectes n'en ont pas. » Ces infiniment petits, inacessibles à l'œil, sont certainement accrochés à des étoffes et adhérents à des cordages de navires. « Si on l'en croit, c'est à la faveur de ces ailes qu'ils se choisissent les domiciles les plus conve- nables pour leur entretien. Ils s'insinuent, dit-il, dans les maisons par les plus petites ouvertures quand il fait froid;

et c'est apparemment,. ajoute-t-il, la raison pourquoi, quand la peste est quelque part en ~yver, elle y est moins virulente et ne se communique pas aisément aux environs, parce que ces animaux fuyent le froid >> (ANDRY).

Comment vivent-ils ? C'est l'air qui leur donne la vie. Ils y trouvent une substance particulière, nécessaire à leur entretien, qui leur permet de se reproduire par des œufs, de se mutiplier de générations en générations. « Il n'y a que des êtres animés, dit-il, qui puissent subsister dans

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(1) MALEBHAXCHE avait dit:<< Peut-être que les plus petits qu'on ail encore jamais vus soot aux autres qu'on ne verra jamais, ce que l'éléphant est au moucheron.»

(\•Entretien sur la Métaphysique.)

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l'air et s'y reproduire, les autres s'y perdent ou s'y altèrent à la fin, au lieu que les corps animés y sont comme dans leur centre, s'y nourrissent, s'y multiplient; et si l'on voit la peste se réveiller après avoir été assoupie un si long temps, c'est, dit-il, que ces petits insectes se reproduisent et ;e renouvellent >> (ANDRY). Ainsi s'expliquent des faits comme celui que rapporte lNGRASSIAS et que cite Go1FFON.: une épidémie de peste se déclara à Milan parce qu'un sacristain avait tiré de derrière une armoire une corde qui, vingt ans auparavant, avait touché à des corps de pesti- férés.

Un déterminisme religieux guide Go1FFON._ II voit dans les maladies un châtiment de Dieu. Pour faire connaître à l'homme son néant, Dieu se sert des animaux ; « il a destiné les plus vils, les plus petits, ceux qu'on appelle les insectes pour lui insulter ... S'il en a rendu une partie de visibles, c'est sans doute pour qu'il put les_ chasser et s'en défendre; et s'il y en a d'invisibles, contre lesquels les sens qu'il nous a donné pour notre c~mservation ne sont d'aucun usage, c'est aussi pour que les ordres de sa justice soient exécutés. >>

* *

*

Un Bordelais va aussi apporter sa contribu'tion. PIERRE DESAULT (1675-1737), né près de Barèges et établi à Bordeaux après un séjour à Paris dont il rapporta la vacci- nation, se base sur l'expérience et sur l'observation qui sont, dit-il, « les deux filles. suivantes et confidentes de la nature >>. Il publia cinq « dissertations )), dont nous ne retiendrons que ce qui a trait à notre sujet.

A Paris, en 1726, parut un petit ouvrage : « Système d'un Médecin anglais· sur les causes de toutes sortes de maladies, avec les surprenantes configurations des diffé- rentes espèces de petits insectes qu'on voit par le moyen d'un bon microscope dans le sang et les urines des diff é-

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rents malades, et même de ceux qui doivent le devenir )).

DESAULT s'inscrivit en faux contre ce système. Il établit que certaines maladies devaient être expliquées d'autre ma- nière « il classe à part les troubles de la respiration cutanée, comme deux cents ans plus tard nous devions distinguer les maladies par ralentissement de la nutrition, et, à l'étiquette près, notre compréhension n'est pas très différente )) (P. MAURIAC).

Quant aux autres, oui, elles sont contagieuses. Celles-ci,

·affirme DESAULT, sont dues à des germes animés, à des vers pour garder le mol de l'époque. « J'avance comme un fait indubitable qu'il y a des maladies contagieuses qui dépen-

dent des insectes qu_i se transmettent d'un corps à l'autre ...

Si nous établis.sons que dans une seule maladie contagieuse la contagion vient par des vers, la preuve sera bien avancée que tous les autres en dépendent. ))

Dans sa Dissertation sur la rage (1733), DESAULT expose le résultat de ses recherches à ce sujet. La cause de la rage réside, croit-il, en des vers qui vivent dans la salive des bêtes e~ragées. « Ces animaux s'insinuent dans le sang par la playe que l'animal enragé fait avec la dent, se multi- plient ensuite dans le sujet qui les a reçus et, parvenus à un certain nombre, ils -attaquent le cerveau, le gozier et glan-

des salivaires, causent des délires, des convulsions, de l'écume autour de la bouche et donnent enfin la mort. )) On ne peut demander à DESAULT de parler de « virus neurotrope )). La précision n'est-elle pourtant déjà pas assez grande ? Une Dissertation sur les maladies vénériennes (1733) lui sera l'occasion de renouveler ses affirmations.

Il écrit : « Nous estimons que le levain vénérien consiste dans des. vers imperceptibles qui dans les approches se communiquent d'un corps à l'autre, se multiplient ensuite dans le corps qui les a reçus. ))

DESAULT n'a pas vu les « vers )) dont il parle, maïs, con- vaincu de ce qu'il avance, il a recours aux observations qu'il a pu réunir touchant l'existence de vers dans la tête

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de chiens enragés. Quelques-unes, il faut en convenir avec ANDRY, n'auraient pas dû le retenir. Mais son explication, croit-il, vaut bien celles qu'on lui propose. « Bien qu'on ne voit pas distinctement les vers qui font le ravage dans les vérolés, on ne doit pas laisser de les admettre, puisqu'on ne voit pas mieux les différentes configurations de sels dont on nous trace l'idée dans l'imagination et dont on fait dépen- dre le mal vénérien et ses symptômes. >> DESAULT, rejoi- gnant DEIDIER, trouve d'ailleurs la preuve de ses affirma- tions dans l'action incontestable du mercure sur les mala- dies vénériennes. Le mercure est également efficace contre les vers. Il est donc naturel de penser que les maladies viennent des vers.

Au reste, précise le Bordelais, « cette idée des vers véro- liques, quoiqu'ils nè tombent pas sous les sens, ne paraîtra pas si sauvage, si l'on fait réflexion que les philosophes modernes croîent que les poux, puces et morpions ont encore d'autres insectes sur la surface de leur corps qui les incommodent autant à eux, qu'eux à nous, 1et qui sont aussi petits par rapport à leur grandeur, qu'ils sont minces et déliés par rapport à la nôtre >>. N'est-ce pas du MALE- BRANCHE tout pur ?

DESAULT avait raison de penser « qu'un système qui renverse les préjugés de tant de siècles, des idées diamé- tralement opposées à tant de graves auteurs qui ont traité cette matière, ne peuvent d'abord être regardés que de travers >>. As TRUC,-premier Médecin du Roi, Professeur à la Faculté de Médecine de Paris, prit violemment parti contre lui. Ce qui amena dans le cours de leur controverse le modeste praticien de province à affirmer contre le Maître parisien l'origine identique de toutes les maladies conta- gieuses. Sa réponse est ferme, dépourvue de toute ambi- guïté :Respondeo, concedo totum. Et revera in Dissertatione mea de rabie, morbo somnes contagiosos a uermiculis repe- tendos esse probasse mihi uidetur.

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Un Parisien, cependant, ne rejeta pas systématiquement les conceptions qui, en Province, se faisaient jour. Nous voulons parler de ANDRY (1658-1742), Conseiller du Roy, Doyen de la Faculté de Médecine. Il publia en 1700 un ouvrage : << De la génération des vers dans le corps de l'homme )). Pour lui, l'existence des infiniment petits ne fait pas de doute. Il les nomme aussi des « vers )) : « les animaux qu'on appelle vers sont de petits insectes )) . ANDRY s'étend longuement sur leur étonnante petitesse. A dfre toute notre pensée, le Doyen de Paris ne nous semble pas d'une grande origin~lité. Il ne verse au débat aucune obser- vation nouvelle et se contente de discuter ce qui a été dit.

On retrouve à le lire de longues périodes empruntées à MALEBRANCHE ; il ne manque du reste pas de citer notre Philosophe.

« Les Vers Spermatiques sont chacun dix mille fois plus petits que le plus petit grain de sable qui est presque invi- sible. Ce sont nos yeux qui nous en convainquent, puisqu'ils nous en font voir plus de cinquante mille dans une portion de matière qui n'est pas si grosse qu'un grain de sable ...

Or, que l'on conçoive, si l'on peut, ce que c'est qu'un grain de sable divisé en cinquante mille parties; mais n'en met- . tons pas tant,, contentons-nous de dire en mille parties, pour n'effrayer personne; il faut donc admettre qu'il y a des vers mille fois plus petits qu'un grain de poussière, qu'à peine pouvons-nous voir. Ce n'est pas tout, ces vers mille fois plus petits qu'un grain de . sable ont un mouvement comme les autres animaux. Ils ont donc des muscles pour se mouvoir, des tendons et une infinité de fibres dans chaque muscle; enfin du sang ou une humeur équivalente, et des esprits animaux pour remplir et pour faire mouvoir ces muscles, sans quoi ces petites machines animées ne pourraient se transporter d'un lieu à un autre. II faut donc admettre des parties encore plus petites que ces petites machines, puisque la partie doit être plus grande que le tout. L'imagination se perd dans cette pensée, elle s'étonne

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d'une si étrange petitesse; mais elle a beau se révolter, la raison nous convainct ici de l'existence de ce que nous ne pouvons imaginer. ))

Toujours avec MALEBRANCHE, ANDRY va plus loin ; car

<< l'étendue est infinie en un sens, et cette petite portion de

matière qui se cache à nos yeux est capable, comme dit un Philosophe célèbre 1, de contenir un monde dans lequel il se trouverait autant de choses, quoique plus petites à proportion, que dans le monde où nous vivons )) .

Et ANDRY d'envisager ces microbes de microbes dans les termes mêmes qui avaient servi à MALEBRANCHE : « Tous les animaux ont_ d'autres animaux qui les dévorent et qui leur sont peut-être invisibles; de sorte que ce qu'un ciron est à notre égard, .ces animaux le sont à un ciron, et peut- être encore, comme dit si bien le même auteur, qu'il y a dans la nature de plus petits et de plus petits à l'infini, dans cette étrange proportion d'un ciron à un Homme )) .

Et encore :

<< Tenons-nous en à ce principe que rien n'est grand ni

petit en soi ... Dieu aurait pu faire des Hommes (et en tout ceci, nous entrons dans les judicieuses réflexions du Philo- sophe que nous avons cité) à l'égard desquels nous ne serions que la millième partie d'un ciron. Il en aurait pu faire d'autres à l'égard desquels ceux-là mêmes seraient petits. Que serions-nous par rapport à ces plus grands ? Ils nous chercheraient peut-être avec des microscopes et ne nous trouveraient pas. Notre petitesse leur serait incompré- hensible, et si quelques Philosophes parmi eux les voulait assurer de notre existence, ils regarderaient sans doute les discours de tels Philos_ophes comme de belles imagina- tions ... 2 Nulle petitesse, quelque inconcevable qu'elle soit, ne doit nous effrayer. ))

t1J Le Père MALEBRANCHE. - Recherche de la Vérité (Note de AN01n).

12) Cf. M1cnoMÉGAS. - C'est là tout le Lhème du conte de Voltaire.

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Cers vers, dit ANDRY, on les trouve partout. Les liqueurs en sont pleines. Le microscope les révèle dans l'eau, la pluie, le vinaigre, le vin poussé, la vieille bière. Ils se retrouvent dans le corps des animaux et de l'homme. Dans le corps de l'homme, quel peut être leur rôle ?

ANDRY, qui a emprunté aux Philosophes la notion de leur existence, n'est pas plus original quant à celle de leur action. Ses conclusions sont toutes négatives. Il critique surtout les conceptions de GoIFFON et de DESAULT et prend résolument le contre-pied de ce qu'ils avancent. Et il est curieux de constater qu'ayant affirmé l'existence des vers de façon si catégorique, il leur enlève cette importance que les Provinciaux avaient pressenti. GoIFFON a incriminé les vers dans la Peste. ANDRY réfute ses raisons, non sans esprit. Il n'hésite pas à dire des idées du Lyonnais : « Ce sont de pures fables >>. DESAULT trouve la cause de la rage dans des vers aussi. Prudent, ANDRY note : « La chose n'est pas assez éclaircie pour en pouvoir porter jugement >>.

Quant à l'action du mercure, « il ne s'ensuit pas, écrit-il, qu'il ne guérisse les maux vénériens que parce qu'il est contraire aux vers )). Le propre sentiment d'ANDRY est d'ailleurs nettement exprimé : « Quelques auteurs vont jusqu'à prétendre, les uns que toute maladie généralement vienne des vers; les autres qu'elles en sont du moins accompagnées. Comme c'est une erreur, et que cette erreur pourrait être dangereuse dans la pratique de la Médecine ... >>

ANDRY ne fut pas seul de son sentiment. Dans le camp des Philosophes, déjà, l'unanimité de s'était pas faite. La divisibilité à l'infini de l'espace et de la matière paraissait inconcevable même à d'excellents esprits. Le Chevalier DE MÉRÉ, qui s'interessa à tout et trancha de tout avec autorité, écrivait à PASCAL (1658) : « Je vous demande encore si vous comprenez distinctement qu'en la cent- millième partie d'un grain de pavot il put y avoir un monde, non seulement comme celui-ci, mais encore tous

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ceux qu'EPICURE a imaginés... Vous pouvez vous figurer dans ce petit monde de votre façon la surface de la terre et de la mer, tant de profonds abîmes dans l'une et dans l'autre, tant de montagnes, tant de vallons, tant de fon- taines, de ruisseaux et de fleuves, tant de campagnes culti- vées, tant de moissons qui se recueillent, tant de forêts dont les unes sont debout, les autres coupées, tant d'ouvriers dont les uns bâtissent, les autres démolissent et quelques- uns font des lunettes d'approche qui ne laissent pas de servir parmi ces petits hommes, parce que leurs yeux et tous leurs sens sont proportionnés à ce petit monde ? ...

Pensez aussi qu'en cet univers de si peu d'étendue il se trouverait des géomètres de votre sentiment, qui feraient un monde aussi petit au prix du leur que l'est celui que vous formez en comparaison du nôtre, et que ces dimi- nutions n'auraient point de fin ».

C'était véritablement aller bien loin dans l'identité de ce qui ne se voit pas avec ce qui se voit. Nos médecins s'étaient gardés d'une pareille outrance. Ils parurent cependant encore bien trop audacieux à nombre de leurs pairs.

DIMERBRŒCK (1609-1674), un Allemand qui vint prendre le bonnet de docteur à Angers, combattit GoIFFON, et c'est sur la foi de son autorité que ANDRY s'appuya. Nous avons vu Asmuc (1684-1766), qui admettait cependant la contagion de la peste, se faire l'adversaire des conceptions de DESAULT. Dans un volumineux Traité des causes, des acci- dents et de la cure de la Peste, publié à Paris sans nom d'auteur en 1784, nous lisons que « KmKER était pardon- nable, comme Philosophe il avait le droit de s'abandonner à des conjectures frivoles. Mais que des médecins aient renouvelé sérieusement cette opinion surannée, eux qui sont chargés de la vie des hommes ? )>. Le même volume portait, quelques pages plus haut : « Les vers dont parle le Père KIRKER sont possibles ». Leur existence, de fait, n'est le plus souvent pas niée, et DUNCAN (1649-1735), fils d'un médecin de Montauban issu d'une famille noble

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d'Ecosse, nous en fournit la preuve. Les vers, écrit-il, sont effet et non cause. « Il n'est pas hors de vraysemblance qu'il naisse de la pourriture des humeurs un grand nombre d'insectes, qui ne sont visibles que par le microscope, puis- que chaque corruption est suivie de quelque génération, mais on aurait peine à prouver que les cirons soient cause de la contagion qui accompagne certains ulcères. )) Le problème de la génération spontanée est aujourd'hui bien résolu, et nous savons que les microbes de la putréfaction, -s'ils apparaissent à son occasion, en sont bien aussi les agents. De même, la contagion par les microbes n'est plus à démontrer.

Ainsi les découvertes du siècle dernier ont ratifié les conjectures des partisans de !'infiniment petit. Conceptions frustes, certes, et qui peuvent paraître simplistes à dis- tance. Nous ne ferons nulle difficulté pour reconnaître que nos médecins n'ont eu, et ne pouvaient avoir, aucune idée précise touchant la morphologie et les propriétés biologi- ques des prétendus « vers )). Mais il faut bien reconnaître qu'avec leur seul bon sens, en un temps, il est vrai, où il était «·la chose du monde la mieux partagée n selon DESCARTES, et avec leur génie d'investigation, ils ont de bien longtemps devancé PASTEUR. M. MAURIAC fait remar- quer que les découvertes pastoriennes les eussent trouvés mieux préparés que nombre de savants de 1880. Faisons plutôt acte d'humilité. Comment sommes-nous devant ces virus filtrants qui défient encore nos plus puissantes len- tilles ? On ne met pas en doute leur existence. On admet communément celle de ce mystérieux bactériophage de n'HÉRELLE. II nous manque de les avoir « vus )). Et c'est l'occasion de redire avec le pieux Oratorien : « car enfin les petits animaux ne manquent pas aux microscopes, comme les microscopes aux petits animaux )).

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CQNCLUSION

Nous avons dit combien est antique, dans la Philosophie, cette idée de la matière réduite à des proportions infini- ment petites. Mais les atomes d'EPICURE, qui, au hasard de leur cours~ dans l'immensité, se rencontrent ~t s'accro- chent,· ne sont en. rien comparables aux étonnants petits êtres que les Philosophes du xvne siècle imaginent. Ce monde invisible apparaît à PASCAL comme bâti sur le moule de ce monde accessible à nos sens. Et, pour MALEBRANCHE,

« cette petite partie de matière qui se cache à nos yeux est capable de contenir un monde dans lequel il se trouverait autant de choses, quoique plus petites à proportions, qne dans ce grand monde dans lequel nous vivons >>.

Différente est la conception des Médecins. Ils admettent qu'il y ait des êtres d'une ténuité inouïe, et c'est des Philosophes qu'ils se réclament pour en affirmer l'exis- tence. Mais ces « raccourcis d'atome )), pour dire comme PASCAL, ne sont pour eux que des animaux extrêmement petits, qui prennent place après les autres dans l'échelle animale. On n'avait pas encore isolé la cellule. Et il est naturel que DEIDIER, DESAULT, GoIFFON n'envisagent pas leurs « vers >> ou leurs « insectes )) comme des formations avec un noyau et un protoplasme. Mais leur mérite demeure égal d'avoir affirmé le rôle pathogène de ce1s infiniment petits.

Ne soyons pas comme ces gens, dont parle MOLIÈRE, qui vont au théâtre pour s'empêcher d'avoir du plaisir, les

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mêmes qui, d'une critique intransigeante, ne veulent voir dans les sciences rien de bon, rien de beau. Nos auteurs n'ont pas découvert les microbes. Certes non. Mais il les ont pressenti. C'est peu ? Si l'on songe à l'époque où ils vivaient, aux pauvres moyens qui étaient les leurs, on trouvera que c'est beaucoup.

Vu, BON 1- n1PRil\1ER:

Le Président,

R. CRUCHET.

Vu:

Le Doyen,

C. SIGALAS.

Vu ET PERMIS n'nŒRIM.ER :

Bordeaux, le i"' Décembre i926.

Le Recleiir de l'Académie,

F. DUMAS.

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