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Génomique, repeuplement et conservation chez la truite
(Salmo trutta) méditerranéenne
Maeva Leitwein
To cite this version:
THÈSE POUR OBTENIR LE GRADE DE DOCTEUR
'(/·81,9(56,7e'(0ONTPELLIER
En Génétique et Génomique
École doctorale GAIA
Unité de recherche ISEM
Génomique, repeuplement et conservation chez
la truite (Salmo trutta ) méditerranéenne
Présentée par Maeva LEITWEIN
Le 19 octobre 2017
Sous la direction de Bruno GUINAND
et Patrick BERREBI
Devant le jury composé de Mme. Maud TENAILLON, DR2 CNRS, Le Moulon
M. Louis BERNATCHEZ, Professeur, Québec Mme. Sophie LAUNEY, CR INRA, Rennes M. Simon BLANCHET, CR2 CNRS, Moulis M. Patrick BERREBI, DR2 CNRS, Montpellier
Résumé
La truite commune Salmo trutta L. est l'espèce de salmonidés la plus rependue en Europe. Cette espèce présente une grande diversité phénotypique liée à son histoire pYROXWLYH FRPSOH[H &KDTXH DQQpH G¶LQWHQVHV UHSHXSOHPHQWV RQW OLHX DILQ G¶DXJPHQWHU les densités locales de populations, notamment pour la pêche sportive.
DHV WUXLWHV G¶RULJLQH DWODQWLTXH GRPHVWLTXpHV GHSXLV GHV décennies, et plus
récemment des souches domestiques méditerranéennes, sont largement utilisées
pour repeupler les populations VDXYDJHVORFDOHVG¶RULJLQHPpGLWHUUDQpHQQHGDQVOH
VXGGHOD)UDQFH-XVTX¶jSUpVHQWOHVFRQVpTXHQFHV des interactions génétiques, WHOOHVTXHO¶K\EULGDWLRQHWO¶LQWURJUHVVLRQG¶DOOqOHVGRPHVWLTXHVGDQVOHVSRSXODWLRQV
locales résultants de ces repeuplements, pWDLHQW VXLYLHV j O¶DLGH GH PDUTXHXUV
allozymes et microsatellites. Cependant, en raison de leurs nombres extrêmement
réduits, ces marqueurs Q¶RIIUDLHQW TX¶une représentation très partielle du génome.
Ainsi, leur étude ne permet pas de rendre compte fidèlement des signatures génomiques associées aux pratiques de repeuplement, nécessaires pour comprendre
les conséquences évolutives de O¶LQWURJUHVVLRQ/¶REMHFWLIGHFHWWHWKqVHHVWGRQF
d¶pWXGLHU j O¶pFKHOOH JpQRPLTXH OHV FRQVpTXHQFHV GHV LQWHUDFWLRQV Jpnétiques
LQGXLWHV SDU O¶LQWURGXFWLRQ G¶LQGLYLGXV GRPHVWLTXHV G¶RULJLQHV DWODQWLTXH HW PpGLWHUUDQpHQQHGDQVOHVSRSXODWLRQV µVDXYDJHV¶PpGLWHUUDQpHQQHVGXEDVVLQGH O¶2UE/DSUHPLqUHpartie de cette thèse rend compte du GpYHORSSHPHQWG¶HQYLURQ
196000 marquHXUV613VHWG¶XQHFDUWHGHOLDLVRQJpQpWLTXHKDXWHGHQVLWpchez S.
trutta. Dans la deuxième partie, les outils moléculaires précédemment développés
sont utilisés pour détecter jO¶pFKHOOHLQGLYLGXHOOHles haplotypes introgressés et ainsi
décrire le SD\VDJHJpQRPLTXHGHO¶LQWURJUHVVLRQGDQVWURLVSRSXODWLRQVVDXYDJHVGX
EDVVLQGHO¶2UE/DGLVWULEXWLRQGH la taille de ces haplotypes est alors utilisée en SUHQDQWHQFRPSWHOHVYDULDWLRQVGXWDX[ORFDOGHUHFRPELQDLVRQSRXUHVWLPHUO¶kJH PR\HQGHO¶LQWUogression dans chaque population locale. Finalement, la troisième
partie V¶LQWpUHVVHDX[pressions sélectives - positives ou négatives - qui modulent le
paysage génomique de l¶LQWURJUHVVLRQG¶DOOqOHVGRPHVWLTXHVGDQVOHVSRSXODWLRQV
sauvages. Les résultats VXJJqUHQW TXH OHV FRQVpTXHQFHV GH O¶K\EULGDWLRQ VXU OD
valeur sélective des individus doivent être considérées séparément entre le court et le long terme. Ces travaux montrent que la compréhension des mécanismes évolutifs impliqués présente un intérêt majeur pour la conservation et la gestion des populations naturelles.
Abstract
The brown trout Salmo trutta L. is the most widely distributed salmonid species in Europe. The species presents a high level of phenotypic diversity linked to its complex evolutionary history. An Atlantic hatchery lineage, which has been domesticated for decades, and more recently a domesticated Mediterranean strain, have been largely used for restocking and enhancement of wild Mediterranean populations in southern France, especially for recreational fishing. The impact of restocking practices on brown trout genetic diversity and population genetic structure has been extensively studied with allozyme and microsatellite markers. However, the small number of genetic markers used in these studies did not allow to get a genome-wide representation of introgression. The aim of this thesis was to assess the genome-wide impact of repeated introductions of Atlantic and Mediterranean domesticated strains into wild Mediterranean populations. First, a large number of SNP markers have been developed as well as a high density genetic map for S. trutta. Secondly, the molecular tools previously developed have been used to detect introgressed haplotypes and to provide a detailed picture of introgression frequency patterns across the genome of three wild populations from the Orb drainage. The length distribution of admixture tracts was used to determine the timing of introgression, taking variation in local recombination rate into account. Finally, this study focused on the positive or negative selective forces that modulate the genome-wide landscape of introgression. Our results suggest that the consequences of hybridization on individual fitness have to be considered separately over short and long timescales. This work shows that understanding the evolutionary consequences of stocking practices is of major interest for the conservation and management of natural populations.
Table des matières
1 Introduction ... 1
1.1 De la génétique à la génomique de la conservation ... 1
1.1.1 La biologie de la conservation ... 1
1.1.2 >ĞƐĐĂƵƐĞƐĚ͛ĞdžƚŝŶĐƚŝŽŶ ... 2
1.1.3 Le rôle de la génétique puis de la génomique pour la conservation ... 7
1.1.4 Evolution des outils moléculaires utilisés et leurs limites ... 9
1.2 Interactions génétiques entre taxons ... 15
1.2.1 Ğů͛ŚLJďƌŝĚĂƚŝŽŶăů͛ĂĚŵŝdžƚƵƌĞĞƚăů͛ŝŶƚƌŽŐƌĞƐƐŝŽŶ ... 15
1.2.2 Les effets des interactions génétiques sur la valeur sélective ... 18
1.2.3 Quels outils moléculaires pour détecter ces interactions et leurs effets sur la valeur sélective ? ... 24
1.3 >ĞƐLJƐƚğŵĞĚ͛ĠƚƵĚĞ ... 25
1.3.1 Les Salmonidés ... 25
1.3.2 La truite commune Salmo trutta... 30
1.3.3 >ĞďĂƐƐŝŶĚĞů͛Kƌď͕ŚŝƐƚŽŝƌĞĚĞƐƌĞƉĞƵƉůĞŵĞŶƚƐ ... 33
2 Objectifs de la thèse ... 37
3 Articles ... 39
3.1 Article I : Genome-wide nucleotide diversity of hatchery-reared Atlantic and Mediterranean strains of brown trout Salmo trutta compared to wild Mediterranean populations ... 39
3.2 Article II : A dense brown trout (Salmo trutta) linkage map reveals recent chromosomal rearrangements in the Salmo genus and the impact of selection on linkage neutral diversity. ... 58
3.3 Article III : Far from me, close to me: haplotype signatures of genome-wide introgression in supplemented brown trout populations. ... 71
3.4 Article IV : The short- and long-term effects of selection on local ancestry blocks in a wild fish population admixed with domesticated strains. ... 111
4 Conclusion et perspectives ... 141
4.1 Bilan des résultats ... 141
4.2 Perspectives et applications ... 146
4.2.1 YƵĞůƐĞƐƚůĞƌƀůĞĨŽŶĐƚŝŽŶŶĞůĚĞƐŐğŶĞƐŝŵƉůŝƋƵĠƐĚĂŶƐů͛ŝŶƚƌŽŐƌĞƐƐŝŽŶ ? ... 146
4.2.2 Quelle est la dynamique temporelle de l͛ŝŶƚƌŽŐƌĞƐƐŝŽŶ ? ... 147
4.2.3 ĠǀĞůŽƉƉĞŵĞŶƚĚ͛ƵŶĞƉƵĐĞŐĠŶŽŵŝƋƵĞ ... 147
4.2.4 Etudes des relations phénotype/génotype ... 148
4.3 Réflexions autour de la gestion et de la conservation ... 149
Références bibliographies (hors articles) ... 154
1
1 Introduction
1.1 De la génétique à la génomique de la conservation 1.1.1 La biologie de la conservation
La prise de conscience du fait que les espèces peuplant notre planète ne sont pas pWHUQHOOHVHWLPPXDEOHVQ¶HVWDUULYpHTXHWDUGLYHPHQW(QHIIHWGHSXLVO¶DQWLTXLWp les populations humaines étaient conscientes de la diversité qui les entouraient,
mais le concept de « biodiversité ªLQGXLVDQWODQRWLRQTX¶XQHSDUWGHFHWWHGLYHUVLWp
SXLVVHrWUHHQGDQJHUQ¶DpWpLQWURGXLWHTX¶jODILQGX;;e siècle (Maris, 2016). La
pression anthropique sur le milieu naturel s'est faite de plus en plus forte avec la FURLVVDQFHGHVSRSXODWLRQVKXPDLQHVOHGpYHORSSHPHQWPDVVLIGHO¶DJULFXOWXUHHW O¶LQGXVWULDOLVDWLRQTXLSqVHQWVXUODELRGLYHUVLWpTXLFRPPHQFHjGpFOLQHUSHXjSHX &¶HVW FHSHQGDQW VHXOHPHQW DSUqV OD 6HFRQGH *XHUUH PRQGLDOH TX¶XQH SULVH GH FRQVFLHQFHGHO¶LPSDFWGHVWUXFWHXUTXHO¶KXPDQLWpRSqUHVXUVRQHQYLURQQHPHQWHW donc les espèces se généralise (Maris, 2016). Le concept de « biologie de la conservation » est défini en 1985 par Soulé, comme une discipline scientifique appliquée qui traite de la biologie des espèces et des écosystèmes perturbés directement ou indirectement par les activités humaines. Ses objectifs sont de SUpVHUYHU OD GLYHUVLWp ELRORJLTXH HW G¶pYLWHU O¶H[WLQFWLRQ GHV HVSqFHV (Q Leakey et Lewin, définissent la période contemporaine marquée par un fort taux G¶H[WLQFWLRQFRPPHOD © sixième extinction » en comparaison aux cinq grandes extinctions de masse qui ont eu lieu dans le passé, dont la plus connue est celle des
dinosaures à la fin du Crétacé. Depuis O¶8QLRQ ,QWHUQDWLRQDOH SRXU OD
Conservation de la Nature (UICN) établit et met à jour régulièrement une liste FODVVLILDQW OHV HVSqFHV FRPPH µj IDLEOH ULVTXH¶ µYXOQpUDEOH¶ µHQ GDQJHU¶ HW µHQ GDQJHUH[WUrPH¶3OXVGHGHVHVSqFHVDQLPDOHVVRQWDFWXHOOHPHQWFODVVpHVGDQV
une de ces catégories G¶HVSqFHVPHQDFpHVFigure 1; Frankham et al., 2002). La
biologie de la conservation est donc considérée comme une discipline de crise qui tente de proposer - en particulier à des agences gouvernementales pouvant les PHWWUHHQ°XYUH- des solutions de protection des espèces et de leurs habitats. De fait, la biologie de la conservation est pluridisciplinaire HOOHVHVLWXHjO¶LQWHUVHFWLRQ
de disciplines telles que O¶pFRORJLHODELRORJLHGHVSRSXODWLRQVODJpQpWLTXHGHV
Chapitre 1 Introduction
2
englobant ainsi clairement les outils ± notamment moléculaires ± et les thématiques
IRQGDPHQWDOHVSURSUHVjODJpQpWLTXHGHVSRSXODWLRQV&¶HVWDLQVLTXHOHVTXHVWLRQV relatives aux conséquences: à la dépression de consanguinité, à la dépression hybrides ou encore aux interactions génétiques entre populations ou espèces différenciées, sont parties intégrantes de la génétique de la conservation (Charlesworth et Charlesworth, 2016). Au cours des années 2000, en lien avec O¶pPHUJHQFHGHVQRXYHOOHVWHFKQLTXHVGHVpTXHQoDJHjKDXWGpELWHWXQDFFqVDFFUX à des données moléculaires dont des génomes complets, le terme de génomique de la conservation a été introduit. Ceci implique de définir et de développer des mesures de gestion et de conservation qui ne sont plus basées sur une très faible représentation de la diversité génétique (i.e. via un faible nombre de marqueurs JpQpWLTXH PDLV VXU XQH SULVH HQ FRPSWH G¶XQH IUDFWion importante voire de
« O¶LQWpJUDOLWp » GHO¶LQIRUPDWLRQJpQpWLTXHFRQWHQXHGDQVOHJpQRPHGHVLQGLYLGXV
GDQVOHEXWG¶XQHPHLOOHXUHFRPSUpKHQVLRQHWJHVWLRQGHODGLYHUVLWpHWGHO¶LQWpJULWp génétique des populations et des individus.
1.1.2 Les causes d¶H[WLQFWLRQ
/¶H[WLQFWLRQSHXWrWUHFRQVLGpUpHjO¶pFKHOOHGHO¶HVSqFHRXGXJURXSHG¶LQGLYLGXs
défini comme une population. 'DQVOHVGHX[FDVO¶H[WLQFWLRQPqQHjXQHSHUWHGH
1.1 De la génétique à la génomique de la conservation
3 SRWHQWLHOpFRORJLTXHHWpYROXWLI'HSOXVQRXVSRXYRQVFRQVLGpUHUTX¶XQHHVSqFe HQYRLHG¶H[WLQFWLRQQ¶HVWDXWUHTX¶XQHSRSXODWLRQGHSHWLWHWDLOOHHQGDQJHUFULWLTXH Or, les populations voyant leur taille significativement réduite par les activités anthropiques vont être sensibles à des facteurs stochastiques pouvant conduire à
leXUH[WLQFWLRQ&HVIDFWHXUVVWRFKDVWLTXHVSHXYHQWrWUHG¶RULJLQHHQYLURQQHPHQWDOH
ou génétique (Frankham et al., 2002).
1.1.2.1 Les facteurs environnementaux
Dans un premier temps, il y a les facteurs environnementaux induisant une érosion GXQRPEUHG¶individus qui peut ensuite conduire à une extinction. Par exemple, un premier facteur est la destruction des habitats (Loehle et Li, 1996), plus SDUWLFXOLqUHPHQWODGHVWUXFWLRQG¶KDELWDWVjODUJHpchelle définis comme « hotspots de diversité ». Ces hotspots sont des zones de concentration exceptionnelles G¶HVSqFHVRXGHSRSXODWLRQVHQGpPLTXHVDQLPDOHs et végétales, subissant de fortes destructions environnementales (Myers et al., 2000). Les forêts tropicales sont un parfait exemple de hotspots de diversité; elles abritent plus des deux tiers de la biodiversité animale et végétale mondiale et sont fortement menacées par les activités humaines. Ces forêts sont principalement menacées par la déforestation, O¶H[SDQVLRQGHV]RQHVXUEDLQHVODVXUH[SORLWDWLRQHWO¶DJULFXOWXUH(Gardner et al., 2009). Au total, vingt-cinq zones (Figure 2) ont été définies comme telles, et sont les objets prioritaires des programmes de conservation (Myers et al., 2000; Brooks et al., 2002).
Chapitre 1 Introduction
4
De même, en exploitant les populations pour sa consommatLRQ O¶+RPPH D XQ
impact direct sur la taille de ces populations (Jackson et al., 2001). En effet, de QRPEUHXVHVHVSqFHVGHSRLVVRQVVRQWPDLQWHQDQWVRXVOHVWDWXWG¶HVSqFHVHQGDQJHU à cause de leur surexploitation par la pêche (Davies et Baum, 2012).
Dans un second temps, il y a les facteurs environnementaux qui induisent une PRGLILFDWLRQGHO¶KDELWDWWHOTXHOHchangement climatique LQGXLWSDUO¶+RPPH aussi appelé changement climatique anthropique. Ces facteurs climatiques FRQGXLVDQW j O¶H[WLQFWLRQ peuvent être G¶RUGUH DELRWLTXH WHOV TXH O¶LQWROpUDQFH physiTXH j O¶DXJPHQWDWLRQ GH WHPSpUDWXUH OHV VpFKHUHVVHV OD IRQWH GHV JODFHV O¶DXJPHQWDWLRQGXQLYHDXGHVPHUVRXHQFRUHO¶DFLGLILFDWLRQGHVRFpDQV(Cahill et al., 2012). Par exemple, les coraux, espèces clef des écosystèmes marins, sont très VHQVLEOHVjO¶DFLGLILFDWLRQGHVRFpDQVTXLSHUWXUEHOHXUFDSDFLWpjFRQVWUXLUHOHXU squelette (Cooper et al., 2008). Actuellement, un tiers des espèces de coraux
récifaux esWLQVFULWVXUODOLVWHGHVHVSqFHVPHQDFpHVGHO¶8,&1(Carpenter et al.,
2008). En impactant négativement des espèces clef comme les coraux, le changement climatique va impacter indirectement toutes les espèces dépendantes des coraux. Or, les coraux abritent la plus forte concentration de biodiversité marine
(Carpenter et al., 2008)¬O¶LQYHUVHHQD\DQWXQLPSDFWSRVLWLIVXUFHUWDLQHVHVSqFHV
ou populations, le changement climatique peut induire de la compétition, de la prédation ou encore favoriser certains pathogènes (Cahill et al., 2012). Par exemple,
O¶RXUV polaire (Ursus maritimus) HW O¶RXrs brun (U. arctos) G¶$PpULTXH YRLHQW
désormais leurs niches écologiques se chevaucher de plus en plus en raison de O¶DXJPHQWDWLRQGHODWHPSpUDWXUHFHTXLDFRQGXLWjOHXUK\EULGDWLRQ(Hassanin, 2015).
/¶LQWURGXFWLRQ G¶HVSqFHV, pouvant être ou devenir invasives, peut également FRQGXLUHjO¶H[WLQFWLRQGHVHVSqFHVRXSRSXODWLRQVLQGLJqQHV1RWDPPHQWFKH]OHV RLVHDX[ SRXU OHVTXHOOHV LO V¶DJLW GH OD SULQFLSDOH FDXVH G¶H[WLQFWLRQ (Clavero et Garcia-Berthou, 2005). Que ce soit par la prédation, ou bien par la compétition, les espèces invasives supplantent les espèces natives, en ne subissant pas ou peu de prédation. Leur population va augmenter en taille, elles deviennent alors une menace pour les espèces locales partageant la même niche écologique (Sandlund et
al., 2001) 3UpVHQWH G¶+DZDw DX[ 6H\FKHOOHV OD IRXUPL IROOH Anoplolepis
gracilipesHVWXQERQH[HPSOHG¶HVSqFHLQYDVLYH(QSOXVG¶LPSDFWHUGUastiquement
1.1 De la génétique à la génomique de la conservation
5 O¶LQWURGXFWLRQGHQRXYHDX[SDWKRJqQHVDX[TXHOVOHVSRSXODWLRQV indigènes peuvent rWUHVHQVLEOHV3DUH[HPSOHHQ(XURSHOHVSRSXODWLRQVQDWXUHOOHVG¶pFUHYLVVHVG¶HDX GRXFH $VWDFLGD 'HFDSRGD RQW IRUWHPHQW GLPLQXp j FDXVH GH O¶LQWURGXFWLRQ G¶HVSqFHV G¶pFUHYLVVHV 1RUG-Américaines. La raison principale de ce déclin est O¶DUULYpHDYHFOHVpFUHYLVVHVLQWURGXLWHVGXSDWKRJqQHVAphanomyces astaci, aussi DSSHOpSHVWHGHO¶pFUHYLVVHTXLHVWPRUWHOOHSRXUO¶pFUHYLVVHHXURSpHQQHHWGRQWOHV écrevisses Nord-Américaines sont porteuses saines (Edgerton et al., 2004;
Kozubíková et al., 2009)/¶+RPPHSHXWpJDOHPHQWLQWURGXLUHGHIDoRQYRORQWDLUH
(réintroduction, rempoissonnement, translocation) ou involontaire (échappées) des
individus G¶HVSqFHV GRPHVWLTXpHV DX VHLQ GHV SRSXODWLRQV QDWXUHOOHV 6¶LO \ D
reproduction entre les individus sauvages et les individus domestiqués introduits, cela implique des échanges génétiques qui peuvent être favorables ou défavorables pour les populations locales. Nous nous intéresserons plus particulièrement à ces échanges génétiques dans la suite du manuscrit.
1.1.2.2 Les facteurs génétiques
/HVIDFWHXUVJpQpWLTXHVSRXYDQWFRQGXLUHjO¶H[WLQFWLRQG¶HVSqFHVRXGHSRSXODWLRQV peuvent être liés aux facteurs environnementaux évoqués précédemment. De par la GLPLQXWLRQ GHV HIIHFWLIV HW OD IUDJPHQWDWLRQ GHV KDELWDWV WRXW G¶DERUG SOXV XQH population est isolée et de petite taille, moins le brassage génétique est possible et
plus les chances de se reproduire avec un indiYLGXDSSDUHQWpDXJPHQWHQW&HFLQ¶HVW
pas le cas dans un contexte métapopulationnel où les populations vont échanger des gènes, maintenant ainsi une diversité génétique proportionnelle à la taille efficace
de la métapopulation (Gilpin, 1991). Dans le FDVG¶XQHSRSXODWLRQLVROpHHWGHSHWLWH
taille efficace, la reproduction entre individus génétiquement proches les uns des autres peut alors conduire à de la dépression de consanguinité, qui se traduit classiquement par le déclin de la valeur sélective (Wright, 1977). En affectant les traits de vie impliqués dans la fitness des individus, notamment la fécondité ou la survie (Crnokrak et Roff, 1999), la consanguinité peut avoir un rôle décisif dans O¶H[WLQFWLRQGHVSRSXODWLRQV/DQGH6DFFKHULHWDO2¶*UDG\HWDO
2006)$O¶pFKHOOHJpQpWLTXHOHVIRUWVGHJrés de consanguinité dans les populations
GHSHWLWHWDLOOHDXJPHQWHQWOHVULVTXHVG¶DSSDULWLRQG¶DOOqOHVGpOpWqUHVUpFHVVLIVj O¶pWDW KRPR]\JRWH UpYpODQW DLQVL OHXUV HIIHWV QpJDWLIV VXU OD YDOHXU VpOHFWLYH (Wright, 1977; Charlesworth et Willis, 2009).
$ OD GpSUHVVLRQ GH FRQVDQJXLQLWp LO HVW SRVVLEOH G¶DVVRcier la perte de diversité
Chapitre 1 Introduction
6 FRQGXLVHQW j XQH DXJPHQWDWLRQ GH O¶KRPR]\JRWLH HW j XQH SRVVLEOH LQFDSDFLWp j V¶DGDSWHUHQFDVGHFKDQJHPHQWHQYLURQQHPHQWDO(Lande, 1988). Dans certain cas, XQJRXORWG¶pWUDQJOHPHQWVXUYHQDQWGDQVXQHSRSXODWLRQFRQVDQJXLQHSeut induire une purge des allèles associés à la dépression de consanguinité (Kirkpatrick et Jarne, 2000; Facon et al., 2011), ou au contraire accélérer le déclin de la population (Leberg et Firmin, 2008). Par ailleurs, les populations de petite taille sont plus fortement sujettes à la dérive génétique. Celle-ci mène à la fixation aléatoire G¶DOOqOHVHWWHQGpJDOHPHQWjGLPLQXHUODGLYHUVLWpJpQpWLTXH(Whitlock, 2000; Vilas et al., 2006). Dans une population de faible taille efficace, la dérive génétique prédomine par rapport à la sélection naturelle car la probabilité de fixation aléatoire G¶XQDOOqOHHVWSOXVIRUWHGDQVXQHSRSXODWLRQGHSHWLWHWDLOOHPRGqOHGH:ULJKW-Fisher ; G¶XQDOOqOHHVWSOXVIRUWHGDQVXQHSRSXODWLRQGHSHWLWHWDLOOHPRGqOHGH:ULJKW-Fisher, 1930; Wright, 1931) $ O¶LQYHUVH GDQV XQH SRSXODWLRQGH WDLOOH infinie la dérive est faible, la sélection naturelle sera donc plus efficace (Charlesworth, 2009). Ainsi, en raison de la dérive, une population de petite taille efficace peut perdre un allèle pourtant avantagé par la sélection naturelle. De la PrPH PDQLqUH VL XQH PXWDWLRQ GpVDYDQWDJHXVH DSSDUDvW VD SUREDELOLWp G¶rWUH purgée par la sélection est faible (Whitlock, 2000; Olivieri et al., 2010). La fitness des individus va donc diminuer avec la dérive génétique qui tend à augmenter la probabilité de fixation de mutations délétères au sein de la population (Whitlock, 2000).
Les espèces peuvent répondre aux changements environnementaux en se déplaçant
dans un milieu plus favorable (Harrisson et al., 2014) RXHQV¶DGDSWDQW(Darimont
et al., 2009) &HSHQGDQW SRXU SRXYRLU V¶DGDSWHU LO IDXW TXH OD SRSXODWLRQ VRLW génétiquement suffisamment diversifiée et possède une taille efficace suffisante pour que la sélection naturelle puisse agir rapidement (Sgrò et al., 2011; Franks et Hoffmann, 2012)
Enfin, les populations peuvent voir leur adaptation diminuer en cas de croisements
avec des individus génétiquement trop éloignés. ,O V¶DJLW là du phénomène de
GpSUHVVLRQG¶K\EULGDWLRQ (Templeton et al., 1986). Par exemple, les populations G¶RU\[Oryx leucoryxG¶2PDQDSUqVDYRLUVXELXQHIRUWHSUHVVLRQGHFKDVVHRQW vu leur population diminuer drastiquement ce qui a induit de la dépression de
consanguinité'DQVOHVDQQpHVGHVSURJUDPPHVGHUpLQWURGXFWLRQG¶2U\[RQW
été mis en place afin de conserver ces populations. Paradoxalement, en plus de la dépression de consanguinité, les populations locales ont dû faire face à de la
dépression G¶K\EULGDWLRQOLpHjODUpLQWURGXFWLRQG¶LQGLYLGXVallochtones adaptés à
1.1 De la génétique à la génomique de la conservation
7 O¶LQWURGXFWLRQ G¶LQGLYLGXV GRPHVWLTXHs peut conduire à une augmentation de la FRQVDQJXLQLWpHWXQHGLPLQXWLRQGHODWDLOOHHIILFDFHGHVSRSXODWLRQVLOV¶DJLWGH O¶HIIHW Rayman-Laikre (R-L; Ryman et Laikre, 1991). Ce phénomène peut se produire lorsque des individus sauvages sont prélevés dans le milieu naturel, puis élevés et reproduits entre eux en captivité, avant que leurs descendants soient
réintroduits dans le milieu naturel (Waples et al., 2016). $LQVLELHQTXHO¶DSSRUW
G¶LQGLYLGXVGRPHVWLTXes puisse avoir un effet positif direct sur la démographie des populations de petite taille, cela peut avoir des conséquences génétiques néfastes notamment lorsque les individus introduits sont génétiquement trop éloignés des individus sauvages (Figure 3; Aitken et Whitlock, 2013).
1.1.3 Le rôle de la génétique puis de la génomique pour la conservation
Un des rôles principaux de la génétique de la conservation est de protéger la diversité génétique des espèces pour que celles-ci puissent G¶XQH SDUW SUpVHUYHU
leurs effectifs et leur valeur sélective HWG¶DXWUHSDUWDYRLUODFDSDFLWpGHV¶DGDSWHU
en cas de changement environnemental futur. Afin de préserver cette diversité, il
HVW QpFHVVDLUH G¶pYDOXer les niveaux de diversité génétique HW G¶LGHQWLILHU OHV
populations pour lesquelles il est ou peut être nécessaire de prendre des mesures de
conservation. La génétique de la conservation va plus parWLFXOLqUHPHQWV¶LQWpUHVVHU
aux populations de petites tailles qui possèdent plus de risque de présenter des
Chapitre 1 Introduction
8 QLYHDX[ GH FRQVDQJXLQLWp pOHYpV G¶DFFXPXOHU GHV PXWDWLRQV GpOpWqUHV HW TXL subissent très généralement des pertes de diversité (Figure 4; Frankham et al.,
2002). Par exemple, le loup gris (Canis lupusGHO¶,VOH5R\DOH/DF6XSpULHXU ;
GrandV /DFV&DQDGLHQVHVW O¶REMHWG¶XQVXLYL JpQpWLTXHGHSXLVSOXV GH DQV
(Hedrick et al., 2014)/DSRSXODWLRQIXWRULJLQHOOHPHQWIRQGpHHQjSDUWLUG¶XQ
couple, puis, après une période de prospérité, la population est passée de 50
individus en 1980 à 14 en 1990. Une des explications évoquée estHQSOXVG¶XQH
réGXFWLRQGHILWQHVVFKH]OHVMHXQHVO¶incapacité à résister aux maladies à cause de
la faible variabilité génétique intra-populationnelle induite par de la consanguinité (Wayne et al., 1991). Une fois les populations à risque identifiées, des programmes
de gestion pourront être mis en place dans le but de maintenir ou G¶augmenter la
GLYHUVLWp HQ UHVWDXUDQW SURWpJHDQW O¶KDELWDW RX HQ UpLQWURGXLVDQW GHV LQGLYLGXV /¶LQWURGXFWLRQ G¶LQGLYLGXV DXVVL DSSHOps flux de gènes assisté, peut également diminuer les effets de dépression de consanguinité particulièrement présents dans les populations de petite taille, tout en induisant un support démographique (Figure 3; Aitken et Whitlock, 2013). Ce fut le cas pour la panthère de Floride (Puma
concolor coryi), en 1995, la taille de la population est devenue tellement petite que
GHVDOOqOHVGpOpWqUHVRQWSXVHIL[HUSDUGpULYHJpQpWLTXH$ILQG¶pYLWHUO¶H[WLQFWLRQ de la population, les gestionnaires ont pris la déFLVLRQG¶LQWURGXLUHGHVIHPHOOHV
cougar du Texas (Puma concolor SRXU UHVWDXUHU O¶LQWpJULWp génétique de la
population en induisant du flux de gènes (Hedrick, 2004).
Un autre aspect de la génétique de la conservation est de comprendre comment les populations sont structurées et ainsi adapter les programmes de gestion en fonction GHVFDUDFWpULVWLTXHVGHFKDTXHSRSXODWLRQ&¶HVWSDUH[HPSOHOHFDV paradoxal de la truite arc-en-ciel (Oncorhynchus mykiss) en Californie. Dix unités de gestion ont été établies pour la forme anadrome qui y est considérée comme menacée et en
danger (NOAA, 2006; Leitwein et al., 2017)DORUVTXHO¶HVSqFHqui a été introduite
GDQVWRXWO¶KpPLVSKqUHQRUGSHXWrWUHFRQVLGpUpHlocalement comme une espèce invasive (Lever, 1996). De plus, si la structure des populations est mal interprétée
cela peut induire de la dépression G¶hybridation en mélangeant des individus
génétiquement trop éloignés. Le mélange de populations adaptées à des environnements différents peut également mener à la perte de ces adaptations (Frankham et al., 2002).
La génétique et désormais la génomique de la conservation, permettent de
1.1 De la génétique à la génomique de la conservation
9 étant de OLPLWHU OHV ULVTXHV G¶H[WLQFWLRQ GHV HVSqFHV, taxons ou populations, en prenant des mesures de gestion adaptées à chaque population.
1.1.4 Evolution des outils moléculaires utilisés et leurs limites
Les termes de génétique et génomique de la conservation font référence à la densité de marqueurs moléculaires utilisés pour répondre aux questions. On parlera de génétique lorsque la densité de marqueurs utilisés est relativement faible et de JpQRPLTXHSRXUXQHIRUWHGHQVLWpGHPDUTXHXUVXWLOLVpVMXVTX¶DXVpTXHQoDJHHQWLHU du génome.
Chapitre 1 Introduction
10 1.1.4.1 Historique des marqueurs utilisés en génétique de la conservation Dans les années 1960, la description de la diversité génétique des populations se UpDOLVDLWjO¶DLGHGHVPDUTXHXUVDOOR]\PLTXHV7DEOHDX; Allendorf, 2017). Les allozymes sont des enzymes présentant différents variants alléliques à un même locus donné. La variabilité du gène codant la protéine est détectée par migration VRXVO¶LQIOXHQFHG¶XQFKDPSpOHFWULTXHpOHFWURSKRUqVHHQXWLOLVDQWOHVYDULDWLRQV de mobilités des protéines produites (Charlesworth et Charlesworth, 2016). Ce fut une grande avancée en génétique de la conservation, permettant de répondre à un certain nombre de questions, sur la diversité intrapopulationnelle et sa variabilité interpopulationnelle. Cependant, la densité de ces marqueurs est excessivement faible comparée à la taille des génomes, de plus les allozymes sont parfois directement soumis à la sélection et présentent un polymorphisme très faible, rendant difficiles les études de consanguinité ou de pédigrées et ne fournissent TX¶XQH UHSUpVHQWDWLRQ LQGLUHcte de la variabilité phénotypique (Sunnucks, 2000;
Schlötterer, 2004; Allendorf, 2017)'HPrPHO¶$'1PLWRFKRQGULDOTXLHVWKpULWp
exclusivement de la mère, a rencontré un grand succès à partir des années 80 pour O¶pWXGHGHODSK\ORJpRJUDSKLHGHVHVpèces, c.-à-d. résoudre les relations évolutives HQWUH OLJQpHV pYROXWLYHV GDQV O¶HVSDFH (Avise, 1995, 2000; Avise et al., 2016). &HSHQGDQW O¶$'1 PLWRFKRQGULDO TXL QH UHFRPELQH SDV DJLW FRPPH XQ ORFXV XQLTXHHWSHUPHWGRQFGLIILFLOHPHQWG¶pWXGLHUOHVIOX[GHJqQHVHQWUHSRSXODWLRQV (Ballard et Whitlock, 2004). Dans les années 1990 (Tableau 1; Allendorf, 2017), OHV PDUTXHXUV QXFOpDLUHV PLFURVDWHOOLWHV TXL VRQW GHV VpTXHQFHV G¶XQ j VL[ nucléotides répétés en tandem, ont été très vite largement utilisés en génétique de la conservation pour leur pouvoir résolutif accru notamment vis-à-vis de la GHVFULSWLRQGHODVWUXFWXUHGHVSRSXODWLRQVHWO¶LGHQWLILFDWLRQGHVOLHQVGHSDUHQWp
1.1 De la génétique à la génomique de la conservation
11 entre individus (Avise, 2004; Anderson et Garza, 2006; Jones et al., 2010). Pareillement, en comparant les fréquences alléliques observées dans une SRSXODWLRQ DX[ IUpTXHQFHV DWWHQGXHV j O¶pTXLOLEUH G¶+DUG\-Weinberg, il est SRVVLEOH GH FDUDFWpULVHU O¶pWDW GH OD SRSXODWLRQ 3DU H[HPSOH XQ GpILFLW HQ hétérozygotes peut être induit par la consanguinité et une faible diversité allélique SHXW rWUH OH UpVXOWDW G¶XQ JRXORW G¶pWUDQJOHPHQW 'H PrPH XQ GpVpTXLOLEUH gamétique ou déséquilibre de liaison entre locus peut traduire une faible taille efficace de population (Frankham et al., 2002; Allendorf et al., 2010; Luikart et al., 2010; Allendorf, 2017).
A partir des années 2000 (Tableau 1), le développement des marqueurs de polymorphisme nucléotidique simple, ou SNPs (Single Nucleotide Polymorphism) a amorcé une nouvelle ère en génétique de la conservation. Contrairement aux
allozymes, les microsatellites et les SNPVQHQpFHVVLWHQWSDVGHVDFULILHUO¶LQGLYLGX
Chapitre 1 Introduction
12 1.1.4.2 Vers des approches de génomique à forte densité de marqueurs Grâce aux nouvelles techniques de séquençage à haut débit, il est désormais SRVVLEOHG¶REWHQLUXQHGHQVLWpGHPDUTXHXrVDOODQWGHO¶RUGUHGXPLOOLHUGH613V (Davey et al., 2011) au génome entier (Therkildsen et Palumbi, 2017). Le simple
faLWG¶DXJPHQWHUFRQVLGpUDEOHPHQWOHQRPEUHGHPDUTXHXUVDXJPHQWHODUREXVWHVVH
et la précision des estimations des divers paramètres traditionnellement utilisés en génétique de la conservation (Figure 5). La quantité de marqueurs disponibles rend pJDOHPHQW SRVVLEOH O¶LGHQWLILFDWLRQ GH ORFXV LQIOXHQFpV SDU OD VpOHFWLRQ DXVVL
nommés locus « outliers »), c.-à-G GHV ORFXV GRQW OHV SDUDPqWUHV V¶pFDUWHQW
fortement par rapport au reste du génome. Ces outliers peuvent traduire G¶pYHQWXHOOHV UpJLRQV JpQRPLTXHV LPSOLTXpHV GDQV O¶DGDSWDWLRQ ORFDOH 2Q OHV distingue alors classiquement par leur fort niveau de différenciation génétique entre populations vivant dans des habitats différents (Luikart et al., 2003). Dans ce contexte, le terme de « génomique » prend alors tout son sens lorsque les marqueurs
peuvent être pRVLWLRQQpVOHORQJGXJpQRPH$LQVLLOGHYLHQWSRVVLEOHG¶DYRLUXQH
LPDJHGHVYDULDWLRQVG¶XQHVWDWLVWLTXHOHORQJGXJpQRPHHWQRQSOXVO¶LPDJHGH marqueurs isolés. Cette approche de « scan génomique » peut aboutir à O¶LGHQWLILFDWLRQ GH ORFXV FDQGLGDWV impliqués dans une fonction biologique
1.1 De la génétique à la génomique de la conservation
13 importante du point de vue de la conservation (ex : un phénotype, une adaptation à une condition environnementale). Par exemple, les variations de diversité nucléotidique peuvent être représentées le long de chaque chromosome (voir $UWLFOH ,SHUPHWWDQWDLQVL G¶LGHQWLILHUOHVUpJLRQVJpQRPLTXHVjIRUWHRXIDLEOH diversité génétique. La distribution des variations de différenciation (mesurée par
FST OH ORQJ GX JpQRPH SHUPHW pJDOHPHQW G¶LGHQWLILHU OHV ORFXV RX UpJLRQV
JpQRPLTXHVVXVFHSWLEOHVG¶rWUHVRXVVpOHFWLRQHQYLURQQHPHQWDOHHohenlohe et al. (2010) ont utilisé cette approche pour identifier des régions génomiques sous O¶LQIOXHQFHGHODVpOHFWLRQGLYHUJHQWHHWEDODQFpHGDQVGHVSRSXODWLRQVG¶pSLQRFKH
(Gasterosteus aculeatusGHPHUHWGHULYLqUH¬O¶DLGHGe 45000 marqueurs SNPs,
OHVDXWHXUVRQWpYDOXpODGLYHUVLWpQXFOpRWLGLTXHO¶KpWpUR]\JRWLHHWOHFST entre des
populations marines et de rivière le long des 21 groupes de liaison du génome de O¶pSLQRFKHFigure 6A, B et C respectivement). Deux régions génomiques situées
sur les LGs III et XIII (Figure 6RQWPRQWUpGHVSDWURQVFRKpUHQWVDYHFO¶DFWLRQGH
la sélection balancée (combinant un niveau de diversité génétique et une hétérozygotie élevés, associés à une faible différentiation entre les populations). De plus, de nombreux pics de différenciation élevée (surlignées en jaune à la Figure
Figure 6 Représentation JpQRPLTXHOHORQJGHVJURXSHVGHOLDLVRQGHO¶pSLQRFKH$GHODGLYHUVLWp QXFOpRWLGLTXHPR\HQQHʌ%GHO¶KpWpUR]\JRWLHPR\HQQHHW&GHO¶LQGLFHGHGLIIpUHQWLDWLRQFST) calculé entre les populations marines et la population de la rivière de Boot Lake. Les barres de couleurs représentent les régions où la statistique considérée est VLJQLILFDWLYHPHQWpOHYpHS-5 en bleue et
S-7 en rouge) RXVLJQLILFDWLYHPHQWUpGXLWHHQYHUWS-5) par rapport au reste du génome. Les
Chapitre 1 Introduction
14 6C) ont également été détectés, pouvant refléter la présence de gènes candidats soumis à la sélection divergente dans ces régions (Hohenlohe et al., 2010).
(QILQ O¶DFFqV DX SRO\PRUSKLVPH j O¶pFKHOOH JpQRPLTXH SHUPHW pJDOHPHQW G¶DPpOLRUHU QRWUH FRPSUpKHQVLRQ GH OD VWUXFWXUH G¶DSSDUHQWHPHQW DX VHLQ GHV SRSXODWLRQV /¶HVWLPDWLRQ GH OD SURSRUWLRQ G¶DOOqOHV LGHQWLTXHV SDU GHVFHQGDQFH
(IBD identical by descent)UHIOpWDQWO¶DSSDUHQWHPHQWJpQpWLTXHHVWSOXVSUpFLVHHW
QHQpFHVVLWHSDVODSULVHHQFRPSWHGHVSpGLJUpHVWKpRULTXHVORUVTX¶HOOHHVWUpDOLVpH
avec des données génomiques. De plus, lorsqXHODTXDQWLILFDWLRQGHO¶KRPR]\JRWLH
est estimée le long du génome (méthode ROH, pour run of homozygosity), et non SOXV XQLTXHPHQW 613 SDU 613 LO GHYLHQW SRVVLEOH G¶LGHQWLILHU GHV UpJLRQV génomiques qui sont identiques par descendance (Bérénos et al., 2016). La proportion de ces régions IBD peut aussi être utilisée en tant que proxy pour O¶HVWLPDWLRQGHVWDLOOHVHIILFDFHV(Allendorf, 2017). Bérénos et al. (2016) ont estimé
la consanguinité dans une population de moutons (Ovis ariesjO¶DLGHGH 000
SNP en comparant différentes méthodes (pedigrees, IBD, SNP par SNP, ou encore ROH). Ils ont mis en évidence une dépression de consanguinité impactant directement les individus consanguins, mais également les descendants de ces individus (les moutons nés de femelles consanguines étant eux même plus petits que les moutons nés de femelles non consanguines; Bérénos et al., 2016)
%LHQTXHOHVMHX[GHGRQQpHVJpQRPLTXHVSHUPHWWHQWG¶LQWpJUHUHWGHUHSUpVHQter GLIIpUHQWV W\SHV GH VLJQDX[ OH ORQJ GX JpQRPH XQ JUDQG QRPEUH G¶DSSURFKHs génomiques repose sur une analyse centrée sur chaque marqueur individuellement 613 SDU 613 &HV DSSURFKHV QpJOLJHQW DLQVL O¶LQIRUPDWLRQ FRQWHQXH GDQV OD liaison entre locus voisins sur un même chromosome. Par contre, en prenant en FRPSWHO¶LQIRUPDWLRQGXWDX[GHUHFRPELQDLVRQOHORQJGXJpQRPHDLQVLTXHOH GpVpTXLOLEUHGHOLDLVRQHQWUHORFXVLOGHYLHQWSRVVLEOHG¶DYRLUXQHLQIRUPDWLRQQRQ SOXV j O¶pFKHOOH GX ORFXV LQGLYLGXHO PDLV j O¶pFKHOOH KDSORW\SLTXH &HWWH information peut se révéler être très utile en génomique de la conservation notamment pour étudier les interactions génétiques entre populations différenciées, SXLVTX¶LO GHYLHQW SRVVLEOH G¶LQIpUHU O¶DQFHVWUDOLWp G¶XQH Uégion génomique SDUWLFXOLqUH$LQVLO¶LQIRUPDWLRQGHO¶kJHGHVVHJPHQWVJpQRPLTXHVLQWURJUHVVpV (soit la date du flux génique) entre populations divergentes peut être obtenue en mesurant la longueur des régions génomiques introgressées, aussi appelées « migrant tracts » (Lawson et al., 2012; Guan, 2014; Liang et Nielsen, 2014; Racimo
et al., 2015; Article III). Par exemple, Homburger et al. (2015)RQWpWXGLpO¶KLVWRLUH
1.1 De la génétique à la génomique de la conservation
15 pYqQHPHQWVGHPLJUDWLRQHQSURYHQDQFHG¶(XURSHHWG¶$IULTXH*UkFHjO¶pWXGHGH la distribution de la taille des haplotypes originaires de ces populations sources, les DXWHXUV RQW LGHQWLILp O¶kJH GHV GLIIpUHQWV pYqQHPHQWV GH PLJUDWLRQ SRXU SD\V G¶$PpULTXH ODWLQH OD &RORPELH O¶eTXDWHXU OH 3pURX OH &KLOL HW O¶$UJHQWLQH Homburger et al., 2015).
1.2 Interactions génétiques entre taxons
1.2.1 'HO¶K\EULGDWLRQjO¶DGPL[WXUHHWà O¶LQWURJUHVVLRQ
LRUVGHODPLVHHQFRQWDFWG¶LQGLYLGXVappartenant à des espèces, des populations
ou des lignées différentiées, des interactions génétiques peuvent se produire à GLIIpUHQWHVpFKHOOHVGHWHPSVHWG¶HVSDFH4XHces interactions soient naturelles ou G¶RULJLQHDQWKURSRJpQLTXHOHVLQGLYLGXVV¶LOVQHVRQWSDVLVROpVUHSURGXFWLYHPHQW vont pouvoir échanger leurs gènes.
Chapitre 1 Introduction
16 1.2.1.1 Hybridation
'DQVFHPDQXVFULWOHWHUPHG¶K\EULGDWLRQVHUDXWLOLVpSRXUGpVLJQHUOHVSUHPLqUHV générations de croisements entre deux populations divergentes, produisant des génotypes hybrides recombinants comme les F1, F2 et backcrosses de premières
générations (Figure 88QH]RQHG¶K\EULGDWLRQRX© zone hybride ») définit une
région où deux taxons diffpUHQWLpV YRQW V¶K\EULGHU HW SURGXLUH DX PRLQV XQH
première génération de descendants hybrides (Barton et Hewitt, 1985). Ces zones se forment notamment lors de la remise en contact (contact secondaire) de populations ayant divergé en allopatrie, c.-à-d. qui ont divergé suite à un isolement géographique (Allendorf et Luikart, 2009). Une zone hybride est généralement maintenue par un antagonisme entre la migration et la sélection contre les génotypes recombinants, qui présentent souvent une valeur sélective plus faible que celle des IRUPHVSDUHQWDOHVRQSDUOHGHGpSUHVVLRQG¶K\EULGDWLRQ$LQVLXQH zone hybride SHXWrWUHSOXVRXPRLQVVWDEOHHQIRQFWLRQGHVSUHVVLRQVGHVpOHFWLRQTXLV¶H[HUFHQW sur les lignées parentales et hybrides. Parfois, les hybrides peuvent au contraire avoir une meilleure valeur sélective que les lignées parentales au niveau de la zone K\EULGH&¶HVWOHFDVGHOD]RQHK\EULGHHQWUHO¶eSLQHWWHEODQFKHPicea glauca) et GH O¶eSLQHWWH G¶(QJHOPDQ Picea engelmanni), GHX[ HVSqFHV G¶pSLFpD YLYDQW DX 1RUGGHO¶$PpULTXHjGHVDOWLWXGHVHWODWLWXGHVGLIIpUHQWHV/HVK\EULGHVVRQWPLHX[ adaptés, dans un environnement intermédiaire aux niches écologiques parentales, que les populations parentales. En revanche les hybrides ont une survie moins bonne dans les environnements parentaux (Figure 7; De La Torre et al., 2014). Cependant, si les hybrides sont mieux adaptés que les lignées parentales, cela peut conduire à une extinction des lignées parentales par fusion génétique (formation G¶XQ© hybrid swarm ª¬O¶LQYHUVHVLOHVK\EULGHVVRQWPRLQV adaptés, comme F¶HVWJpQpUDOHPHQWOHFDVODFRQWUH-sélection des génotypes recombinants tend à PDLQWHQLUO¶LVROHPHQWUHSURGXFWLIHQWUHOHVOLJQpHVSDUHQWDOHV(Allendorf et Luikart,
2009). En dehors GHV]RQHVK\EULGHVTXLVHIRUPHQWQDWXUHOOHPHQWO¶K\EULGDWLRQ
SHXWrWUHLQGXLWHSDUO¶LQWURGXFWLRQYRORQWDLUHRXQRQGHWD[RQVSDUO¶+RPPHGRQW certaines ont subi un processus de domestication. En effet les individus domestiqués SRXU O¶DJULFXOWXUH RX O¶DTXDFXOWXUH SHXYHQW VH UHSURGXLUH DYHF OHV SRSXODWLRQV sauvages apparentées dans la nature. Par exemple, Kiang et al., (1979) ont montré TXHO¶K\EULGDWLRQHQWUHOHUL]FXOWLYpHWOHUL]VDXYDJHGH7DLZDQOryza perennis
formosana) a preVTXH IDLW GLVSDUDvWUH OD IRUPH VDXYDJH /¶K\EULGDWLRQ SHXW
1.2 Interactions génétiques entre taxons
17 (XURSHGDQVOHVDQQpHVDILQGHUHPSODFHUOHVFXOWXUHVG¶KXvWUHSRUWXJDLVHC.
angulata) qui étaient affectées par une maladie virale (Grizel et Héral, 1991). Huvet
et al. (2004)RQWSXPRQWUHUTXHFHVGHX[HVSqFHVpWDLHQWFDSDEOHVGHV¶K\EULGHU
dans la nature.
1.2.1.2 Admixture
Le mélange génétique ou l¶ « admixture ªGpVLJQHOHUpVXOWDWG¶XQPpODQJHIDLVDQW
VXLWH j O¶K\EULGDWLRQ GH GHX[ OLJQpHV Sarentales (Figure 8). Si deux lignées parentales se croissent et produisent des descendants viables et fertiles, et pouvant VHUHSURGXLUHDXVVLELHQHQWUHHX[TX¶DYHFOHVOLJQpHVSXUHVDEVHQFHG¶LVROHPHQW reproducWLI LO HVW DORUV SRVVLEOH TX¶DX ERXW GH SOXVLHXUV JpQpUDWLRQV WRXV OHV individus soient admixés (Allendorf et al., 2001). Ce qui fut le cas pour les populations de canards à sourcils (Anas superciliosa superciliosa) de
Nouvelle-Zélande, dont la quasi-WRWDOLWpRQWpWp DGPL[pHVVXLWHjO¶LQWURGXFWLRQGHFDQDUG
colvert (Anas platyrhynchos) (Rhymer et al., 1994).
Chapitre 1 Introduction
18 1.2.1.3 Introgression
/¶LQWURJUHVVLRQ GpVLJQH O¶LQFRUSRUDWLRQ GH PDWpULHO JpQpWLTXH RX IOX[ JpQLTXH G¶XQHSRSXODWLRQVRXUFHYHUVXQHSRSXODWLRQUHFHYHXVHDSUqVSOXVLHXUVJpQpUDWLRQV de croisements (Figure 8 ,O V¶DJLW G¶XQ PpODQJH VRXYHQW XQLGLUHFWLRQQHO, mais SDUIRLVELGLUHFWLRQQHOFRPPHF¶HVWOHFDVGDQVFHUWDLQHV]RQHVK\EULGHVQDWXUHOOHV /RUVTXHOHVSRSXODWLRQVTXLV¶K\EULGHQWSUpVHQWHQWXQLVROHPHQWUHSURGXFWLISDUWLHO
impliquant des gèQHV G¶LVROHPHQW OD FRQWUH-sélection de certains génotypes
hybrides recombinants peut résulter en un flux génique hétérogène le long du génome (Harrison et Larson, 2016). On parle de barrière semi-perméable au flux génique. &¶HVW, par exemple, le cas dans la zone hybride mosaïque entre deux
espèces de grillons Gryllus pennsylvanicus et G. firmus, au nord-HVWGHO¶$PpULTXH.
Les individus introgressés présentent des profils G¶LQWURJUHVVLRQQRQKRPRJqQHs le
long du génome, avec des régions génomiques résistantes j O¶LQWURJUHVVLRQ,
principalement situées sur le chromosome sexuel. Ces régions génomiques UpVLVWDQWHVjO¶LQWURJUHVVLRQSHXYHQWWUDGXLUHODSUpVHQFHGHJqQHVLPSOLTXpVGDQV G¶LVROHPHQWUHSURGXFWHXUHQWUHFHVGHX[HVSqFHVGHJULOORQV'¶DXWDQWSOXVTXHFHV mêmes régions sont retrouvées dans deux zones hybrides présentant des conditions environnementales différentes (Harrison et Larson, 2016).
1.2.2 Les effets des interactions génétiques sur la valeur sélective
Les mélanges génétiques entre taxons différenciés peuvent générer un ensemble G¶HIIHWVVpOHFWLIVSRVLWLIVHWQpJDWLIVGRQWOHVPpFDQLVPHVVRXV-jacents dépendent de la liaison génétique. Il est donc nécessaire de distinguer ces effets sélectifs en IRQFWLRQGXQRPEUHGHJpQpUDWLRQVVXLYDQWO¶K\EULGDWLRQ
1.2.2.1 Les effets immédiats
/¶K\EULGDWLRQHQWUHGHX[WD[RQVSHXWSURGXLUHGHVHIIHWVQpJDWLIVLPPpGLDWVVXUOD valeur sélective des individus, c.-à-d. des effets visibles dès la première génération G¶K\EULGDWLRQ)&¶HVWSDUH[HPSOHOHFDVORUVTXHOHVK\EULGHVVRQWVWpULOHVFDU cela a non seulement un impact négatif direct sur la fitness de ces individus qui ne se reproduiront pas (cul-de-sac évolutif), mais également sur la fitness des SRSXODWLRQV SDUHQWDOHV TXL LQYHVWLVVHQW j SHUWH GX WHPSV HW GH O¶pQHUJLH GDQV OD
reproduction (Allendorf et al., 2001) 3UHQRQV O¶H[HPSOH GH GHX[ HVSqFHV GH
1.2 Interactions génétiques entre taxons
19 GLVWULEXp j O¶Ouest du Japon. Ces deux espèces se sont hybridées après O¶LQWURGXFWLRQ GH P. parva dans les populations de P. pumila. Cependant, les hybrides résultant des croisements entre les femelles P. pumila et les mâles P. parva sont stériles, ce qui veut dire que les femelles P. pumila FRQVDFUHQWGHO¶pQHUJLH GDQV XQH UHSURGXFWLRQ TXL Q¶DERXWLW SDV j XQH WUDQVPLVVLRQ GH JqQHV Cette hybridation asymétrique a conduit à la disparition des populations de P. pumila en
faveur de P. parva (Konishi et Takata, 2004)/DGpSUHVVLRQG¶K\EULGDWLRQSHXW
pJDOHPHQWV¶REVHUYHUVRXVODIRUPHG¶XQHGLPLQXWLRQGHODVXUYLHGHV génotypes hybrides par rapport aux génotypes parentaux. Cette forme de dépression hybride survient généralement à partir de la seconde génération de croisements (BC et F2), même si elle peut aussi toucher la F1.
¬ O¶LQYHUVH RQ SHXW REVHUYHU GHV HIIHWV SRsitifs sur la fitness des hybrides, on SDUOHUDG¶KpWpURVLVRXGHYLJXHXUK\EULGH(Allendorf et al., 2012). Autrement dit, il y a hétérosis quand les individus hétérozygotes ont une meilleure valeur sélective que les individus homozygotes dans une population donnée. Une meilleure fitness peut se traduire par un taux de croissance plus élevé, une meilleure survie et/ou une meilleure fertilité que celles des lignées parentales (Chen, 2010). La vigueur hybride est depuis longtemps utilisée en agriculture. Dans la culture du maïs, O¶KpWpURVLVDSHUPLVG¶DXJPHQWHUODSURGXFWLRQ G¶DXPRLQVGDQVODILQGHV DQQpHVFHTXLDFRQGXLWjXQHH[SDQVLRQGHVFXOWXUHVK\EULGHVMXVTX¶j
(Duvick, 1999)/DSUHPLqUHH[SOLFDWLRQJpQpWLTXHGHO¶KpWpURVLVest le masquage
des allèles délétères récessifs chez les individus hétérozygote.
Cette superdominance est dite « associative » ORUVTX¶elle nécessite de combiner
O¶HIIHW GH PDVTXDJH GHV GpOpWqUHV VXU GH QRPEUHX[ ORFXV DX[ HIIHWV LQGLYLGXHOV faibles. Ceci est de fait réalisé chez les hybrides de premières générations (et a
fortiori chez les F1) résultants de croisements entre deux populations parentales
génétiquement divergentes, car les individus recombinants sont hétérozygotes sur
de nombreux locus. Cette hpWpUR]\JRWLHFRQIqUHXQDYDQWDJHHQPDVTXDQWO¶HIIHW
GHVDOOqOHVGpOpWqUHVUpFHVVLIVG¶DXWDQWSOXVPDUTXpTXHOHVSRSXODWLRQVSDUHQWDOHV sont faiblement diversifiées ou consanguines (Lippman et Zamir, 2007; Chen,
2010). Par exemple, l¶K\EULGDWLRQ HQWUH O¶+RPPH GH Neandertal HW O¶KRPPH
moderne DWUqVSUREDEOHPHQWUpVXOWpHQGHO¶KpWpURVLV liée à de la superdominance
associative. EQ HIIHW j OD VXLWH G¶XQ JRXORW G¶pWUDQJOHPHQW OD WDLOOH HIILFDFH GH O¶+RPPHGH1HDQGHUWDOa diminué, ce qui a entraîQpO¶DFFXPXODWLRQde mutations faiblement délétères et une faible diversité génétique (Harris et Nielsen, 2013;
Prüfer et al., 2014). Ainsi, O¶K\EULGDWLRQDYHFO¶KRPPHPRGHUQHa probablement
Chapitre 1 Introduction
20 chromosomiques néandertaliens, notamment dans les régions génomiques où O¶KRPPH PRGHUQH pWDLW OXL-même porteur de mutations faiblement délétères (Harrison et Larson, 2016).
/¶KpWpURVLVSHXWpJDOHPHQWêtre expliqué par des effets de superdominance, c.-à-d. ORUVTXH O¶LQWHUDFWLRQ GHV GHX[ DOOqOHV SDUHQWDX[ j XQ PrPH ORFXV UpVXOWH HQ XQ SKpQRW\SHVXSpULHXU DX[SDUHQWV /HVGHX[DOOqOHVVHURQWH[SULPpVSDVG¶HIIHWV dominants-récessifs) induisant une meilleure valeur sélective des hybrides (Lippman et Zamir, 2007; Chen, 2010). La Figure 9 tirée de la revue de Lippman HW =DPLU PRQWUH XQ H[HPSOH G¶KpWpURVLV SDU VXSHUGRPLQDQFH SRXU XQH espèce de tomate (Solanum lycopersicum). On peut constater que le pied de tomate
Figure 9 ([HPSOHG¶KpWpURVLVSDUVXSHUGRPLQDQFHSRXUGHVOLJQpHVGHWRPDWHVSolanum lycopersicum et S. pennellii) VXUOH47/SRVLWLRQQpVXUOHVHJPHQWGXFKURPRVRPH$ILQG¶pWXGLHUO¶HIIHWGHVXSHUGRPLQDQFHSRXUXQ47/ donné, le segment 3 du chromosome 8 de S. pennelli a été intégré au génome de S. lycopersicum (interspecific
introgression line ILs methods). (a) Représentation des génotypes de S. lycopersicum L (en blanc à gauche) et de S. pennelli P (en vert à droite). (b) photo montrant les pieds de tomates et leurs fruits respectifs correspondant aux
1.2 Interactions génétiques entre taxons
21 ayant le génotype hybride à une meilleure valeur sélective, de par sa croissance et par la quantité de fruits produits, qui dépasse les pieds de tomate parentaux au génotype homozygote.
1.2.2.2 Les effets à court et moyen terme
Après quelqXHVJpQpUDWLRQVG¶DGPL[WXUHOHVHIIHWVSRVLWLIVVXUODYDOHXUVpOHFWLYH
HQJHQGUpVSDUO¶KpWpURVLVYRQWGLPLQXHUjPHVXUHTXHO¶KpWpUR]\JRWLHGLPLQXHHW TXHO¶KRPR]\JRWLHDXJPHQWHVXLYDQWODORLGHVpJUpJDWLRQGH0HQGHO(Allendorf et al., 2012). Cependant, le flux de gènes entre deux taxons différenciés, apporte aussi de la diversité génétique qui à court ou moyen terme peut avantager les individus admixés ou les populations introgressées. La diversité génétique apportée par O¶K\EULGDWLRQSHXWSDUH[HPSOHSHUPHWWUHDX[LQGLYLGXVDGPL[pVGHV¶DGDSWHUjGH QRXYHDX[ HQYLURQQHPHQWV &¶HVW OH FDV G¶HVSqFHV K\EULGHV GH WRXUQHVRO (Helianthus), dérivées des deux espèces H. annuus et H. petiolaris, qui ont pu V¶DGDSWHUHWFRORQLVHUGHVQLFKHVpFRORJLTXHVGLIIpUHQWHVGHFHOOHVGHVSDUHQWVJUkFH à la diversité acquise via le flux génique entre espèces (Rieseberg et al., 2003). ¬ O¶LQYHUVH GH O¶KpWpURVLV OHV IOX[ GH JqQHV HQWUH WD[RQV GLIIpUHQFLpV SHXYHQW
induire de la dépression G¶K\EULGDWLRQF-à-d. une diminution de la valeur sélective
GHVLQGLYLGXVDGPL[pVSDUUDSSRUWDX[OLJQpHVSDUHQWDOHV7RXWG¶DERUGXQHEDLVVH
de fitness des hybrides peut-rWUHLQGXLWHSDUXQHSHUWHG¶DGDSWDWLRQORFDOHSUpVHQWH
dans les lignées parentales, QRWDPPHQW ORUV GH O¶LQWURGXFWLRQ G¶LQGLYLGXV
QRQ-indigènes ou domestiqués (Verhoeven et al., 2011). Par exemple, Goldberg et al.,
(2005) RQW PRQWUp TXH OHV K\EULGHV GH GHX[LqPH JpQpUDWLRQ ) UpVXOWDQW G¶XQ
croisement entre GHX[ SRSXODWLRQV JpQpWLTXHPHQW GLVWLQFWHV G¶DFKLJDQ
(Micropterus salmoides) étaient plus sensibles aux pathogènes locaux que les F1 ou les lignées parentales. Ensuite, de la dépression hybride peut être induite par des incompatibilités génétiques simples locus ou des incompatibilités impliquant O¶LQWHUDFWLRQGHSOXVLHXUVORFXVHQWUHHX[pSLVWDVLHDXVVLDSSHOpHVLQFRPSDWLELOLWpV de Dobzhansky-Muller (DMI) (Orr, 1995; Turelli et Orr, 2000). On peut considérer OHV LQWHUDFWLRQV G¶pSLVWDVLH FRPPH GHV FRPELQDLVRQV SDUWLFXOLqUHV G¶DOOqOHV j différents locus, étant nécessaire pour exprimer des effets positifs sur la valeur sélective, on parlera également de coadaptation. Or le mélange de ces combinaisons via la recombinaison dans les populations admixées va casser ces interactions et peut également produire de nouvelles interactions qui sont incompatibles, il y a
donc rupture de coadaptations (Dudash et Fenster, 2000). PUHQRQVO¶H[HPSOHGH
Chapitre 1 Introduction
22 PDLQWHQDQW GHX[ SRSXODWLRQV D\DQW GLYHUJp HQ DOORSDWULH HW D\DQW IL[p O¶DOOqOH dérivé a pour la population 1 et b pour la population 2, et que ces deux allèles dérivés sont incompatibles ensemble (Figure 10; Ravigné et al., 2010). Si ces allèles incompatibles sont récessifs, les hybrides de première génération ne seront pas LPSDFWpVHWOHV'0,QHV¶H[SULPHURQWTX¶DX[JpQpUDWLRQVVXLYDQWHs (le génotype
aabb produit en F2 étant délétère, Figure 10; Ravigné et al., 2010). Par exemple,
Dudash et Fenster (2000) ont démontré une forte diminution de performance chez des hybrides de troisième génération (F3) de Chamaecrista fasciculata lié à la
diminution de O¶KpWpUR]\JRWLHHWjODSHUWHGHVLQWHUDFWLRQVG¶pSLVWDVLHSRVLWLYH'H
même, Bierne et al., (2006) ont pu mettre en évidence des DMI dans les deuxièmes JpQpUDWLRQVG¶K\EULGH)GHPRXOHVHQpWXGLDQWOHVPpFDQLVPHVG¶LVROHPHQWSRVW-zygotique dans la zone hybride entre Mytillus edulis et M. galloprovincialis le long GHODF{Wp2XHVWGHO¶(XURSH
1.2 Interactions génétiques entre taxons
23 1.2.2.3 Les effets à long terme
Sur le long teUPHO¶LQWURGXFWLRQG¶DOOqOHVSURYHQDQWG¶XQHSRSXODWLRQVRXUFHYHUV
une population receveuse peut également avoir des effets positifs ou négatifs sur la YDOHXUVpOHFWLYHGHODSRSXODWLRQUHFHYHXVH¬FKDTXHJpQpUDWLRQG¶DGPL[WXUHOD recombinaison réduit la taille des haplotypes introgressés. Ainsi sur le long terme, les effets sélectifs liés aux blocs haplotypiques introgressés vont laisser place aux HIIHWVDJLVVDQWjO¶pFKHOOHGHVORFXVLQGLYLGXHOV/RUVTXHO¶LQWURJUHVVLRQGHORFXV non-indigènes résulte en une augmentation de fitness des individus portant ces ORFXVRQSDUOHUDDORUVG¶LQWURJUHVVLRQDGDSWDWLYH&KH]O¶+RPPHXQJUDQGQRPEUH G¶DOOqOHVSURYHQDQWGHVOLJQpHVG¶KRPLQLGpVDUFKDwTXHVGH1HDQGHUWDORX'HQLVRYD ont été associés à différentes adaptations conférant un avantage sélectif, telles que ODFRXOHXUGHODSHDXGHVFKHYHX[RXjO¶LPPXQLWpFRQWUHGHVSDWKRJqQHVYRLU
revue Racimo et al., 2015). Par e[HPSOH O¶DGDSWDWLRQ j O¶DOWLWXGH FKH] OHV
Tibétains, serait liée au gène EPAS1 TXLHVWDVVRFLpDX[UpSRQVHVjO¶K\SR[LHWHOOH
que la concentration en hémoglobine (Huerta-Sánchez et al., 2014). 7RXWG¶DERUG
ce gène a été identifié comme étant sous sélection positive dans les populations tibétaines (Beall et al., 2010; Peng et al., 2011; Yi et al., 2010). Puis,
Huerta-Sánchez et al. (2014RQWPLVHQpYLGHQFHTXHODVWUXFWXUHKDSORW\SLTXHG¶EPAS1
des Tibétains était très similaire à celle des hommes de Denisova, appuyant O¶K\SRWKqVH G¶XQH LQWrogression adaptative de gènes de Denisova dans les populations tibétaines.
Cependant, tous les gènes introgressés ne sont pas adaptatifs. En effet, O¶LQWURJUHVVLRQ VXU OH ORQJ WHUPH GH ORFXV QRQ-indigènes peut avoir des effets
négatifs sur la valeur séleFWLYHGHVLQGLYLGXVHQUDLVRQGHO¶LQWURJUHVVLRQG¶DOOqOHV
mal-DGDSWpVJpQpUDQWXQIDUGHDXJpQpWLTXH&KH]O¶+RPPHPDOJUpO¶LQWURJUHVVLRQ
adaptative de certains allèles originaire des lignées archaïques, une majorité G¶DOOqOHVLQWURJUHVVpVGH1HDQGHUWDOont un effet négatif sur la valeur sélective des SRSXODWLRQVKXPDLQHVDFWXHOOHVSXLVTX¶LOVVRQWDVVRFLpVjGHQRPEUHXVHVPDODGLHV (Simonti et al., 2016). Par exemple, Dannemann et al., (2017) ont trouvé un locus ancestral de Neandertal associé au risque de déclencher la maladie de Parkinson dans les populations humaines Nord-Américaines.
De nos jours, entre de 1,5 à 2,1 % du génome néanderthaliens a introgressé dans toutes les populations non africaines (Prüfer et al., 2014), suite aux évènements
d¶hybridation entre ces deux lignéesSUREDEOHPHQWORUVGHO¶pPHUJHQFHG¶$IULTXH
GHO¶+RPPHPRGHUQHil y a plus de 80 000 ans (Green et al., 2010). Un deuxième
Chapitre 1 Introduction
24 $VLH SRXUUDLW pJDOHPHQW H[SOLTXHU OHV G¶ascendance Néandertalienne
supplémentaire GDQV FHUWDLQHVSRSXODWLRQV GHO¶(VW GHO¶$VLH (Wall et al., 2013;
Vernot et Akey, 2015) 'H PrPH HQWUH HW GX JpQRPH GH O¶+RPPH GH
'HQLVRYDDLQWURJUHVVpGDQVOHVSRSXODWLRQVG¶2FpDQLH(Meyer et al., 2012; Vernot et al., 2016). Parmi ces régions introgressées les effets sélectifs ayant persisté sur le long terme sont positifs ou négatifs, en fonction du gène considéré. La sélection ne parvient donc pas nécessairement à purger les mutations délétères héritées G¶pYpQHPHQWVG¶K\EULGDWLRQDQFLHQQH
1.2.3 Quels outils moléculaires pour détecter ces interactions et leurs effets sur la valeur sélective ?
Les diffpUHQWVW\SHVG¶LQWHUDFWLRQVK\EULGDWLRQDGPL[WXUHHWLQWURJUHVVLRQFigure
8) ainsi que leurs effets sur la valeur sélective sont liés au nombre de générations après la mise en contact des taxons. On peut associer le nombre de générations au GpVpTXLOLEUHGHOLDLVRQHQWUHOHVORFXVFDUSOXVO¶LQWURJUHVVLRQHVWUpFHQWHHWSOXVOHV haplotypes parentaux introgressés sont de grande taille (Racimo et al., 2015). Les interactions génétiques à court et moyen terme se caractérisent donc par des « effets blocs » sur la valeur sélective, impliquant des haplotypes de longue taille. A contrario, les interactions sur le long terme génèrent plutôt des « effets locus », SXLVTXH O¶pURVLRQ GHV KDSORW\SHV LQWURJUHVVpV SDU OD UHFRPELQDLVRQ SHUPHW GH UpYpOHU OHV HIIHWV LQGLYLGXHOV GHV ORFXV LQWURJUHVVpV 3DU H[HPSOH ORUV G¶XQ croisement entre une population A et B (Figure 8), les descendants de la première JpQpUDWLRQG¶K\EULGDWLRQ)RQWXQKRPRORJXHLVVXGHFKDTXHSDUHQWSRXUFKDTXH SDLUH GH FKURPRVRPHV (QVXLWH j OD GHX[LqPH JpQpUDWLRQ ) UpVXOWDQW G¶XQ croisement de deux F1, il va y avoir un évènement de recombinaison des homologues conduisant à la diminution de la taille des haplotypes (rouge et bleu
Figure 8HWDLQVLGHVXLWHDXILOGHVJpQpUDWLRQV$ILQG¶pWXGLHUOHVFRQVpTXHQFHV
des flux de gèneVUpVXOWDQWGHO¶LQWURGXFWLRQGHWD[RQVG¶HVSqFHVRXGHSRSXODWLRQ
différenciés, il est donc utile de prendre en compte le déséquilibre de liaison entre locus. La position physique relative de chaque marqueur moléculaire peut être connue si un génome de référence est disponible (Article I). Pour connaitre la position génétique (liaison entre marqueurs) ainsi que le taux de recombinaison HQWUHPDUTXHXUVLOHVWQpFHVVDLUHG¶DYRLUDFFqVjXQHFDUWHGHJpQpWLTXHArticle II).
Grâce à ces dernières informationVLOVHUDSRVVLEOHG¶LQIpUHUO¶DQFHVWUDOLWpDXQLYHDX
1.2 Interactions génétiques entre taxons
25 admixées ou introgressées (Sankararaman et al., 2008; Gravel, 2012; Lawson et al., 2012; Harris et Nielsen, 2013; Liang et Nielsen, 2014; Racimo et al., 2015; Article III et IV).
1.3 /HV\VWqPHG¶pWXGH 1.3.1 Les Salmonidés
1.3.1.1 Diversité des Salmonidés
Les Salmonidés forment une famille de poissons osseux comprenant au moins 60 espèces réparties en 11 genres et trois sous-familles, qui ont divergé il y a environ
50- PLOOLRQV G¶DQQpHV OHV &RUHJRQLQDH OHV 7K\PDOOLQDH HW OHV 6DOPRQLQDH
(Figure12; Crête-Lafrenière et al., 2012). Un évènement de duplication du génome entier spécifique aux Salmonidés (WGD-Ss4R : salmonid-specific fourth vertebrate
whole genome duplicationDHXOLHXLO\DHQYLURQPLOOLRQVG¶DQQpHV(Macqueen
et Johnston, 2014; Lien et al., 2016). Cet évènement dHGXSOLFDWLRQDpWpVXLYLG¶XQ
processus de rediploidisation partiel (Brieuc et al., 2014; Kodama et al., 2014; Allendorf et al., 2015; Sutherland et al., 2016), plusieurs espèces, comme le saumon atlantique (S. salar) ou la truite commune (S. trutta) présentent toujours des gènes dupliqués recombinant entre eux lors des méioses via la formation de tétrades (appariement de 4 chromosomes homologues), on parle de tétrasomie résiduelle (Lien et al., 2016 et Leitwein et al., 2016, respectivement pour les deux espèces). Les réarrangements chromosomiques liés à la rediploidisation des génomes ont
induit une grande diversité de nombres de chromosomes (Figure 11). Le nombre
Chapitre 1 Introduction
26
En plus G¶XQH JUDQGHGLYHUVLWp G¶DUFKLWHFWXUHV chromosomiques, les Salmonidés
possèdent une grande diversité de trait de vie. Par exemple, certaines espèces, tel
que le saumon argenté (Oncorhynchus kisutch) ne peuvent VHUHSURGXLUHTX¶XQH
seule fois au cours de leXUYLHRQSDUOHUDGHVpPHOSDULWp,QYHUVHPHQWG¶DXWUHV
HVSqFHV WHO TXH O¶RPEUH FRPPXQ Thymallus thymallus) sont capable de se UHSURGXLUHSOXVLHXUVIRLVMXVTX¶jIRLVGDQVVDYLHSRXUO¶RPEUHFRPPXQRQ SDUOHUDG¶LWpURSDULWp(Stearns et Hendry, 2003). De même, la famille des Salmonidés présente une grande diversité de stratégies de migration, avec des espèces qui restent uniquement en eau douce, dites espèces résidentes, par exemple les
Thymallinae, ou bien résidentes HQHDXGHPHUSRXUO¶Argentina sialis (Figure12;
Alexandrou et al., 2013) 2Q TXDOLILH G¶DQDGURPHV OHV HVSqFHV TXL QDLVVHQW HQ
rivière et migrent en mer pour grandir avant de revenir en rivière pour se reproduire. Par exemple, la forme anadrome de la truite arc-en-ciel (Oncorhynchus mykiss), passe une à deux années en rivière, puis après le processus de « smoltification »,
suite de processus physiologiques permettant l¶adaptation à la vie en eau salée, les
poissons migrent en mer pour y SDVVHUG¶XQHjWURLVDQQpHVDYDQWGHUHYHQLUHQ
rivière pour se reproduire (Shapovalov et Taft, 1954; McPhee et al., 2007). Certaines études suggèrent que cette forte diversité phénotypique pourrait être liée aux évènements de duplication du génome entier ayant eu lieu chez ces poissons téléostéen (Taylor et al., 2001), cependant la diversification des Salmonidés semble aussi être liée à des facteurs environnementaux et physiologiques qui ont eu lieu notamment lors des périodes glaciaires (Macqueen et Johnston, 2014).
1.3 /HV\VWqPHG¶pWXGe
27
Thymallinae
Figure12: Phylogénie de la famille des Salmonidés. Arbre phylogénique de la famille et temps de divergence des Salmonidés inféré à SDUWLUGHGRQQpHVPLWRFKRQGULDOHVHWQXFOpDLUHVDYHFGHVQ°XGVGHIL[DWLRQEDVpVVXUHVSqFHVIRVVLOHVG¶DSUqV&UrWH-Lafrenière et al. (2012). Les différentes stratégies de migration des 6DOPRQLGpVG¶DSUqV$OH[DQGURXHWDO . (2013), correspondent aux espèces résidentes G¶HDXGRXFHHQYHUWG¶HDXGHPHUHQRUDQJHDX[HVSqFHVDQDGURPHVSDUFRXUDQWGHJUDQGHVGLVWDQFHVHQPHUHQURXJHRXGe courte distance (en bleu), puis les espèces migrant en mer, sans objectif associé à la reproduction (en violet).
ŽƌĞŐŽŶŝŶĂĞ
Chapitre 1 Introduction
28 1.3.1.2 Importance socio-économique
Les Salmonidés ont une forte valeur économique, et comptent parmi les espèces de poissons les plus manipulées et impactées par les activités humaines (Laikre, 1999; Fraser, 2008; Davidson et al., 2010). Ce sont non seulement des espèces
économiquement et culturellement importantes SRXUO¶aquaculture, mais également
pour la pêche récréative (Hindar et al., 2006; Davidson et al., 2010). Par exemple, G¶DSUqV O¶Organisation des Nations UQLHV SRXU O¶DOLPHQWDWLRQ HW O¶DJULFXOWXUH
(FAO), la production mondiale de saumon atlantique (S. salarV¶pOHYDLWjSOXVGH
2M de tonnes en 2014. La production aquacole a une visée uniquement commerciale, les poissons sont sélectionnés et/ou génétiquement modifiés afin G¶DXJPHQWHU OD productivité F¶HVW-à-dire en favorisant une forte croissance et résistance aux pathogènes (Gjedrem et al., 2012). Tsai et al. (2015) ont identifié des traits quantitatifs (QTL) relatifs à la croissance, qui permettent de sélectionner génétiquement les individus pour améliorer les élevages. Ces processus de domestication ont des conséquences sur la variabilité des souches domestiquées. On observe alors fréquemment des pertes de diversité génétique dues à différentes pressions de sélection (Frankham, 2008) DLQVL TX¶j OD GpULYH JpQpWLTXH RX j OD dépression de consanguinité liée au petit nombre de géniteurs, ou à une mauvaise gestion des croisements lors de la reproduction (Price, 1984; Fleming et Einum,
1997)&KDTXHDQQpHSOXVLHXUVPLOOLHUVGHSRLVVRQVGRPHVWLTXHVV¶pFKappent des
IHUPHVDTXDFROHVHWRQWODSRVVLELOLWpGHV¶K\EULGHUDYHFOHXUVFRQJpQqUHVVDXYDJHV (Gausen et Moen, 1991; Morris et al., 2008; Reed et al., 2015) ce qui a des conséquences sur la valeur sélective des populations sauvages. Par exemple, le
saumon atlantique (S. salar) IDLWO¶REMHWG¶XQHLQWHQVHSURGXFWLRQ en Norvège depuis
les années 1970. En 2011, plus de 900 VDXPRQVRQWSXV¶pFKDSSHUGHVcages de
pisciculture (Skilbrei et al., 2015) ce qui a induit de forts flux de gènes entre les
saumons G¶RULJLQHV domestique et sauvage (Glover et al., 2015). Récemment,
Bolstad et al. (2017), en étudiant 62 populations de saumons atlantiques, ont montré TXHO¶LQWURJUHVVLRQG¶DOOqOHVGRPHVWLTXHVLQIOXHQoDLWO¶kJHHWODWDLOOHjPDWXULWpGHV LQGLYLGXV VDXYDJHV ,OV RQW QRWDPPHQW SX REVHUYHU TXH O¶LQWURJUHVVLRQ G¶DOOqOHV GRPHVWLTXHVDYDLWWHQGDQFHjDXJPHQWHUODSURSRUWLRQGHIHPHOOHVPDWXUHVjO¶kJH GHGHX[DQVHWGHPkOHVPDWXUHVjO¶kJHG¶XQDQFigure 13).
Les Salmonidés ont également un fort intérêt économique SRXUO¶LQGXVWULHGHOD
pêche récréative, ainsi lHVSUDWLTXHVGHUpHQVHPHQFHPHQWG¶LQGLYLGXVGRPHVWLTXHs
GDQVOHVULYLqUHVVRQWFRXUDQWHV&HVOkFKpVG¶LQGLYLGXVadultes, juvéniles ou sous
forme G¶°XIV ayant pour objectifs G¶augmenter la taille des populations et satisfaire
1.3 /HV\VWqPHG¶pWXGe
29 Champagnon et al., 2012). Par exemple, plus de 5 milliards de juvéniles de saumon du Pacifique (Oncorhynchus spp.) et de truite arc-en-ciel (Oncorhynchus mykiss) de pisciculture sont relâchés chaque année dans les rivières du pacifique nord (Augerot, 2005). Ces lâchés de truites domestiques induisent des flux de gènes avec OHVSRSXODWLRQVVDXYDJHVTX¶LOHVWQpFHVVDLUHGHVXUYHLOOHUHWG¶pWXGLHUDILQG¶HQ comprendre les conséquences.
1.3.1.3 Des modèles G¶pWXGHHQJpQpWLTXHHWJpQRPLTXHGHOD conservation Les Salmonidés, de par leur diversité phénotypique, chromosomique et leur statut économique, sont devenus des modèles centraux en génétique et génomique de la
conservation. En effet, de QRPEUHXVHVpWXGHVRQWpWpUpDOLVpHVGDQVO¶RSWLTXHGH
comprendre les conséquences des flux de gènes résultants de l¶hybridation entre les
individus domestiques, SURYHQDQWG¶LQWURGXFWLRQYRORQWDLUHRXQRQGHODPrPH
espèce ou non, et les populations sauvages locales (e.g. Waples, 1991; McGinnity et al., 2003, 2009; Muhlfeld et al., 2009; Fitzpatrick et al., 2010; Laikre et al., 2010; Hohenlohe et al., 2010; Lamaze et al., 2012; Fernández-Cebrián et al., 2014; Sundt-Hansen et al., 2015). Le développement des nouvelles techniques de séquençage a
Figure 13 (IIHW GX QLYHDX GH O¶LQWURJUHVVLRQ G¶DOOqOH GRPHVWLTXH VXU O¶kJH j PDWXULWp GHV individus sauvages. (a) carte des populations norvégiennes de saumon atlantique, de petite ou grande taille ainsi que les populations ancestrales initialement utilisées pour la souche GRPHVWLTXHE3URSRUWLRQGHFKDTXHFDWpJRULHG¶kJHjPDWXULWpHWDQVRXSOXVHQ IRQFWLRQ GX QLYHDX G¶LQWURJUHssion, pour les mâles et les femelles. Le ǻAIC (Akaike
information criterion) donne une statistique de comparaison entre modèles avec et sans