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Modélisation dynamique du réseau trophique de l'estuaire de la Gironde

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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HAL Id: hal-02604941

https://hal.inrae.fr/hal-02604941

Submitted on 16 May 2020

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l’estuaire de la Gironde

M.A. Bournazel

To cite this version:

M.A. Bournazel. Modélisation dynamique du réseau trophique de l’estuaire de la Gironde. Sciences de l’environnement. 2016. �hal-02604941�

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Maître de stage : Jérémy LOBRY

Travail de fin d’études réalisé du

04/01/2016 au 24/06/2016

Modélisation dynamique

du réseau trophique de

l’estuaire de la Gironde.

Marie-Ange BOURNAZEL

Promotion Stuttgart

2013/2016

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Remerciements

Ce travail a bénéficié du soutien financier de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) dans le cadre du programme Investissements d’Avenir et du LabEx COTE (ANR-10-LABX-45). Il s’intègre dans le projet NAVIRE (coord. Luc DOYEN) cofinancé par le LabEx COTE.

Je remercie tout d’abord et avec beaucoup de gratitude mon maître de stage, Jérémy Lobry, d’avoir bien voulu tenter l’expérience de prendre une élève de l’ENGEES pour mener à bien ce sujet de stage, plutôt éloigné du cœur des enseignements de l’école. C’est avec bienveillance qu’il m’a épaulée tout au long de ce projet en se rendant toujours disponible et en prenant le temps de répondre, avec intérêt, à mes nombreuses questions, notamment en écologie aquatique.

Je tiens à remercier l’ensemble du personnel d’Irstea, et spécialement l’unité EABX, pour leur accueil et leur sympathie au quotidien. Plus particulièrement, je tiens à remercier ceux avec qui j’ai partagé les déjeuners, les pauses café, les apéros, les matchs de foot (RIP à ton tendon ChefChef), l’Escape Game, les Myrtilles et qui ont rendu ces 6 mois agréables, à savoir : Xavier, Clémence, Marion, ChefChef, Nils, Maria, Maud, Fred, Mario, Alain, Bogo, Félix, Hilaire, Jonathan, Philippe, Jocelyn, Bérenger, Patrick, ... Ce fut un grand honneur d’être responsable du stylo du tableau des médisances ! Je suis désolée de vous le dire, mais vous aurez du mal à trouver quelqu’un aussi à l’affût des barres que moi, et je pense que, finalement, vous en êtes plutôt content !

Je tenais à saluer les nouveaux arrivants, de la cohorte du 04/01 : Maxime, Joanna, Clémence, Elisa et Bogo. Ce premier jour en votre compagnie a été moins stressant grâce à vous, et puis il faut l’avouer, nos apéros d’arrivée ont été très réussis, la cohorte de mars n’a pas su faire mieux !

Alex, mon coloc de bureau, merci de m’avoir supportée (même si on sait, toi et moi, que c’est plutôt moi qui t’ai supporté !), durant ces trois mois et d’avoir bien voulu répondre à toutes mes questions sur les poissons ! Je te souhaite bon courage pour la fin de ton stage et te lègue la charge du stylo, alors sois bien attentif, surtout à ChefChef !

Alain, ancien compatriote de l’ENGEES, toi qui as su percer dans le domaine que tu souhaitais, au milieu de tous ces halieutes, je tenais déjà à te remercier d’avoir servi d’exemple pour convaincre Jérémy de me prendre en stage. Je te remercie aussi pour toutes nos conversations culinaires, tes conseils et tes compliments sur mes desserts. Merci également pour ta complicité (la chasse aux œufs, l’anni de ChefChef ...), ton soutien tout au long du stage et la découverte de l’Escape Game !

Clém et Marion, mes deux plus belles rencontres, je vous remercie infiniment d’avoir été là dans les moments difficiles mais aussi pour tous ces moments de rigolades et de joies partagés ensemble.

Un grand merci à toi, Xav, de m’avoir fait confiance sur ce projet qui te touche particulièrement. Je me doute qu’avec Jérèm, au début vous avez dû vous demander si ça avait été une si bonne idée de prendre quelqu’un « des tuyaux » pour ce stage. Mais finalement j’ai réussi, et c’est en partie grâce à toi et à ton soutien quotidien. Merci également d’avoir toujours ri à mes blagues, même en réunion, et merci pour le shaker !

Une pensée toute particulière à Peter, qui aura su me faire rire tous les jours durant ces 6 mois en mettant un peu de magie dans ma vie et à qui je dois beaucoup.

Enfin, je tenais à remercier l’ENGEES, et particulièrement Jean-Nicolas Beisel, de m’avoir permis de réaliser ce stage, qui a été très intéressant et enrichissant pour mon futur parcours professionnel.

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Résumé

Modélisation dynamique du réseau trophique de l’estuaire de la Gironde.

Les écosystèmes estuariens et côtiers sont particulièrement vulnérables aux changements globaux. De plus, concentrant une forte population humaine, ils subissent d’intenses pressions anthropiques qui perturbent leur biodiversité. L’estuaire de la Gironde est un cas d’étude emblématique avec la mise en évidence ces dernières années d’importantes modifications de la structure des communautés écologiques qu’il abrite.

Une modélisation dynamique du réseau trophique de cet écosystème est entreprise afin de mieux comprendre l’évolution récente de la structure et du fonctionnement de ce réseau ainsi que d’étudier différents facteurs pouvant l’impacter.

Cette modélisation dynamique a permis, dans un premier temps, de confirmer globalement les résultats obtenus, lors de précédentes études, sur la trajectoire fonctionnelle de l’estuaire au cours de ces trente dernières années : elle est marquée par de profonds changements abrupts dans la biodiversité qui impactent le fonctionnement du réseau trophique. Ces shifts environnementaux sont ainsi accompagnés par une détérioration de l’état écologique de l’estuaire, révélé par un stress écologique de plus en plus marqué au fil des années.

Différentes modélisations du fonctionnement de l’estuaire ont révélé que la dynamique du réseau trophique n’est pas structurée principalement par les cascades trophiques mais qu’elle semble surtout être contrôlée par des facteurs externes tels que les facteurs environnementaux. La dynamique des compartiments biologiques autochtones apparaît structurée par les prédateurs du réseau trophique. Par ailleurs, la production primaire s’avère jouer un rôle important dans les flux trophiques, au moins pour la chaine pélagique. Enfin, la marinisation de l’estuaire apparait impacter le réseau trophique de manière non négligeable.

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Abstract

Dynamic modeling of the Gironde estuarine food web.

Estuarine and coastal ecosystems are particularly vulnerable to global changes. Moreover, with a high human population, they are under intense anthropogenic pressures that disrupt their biodiversity. The Gironde estuary is an emblematic case study with the discovery in recent years of major changes in the structure of ecological communities those live in.

A dynamic modeling of this ecosystem food web is undertaken to better understand the structure and functioning of the trophic network and to study some factors that could impact on it.

First, this dynamic modeling has broadly confirmed the results obtained in previous studies on the temporal evolution of the estuary during last thirty years: it is marked by deep changes in the Gironde estuarine ecological compartments. With these abrupt ecological shifts, a deterioration of the ecological status of the estuary is highlighted by an ecological stress increasingly marked over years.

Different modeling results of the estuary functioning revealed that the food-web dynamics is not structured mainly by trophic cascades but it appears to be primarily controlled by external factors such as environmental factors. The dynamics of estuarine resident biological compartments appear to be structured by predators in the food web. Furthermore, primary production appears to play an important role in the trophic flows, at least for the pelagic chain. Finally, marinisation process appears to impact the food web significantly.

(7)

Sommaire

RESUME ... 2

ABSTRACT ... 3

TABLE DES FIGURES ET TABLEAUX ... 5

LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS ... 6

1. INTRODUCTION ... 7

1.1 Contexte général ... 7

1.2 Contexte règlementaire ... 7

1.3 Problématique spécifiques et état de l’art ... 8

2. SITE D’ETUDE, DONNEES ET MODELES ... 10

2.1 L’estuaire de la Gironde ... 10

2.2 Le(s) modèle(s) Ecopath with Ecosim (EwE) ... 17

2.3 Données disponibles ... 24

3. EVOLUTION A LONG TERME DE L’ESTUAIRE DE LA GIRONDE ... 29

3.1 Matériel et méthodes ... 29

3.2 Résultats ... 32

3.3 Détection des shifts ... 32

3.4 Discussion : des résultats plutôt cohérents avec ceux des précédentes études ... 35

4. STRUCTURATION ET TRAJECTOIRE DU RESEAU TROPHIQUE ... 37

4.1 Démarche et hypothèses ... 37 4.2 Résultats ... 38 4.3 Discussions ... 42 5. DISCUSSION GENERALE ... 45 5.1 Analyse critique ... 45 5.2 Interprétation écologique ... 48

5.3 Implication en termes de gestion ... 49

5.4 Perspectives ... 50

CONCLUSION ... 51

BIBLIOGRAPHIE ... 53

(8)

Table des figures et tableaux

Figure 1 : L'estuaire de la Gironde (d’après Lobry 2004). Afin de se repérer dans la zone de l’estuaire, le point kilométrique est utilisé. Les villes de Bordeaux, sur la Gironde, et de Libourne, sur la Dordogne, sont représentées par le point kilométrique PK 0. Les PK sont notés, le long de la rive droite positivement vers l’aval et négativement vers l’amont. ... 11 Figure 2 : Débit moyens annuels et semestriels cumulés de la Garonne et de la Dordogne, de 1960 à 2013 (en pointillé leur moyenne globale, ou module, sur toute la période), calculs d'après les valeurs journalières fournies par le Grand Port Maritime de Bordeaux (d’après Girardin et al. 2014). ... 12 Figure 3 : Gradient de salinité dans l'estuaire de la Gironde. Limites approximatives des 3 secteurs halins à l'étiage (Q = 300 m3.s-1) et en crue (Q = 3 000 m3.s-1) (d’après Chaalali 2013). ... 13 Figure 4 : Formation du bouchon vaseux. Points noirs : MES; Flèches noires : circulation des MES; Cercle marron : délimitation du bouchon vaseux( d’après Chevillot 2016). ... 14 Figure 5 : Le réseau trophique de l'estuaire de la Gironde (d’après Lobry et al. 2008). ... 16 Figure 6 : Modification de la biodiversité des poissons entre 1985 et 2014 dans l'estuaire de la Gironde. La taille des images donne une idée de l'importance relative des groupes de poissons (d’après Girardin et al. 2014). ... 17 Figure 7 : Schéma conceptuel présentant les équations de conservation de la masse considérées dans Ecopath (d’après Girardin et al. 2014). ... 19 Figure 8 : Théorie de la foraging arena d’après Christensen et al. 2004. Vi représente la biomasse

de proie i vulnérable, Bi la biomasse totale de la proie i, vij le taux de transfert entre le stade

vulnérable et non vulnérable, ai le taux de recherche du prédateur sur i et Bj la biomasse du

prédateur. ... 21 Figure 9 : Zones et engins d’échantillonnage utilisés lors des campagnes TRANSECT (d’après Girardin et al. 2014)... 24 Figure 10 : Localisation de l'ensemble des sites d'échantillonnage sur l'estuaire de la Gironde et vue chronologique des différentes campagnes (d’après Chevillot et al. en préparation). ... 26 Figure 11 : Evolution temporelle sur la période 1985-2014 des indices ENA extraits de l’analyse Ecosim sur les séries forcées. Voir le texte pour les noms et le détail des indices. ... 32 Figure 12: Histogramme des coordonnées des années sur les deux premiers axes principaux de l'ACP. ... 33 Figure 13 : Boxplots des séries d'ENA extraites du modèle Ecosim et regroupés selon chacune des périodes mises en évidence par Chevillot et al. (2016). P1 : 1985-1988, P2 : 1989-2002, P3 : 2003-2014. Voir le texte pour les noms et le détail des indices. ... 34 Figure 14 : Résultats de l’ajustement du modèle n°1. Les points représentent les biomasses observées et les courbes, l’évolution estimée par le modèle Ecosim. La somme des carrés des écarts (SS) entre les biomasses estimées et celles contenues dans les séries temporelles est renseignée pour chaque compartiment à la suite du nom de ce dernier. Les compartiments sont repris de Chevillot (2016). Voir l’annexe n°1 pour le détail des nomenclatures. ... 38 Figure 15 : Résultats de l’ajustement du modèle n°2 dans lequel est implémentée et ajustée une fonction de forçage décrivant la dynamique de la production primaire. ... 39 Figure 16 : Résultats de l’ajustement du modèle n°3. Les séries des poissons marins sont forcées pour simuler l’effet de contraintes externes sur leur dynamique et analyser l’impact sur le réseau

(9)

Figure 17 : Résultats de l’ajustement du modèle n°4. Les séries de biomasses des prédateurs (niveau trophique supérieur à 3) du réseau trophique sont forcées. ... 41 Figure 18 : Résultats de l’ajustement du modèle n°5. La série de biomasses du Gobie (Goby) est laissée « libre » dans le modèle. ... 42

Tableau 1 : Récapitulatif du SS et de l'AIC pour chacun des modèles. ... 42

Liste des sigles et abréviations

CEMAGREF : Centre National du Machinisme Agricole, du Génie Rural, des Eaux et Forêts CNPE : Centre Nucléaire de Production d’Electricité

DCE : Directive Cadre sur l’Eau

DCSMM : Directive Cadre Stratégie pour le Milieu Marin EABX : Ecosystèmes Aquatiques et Changements Globaux EE : Efficacité Ecotrophique

ENGEES : Ecole Nationale du Génie de l’Eau et de l’Environnement EwE : Ecopath with Ecosim

IRSTEA : Institut de Recherche en Sciences et Technologies pour l’Environnement et l’Agriculture MES : Matières En Suspension

MO : Matière Organique PK : Point Kilométrique

SAGE : Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux SS : Sum of Squared deviation = somme des carrés des écarts

(10)

1.

Introduction

1.1

Contexte général

Les estuaires représentent une richesse écologique importante de par la place qu’ils occupent entre milieu marin et fluvial (Bachelet et al. 1997). Malgré les conditions environnementales et hydrologiques très changeantes (salinité, turbidité, débit, température, …), ces écosystèmes très productifs (forte productivité zooplanctonique et benthique) (Costanza et al. 1997) abritent une biodiversité remarquable, notamment d’un point de vue ichtyofaunistique (Lobry 2004). En effet, de nombreuses espèces de poissons ayant un intérêt majeur pour les pêcheries continentales ou littorales telles que le saumon, la sole ou l’anguille (Auger and Verrel 1997, Costa et al. 2002) utilisent les estuaires comme des zones de nourricerie et de refuge (Elliott and Hemingway 2002) ou comme des couloirs migratoires pour les poissons amphihalins (Lobry 2004).

Au-delà de cette biodiversité, les estuaires possèdent un fort intérêt socio-économique. Près de 75% de la population mondiale est concentrée dans les écosystèmes estuariens et côtiers et de nombreuses activités s’y déroulent (activités portuaires, tourisme, pêcherie, activités industrielles …) (Costanza et al. 1997). Ainsi, les estuaires sont soumis à une forte pression anthropique et sont particulièrement vulnérables au changement climatique (Hénocque and Denis 2001, Hoegh-Guldberg and Bruno 2010).

Afin de mieux appréhender et diagnostiquer les effets du changement climatique sur les écosystèmes estuariens, il apparaît nécessaire de bien expliciter le lien entre biodiversité et processus écologiques à l’échelle des écosystèmes (Hillebrand and Matthiessen 2009) pour ainsi mieux appréhender leur fonctionnement et leur trajectoire (Hering et al. 2010) dans le contexte du changement global (Sala and Knowlton 2006). L’écologie des réseaux trophiques et, en particulier, la modélisation des réseaux trophiques fournit un cadre quantitatif pertinent pour combiner à la fois des aspects sur la richesse spécifique et la structure des communautés, d’une part, et sur l’évaluation des processus écologiques à partir de l’estimation des flux de matière et d’énergie, d’autre part (Livingston 2002, Thompson et al. 2012).

Jusqu’à présent, la plupart des expériences de modélisation globale de réseaux trophiques estuariens, basées notamment sur des approches fondées sur des équilibres de masse (par exemple : Baird and Ulanowicz 1993, Monaco and Ulanowicz 1997, Lobry et al. 2008, Selleslagh et al. 2012), décrivent des systèmes globalement productifs, peu matures, apparemment peu structurés mais disposant d’un certains nombres de qualités de résilience et de stabilité dynamique (Lobry et al. 2008). Cependant, ces approches ne tiennent pas compte des modifications et des déséquilibres induits par les évolutions actuelles des conditions environnementales et anthropiques et de leurs conséquences sur la structure (biodiversité spécifique, structure du réseau trophique) et les processus au sein des écosystèmes (flux trophiques, interactions biologiques, productivité primaire, secondaire, halieutique…).

1.2

Contexte règlementaire

Sur le plan opérationnel, les outils règlementaires envisagés pour atténuer les effets des activités humaines sur les écosystèmes, et notamment sur les écosystèmes côtiers et estuariens (DCE EU 2000, DCSMM EU 2005) prévoient d’évaluer l’état écologique des écosystèmes. Or, bien que

(11)

qualité de sa structure et de son fonctionnement (de Jonge et al. 2006), les exigences normatives des différentes directives règlementaires ont conduit à l’élaboration d’indicateurs de qualité essentiellement basés sur des éléments structuraux ou taxonomiques plutôt que sur des éléments relatifs au fonctionnement ou au rôle fonctionnel des écosystèmes (de Jonge et al. 2006, Hering et al. 2010). Dans ce contexte, il apparaît nécessaire de changer de paradigme, d’aller plus loin dans l’analyse (Hering et al. 2010) et de mieux expliciter le lien entre biodiversité/structure et processus/fonctionnement à l’échelle des écosystèmes (Hillebrand and Matthiessen 2009) pour ainsi, mieux appréhender la trajectoire fonctionnelle des écosystèmes estuariens dans le contexte du changement global (Sala and Knowlton 2006).

En particulier, les travaux d’implémentation de la Directive Cadre sur l’Eau (DCE) et des réflexions autour de la mise en place de la Directive Cadre Stratégie pour le Milieu Marin (DCSMM) ont souligné plusieurs limites dans notre appréhension de l’état écologique des écosystèmes et de son évolution dans le contexte du Changement Global. Ces limites ont été soulignées par différents auteurs (ex. de Jonge et al. 2006) et par plusieurs acteurs et gestionnaires (cf. synthèse du projet BEEST : Lévêque et al. 2011) et amènent aujourd’hui les gestionnaires à interroger les scientifiques sur les possibilités de mettre en place des indicateurs dits « fonctionnels ».

1.3

Problématique spécifiques et état de l’art

L’estuaire de la Gironde est considéré comme un cas d’étude intéressant pour étudier les impacts du changement climatique puisqu’il est le plus grand de France et compte parmi les plus vastes d’Europe (Lobry et al. 2003). De plus, il bénéficie, depuis la fin des années 1970, d’un important suivi écologique (observations des compartiments biotiques et abiotiques depuis 1979). C’est pourquoi, depuis plusieurs années, de nombreuses études (Lobry et al. 2003, Lobry 2004, David et al. 2005, David et al. 2007, Lobry et al. 2008, Chaalali 2013, Chevillot 2016) se sont intéressées aux impacts des activités anthropiques sur l’estuaire de la Gironde et plus particulièrement sur la fonction d’habitat et de nourricerie à laquelle il est associé.

De nombreux changements ont été observés dans l’estuaire de la Gironde depuis plusieurs décennies. Parmi eux, le phénomène de marinisation est décrit pour la première fois par David et al. en 2007. La baisse des débits fluviaux (en relation possible avec la baisse des précipitations et/ou l’augmentation des prélèvements d’eau en amont) observée à long terme a conduit à une augmentation de la salinité des masses d’eau estuariennes. Ce processus s’explique par une pénétration accrue de masses d’eaux marines dans l’estuaire en réponse à la baisse d’apports d’eaux douces.

Ce phénomène de marinisation de l’estuaire est l’une des hypothèses fortes concernant les résultats obtenus par Chaalali (2013). Aurélie Chaalali s’est intéressée, lors de sa thèse, à l’évolution, voire l’adaptabilité d’espèces estuariennes à un environnement encore plus stressant pour elles. Elle a notamment essayé de savoir si, en considérant un système très anthropisé et naturellement variable, il était possible de détecter un signal climatique agissant sur cet écosystème.

Plusieurs résultats découlent de sa thèse, le premier étant une modification de la répartition longitudinale, dans l’estuaire, des espèces de copépodes étudiées en 30 ans. Ces modifications seraient dues à la fois au réchauffement des eaux estuariennes et à la marinisation du système.

(12)

Le second résultat est la caractérisation de deux changements abrupts d’état (shifts) de l’écosystème estuarien : le premier en 1987 et le second en 2001. Ces deux shifts sont en lien direct avec le changement climatique et révèlent une grande réactivité du système au forçage climatique global, malgré des forçages locaux rémanents.

Xavier Chevillot (2016), quant à lui, s’est penché sur ces deux changements d’état abrupts de l’estuaire de la Gironde et a tenté de faire une synthèse des différents éléments de connaissance de l’évolution écologique passée afin d’appréhender la trajectoire fonctionnelle de l’estuaire dans le but d’éclairer les réflexions prospectives sur l’évolution future de cet écosystème. Il a ainsi représenté, à l’aide de modèles Ecopath (Polovina 1984, Christensen and Pauly 1992, Christensen and Walters 2004, Christensen et al. 2008), le réseau trophique de l’estuaire pour chaque période entre les shifts mis en évidence par Aurélie Chaalali. Ce qui lui a permis de comparer chacun de ces états du système et de mettre en avant les changements observés sur les différentes communautés peuplant l’estuaire. En résumé, les abondances de juvéniles de poissons marins augmentent dans l’estuaire tandis que les abondances de leurs proies diminuent (crustacées : zooplancton et crevettes) voire se sont effondrées depuis une dizaine d’année (invertébrés benthiques).

A travers ces résultats, la question de la capacité d’accueil trophique de l’estuaire de la Gironde pour les poissons se pose aujourd’hui de façon prégnante. Le stage présenté ici, s’inscrit dans la continuité de ces études et a pour objet de modéliser le réseau trophique de l’estuaire de façon dynamique, depuis les années 80 jusqu’à nos jours, dans le but (1) de vérifier les conclusions des études antérieures (Chaalali 2013, Chevillot 2016) quant à la théorie des shifts et (2) de mieux appréhender l’organisation trophique du réseau trophique et l’impact des modifications de la biodiversité sur le fonctionnement global.

Ce sujet de stage fait partie intégrante du projet NAVIRE financé par le LabEx COTE1. L’objectif principal de ce projet est d’utiliser la modélisation comme un soutien méthodologique pour mettre en œuvre une approche écosystémique dans la gestion des pêches. Pour ce faire, le projet NAVIRE vise à identifier des scénarios bio-économiques intégrants des politiques publiques durables de conservation de la biodiversité marine mais aussi la rentabilité de la pêche et enfin l’approvisionnement alimentaire.

Dans un premier temps, une présentation du site d’étude, des données disponibles et du modèle utilisé sera effectuée. Une réflexion sur l’évolution à long terme de l’estuaire a pu être entreprise grâce aux données acquises depuis 30 ans et à l’utilisation du modèle Ecopath. Toujours grâce à ces données, une modélisation complète, à l’aide du modèle Ecosim implémenté dans le logiciel Ecopath with Ecosim (EwE), du réseau trophique de l’écosystème a pu être réalisée et nous a amené à nous questionner sur la structure et le fonctionnement global, puis par sous ensemble, de ce réseau trophique. Enfin, une discussion quant à l’ensemble de ce travail de fin d’étude et les éventuelles implications en termes de gestion sera proposée.

1

(13)

socio-2.

Site d’étude, données et modèles

2.1

L’estuaire de la Gironde

2.1.1 Morphologie

L’estuaire de la Gironde est le plus grand estuaire d’Europe de l’Ouest (Lobry et al. 2003) et il est l’estuaire français le plus étudié (Lobry 2004). De nombreuses études, notamment sur sa géologie, sa sédimentologie, son hydrodynamisme ou sa biogéochimie ont été réalisées (Sottolichio 1999).

L’estuaire de la Gironde (cf Figure 1 : L'estuaire de la Gironde) naît de la confluence de la Garonne et de la Dordogne au niveau du Bec d’Ambés et s’étend sur près de 76 km jusqu’à son point le plus aval (la pointe de Grave, rive gauche, ou la pointe de la Courbe, rive droite) où il se jette dans l’océan Atlantique. Il occupe une superficie d’environ 450 km² à marée basse et 635 km² à marée haute. C’est un estuaire de plaine côtière, peu profond et latéralement structuré par des vasières, des zones humides, des chenaux et des mares temporaires (Lobry 2004).

2.1.2 Activités anthropiques

L’estuaire de la Gironde est le berceau d’une forte activité économique. En effet, six pôles portuaires sont répartis entre Bordeaux et Le Verdon. De plus, un Centre Nucléaire de Production d’Electricité (CNPE) est installé, depuis 1975, à Braud et Saint-Louis sur la rive droite de l’estuaire, au PK 52. Deux prises d’eau à grand débit alimentent les 4 tranches de la centrale.

L’activité de dragage est régulière au sein de l’estuaire du fait de l’entretien des différents ports, en particulier l’entretien du chenal d’accès au Grand Port Maritime de Bordeaux (GPMB) représente l’activité de dragage la plus importante avec, en 2000, l’enlèvement de 6 millions de m 3 de matériaux sédimentaires, soit le plus gros volume mis en œuvre au niveau national (Girardin et al. 2001).

Certaines espèces de poissons et de crustacés font l’objet d’une pêcherie (Castelnaud 1994) dans le cadre de la pêche artisanale développée dans l’estuaire. C’est le cas pour un certain nombre de poissons migrateurs amphihalins et pour la crevette blanche (Rochard 1992, Girardin et al. 2002).

(14)

Figure 1 : L'estuaire de la Gironde (d’après Lobry 2004). Afin de se repérer dans la zone de l’estuaire, le point kilométrique est utilisé. Les villes de Bordeaux, sur la Gironde, et de Libourne, sur la Dordogne, sont représentées par le

point kilométrique PK 0. Les PK sont notés, le long de la rive droite positivement vers l’aval et négativement vers l’amont.

2.1.3 Hydrodynamique

L’estuaire est une zone de rencontre entre les eaux fluviales et les eaux marines transportées, toutes deux, par des processus différents.

Dans un premier temps, la marée entraîne une intrusion et une sortie d’eau marine régulière en tant que phénomène oscillatoire de transgression et de régression (Chevillot 2016). Le cycle de marée est de type semi-diurne en Gironde, et il dure 12h25. Le marnage que ce phénomène induit varie entre 1,5 et 5 m en fonction du coefficient de marée (Sottolichio and Castaing 1999). Cette forte variation des hauteurs d’eaux caractérise les estuaires dits macrotidaux 2 (Chevillot 2016).

(15)

Dans un second temps, l’hydrodynamique des fleuves permet l’apport d’eau douce dans l’estuaire. Le régime hydrologique de la Garonne et la Dordogne est de type pluvionival, c’est-à-dire qu’il est caractérisé par une période de hautes eaux liées aux précipitations en automne-hiver et une au printemps, lors de la fonte des neiges. L’apport de ces deux fleuves n’est pas du même ordre de grandeur puisque la taille du bassin versant que chacun draine n’est pas la même. En effet, la Garonne draine un bassin versant de 55 000 km² et le module pluriannuel de son débit3 (calculé à partir des données journalières du Grand Port Maritime de Bordeaux, GPMB, sur une période de 51 ans, soit de 1960 à 2013, au niveau de La Réole) est de 593 m3.s-1. Ce module fluctue de 240 m3.s-1 à près de 900 m3.s-1 selon les années.

Tandis que la Dordogne et ses affluents drainent un bassin versant d’environ 24 000 km². Le module de la Dordogne sans ses affluents principaux dont l’Isle, mesuré à Pessac sur la même période que pour celui de la Garonne, est de 331 m3.s-1 avec un minimum de 189 m3.s-1 et un maximum de 477 m3.s-1.

Le module total des deux fleuves, pour la période 1960-2013 est de 915 m3.s-1. Les débits annuels oscillent entre 491 m3.s-1, en 2011, et 1 315 m3.s-1 en 1994 (cf Figure 2). Le débit moyen mensuel varie de 1 477 m3.s-1 et 1 560 m3.s-1 en janvier et février, à 134 m3.s-1 en août (Girardin et al. 2014).

Figure 2 : Débit moyens annuels et semestriels cumulés de la Garonne et de la Dordogne, de 1960 à 2013 (en pointillé leur moyenne globale, ou module, sur toute la période), calculs d'après les valeurs journalières fournies par le Grand Port Maritime de Bordeaux (d’après Girardin et al. 2014).

La conjonction de ces deux processus hydrodynamiques, au niveau de l’estuaire, est responsable de plusieurs phénomènes. En effet, les eaux salées, plus denses, circulent en profondeur vers l’amont, tandis que les eaux douces s’écoulent, vers l’aval en surface ce qui provoque en premier lieu, un gradient de salinité variant en fonction du temps et de l’espace selon :

• le cycle de marée, puisque la salinité au niveau de l’estuaire dépend de la progression de l’onde de marée.

3

Module : débit moyen, le plus souvent annuel, en un point d’un cours d’eau. Il est évalué par la moyenne des débits moyens annuels sur une période suffisamment longue pour être représentative des débits mesurés

(16)

• le coefficient de marée, plus il est élevé, plus la proportion d’eau salée pénétrante dans l’estuaire est importante.

• l’hydrodynamique fluviale, plus le volume d’eau douce apporté par les fleuves est important, moins la salinité, dans l’estuaire, est élevée.

Les estuaires sont généralement caractérisés selon trois zones de salinités : oligohaline (salinité comprise entre 0,54 et 5), mésohaline (salinité comprise entre 5 et 18) et polyhaline (salinité supérieure à 18).

Cependant, aux vues des facteurs dont dépend la salinité, la limite de ces zones est variable dans le temps (notamment en fonction de la saison). C’est pourquoi, la Figure 3 qui suit représente le découpage, en termes de salinité, de l’estuaire en période d’étiage et en période de crue.

Figure 3 : Gradient de salinité dans l'estuaire de la Gironde. Limites approximatives des 3 secteurs halins à l'étiage (Q = 300 m3.s-1) et en crue (Q = 3 000 m3.s-1) (d’après Chaalali 2013).

D’autre part, la circulation résiduelle des masses d’eaux dans l’estuaire associée à l’accumulation de matières en suspension (MES) charriées par les fleuves, conduisent à la formation d’un bouchon vaseux. En effet,les réseaux fluviaux transportent chaque année, entre 1,5 et 3.106 tonnes de sédiments en suspension dans l’estuaire (David et al. 2005, Lobry et al. 2008) qui, en partie, se trouvent piégées en amont du front de salinité à cause de l’écoulement résiduel de fond (cf Figure 4).

(17)

5

Figure 4 : Formation du bouchon vaseux. Points noirs : MES; Flèches noires : circulation des MES; Cercle marron : délimitation du bouchon vaseux( d’après Chevillot 2016).

Le bouchon vaseux est caractérisé comme étant la zone de l’estuaire la plus concentrée en sédiments fins en suspension. Il se déplace en fonction des marées et des débits fluviaux qui dictent aussi son volume, son étendue, sa densité et son épaisseur. A l’intérieur de ce bouchon vaseux, une importante boucle microbienne permet le recyclage de la matière organique (MO). En effet, ce dernier se comporte comme un réacteur biochimique en dégradant la matière oxydable (les particules en suspension servant de support aux bactéries épurant l’eau ou adsorbant certains polluants). C’est pourquoi, le bouchon vaseux peut représenter une zone d’anoxie à certaines périodes. En effet, la température, le débit, la turbidité et les apports en matières oxydables sont les facteurs pouvant influencer la concentration en oxygène dans cette zone. C’est ainsi que la période estivale est la plus propice au manque d’oxygène dans ces eaux et est donc la plus préjudiciable pour les organismes vivants qui s’y retrouvent ou les poissons qui le traversent.

2.1.4 La biocénose

La production primaire de l’estuaire de la Gironde est remarquablement faible, comparée à d’autres estuaires européens (Lemaire et al. 2002). Ceci s’explique par la forte turbidité de l’estuaire qui ne laisse pas, ou que très peu, pénétrer la lumière dans la colonne d’eau. L’estuaire a été caractérisé d’estuaire hétérotrophe (Goosen et al. 1999, David et al. 2006, Lobry et al. 2008) puisque l’essentiel de la biomasse chlorophyllienne mesurée dans l’estuaire est issue d’une production allochtone amont ou aval de l’estuaire, distribuée spatialement par les processus hydrodynamiques (Nzigou 2012).

Malgré une production primaire limitée, le compartiment zooplanctonique occupe une place importante dans le réseau trophique de l’estuaire de la Gironde. La communauté zooplanctonique autochtone de l’estuaire de la Gironde est qualifiée de paucispécifique6. Elle est historiquement composée de quatre espèces natives : deux taxa de copépodes (Eurytemora affinis et Acatia bifilosa) et de mysidacés (Neomysis integer et Mesoppodosis slabberi). Auxquelles s’est ajoutée une espèce exotique de copépode, Acatia tonsa, dont la production est devenue significative. Le zooplancton de l’estuaire se situe au niveau trophique 2 (consommateur primaire) et s’alimente à la fois sur la production primaire et sur la matière organique remobilisée par le compartiment bactérien. En

5

Halocline : interface entre différentes couches d’eau (mer/fleuve) causée par un fort gradient de salinité verticale.

6

Espèce paucispécifique : dont la diversité écologique, caractérisée par le nombre d’espèces (autochtones)

(18)

réalité, les mysidacés sont des espèces dites supra-benthiques. Mais à cause des forts courants dans l’estuaire, on les retrouve associés au zooplancton.

Avec le zooplancton, la production secondaire d’origine benthique est l’un des facteurs expliquant la grande productivité, d’un point de vue biologique, des estuaires. En fonction de la taille des organismes, on distingue le macrobenthos du meiobenthos. La macrofaune benthique se retrouve en abondance sur les estrans vaseux mais elle est paucispécifique (Bachelet et al. 1981, Bachelet 1985). La biomasse de la faune benthique, ainsi que sa richesse spécifique, diminuent rapidement en remontant vers l’amont de l’estuaire.

Le maillon trophique supérieur, l’ichtyofaune, se compose de 75 espèces, réparties dans plusieurs guildes écologiques7. Cette diversité classe l’estuaire de la Gironde parmi les plus riches d’Europe (Lobry et al. 2003). Au-delà de l’importante biodiversité que représente la faune piscicole présente dans cet écosystème, l’estuaire est remarquable car il accueille un certain nombre d’espèces patrimoniales dont l’esturgeon européen Acipencer sturio, espèce emblématique en voie de disparition (Rochard et al. 2001) qui fait l’objet de nombreuses études de préservation et de protection, notamment le Plan National d’Action pour la conservation et la restauration de l’esturgeon européen depuis 2007.

Le peuplement de poissons de l’estuaire est dominé par les espèces marines avec 60% d’espèces euryhalines8 marines contre 21% d’espèces euryhalines d’eau douce (Lobry 2004). Des espèces amphihalines qui traversent l’estuaire et d’autres qui y résident, viennent compléter le peuplement. L’estuaire joue le rôle de nourricerie et de couloir migratoire pour de nombreuses espèces (notamment pour les poissons amphihalins) et constitue de plus, un lieu de refuge et de croissance (Elliott and Hemingway 2002, Lobry 2004, Pasquaud et al. 2012). Mais cette richesse piscicole présente des disparités au niveau des abondances et des occurrences de chaque espèce. En effet, 80% des espèces ne sont présentent dans l’estuaire que moins de 10% du temps, d’après Lobry (2004).

2.1.5 Structure et fonctionnement du réseau trophique

Comme dit précédemment, l’estuaire de la Gironde est qualifié d’hétérotrophe de par la faible présence de producteurs primaires et sa forte production secondaire. Le compartiment détritique (constitué des détritus, des bactéries et des protozoaires) représente la principale source de nourriture pour l’ensemble du réseau trophique, 88% des flux totaux du système proviennent de ce compartiment (Lobry et al. 2008). Comme le suggère la Figure 5, les copépodes constituent le compartiment phare du réseau trophique. En effet, ils jouent le rôle d’intermédiaire entre l’énergie détritique et le reste du réseau puisque la majorité des flux de matière s’effectue entre les copépodes et le compartiment « détritus ».

7

(19)

Figure 5 : Le réseau trophique de l'estuaire de la Gironde (d’après Lobry et al. 2008).

2.1.6 Changements observés lors de ces trente dernières années

Sous l’effet du changement global, de nombreuses et d’importantes modifications de la structure des communautés, à différents niveaux trophiques, ont été mises en évidence ces dernières années.

C’est le cas notamment de la communauté zooplanctonique, qui a subi de profonds changements au cours de ces trois dernières décennies. L’arrivée et l’installation dans l’estuaire d’une espèce exotique de copépode, Acartia tonsa, proche de l’espèce native A. bifilosa ont été mises en évidence par des travaux de l’Université de Bordeaux (David et al. 2005, David et al. 2007). Chaalali et al. (2013a) expliquent que le changement climatique rendrait l’estuaire favorable à cette nouvelle espèce, facilitant ainsi sa colonisation. Par ailleurs, les populations de copépodes ont tendance à se déplacer vers l’amont dans la Gironde en réponse aux changements environnementaux (Chaalali et al. 2013d).

Les crevettes sont aussi impactées par des modifications notables. En effet, en 2006, l’arrivée d’une nouvelle espèce de crevette exotique, Palaemon macrodactylus, qui pourrait concurrencer l’espèce native, la crevette blanche Palaemon longirostris, a été mise en avant. En outre, des déformations de la carapace des crevettes blanches ont été mises en évidence depuis quelques années (Beguer 2005) et font l’objet d’une attention toute particulière, puisqu’une thèse est en cours à Irstea de Bordeaux (Bérenger Levesque) sur ce sujet. Le taux de déformations constatées est très important, puisqu’il est de 20 à 30 % en moyenne et peut atteindre 80% des prélèvements observés.

Plus récemment, grâce au suivi du CNPE du Blayais, les campagnes de suivi de la faune benthique révèlent un effondrement de la richesse spécifique et de l’abondance de la macrofaune

(20)

Les communautés ichtyofaunistiques ont connu aussi de nombreux changements. En effet, entre 1985 et 2014, trois périodes distinctes, marquées par des structures du peuplement de poissons contrastées, ont été identifiées à l’aide de méthodes d’analyses multivariées et de classification appliquées aux données (Chevillot 2016).

Lors de la première période (1985-1988), l’assemblage est caractérisé par une présence significative de poissons migrateurs amphihalins dans la partie médiane de l’estuaire tandis que lors de la dernière période (2004-2010), le peuplement est dominé par les juvéniles de poissons marins, notamment pélagiques (anchois, sprats). Concernant la période entre les deux, la caractérisation est moins tranchée. Il s’agit en effet, d’une situation intermédiaire avec des proportions variables d’espèces amphihalines et d’espèces marines (cf Figure 6). Une troisième rupture semble se dessiner en 2012 mais le manque de recul sur les données empêche sa caractérisation formelle.

Ces résultats confirment les deux changements abrupts (shifts) décrit par Chaalali (2013) dans les communautés estuariennes autour de 1987 et 2001. Ils sont de plus, cohérents avec l’hypothèse d’une marinisation de l’estuaire décrite par David et al. (2007).

Figure 6 : Modification de la biodiversité des poissons entre 1985 et 2014 dans l'estuaire de la Gironde. La taille des images donne une idée de l'importance relative des groupes de poissons (d’après Girardin et al. 2014).

2.2

Le(s) modèle(s) Ecopath with Ecosim (EwE)

Ecopath est un outil permettant d’appliquer une démarche écosystémique lors de l’étude des ressources halieutiques. En effet, il donne accès à la structure et au fonctionnement d’un écosystème entier en quantifiant les flux de matières au sein d’un réseau trophique et en évaluant quantitativement la biomasse, la production et la consommation de chaque compartiment. En outre, Ecopath calcule différents indices écologiques renseignant sur l’état de l’écosystème global et sur celui de chacun de ses compartiments.

Le modèle Ecopath a été développé en 1984 par Polovina en utilisant le concept d’équilibre de masse pour estimer la biomasse d’espèces ou groupes d’espèces d’un écosystème aquatique. Christensen et Pauly (1992) ont complété cette première approche en prenant en compte les niveaux trophiques des espèces afin de quantifier les flux existants entre les différents éléments d’un écosystème. Le modèle a été popularisé grâce à son implémentation dans un logiciel user-friendly, gratuit et téléchargeable en ligne (www.ecopath.org). Vers la fin des années 90, l’essor des modèles

(21)

Christensen et al. 2005) et Ecospace (Walters et al. 1999, Christensen et al. 2005). Ecosim est un modèle de simulation trophodynamique permettant de mener des simulations multispécifiques pour explorer la structure et le fonctionnement des écosystèmes, analyser l’impact de la pêche et étudier différents scénarios de gestion des stocks. Ecospace est une version spatialisée d’Ecosim qui permet de créer des modèles de simulation qui tiennent compte de la composante spatiale rendant ainsi possible, l’exploration des aspects liés à la distribution spatiale des organismes et de leur comportement ainsi que le rôle que peut jouer les mouvements de l’eau. Cela représente une aide importante dans la gestion spatiale des écosystèmes notamment pour les zones marines protégées.

Le logiciel Ecopath with Ecosim (EwE) représente un outil incontournable pour la modélisation écosystémique avec près de 4 000 utilisateurs dans 150 pays différents entre novembre 2003 et mars 2007 et plus de 200 publications scientifiques (Coll et al. 2009). Lors de ce stage, c’est Ecosim qui a été utilisé afin de revenir sur la trajectoire de l’estuaire de la Gironde depuis 30 ans et de discuter des pistes d’évolutions possibles.

2.2.1 Présentation du modèle Ecopath

Un modèle Ecopath donne accès à une représentation quantitative de l’écosystème étudié en termes de flux trophiques et de biomasse, sur une période donnée. Cet écosystème est représenté par des groupes fonctionnels, qui peuvent être composés d’espèces ou de groupes d’espèces ayant des caractéristiques trophiques homogènes. Le postulat de ce modèle est l’équilibre de masse. C’est-à-dire que pour chaque groupe représenté dans le modèle, l’énergie produite par l’un de ces groupes doit être contrebalancée par l’énergie consommée. Pour cela, le modèle doit vérifier deux équations. La première représente la production de chaque compartiment :

Production = Prises pêche + Mortalité prédation + Migration + Accumulation biomasse + Mortalité naturelle

(1)

Ce qui peut se traduire mathématiquement, pour chaque compartiment i du réseau trophique et j ses prédateurs : ∗  ⁄    ∗  ⁄ ∗     ∗ 1   ∗  ⁄  (2) Avec : B = biomasse (t.km-2) (P/B) = productivité (Q/B) = taux de consommation

DCij = proportion de i dans régime alimentaire de j

Ex = taux de migration nette (émigration-migration)

Bacc = taux d’accumulation de biomasse Y = prises de pêche totales (t.km-2) EE = efficacité écotrophique La deuxième équation représente la consommation :

(22)

Qui se traduit mathématiquement par :

∗  ⁄   ∗  ⁄    (4) Avec : R = taux de respiration

U = taux de nourriture non assimilée

La Figure 7 suivante permet de schématiser les équations de base du modèle Ecopath.

Figure 7 : Schéma conceptuel présentant les équations de conservation de la masse considérées dans Ecopath (d’après Girardin et al. 2014).

Pour calculer les flux trophiques au sein du réseau, le logiciel EwE a besoin d’un certain nombre de paramètres d’entrée. Ces paramètres sont ceux que l’on retrouve dans les équations qui régissent le modèle, soit : B, P/B, Q/B, EE, DC, Y, Bacc, U/Q, Ex et R. Deux de ces paramètres peuvent ne pas être

renseignés et être alors calculés par le modèle par la résolution des équations (2) et (4). Cependant, dans l’implémentation du modèle dans le logiciel EwE, la résolution de l’équation de production est prépondérante. Ainsi, parmi les paramètres suivants B, P/B, Q/B et EE un seul peut ne pas être calibré.

L’efficacité écotrophique (EE) correspond à la part de production de chaque compartiment utilisée dans le système (compris entre 0, pour les compartiments qui ne sont l’objet ni d’une prédation ni d’une pêcherie, et 1, pour les groupes qui sont pêchés et soumis à des pressions de prédation importantes). Il est généralement le paramètre le moins bien connu des quatre, c’est pour cela qu’il est souvent estimé par le modèle.

Le paramètre DC correspond au régime alimentaire et est entré dans le logiciel sous la forme d’une matrice prédateur/proie dans laquelle apparaît le régime alimentaire de chaque espèce/compartiment en fonction des autres espèces/compartiments de l’écosystème. Les régimes alimentaires des poissons sont généralement déterminés par l’analyse des contenus stomacaux des espèces. Pour les espèces ou les individus de plus petites tailles, des méthodes biochimiques sont mises en œuvre. Les données utilisées sont issues de la littérature dont la source la plus importante

(23)

La nourriture non assimilée, urine et fécès, est dirigée vers les détritus. Pour les groupes de poissons carnivores, par défaut on estime que 80% de la consommation est utilisée, soit U/Q = 0,2. Pour les autres groupes, ce rapport est supérieur, jusqu’à 0,4 pour le zooplancton (Lobry 2004).

Dans la plupart des cas (y compris pour la Gironde dans Lobry et al. 2008 et Chevillot 2016), la biomasse accumulée vaut 0 puisque le système est considéré à l’équilibre.

Concernant les captures de pêche, elles sont renseignées sous la forme d’un tableau où sont inscrites les biomasses débarquées par chaque flottille, pour chacun des groupes trophiques.

Une fois calibré, le modèle permet d’obtenir la somme des flux pour un compartiment mais également pour le système dans son ensemble ainsi qu’un certain nombre d’indices écologiques permettant alors, diverses représentations du système étudié.

Le modèle Ecopath permet de calculer le niveau trophique de chacun des compartiments, l’indice de connectivité –qui est le ratio entre le nombre de liens réalisés entre compartiments et le nombre de liens possibles dans le système- ainsi que d’autres indices, utilisés dans notre étude, qui seront explicité plus en détail par la suite.

Voici quelques exemples de représentations du système étudié que le modèle Ecopath permet d’obtenir :

 Une représentation graphique des flux trophiques du système, où des boîtes représentent les compartiments du système et des flèches symbolisent les flux de matière entrant ou sortant de ces boîtes.

 Une pyramide trophique, où chaque étage représente un niveau trophique (le volume de l’étage étant proportionnel à la somme des flux à ce niveau).

 Une matrice des impacts trophiques directs et indirects des compartiments les uns sur les autres.

2.2.2 Ecosim

Le modèle Ecosim permet d’effectuer des simulations dynamiques, c’est pourquoi afin d’intégrer la variation temporelle, le système d’équations linéaires qui régit Ecopath, devient un système d’équations différentielles qui sont, par la suite, intégrées dans le temps. Les simulations dynamiques d’Ecosim peuvent être utilisées pour tester des hypothèses écologiques, concernant la structure et le fonctionnement du réseau trophique de l’écosystème modélisé, des hypothèses quant à la gestion des pêches ou encore des hypothèses sur l’impact de facteurs environnementaux sur le système décrit.

(24)

Pour chaque compartiment i du réseau trophique, avec j ses prédateurs, la variation de biomasse dans le temps dt peut s’écrire ainsi :



   ⁄  ∗          ∗ 

(5)

Avec :  ⁄  = gi = rendement de la croissance

net

Mi = mortalité naturelle

Fi = mortalité par pêche

ei = émigration

Ii = immigration

ei*Bi - Ii = migration nette

∑j Qji = consommation totale du groupe i

j Qij = prédation de tous les prédateurs sur le groupe i

Le taux de consommation Qij, qui représente la prédation que tous les prédateurs exercent sur le

même compartiment i, se calcule en s’appuyant sur la théorie de la « foraging arena ». Cette théorie est basée sur l’hypothèse que la biomasse du groupe i est divisée en une fraction vulnérable et une fraction non vulnérable (cf Figure 8). Le taux de transfert vij, entre ces deux fractions, détermine si le

contrôle du réseau trophique s’effectue par les prédateurs (top-down control), ou par les proies (bottom-up control) ou s’il s’agit d’un contrôle intermédiaire (wasp-waist control) (Walters et al. 1997, Christensen and Walters 2004).

Figure 8 : Théorie de la foraging arena d’après Christensen et al. 2004. Vi

représente la biomasse de proie i vulnérable, Bi la biomasse totale de la

proie i, vij le taux de transfert entre le

stade vulnérable et non vulnérable, ai

le taux de recherche du prédateur sur i et Bj la biomasse du prédateur.

Ce concept permet de prendre en compte le fait qu’une proie n’est pas systématiquement vulnérable à la prédation. En effet, par exemple, une proie peut passer du temps cachée, par exemple dans des crevasses de récifs coralliens, lorsqu’elle ne se nourrit pas et seulement être soumise à la prédation lorsqu’elle quitte son abri pour trouver de la nourriture.

vij.Vi

vij.(Bi-Vi)

Prédateur

Bj

Proie non vulnérable

Bi-Vi

Proie vulnérable

Vi

(25)

Ainsi, le taux de consommation Qij, peut se calculer de la façon suivante :

!"2#∗ #∗ ∗ 

 ∗ 

Avec : vij = taux de transfert d’un état vulnérable à non vulnérable d’une proie aij = taux de recherché effectif du

prédateur

Bi = biomasse de la proie i

Bj = biomasse du prédateur j

Ceci est une version simplifiée du taux de consommation, une version plus complète prenant en compte des facteurs tels que la saisonnalité ou l’impact d’une troisième espèce dans la relation proie-prédateur existe, cependant dans ce travail, nous ne considérerons pas le détail du calcul de ces paramètres.

La vulnérabilité vij est entrée dans Ecopath with Ecosim par couple de prédateur-proie. La valeur

par défaut de ce paramètre est 2, représentant un contrôle mixte du réseau trophique. Lorsque cette valeur est faible, par exemple vij=1, cela représente un « bottom-up control », c’est-à-dire que si la

biomasse du prédateur augmente fortement, aucun effet ne sera constaté sur la mortalité par prédation de la proie de ce couple. A l’inverse, pour une vulnérabilité élevée, par exemple vij=100, si

la biomasse du prédateur se voit doublée, la mortalité par prédation de la proie serait environ deux fois supérieur, traduisant ainsi un « top-down control » (Coll et al. 2009). Cependant, la vulnérabilité est un paramètre extrêmement complexe et particulièrement compliqué à estimer empiriquement. Pour y parvenir, le but est de calibrer les valeurs de vulnérabilité pour estimer les valeurs de biomasse et/ou de captures de pêche les plus proches possible de celles des séries chronologiques de biomasse et/ou de pêche de références que l’utilisateur choisit. Pour mesurer la qualité de l’ajustement du modèle aux séries temporelles, c’est la somme des carrés des écarts (SS), entre les valeurs de biomasse et/ou de captures de pêche observées et celles estimées par le modèle, qui est comparée pour chaque simulation.

L’utilisateur peut choisir de laisser le logiciel calculer des vulnérabilités ou il peut choisir de rentrer lui-même des valeurs de vulnérabilités pour chaque couple prédateur-proie. Ainsi, l’utilisateur peut, manuellement, tenter de réduire la somme des carrés des écarts de son modèle en testant différentes valeurs de vulnérabilités. Suivant le réseau trophique modélisé, cette méthode peut être fastidieuse puisque, plus le nombre de compartiments du système décrit est grand, plus le nombre de couples prédateur-proie est important, impliquant un nombre de valeurs de vulnérabilités à tester imposant.

C’est pourquoi, le logiciel EwE dispose de différentes fonctions permettant de cibler sur quelles valeurs de vulnérabilités le logiciel peut intervenir pour obtenir le meilleur ajustement du modèle. Ces fonctions permettent de déterminer les vulnérabilités auxquelles la somme des carrés des écarts est sensible. Pour déterminer cette sensibilité, le logiciel modifie légèrement (à hauteur de 1%) et une par une, les valeurs de vulnérabilité puis lance une simulation et analyse combien la somme des carrés des écarts a été modifié. Le logiciel donne les résultats de cette recherche de sensibilité sous

(26)

un code couleur permettant à l’utilisateur de visualiser quelles vulnérabilités (soit par couple prédateur-proie, soit par prédateur) sont les plus importantes pour l’ajustement du modèle.

Une fois que l’utilisateur a choisi quelles valeurs de vulnérabilité il autorisait le logiciel à modifier, la routine d’ajustement aux séries temporelles peut être lancée. Cette procédure de minimisation de la somme des carrés des écarts s’effectue par itérations. A chaque étape, l’algorithme lance au moins N+1 simulations (avec N : le nombre de paramètres de vulnérabilités que le logiciel peut modifier). Pour chaque simulation, l’algorithme incrémente une valeur de vulnérabilité de façon à calculer la matrice Jacobienne des sensibilités de chacun des paramètres pour chaque série temporelle observée. Après ces N+1 simulations, la matrice Jacobienne est utilisée pour estimer le meilleur changement progressif initial pour chaque paramètre et quelques simulations sont testées pour améliorer cette étape. L’algorithme s’arrête lorsque ces changements deviennent très petits (ou si une erreur numérique survient lors des itérations, comme une valeur irréaliste pour un des paramètres). Les meilleures estimations de vulnérabilités trouvées pendant les itérations sont renseignées dans la table des vulnérabilités. De plus, la somme des carrées des écarts avant et après cet ajustement aux séries temporelles est disponible, ainsi que l’AIC (Akaike’s Information Criterion) qui est un critère mesurant le poids du compromis entre le nombre de tendances communes et la complexité du modèle (Christensen et al. 2008).

Basiquement, le modèle Ecosim ne tient pas compte des interactions sous-jacentes avec les facteurs physiques ou environnementaux affectant l’écosystème. Le modèle Ecosim, comme le modèle Ecopath, décrit seulement les interactions trophiques. Cependant, une routine dans Ecosim permet de définir des fonctions de forçage, représentant des paramètres physiques ou environnementaux qui influencent ces interactions trophiques. Une fonction de forçage est décrite dans le temps et appliquée seulement aux interactions définies par l’utilisateur, en général à la production primaire. Si elle est appliquée à un producteur primaire, la fonction de forçage modifie le paramètre P/B de ce producteur, alors que dans le cas d’une interaction prédateur-proie, le taux de consommation d’un groupe de proie par le prédateur est altéré.

Une procédure peut être mise en œuvre pour rechercher des valeurs de séries temporelles de fonction de forçage (par exemple la productivité primaire annuelle relative) qui représentent des changements de productivité impactant les biomasses dans tout l’écosystème.

Dans le modèle Ecosim créé pour cette étude, deux fonctions de forçage ont été appliquées. L’utilisation des mesures de la chlorophylle A ont permises de forcer la production primaire représentée par le compartiment du phytoplancton.

La seconde fonction de forçage concerne le compartiment des détritus puisqu’il s’agit de l’apport en matière organique dans l’estuaire.

Ainsi, lors de la calibration du modèle avec des données de séries temporelles disponibles, les rôles des facteurs écosystémiques forçant internes (comme les contrôles des flux déterminant les interactions trophiques) et externes (comme les activités de pêche ou les facteurs environnementaux) dans le pilotage de la dynamique des ressources marines à travers le temps peuvent être explorés (Christensen and Walters 2004).

(27)

2.3

Données disponibles

2.3.1 Campagnes d’échantillonnage

Depuis de nombreuses années, Irstea, anciennement le Cemagref de Bordeaux, effectue un suivi régulier et standardisé de l’ichtyofaune de l’estuaire grâce à la mise en œuvre de deux protocoles d’échantillonnage, faisant intervenir des engins différents.

Les campagnes TRANSECT, réalisées par le Centre Nucléaire de Production d’Electricité du Blayais (CNPE), ont pour but de surveiller la petite faune estuarienne depuis 1979. Le protocole a évolué depuis la mise en place de ce suivi, cependant c’est le descriptif du protocole retenu depuis 1991 qui sera effectué. Les prélèvements sont mensuels et les stations sont localisées sur 4 transects (T2 à T5, cf Figure 10). Chaque transect comprend 3 stations distribuées de la même façon : une station près de chaque rive ; la 3ème est sur l’axe médian de l’estuaire. Pour chaque station, un prélèvement de fond et un prélèvement de surface sont réalisés simultanément. Le maillage des engins utilisés (cf Figure 9) est choisi de façon à cibler les poissons de petite taille, les stades juvéniles des poissons et les crevettes présents dans l’estuaire.

Figure 9 : Zones et engins d’échantillonnage utilisés lors des campagnes TRANSECT (d’après Girardin et al. 2014).

Les campagnes STURAT sont, elles, adaptées à la capture d’individus de grande taille. En effet, elles ont été mises en place, par Irstea en 1986, pour suivre la population d’esturgeons européens, dont l’intérêt a été traité précédemment. Ces campagnes sont généralement réalisées mensuellement dans la zone aval de l’estuaire (zone bleue de la Figure 10). Une vingtaine de traits de chalut à panneaux (3 m d’ouverture verticale, 13 m d’ouverture horizontale et 70 mm de maillage terminal) est effectuée par campagne. L’ensemble des poissons capturés, autres que l’esturgeon, sont recensés, comptés, mesurés et remis à l’eau.

Concernant les données zooplanctoniques, depuis 1979 un suivi régulier de cette communauté est réalisé à l’aide de deux programmes d’observation complémentaires :

(28)

 Le suivi environnemental du CNPE du Blayais.

 Le suivi opéré par le Service d’Observation en Milieu LIToral (SOMILT) et réalisé par l’Université de Bordeaux (David et al. 2007, Chaalali et al. 2013a).

Les échantillons se font mensuellement d’avril à novembre, à 1 m sous la surface et 1 m au-dessus du fond, durant un cycle de marée et localisés sur quatre stations le long du gradient de salinité (points 2, F, E et K de la Figure 10).

Enfin, plusieurs séries de campagnes d’échantillonnage de la macrofaune benthique ont été réalisées dans l’estuaire. La première, en avril et octobre 1991 et 1992, a ciblé le macrobenthos intertidal dans quatre stations (points V, R, SE et L de la Figure 10). La seconde, pendant les années 2000 et 2001, a permis d’échantillonner le macrobenthos subtidal en aval de l’estuaire (zone orangée de la Figure 10). Depuis 2004, la dernière série d’échantillonnages est réalisée par l’Université de Bordeaux d’avril à novembre et correspond à un suivi du macrobenthos intertidal et subtidal. Les prélèvements intertidaux sont effectués sur les trois sites suivants : points SE, L et SC de la Figure 10, alors que les échantillons subtidaux sont réalisés au niveaux des points F, E et K de la Figure 10.

Pour l’ensemble de ces séries de campagnes, les prélèvements concernant le marcobenthos intertidal sont effectués à l’aide de carottes de 0,04 ou 0,06 m² tandis que l’échantillonnage du marcobenthos subtidal se fait à l’aide de bennes Shipeck de 0,04 m² ou de bennes Smith-Mclntyre de 0,1 m².

Les campagnes récurrentes d’observation, dans le cadre du suivi écologique du CNPE du Blayais, depuis 1979 ont également permis d’acquérir des données sur les variables physico-chimique de l’estuaire telles que la température de l’eau, la salinité ou la concentration en MES. A partir de 1984, des paramètres supplémentaires ont été échantillonnés à chaque prélèvement tels que la concentration en chlorophylle A, en nitrates ou en phosphates.

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Figure 10 : Localisation de l'ensemble des sites d'échantillonnage sur l'estuaire de la Gironde et vue chronologique des différentes campagnes (d’après Chevillot et al. en préparation).

2.3.2 Calibration du modèle

Pour cette étude, nous utilisons les 3 modèles Ecopath développés par Chevillot lors de sa thèse sur lesquels quelques modifications ont été apportées. Dans un premier temps, la description d’un de ces modèles va être entreprise, les 3 modèles étant construits de la même manière (seules les valeurs des paramètres d’entrée sont différentes), puis l’adaptation de ces modèles à notre étude sera explicitée. Enfin, la méthode utilisée pour calibrer notre modèle sera développée.

2.3.2.1 Modèle Ecopath représentant la première période (1985-1988) de Xavier Chevillot

La description qui suit est transposable pour les deux autres modèles couvrant respectivement les périodes 1989-2002 et 2003-2014.

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poids de carbone (kgC.km-2), les rapports P/B et Q/B sont donnés en an-1 et les flux entre les compartiments sont en kgC.km-2.an-1.

Le modèle est composé de 29 compartiments : deux groupes de producteurs primaires, trois groupes d’invertébrés benthiques, trois groupes d’invertébrés zooplanctoniques, un compartiment de macrocrustacés, dix-huit de poissons et un d’oiseaux. A cela il faut ajouter aussi un compartiment pour les détritus. Le Centre Nucléaire de Production d’Electricité et la pêche commerciale ont été pris en compte comme deux compartiments de pêche. En effet, le CNPE est une source de mortalité d’origine anthropique qui peut s’apparenter à une pêcherie classique, lors des prélèvement d’eau pour son refroidissement, mise à part le fait qu’il rejette dans le milieu tout ce qu’il y prélève. Il est difficile de quantifier le pourcentage d’individus rejetés vivants, c’est pourquoi, la centrale est considérée comme une flottille qui rejette 100% de ce qu’elle capture. Ces rejets sont dirigés vers le compartiment détritus, sur lequel d’autres compartiments peuvent venir s’y nourrir.

Les biomasses de chacun de ces compartiments utilisées pour l’élaboration des modèles Ecopath de X. Chevillot et des séries temporelles utilisées lors de cette étude sont issues des données obtenues lors des différentes campagnes d’échantillonnage précédemment décrites.

Les valeurs des paramètres P/B, Q/B et DC sont des valeurs empiriques, tirées de la littérature (études scientifiques effectuées sur le même site ou sur des écosystèmes semblables). Le détail de la provenance de chaque valeur est donné dans l’article en soumission de X.Chevillot (cf annexe n°1).

Le logiciel EwE permet de prendre en compte l’incertitude que peut engendrer la provenance des données utilisées pour les paramètres d’entrée du modèle Ecopath. La routine « pedigree » du logiciel permet à l’utilisateur de renseigner un intervalle de confiance (CI en %) quant aux valeurs des paramètres d’entrée, pour chaque compartiment, du système. En effet, la plupart des données autres que les biomasses (P/B, Q/B, DC…) sont issues de la littérature ou calculées à partir de relations empiriques. C’est pourquoi, Christensen et Pauly (2000) ont mis au point une échelle de valeurs pour les intervalles de confiance, pour chaque paramètre, suivant l’origine des données. Un indice de pedigree est associé à chacun de ces intervalles de confiance (cf annexe n°2).

Pour cette étude, puisque ce sont les mêmes données qui ont été utilisées, les intervalles de confiance renseignés dans le modèle Ecopath sont les mêmes que ceux de Chevillot (2016) (cf Annexe n°1).

2.3.2.2 Modèle(s) créé(s) pour l’étude

Dans la littérature l’unité des biomasses dans les modèles Ecopath publiés sont autant en poids carbone (kgC.km-2) qu’en poids frais (t.km-2), concernant les modèles Ecosim, l’utilisation de biomasses en poids frais est fortement recommandée. Pour ce faire, des facteurs de conversion entre poids carbone/poids frais issus de la littérature peuvent être appliqués aux séries temporelles et aux paramètres d’entrée des trois modèles Ecopath de X. Chevillot (2016). Plusieurs versions ont donc été testées sans que cela n’influe réellement sur les patterns observés. Le poids carbone sera donc l’unité des modèles développés dans ce stage.

L’objectif de cette étude est de modéliser le réseau trophique de l’estuaire de la Gironde depuis 1985 jusqu’à nos jours, c’est pourquoi le modèle Ecopath initial (correspondant à l’année 1985) est

Figure

Figure 1 : L'estuaire de la Gironde (d’après Lobry 2004). Afin de se repérer dans la zone de l’estuaire, le point  kilométrique est utilisé
Figure 2 : Débit moyens  annuels et semestriels  cumulés de la Garonne et  de la Dordogne, de 1960 à  2013 (en pointillé leur  moyenne globale, ou  module, sur toute la  période), calculs d'après  les valeurs journalières  fournies par le Grand Port  Marit
Figure 3 : Gradient de salinité dans  l'estuaire de la Gironde. Limites  approximatives des 3 secteurs halins à  l'étiage (Q = 300 m 3 .s -1 ) et en crue (Q = 3  000 m 3 .s -1 ) (d’après Chaalali 2013)
Figure 4 : Formation du bouchon vaseux. Points noirs : MES; Flèches noires : circulation des MES; Cercle marron :  délimitation du bouchon vaseux( d’après Chevillot 2016)
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