RAP P OR T#
DE CITOYENS DE SEDAN
/
A L’ASSEMBLÉE NATIONALE,
2
I îDu
31 Août17^2,l’an 4®. de laLiberté3
IaIPRINIE
par ordre de L ASSEMBLEE
iNATIONAï-S*’I
Législateurs,
Les
citoyens deSedan
,_réfidant à Paris,admis
leio de
cemo.j
a la barre, avoientdemandé
votre ao-rémentpour
le tranfporterparmi
leurs concitoyens, afin”de dif- liper l'erreurqui leuravoitfaitperdre l’eftime delaNation
Irançaife.
Vous
le leur avezpermis. Ilsfontpartis, après i
avoir jure de ne revenir à Paris
que
lorfque voscommif-
aires, a linviolabilité defquels
on
avoit porté atteinte, feroient libres,ou
de mourir en lesdéfendant.Ces
citoyens deretourdanslacapitale,vous doivent maintenantcompta
delaconduite qu’ils ont tenue.La
vérité feule adiâé
lePétuion.
N°. 103,
A,K'
C
2
5fàpport quils vous préfe4itenî5 &: le
témoignage
de Icuf confcieiice ieur fait efpérerque
vous voudrez bien lac-cueillir*
Nous
devionspartirde Parislemardi matin, ix de cemois
5mais nous ne l’avonspu
qu’à fixheuresdu
foir-, lesdémarches que nous
avonsétéobligésdefairepour
obtenir des paiïe-ports &C remplir d’autres formalités quenous n
avions pas prévues ,nous
ont retardés jufqii’à cette heure- là.A
20 lieues de la capitale,un
courier venant des fron-tières,
nous annonça
queles commifTaires arrêtés àSedan
avoient été remis en liberté,&
queLafayette setoitenfuien
paflant par Bouillon.Quoique
1objet de notre million eutpu
nous paroitre rempli-, cependant,comme
nous avions reçudu
comitéde
coi'refpondance& du
miniftre deiintérieur desinftruc- lions , des adrelTes Scdes affiches,
pour
les diftribuerdans laville deSedan,
dans l’arméedu Nord
&cdanslesmuni-
cipalités circonvoitines,
nous
n'avons pas cru devoir ré- trograder ,&
nous avons continuénotre route.S’il étoit nécelTaire de vous prouver
que
nous n'avons pasperdu un
feul inftant,nous
entrerionsdans toutesle-sciïconftancesdenotre
voyage
, maisces detailsconlomme-
ïoient
un temps
précieux: nous nousbornons
à vousdue que nous
avonsfréquemment
éprouvé desretards,&
c’ellpour
celaque nous nefommes
arrivés àSedan que
le 23 ,a cinq heures
du
foir.Alors notrepremierfoin fut de
nous
répandre dansh
fein de nosparensScde nos amis,
pour
connoitre pareuxle véritable efpritpublicdela ville.
Tout
yétoittranquiPe dans cemoment^
les agitations , caufées par l'arrivée dc l'arreftationde vos premiers commilTaires,&
par lama-
nœuvre
des ennemis de la chofe publique, avoientceffe.La
grande majorité de nos citoyensétoit dansl’erreurjon
ks
avoit trompés furtout ce qui s’étoit palTé àParis , en( 3 )
dénaturantles faits,
&
en répandantlesbruits lesplusab»
furdes.
A
peine avoient-ilsconnoiflance des décrets rendus depuis le lo^ parce qu’onavoit arrêté, pendantplufieurs jours5 la circulation desfeuilles périodiques écriies dans
le fens^de la révolution. D’ailleurs
, depuis long-temps
,
les petites intrigues de Lafayette,
&
l’affluence des écrits contre-révolutionnaires, fnigulièremeiit accrédités parles malveillans, depuis la journée
du
20 juin, avoient totale-ment corrompu
l’opinion publique.En
effet,on
étoit parvenu à infpirer au peupleun®
baînc implacable contre les vrais amis dela liberté 3c de
1égalité
j
on
les traitoit de laélieux&
d’incendiaires; Sc le
peuple , dans fon égarement
, les confondoit avec les ariftocrates.
Le
patriotirme des Sedanais étoitdonc
frappé de para- lylie; quelques jours auparavant, ils
comnmniquoient Ü peu
avecla^capitale, qu’onleur avoitfait croire aifément
que
toute la.France étoit foulevée contre rAffemblée na- tionale5 quefa dilïolution etoit operee, Sc
que
danstout l’Empire,
on
ne reconnoifibit plus d’autre autoritéque
celle des corps adminifcratifs.
A
notre arrivéeon
étoit revenu de cetteerreur^ maison
ne croyoitpas encore à la perfidie de Lafayette,
un
grandnombre
voyoitavec peinela fufpenfion
du
chefdu
pouvoir exécutif, les décrets’relatifs au général
, au département des
Ardennes &
à la municipalité de Sedan.^
Dans
cemalheureuxétat dechofes , nous nous empref- sames de diftribuer à 'nos concitoyens tous les écrits qui pouvoientleséclairer, telsque FacT:®du
corpsJégiflatif,&
les pièces dont vous avez
ordonné
Fimpreffion.^
^
Le
contre-poifon deFarifiocratie étant ainfî adminîflré, nous lui laifsâmes produire Ton efflet, pendant quenous
allions au
camp
deVaux
,prèsde
Mouzon
,
pour détrom-
per1armee. Seulementun
de noscollèguesreftaàSedan,&
parcourut avec quelques-unes de fes amis
,
pendant
notreA 2
(
4 >
abfence , les
campagnes
voilînes,
pouï
y annoncer aux peuples l’évangile dela liberté.En
allantaucamp
nous rencontrâmes difFérens officiers ÔC foldatsdel’armée, qui, fachant que
nous
venions de Paris5 nous endemandèrent
des nouvelles avec le plus,vif intérêt.Nous
nousfommes
emprelTés de les fatisfaire.Nous
leur avonsdonné
en outre quantité d’écritspatrio- tiquespour
les inftruire 5 en leurrecommandant
de lescommuniquer
à leurs frèresd'armes. Ilsnous lepromirent,&
nous apprîmes, bientôt après, quiisnous avoient tenu parole.Nous eûmes
le plusgrand foin, par^toutou
nous pafsâmes, dediftribuer de d'afficherfade du
corpslégiflatif,
&
tout ce qui pouvoit contribuer à éclairer les citoyens de les foldats.Arrivésau
camp
,verstroisheuresSedemie
,nousyavons rencontré vos commiffaires qui palfoient1armée
enrevue,lorfque
larevue futterminée, nous nousfommes
répandus dans les tentes,où
chacun de nous eut la fatisfadion.de
trouverpluûeurs de fesanciens amis.L
opinion de 1armée
étoit encore incertaine. Lafayette,
pour
fe 1attacher da- vantage , i’avoit privée de toute communication.Nos
adreffes furent diftribuées auffitôt , Se lues avec avidité,
les
foldats nous dirent : « nous yeux font maintenant ouvertsj maispourquoi
les adreffes ne font-elles pasr) parvenues plutôt? nous-
mêmes
nous aurions livré le» traître,
nous
reconnoiffons aujourd’huifa perfidie dans» toute fon horreur-, nous
voyons
que, que danstoutes3) les pofitions qu'il nous a fait prendre 6^
où
il nous ai) laliles, fon deffein étoit de nous livreràl’ennemi; mais
»
notre devoir étoit d’obéir aveuglément à fes ordresj» d’ailleurs, la confiancequ’il avoit fu nous infpirer, ne
» nous permettoit pas,de icruter fes intentions ».
Voilà, Meffieurs,
mot pour mot,
les propres expref- fions desfoldats. Ilsfont indignés d’avoir été trompés par leur générali fi leur opinion avarié quelques infians, ils( î )
n’ont pas cefTé
pour
cela d’êire debonne
foi*, Scnous aimons
à vous dire que leur patriotifme&
leur courage font plus ardensque
jamais.Abandonnés
par le traître Lafayette,&
livrés àeux-mêmes
, ilsontdemandé d une
voixunanime
le généralDumouriez
, qui venoitde leur êtreannoncé
par vos commiffairesSc parFade du
corpslégiflatifque nousavionsaffiché furlestentes.
Bientôt
on
apprit la reddition deLongwy. Le
foldat,à cette nouvelle
imprévue
, a verfé des larmes de rage.Il y avoit pluheiirs jours
que
la ville étoit bloquée, fans qu’il le sût 5 ôc il n’en' éioit éloignéque
de huit à neuflieues. Il fut confterné de voircetteplace au pouvoir des Autrichiens, fans qu’on luieûtfaitfaire le
moindre mou- vement pour
lesrepouffier.Depuis
troisfemaines, Lafayette abandonnoit fonarmée
àune oiûvete honteufeôidefef- pérantepour
des foldatsqui nedemandoienr
qu’à courir à l’ennenii; enfin, cettearmee
etoitdans la fituationlaplus déplorable, Sciln’eft paspoffiblede douter que l’intention dece généralliberticidene fût4elaperdre entièrement.Sortis
du camp
, verslesneufheuresdu
foirpour nous
rendreà Létanne, village voifin,où
nousallionsrépandre des inftrudions, nous traversâmes laMeufe
, prèsd un ponton
del’armée.Le
lendemain, en repafiant, nousdif- tribuâmes au parcd’artillerie,placé furla rive gauche dela rivière, des adreflès& fade du
corps légiflatifquenous
affichâmes.Arrivésà
Mouzon,
prèsdu camp
deVaux
, nous ytrou-vâmes
düFérensofficiers&
foldatsde l’armée^quinousaflu- ïèrentquel’unionlaplusparfaite &clemême
efpritrégnoientparmilatroupe deligne
&
lagardenationale,&
queLafayetteen étoitgénéralementabhorré. Ils nousapprirent
que
dans cemoment
il fetenoitun
confeil-de-guerre*,nous ignoronspourquoi
^ ilsnousdirentavec confiance quepour
uneville livréepar
des traîtres^ il nefalloit pas défefpère r de^ la çhofepubîèqUej quilsétaientlà^&
quilscoviptoicntI
I
M
fairepayef
oheraux
Autrichiens(^)
laperte deLongwy,
Tres-latisfaîtsde ces difpofitions, nous reprîmeslaroute de
Sedan
5 lorfquaux portesdeMouzon
nous vîmesarrêter parlesfoldatsdelagarde,dilFérensvolontairesfans venant deLongwy. On
les fit entrer .au corps-de-gardejon
leurdemanda comment
ils s’étoient laifie défarmer.Ilsvoulurentrépondrej maislesfoldatsdela garde, pleins
de
fureur, parce
qu
ignorant toutes les circonftances de Taffairedelongwy
, ilscroyoientquelaredditiondecette place etoit 1effetdela lachetede lagamifon
, leurrepro- chèrent, avecles termeslesplus durs, d'avoir violé le fer-
ment Æ
t^ifrelibres ou demourir;en ajoutantquepour
euxon
leur eut arrache plutôt lecœur
que de leur ôter leurs armes.Une
particularitébien capable dedonner
une jufie idée de 1indignation de ces braves militaires, c'efi;
que
!
un
des volontairesdeLongwy
, excédé de fatigue 5c debefoips
, ayant
demandé un
verre d'eau, parce
qu
ilnavoit rien pris depuis œtte ville, ce verre d’eau lui fut refufé.Nous
avons ététémoins de ce fait.Surla route de Bazeilles, à une demi-lieue de
Sedan
,autres volontaires,également delà garnifon de
Longwy,
forent maltraités pardes foldats de ligne.
Nous
n’entrons dans ces détails, que
pour vous
prouVef , Meflîeurs ,combien
le fbldatFrançais s’irrite à la feule apparence dela lâcheté.
Cependant
,comme
ce rapport eft confacréà la plus exaCèe vérité,nous vousafïurons, d’après des té-moins
'oculaires^
pour
la jufiifieatîon de la garnifon deLongwy,
quellea été trahieparlecommandant
delaplace,d
autres officiers, &'de plus
abandonnée
par les corps adminiftratifs&
les citoyens.En
revenantdu camp
deVaux
àSedan
,nous
avonsvu
avec peine, qu’on avoit arraché
une
partie des affichesque
nous avionsappofées la veille fur la route, dans les villages (8c aux portes des égliles.On
ne peut attribuer leur enleveniefîtqu
alafeélérateffedesariflocrates.Commi
(
7
)nousavions fait ailleurs ufage de toutes nos affiches,
^ou
4avons
beaucoup
foufFcrt de ne pouvoir en replacerou
iln’y en avoit plus.
Rentrés dansnotreville,après
deux
joursdabfence,nous
yavonstrouvérefprit publicavantageufement changé.La
nouvellede l’afFairede
Longwy
yavoit fait laplusdoulou-xeufefenfation.
On
ne doutaplusdelatrahifondeLafayetteyon
vitcombien
la fécurité, danslaquelleil avoit entretenu lescitoyensôcl’armée, étoittrompeufe Sc perfide. Auffitôton
fitla vifite desmagafms &
des arfenaux. Les armes quis’y trouvèrent furent à rinfiant délivrées à ceux qui'en manquoient. Enfin, nous
pouvons vous
direque
tout fe difpofepour
unevigoureufe réfiftance. Lestravaux relatifs à ladéfenfe de la place font dans la plus grande adivité; à notre départon
s’occupoit desmoyens
de barrer les archesdu pont
deTercy
,pour
faire refluerles eaux delaMeufe
dans les prairies Sc les fofles.On
avoitouvertune
foufcription
pour
fecourir les veuves&
lesenfans des ci- toyens qui périroientpendant la guerre.D’aprèscerapport, nous croyons pouvoir vous afifurer
que
les Sedanais défendront avec courage la barrièrede
l’Empireoù
ils font placés,&
qu’ilsreconquerrontbientôt l’eftime de laNation
françaife , qu’unmoment
d’erreur leur afait perdre.Dans
cette confiance , nousfommes
partis deSedan
,
lundi dernier,
27
de ce mois-, nous avons été retenus àMohon
^ village fitué àun
quart de lieue de Mézières,
parce
que
les portes de cette ville étoient fermées*, leJendemain
18 nous y rencontrâmes le généralDumouriez.
Un
de nous luiannonça que
lesSedanais de l’armée l’at- tendoient avec la plus viveimpatience, ècqu
iltrouveroit lecamp
deVaux
tranfporté fous lesmurs
de Sedan.Nous
lui
démandâmes
fes dépêchespour
Paris , il accueillit eette propofifion d’une manière bien flatteufepour
nousj(n
îl
nous
confiadeux
lettres,
Tune pour M.
lepréfident, Sc1autre
pour
ÜVl, Servan, minifirede la guerre.Nous
lesavons remifes tres-fidelenient. Enfiiite nous nous
fommes
occupés de vous faire le rapportque nous
avonsl'hon- neur de vous préfenter./ ,