FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
A_nST3STÉE 1900-1901 N° 59
D E
LA TARSOCLA
cr>
I rin- r •
dans le traitement du pied-bot varus équin coniffltag "5,3
CHEZ L'ENFANT ï.'sVV
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
présentée et soutenue publiquement le 19 Juin 1901
Gassien-Ferdiuand DUGÉ DE BERNONVÏLLE
Né àLongré(Charente),le 28 décembre 1871.
Examinateursde la Thèse
MM. PIÉCHA.UD, professeur.... Président.
LEFOUR, professeur..
DENUCÉ, agrégé.
I10BBS,
Juges.
Le Candidat répondra aux questions qui lui seront faites sur les diverses parties de l'Enseignement médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE Y. CADORET
17, Rue Poquelin-Molière, 17 (ancienneeuemontméjan)
1901
FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
M. de NABIAS Doyen. | M. PITRES.... Doyenhonoraire.
PROFESSEURS
MM. MICÉ I
DUPUY [ Professeurshonoraires.
MOUSSOUS .
Cliniqueinterne Clinique externe
Pathologieetthérapeu¬
tiquegénérales Thérapeutique
Médecineopératoire...
Clinique d'accoucliements
Anatomiepathologique
Anatomie
Anatomie générale et
histologie Physiologie Hygiène
MM.
PICOT.
PITRES.
DEMONS.
LANELONGUH VERGELY.
ARNOZAN.
MASSE.
I.EFOUR.
COYNE.
CANNIEU.
VIAULT.
JOLYET.
LAYET.
Médecinelégale Physique
Chimie
Histoire naturelle Pharmacie Matière médicale Médecineexpérimentale.
Clinique ophtalmologique Cliniquedes maladieschirurgicales Clinique gynécologique.
Clinique médicale des maladies des enfants.
Chimiebiologique
MM.
MORACHÇ.
BERGONIE.
BLAREZ.
GUILLAUD.
FIGUIER.
de NABIAS.
FERRÉ.
BADAL.
PIÉCHAUD.
BOURSIER.
A. MOUSSOUS
DENIGÈS.
AGREGES EN EXERCICE :
section de médecine (Pathologie interneetMédecine légale).
MM. CASSAET.
AUCHÉ.
SABIIAZES.
MM. Le DANTEC.
HOBBS.
section de chirurgie et accouchements
Pathologieexterne
MM.DENUCE.
VILLAR.
BRAQUEHAYE CHAYANNAZ.
Accouchements MM.CHAMBRERENT.
FIEUX.
section des sciences anatomiques et physiologiques Anatomie. 1 MM. PRINCETEAU.
t N. Physiologie MM. PACHON.
Histoire naturelle BEILLE.
section des sciences physiques
Physique MM. SIGALAS. | Pharmacie M. BARTHE.
COURS COMPLÉMENTAIRES :
Cliniquedes maladiescutanéesetsyphilitiques MM. DUBREUILH.
Cliniquedes maladies desvoies urinaires Maladiesdularynx, des oreillesetdunez Maladies mentales
Pathologie externe
Pathologieinterne Accouchements Chimie
Physiologie Embryologie Ophtalmologie
Hydrologie etminéralogie Pathologie exotique
Le Secrétaire de la Faculté: LEMAIRE POUSSON.
MOURE.
RÉGIS. ,
DENUCE.
IlONDOT.
CHAMBRELENT.
DUPOUY.
PACHON.
PRINCETEAU.
LAGRANGE.
C ARLES.
LE DANTEC.
Pardélibérationdu 5 août1879, la Facultéaarrêtéqueles opinions émises dans lesThèsesqui qui sont présentéesdoivent être considérées comme propres àleurs auteurs, et qu'ele n'entend leur donner ni approbation ni improbation.
A la Mémoire de mon Oncle
Le Docteur DUGÉ DE BERNONVILLE
Directeur duService desanté dela Marine Commandeurde laLégion d'honneur.
A mon Présidentde Thèse,
Monsieur le Docteur T. PIÉGHAUD
Professeurdeclinique chirurgicale infantile,àlaFaculté de Médecine deBordeaux,
Officier del'Instruction'publique.
Nous sommes heureux de pouvoir
aujourd'hui adresser
un témoignage public de respectueuse
reconnaissance à
tous ceux qui nous ont honoré
de leurs conseils
etguidé
dans nos études médicales.Nous tenons à remercier,d'une façon toute particulière et très sincère, M.
le professeur
Piéchaud, dans le service duquel nous avons eu
le bonheur
de passer trois mois et qui a bien
voulu
accepterla
pré¬sidence de notre thèse. Nous ne saurions trop lui exprimer
notre reconnaissance d'avoir su nous faire aimer la chi¬
rurgie infantile dont l'étude est si intéressante, et notre
meilleur remerciement sera d'avoir pu profiter d'un ensei¬
gnement fait de façon si amicale. Nous tenons à remer¬
cier aussi M. le Dr Guyot, son chef de clinique, qui nous
atoujours prodigué ses conseils et
aidé
àfaire aimer
notremaître. Que M. le Dr Gourdon, qui nous a initié à l'ortho¬
pédie, aidé de ses conseils pour notre travail et permis
souvent de mettre la main à l'œuvre, reçoive aussi notre affectueux hommage.
Enfin nous conservons un vif souvenir des années pas¬
sées à 1 Ecole de médecine de Limoges où, entre autres, M. le DrChénieux, directeur de l'Ecole, M. le I)r Bleynie,
accoucheurà la Maternité etM. le Dr Lemaître, professeur
d'anatomie nous ont traité plutôt en ami qu'en élève.
D E
LA TARSOCLASIE
dans le traitement du pied-bot varus équin congénital
CHEZ L'ENFANT
INTRODUCTION
Nous n'avons pas la prétention, dans ce travail que
nous soumettons au jugement de nos maîtres, de faire la critique des différentes méthodes employées pour le trai¬
tement du pied-bot varus équin congénital. Certes, ces méthodes sont nombreuses et nombreuses aussi les obser¬
vations publiées où elles ont donné un plein succès aux
chirurgiens qui les ont employées.
Nous nous contenterons donc d'exposer les faits et de
montrer les résultats obtenus chez les enfants par une méthode qui tend à se généraliser de plus en plus dans le
monde orthopédique, nous voulons dire la tarsoclasie.
Nous ne viserons que le pied-bot varus équin congénital
chez l'enfant, parce qu'il estle plus fréquent de tous.
Les observations que nous publierons, pour montrer le
résultat de cette méthode, auront d'autant plus de valeur
— 14 —
pour nous, qu'elles auront étéprises dans le service ou la
clientèle de notre maître M. leprofesseur Piéchaud, grâce
à l'extrême obligeance du D1' Guyot, son chef de clinique.
Nous avons pu, dans quelques cas, suivre avec intérêt l'opération elle-même, l'application de l'appareil de con¬
tention, le traitement post-opératoire et les progrès cons¬
tant sde la guérison.
Il nous a même été donné de revoir récemment quel¬
ques petits opérés, afin de bien nous assurer que le
résultat n'était pas illusoire.
Nous passerons donc rapidement dans un premier cha¬
pitre sur la définition, la pathogénie et l'anatomie patho¬
logique du pied-bot varus équin congénital. Dans un second chapitre, nous aborderons l'historique du traite¬
ment, afin de bien montrer la part donnée, à chaque époque, au redressement manuel. Dans un troisième cha¬
pitre, nous ferons la description de la tarsoclasie, dont
nous diviserons l'étude en trois parties :
1° Modelage manuel chez le nouveau-né dont le pied
est facilement redressable et description de l'appareil de
contention.
2° Tarsoclasie manuelle chez l'enfant dont le pied est difficilement redressable et choix de l'appareil de main¬
tien.
3° Tarsoclasie manuelle secondée par la tarsoclasie ins¬
trumentale ou tarsoclasie instrumentale pure dans les pieds durs et chez les enfants plus âgés.
Nous publierons quelques observations avec les résul¬
tats donnés par ce traitement, et nous arriverons aux conclusions qui découlent de ce travail.
CHAPITRE PREMIER
Le pied-bot varus équin congénital étant une affection compliquée, il n'est pas facile de le définir d'une façon
nette et concise. Aussi, pour arriver à une définition
exacte, il faut en énumérer les symptômes.
Nous dirons donc, avec Ivirmisson et avec M. le profes¬
seur Piéchaud : le pied-bot varus équin congénital est
une attitude vicieuse et permanente apparaissant àla nais¬
sance et telle que le pied, au lieu de reposer sur le sol
par ses points d'appui normaux, repose par son bord
externe, setrouve en adduction et rotation forcée, la face plantaire regardant en dedans et la face dorsale en
dehors (varus). De plus, le pied se trouve en extension
forcée sur la jambe, le talon éloigné du sol (équinisme),
la pointe du pied dirigée en dedans (adduction). Lorsque
ce dernier symptôme est très accentué, il constitue l'en¬
roulement.
Dès la plus haute antiquité, puisqu'on peut remonter à Ilippocrate et à Gallien, on s'est occupé de la palhogénie
du pied-bot. Diverses théories ont été émises et se trou¬
vent exposées dans la thèse de Schwartz (1883) et dans
celle de Humbert, de Nancy (1899).
La première invoque un vice primitif de formation
osseuse et a trouvé de chaleureux défenseurs dans Scarpa,
Lannelongue,
Hueter et Thorens.La deuxième, ou théorie musculo-nerveuse, ardemment défendue par Gilles de la Tourette (I), donne le pied-bot
(1) Semainemédicale, n. 517, 1896.
comme conséquence d'une lésion, soit
dans la fibre
ner¬veuse, soit dans la fibre musculaire.
Une troisième, soutenue surtout en France par Cru- veilhier, admet une cause mécanique
quelconque
provo¬quant un arrêt de développement osseux.
A celte dernière, Eschricht (de Copenhague), en ratta¬
che une quatrième, reprise de nos
jours
parDareste, qui
invoque un arrêt d'évolulion
de l'organe,
etla persis¬
tance d'un état fœtal de transition momentanée.
Nous n'avons pas l'intention
de discuter
cesdiverses
théories; qu'il nous sulfise de
dire
quesi chacune
peut s'appliquer à quelques casparticuliers,
aucune ne peut s'appliquer à tous les cas engénéral.
Le pied-bot, comme toutes les
affections congénitales,
nepersiste pas dans le même état
durant chaque période
de la vie. Il tend à s'aggraver de plus en
plus,
ettel pied-
bot qui, au début de la vie ou avant que
l'enfant ait
mar¬ché, était peu prononcé et facilement
réductible, devient,
par la suite, au fur et à mesure que
la fonction de la
mar¬che s'accomplit, de plus en plusgrave. Néanmoins, nous ne
dirons pas pour cela que le pied-bot
doit
êtrefacilement
redressable chez l'enfant et irréductible chez l'enfant qui
a marché. Ce serait méconnaître les diversdegrés de cette affection. S'appuyant sur ceci, Kirmisson avait
divisé les
pieds bots congénitaux en réductibles etirréductibles
etM. le professeur Piéchaud, complétant cette
division,
a formé trois groupes bien distincts au point de vue anato- mique :1° Pieds-bots tendineux;
2° Pieds-bots tendineux-osseux;
3°Pieds-bots osseux.
Nous décrirons les caractères de chacun de ces groupes dans un chapitre suivant, lorsque nous
aborderons
la question du traitement.Nous pouvons néanmoins, dès maintenant dire que
cette division a pour nous beaucoup
d'importance,
car— 17 —
elle nous indiquera toujours si notre méthode de traite¬
ment peut être efficace.
Il est, en effet, de toute évidence que moins il y aura d'obstacles à vaincre pour réduire le pied-bot, plus le
redressement sera facilement applicable; que, si on peut d'emblée admettre la tarsoclasie pour le pied-bot tendi¬
neux chez l'enfant, on ne peut l'appliquer sans réfléchir
au pied-bot osseux, surtout lorsqu'il estancien.
11 existe encore un autre facteur qu'il importe de pren¬
dre en considération avant de choisir la méthode de trai¬
tement, c'est l'âge du sujet. Le pied-bot se prête plus ou moins facilement au redressement, suivant qu'il existe à
tel ou tel âge de la vie. En effet, un pied-bot tendineux
et facilement redressable chez l'enfant devient, chez l'adulte, un pied dur et difficile à réduire, car des défor¬
mations osseuses importantes sont venues se joindre à
celle des parties molles.
Aussi, Redard divise l'étude de l'anatomie pathologique
du pied-bot en deux parties : 1° chez le nouveau-né et l'enfant n'ayant pas marché; 2° chez l'enfant ayant mar¬
ché et chez l'adulte. Cette division est parfaitement justi¬
fiée, et au point de vue du traitement, l'adulte, alors que la croissance est terminée, devrait, à lui seul, compren¬
dre un troisième groupe.
Nous ne ferons qu'effleurer rapidement la question ana-
tomo-pathologique.
Cette étude a été approfondie avec soin par la plupart des anatomistes et des chirurgiens qui, comme Kirmisson (1), en ont si bien montré l'impor¬tance en vue du traitement.
Tout d'abord, rappelons que les lésions qui portent soit
sur les os, soit sur les muscles et les tendons, impliquent
à chaque partie constitutive du tarse un changement im¬
portant de rapports et de directions. Ces modifications varient dans leur détail presque avec chaque sujetet aussi
(1) Kirmisson, Revued'orthopédie, 1890, n.3.
Dugé de Bernonville 2
aux différents âges de la vie. Seuls l'astragale et le calca-
néum offrent d'une façon à peu près constante la même
modification dans leur forme et leur direction, mais avec
une intensité variable. Dans le pied-bot varus équin con¬
génital, on retrouve toujours l'astragale en subluxation plus ou moins complète sur les os de lajambe, avec obli¬
quité marquée du col, et en adduction telle que la face
externe se trouve augmentée de longueuret la face interne
diminuée. Le calcanéum de son côté subit toujours un
mouvement de torsion interne permettant à la grande apophysedes'hypertrophier beaucoup. Aussi Hueter attri-
bue-t-il à ces deux lésions différentes la position caracté¬
ristique de varus équin, le développement anormal de la grande apophyse du calcanéum s'opposant à tout mouve¬
ment de pronation.
En résumé, l'équinisme est dû : 1° à la position anor¬
male de l'astragale qui est fixé par le ligament péronéo- calcanéen, sorti en partie de la mortaise tibio-péronière
et augmenté de volume dans sa partie antérieure; 2° au raccourcissement et à la rétraction du tendon d'Achille et
des ligaments qui unissent en arrière le calcanéum aux os de lajambe. Le varus, l'adduction et l'enroulement sont dus: 1° à l'augmentation de volume du segment antérieur
de l'astragale en dedans duquel a glissé le scaplioïde et dont le col est allongé et la forme modifiée ; 2° à la saillie
et au développement anormal de la grande apophyse du
calcanéum en dehors de laquelle le cuboïde s'est luxé ; 3° à la rétraction des ligaments de la partie interne et pos¬
térieure du pied, principalement le ligament deltoïdien et
tous ses faisceaux (Reeves, Phelps), des ligaments plan¬
taires, et des tendons venant s'insérer sur le tarse, des
muscles des orteils et des parties molles.
Ajoutons à cela qu'à mesure que l'enfant grandit le
tissu osseux perd sa nature cartilagineuse pour devenir plus résistant, que les cavités articulaires non en contact
avec les surfaces éloignées d'elles tendent à se remplir de
— 19 -
tissu fibreux, selon les nombreuses observations de M. le
professeur Piéchaud (1). Enfin les surfaces articulaires anormalement sorties de leur cavité tendent à s'hypertro- phier à un tel point que Nélaton (Charles) a publié des
observations où on constatait l'existence d'une véritable néoformation osseuse au-dessous de la malléole externe et qu'on désigne depuis sous le nom de cale de Nélaton.
En un mot, comme disait Forgues (de Montpellier) au Congrès de chirurgie de 1896, « l'élude analomique du pied-bot a montré, sous l'influence des travaux du Dr Fa-
rabœuf, que : « déplacements osseux d'abord, déforma¬
tions ensuite, voilà comment le pied-bot évolue » (2).
11 est donc d'ores et déjà de toute évidence que le même traitement, qui réussit à merveille chez l'enfant, perd de
son efficacité à mesure que la lésion vieillit, et devient absolument impossible, lorsqu'une ankylosepresque com¬
plète s'est jointe à une
hypertrophie
osseuse exagérée.Ajoutons à ceci l'exactitude de cetteconclusion du profes¬
seur Piéchaud, à savoir : « Le nombre des pieds-bols pri¬
mitivement tendineux-osseux ou absolument osseux, s'il
existe parfois, constitue néanmoins une rareexception, et si l'on a soin de pratiquer le redressementde bonne heure,
dès les premiers mois de la vie, le succès est certain » [in
thèse de Boy). De là la nécessité, lorsque la chose est
possible, d'aborder le traitement dès le plus jeune âge, et c'est alors que l'orthopédie pure doit nous donner plein
succès.
(1) Piéchaud, Précis dechirurgie infantile, p. 745.
(2) Gazette médicale du centre, mars 1897, p. 47,
CHAPITRE II
S'il est un traitementsur lequelon ait beaucoup
discuté
et beaucoup écrit, c'est bien sans
contredit
surle traite¬
ment du pied-bot varus équin
congénital.
Lesprocédés
ont varié avec chaque époque, et chaque
méthode nouvelle
de chirurgie orthopédique a eu son
heure de
vogue pourarriver à la guérison de cette
affection. Aussi, le
motde
Volkmann disant que la thérapeutique du
pied-bot n'avait
pas atteint sa maturité,
est-il
restévrai jusqu'à
cesder¬
nières années.
D'après les ouvrages d'Hippocrate,
qui
sont comme un reflet de la médecine de toute l'antiquité, d'Arcœus auxvnesiècle, de Brukner, en Allemagne, au xviii0, et d'Am-
broise Paré, en France, au xvie, les manipulations ont été
la première méthode employée,
la seule qui ait
survécu.Elles consistaient en séances d'une durée de dix minutes environ, faites matin et soir, et pendant lesquelles le chirurgien cherchait à mobiliser et à mettre en
abduction
le pied dévié et maintenu en position
vicieuse. Après
chaque séance de redressement, onappliquait
unappareil
de contention. Cet appareil se composait en principe
d'une attelle soit en métal, soit en bois, appliquée le long de la jambe, du côté externe,
dépassant
enhaut le
genou et en bas le
pied,
etfixée
par unebande
entoile
ou en flanelle, qui, par son enroulement,
maintenait le
pied en abduction et en flexion surla jambe. Puis,
onremplaça ce genre d'attelle par
l'attelle
encuir,
en gutta- parcha (Girold, Post, Bilhaut) ou enfeutre (Ahl, Southern,
Vogt).Ce procédé donna
quelques résultats, mais c'était
un- 21 -
traitement demandant beaucoup de patience, et l'entou¬
rage lassé décourageait
le chirurgien. De plus, seules les
familles aisées pouvaient avoir recours à ce mode de
traitementqui, par salongue durée,
devenait
très coûteux.Aussi, plus tard, pour éviter la
multiplication de
ces séances, on eut recours, non plus aux appareils de con¬tention, mais aux appareils de redressement mécanique,
ou appareils redresseurs. A cette
méthode
serattachent
en tête les noms de Venel et de Scarpa. Leurs appareils, qu'on désigne sous
le
nomde souliers
oude sabots,
devaient en principe exercer, au moyen d'un mécanisme parfois compliqué,
des
tractions endehors
et remettre le pied en bonne position. Le premier en date, celui deVenel(1788),désignésous lenomde sabotde Venel, modi¬
fiédepuis par Jaccard, d'ivernois et Mellet, se composait
essentiellement d'une planchette sur laquelle était fixé le pied et d'un levier appliqué le long du bord externe de
la jambe par une bande enflanelle. L'appareil de Scarpa, désigné sous le nom de soulier, un peu plus compliqué,
servait à la fois d'appareil de redressement et de conten¬
tion. Il se composait dans ce but de deux mécanismes distincts, l'un pour le début du traitement, l'autre pour le parachèvement de la guérison. Plus tard, Stromeyer (1838), Tamplin (1846), Little (1853), Adams (1866) reprirent ces
appareils, les modifièrent avantageusement et obtinrent
de sérieux résultats. La mécaniquè se donna libre cours
et arriva à des appareils portatifs ingénieux mais aussi
fort coûteux. Ainsi les appareils de Reynders, Detmold,
Reeves combattent à la fois l'extension, la pronation et l'adduction. Aucongrès de médecine de Gênes de 1880,
Garibaldi présenta un appareil qui offre de grandes ana¬
logies avec celui de Scarpa etqui lutte en même temps
contre la rotation en dedans, cherchant à provoquer le
déroulement du pied. La mécanique moderne remplace
dans ces appareils le levier par un mécanisme à brisure
de deux modèles : charnière avec vis dépression (J. Gué-
- 22 —
rin), roue dentée mue par une vis sans fin (Duval, Char- rière, Collin). Enfin, de nos jours, chaque orthopédiste a tenu à appliquer un appareil particulier et la nomencla¬
ture, faite d'une façon complète par Redard (l), demande¬
raitune assez longue énumération.
Aujourd'hui encore, comme nous le dirons plus loin,
ces appareils trouvent leur place dans le traitement du
pied-bot varus équin et sont destinés à parfaire l'œuvre
du chirurgien et à diminuer le nombre des séances de redressement.
Mais le redressement, fait au moyen de ces appareils ou
avec la main, était, dans la plupart des cas, gêné par la
résistance des tendons.
Aussi, Delpech (2) (de Montpellier), en 1823, relata
dans un ouvrage le moyen de détruire cette résistance par la section du tendon d'Achille. Cette idée, qui, du reste, avait déjà germé dans l'esprit de Thilenius (3) en 1784,
futvulgariséeen Allemagne parStromeyer etDieffenbach.
Cette méthode, parfaitement délimitée par Bouvier (4),
en 1838, dans un mémoire à l'Académie de médecine, lit
faire un grand pas au traitement du pied-botpar le redres¬
sement manuel. A partir de cette époque, et après le
mémoire de Bonnet sur les sections tendineuses, on sec¬
tionna tout ce qui résistait avant de faire le redressement.
Mais faute d une contention consécutivesuffisante, ou par suite d'une réduction trop sommaire dépendant de la
confiance en la ténotomie, la récidive était la pierre d'achoppement. De plus, l'obligation pour les opérés de porter les appareils que nous avons relatés plus haut et qui avaient le grave inconvénient de se détériorer très
vite, rendait le résultat plus mauvais et la guérison illu¬
soire.
(1) Redard, Chirurgie orthopédique,1892, p. 740 à746.
(2) Delpech, Traité de chirurgie clinique, I, p. 184.
(3) Thilenius, Med. andchirurg. Benerkimgen, Francfort, 1789, (4) Bouvier, Mémoire à l'Académie de méd., VII, p. 410.
Alexandre Adam (1) cite quelques observations où le professeur Hergott père (de Nancy) avait néanmoins
oblenu, à force de patience et de persévérance, de sérieux résultatsetuneguérison sûreparde simples manipulations.
Mais ce sont là des résultats isolés.
Peut-être cette méthode serait-elle arrivée à ce mo¬
ment-là à son plus haut perfectionnement, si la hardiesse
des chirurgiens, justifiée du reste depuis, n'avait lancé
dans une autre voie le traitement du pied-bot varus équin. L'antisepsie et l'anesthésie chirurgicales permi¬
rent de larges interventions avec des chances de dangers
si peu grandes qu'on peut dire que quelques chirurgiens
allèrentjusqu'à l'exagération.
Solly (2), le premier en date, avait pratiqué déjà, en 1854, l'extirpation du cuboïde sans aucun accident, et Otto Weber (1865) fit le premier une véritable résection
du tarse. En Allemagne surtout, Volkmann, Hirschberg,
Meusel (1877), multiplièrent les tarsectomies. Les résul¬
tats immédiats étaient magnifiques. Mais quelques années plus tard, cet enthousiasme se refroidit lorsqu'on se ren¬
dit compte que les résultats éloignés étaient parfois déplorables : déformations consécutives, ankyloses, par¬
fois récidives, fautes auxquelles il était dans la suite
difficile de porter remède. Les Allemands furent suivis
en France par Chauvel, Beauregard, Bœckel. Mais ces derniers n'opérèrent que chez des enfants plus âgés,
laissant à l'orthopédie pure le soin de guérir les nou¬
veau-nés et les tout jeunes enfants. Volkmann, en Alle¬
magne, allant plus loin, préconisa de plus larges inter¬
ventions : extraction de l'astragale avec résection du
cunéiforme et du calcanéum. Chacune de ces opérations
(1) Adam,Thèse de Nancy, 1890, p. 192.
(2) Solly, Cases of double lalipesvarus inwhich the cuboïd bone was par-
tially removed from the left foot, Royal med. and surg. Soc., The Lancety I, 1857, p. 476.
24 —
était toujours suivies du port d'un appareil quelconque,
choisi par le chirurgien. Mais Krauss, de Darmstadt, qui
cherchait à lutter contre ces interventions sanglantes, en montra, dans un mémoire publié en 1886, les résultats déplorables et s'éleva contre cette méthode au Congrès
allemand de la même année. Il avait été devancé, l'année
précédente, par toute l'école lyonnaise avec, en tête, Delore, ex-chirurgien-major de la Charité, qui fit sur ce
sujet une communication sensationnelle au Congrès fran¬
çais de chirurgie de 1885, deux jours après la communi¬
cation approfondie de Gross (de Nancy), sur lestarsecto-
mies postérieures.
A partir de ce moment, une réaction semble se pro¬
duire; le traiteront par le redressement forcé s'adresse,
non seulement aux nouveau-nés et aux jeunes enfants,
mais aussi aux formes de pieds-bots invétérés. La déno¬
mination de redressement forcéentre d'une façon absolue
dans les ouvrages de chirurgie orthopédique, et ce traite¬
ment se fait sous l'anesthésie chirurgicale. Au Congrès
allemand de 1888, Wolf et Graser se prononcent pour le
traitement orthopédique.
Enfin, la méthode de la tarsoclasie prend la place qu'elle aurait toujours dû posséder en chirurgie orthopé¬
dique, et ses règles en sont définitivement établies au
Congrès français de 1896, où la thérapeutique du pied-
bot avait été mise à l'ordre du jour.
Mais, au congrès de Copenhague de 1884, un élève du
professeur Sayres, le Dr Phelps, chirurgien de New-York,
avait proposé, pour vaincre les résistances des obstacles, l'opération qui a porté son nom depuis. Elle consistait à sectionner au côté interne du pied tout ce qui résistait,
peau, muscles, tendons et ligaments. L'incision, faite à ciel ouvert, était poussée en avant jusqu'à ce que le pied
devînt réductible. Cette méthode, introduite en France
en 1889 par Kirmisson, donna de bons résultats, et était
employée chez les enfants de 3 à 10 ans. On appliquait
- 25 —
un appareil plâtré après l'opération et on ne
faisait
pas porter d'appareils orthopédiques.Aussi,
aucongrès de
1896, Kirmisson optait pour l'opération
de Phelps dans
les pieds-bots invétérés et disait : «
Que beaucoup de
mes collègues aient obtenu
des résultats
avantageuxà
l'aide de la tarsoclasie instrumentale, je ne cherche pas à le nier; mais ce que je tiens avant tout à préciser,
c'est
que les opérations sur le
squelette, les différentes
tarso-tomies ne devront jamais être mises en
parallèle
avecles
méthodes précédentes dans la cure du
pied-bot
congéni¬tal ». Kirmisson se prononçait donc déjà contre
les
tarsec-tomies et ne rejetait pas la tarsoclasie parce qu'elle était
une méthode conservatrice.
Nous ne pouvons mieux faire, pour montrer l'impor¬
tance du traitement orthopédique du pied-bot, que
de
citer les conclusions de Forgues : « En France, dit-il,
Delore a fait école et nous nous rangeons parmi ses imi¬
tateurs. Redard figure au premier rang parmi ceux qui
ont su obtenir du redressement manuel ses meilleurs effets. Chez les Allemands, qui nous ontdevancés dans la
voie des opérations osseuses pour pied-bot, un mouve¬
ment intéressant s'est récemment accusé en faveur de
cette thérapeutique conservatrice. Nous avons consulté
les praticiens d'Allemagne qui font autorité en orthopé¬
die : de cet interview auquel ils se sont prêtés avec une
parfaite courtoisie, il résulte qu'avec des procédés méca¬
niques différents, ils s'accordent tous au même traitement orthopédique. C'est avant tout Julius Wolf qui, par main¬
tes publications, a démontré la valeur du replacement statique et réel et le stimulant trophique de la fonction
restaurée. C'est Hoffa qui nous écrit : « Je considère le
traitement du pied-bot congénital comme l'application
la plus favorabledu traitement orthopédique et j'ai réussi toujours à corriger, même chez les grandes personnes, la déformation par le redressement manuel et l'ostéo-
clasie ».
La tarsoclasie instrumentale avait fait faire un pas de plus au traitement orthopédique et les résultats publiés
par Redard (1)avaient encouragé les chirurgiens à suivre
cette voie. Aussi, les machines dites (arsoclastes se mul¬
tiplièrent et firent oublier les résultats déplorables de la
machine de Louvrier.
La méthode de redressement forcé au moyen de machi¬
nes avait été déjà proposée en 1889 par Velpeau. Elle per¬
mit de lutter, d'unefaçon efficace contre les grandes résis¬
tances ligamenteuses et osseuses. Bradford, Morton, Tré- Jat se servirent chacun d'un appareil spécial d'une très
grande puissance, et, en 1892, Redard décrit d'une façon précise la tarsoclasie instrumentale et préconise un appa¬
reil qui a eu son heure de vogue. Phelps lui-même, pour
remplacer son intervention sanglante ou pour la seconder,
invente une machine développant une grande force. Mais quelques-unes de ces machines mises entre les mains des
inexpérimentés furent d'une telle violence qu'on leur reprocha, à juste titre à ce moment là, d'agir en aveugles.
Aussi, on revint à des appareils plus simples et les tarso- clastes de Thomas et de Bradford,construitssur le modèle de la clé anglaise, donnèrent des résultats plus précis et
permirent de vaincre les résistances d'une façon plus sûre
et plus méthodique. Enfin au congrès de chirurgie de 1896, la plupart des chirurgiens optent pour la tarsoclasie
soit manuelle, soit instrumentale, unie quelquefois, il est vrai, à l'opération de Phelps.
Forgues (2) (de Montpellier), rapporteurde la question,
et que nous avons cité plus haut, insiste surtout sur la précocité du traitement. « Les obstacles à la réduction,
fait-il remarquer, résident chez l'enfant tout jeune, sur¬
tout dans la rétraction des parties molles. Plus les résis¬
tances seront rompues tôt, plus le chirurgien aura des
(1) Redard, Traité de chirurgie orthopédique, p. 689 à 700.
(2j Officielmédical, 1896,n. 8, p. 242,
— 27 —
chances de réussir ». Puis il indique sur quoi doit porter
le traitement. Lesmanœuvresde réductiondoivent, d'après l'auteur, se baser sur trois considérations : la notion
des
éléments dont se compose la difformité
totale du pied-
bot, la détermination du siège et du mode des
déviations
composant cette affection et la connaissance
des diffé¬
rentes résistances. Si ces trois points sont
analysés sulfi-
samment, on est à même de se livrer à des manipulations qui constituent le moyen de réduction le
plus simple du
pied-bot. Kirmisson complétant ces données
de Forgues,
conclut que si la méthode qui doit être uniquement em¬
ployée chez l'enfant est le redressement
méthodique,
ce procédé doit être employé aussi chez l'enfant ayantdéjà
marché et dans le pied-botinvétéré. Il emploie
volontiers
le redressement forcé sans chloroforme dans les cas moyens, lorsque le pied ne lui paraît pas trop dur,
dans
les cas qu'il appelle réductibles. Il consent encore pour
certains pieds-bots anciens à la tarsoclasie instrumentale,
mais alorsil préfère l'intervention sanglante, surtout l'opé¬
ration de Phelps.
Paul Berger adopte les mêmes conclusions et préconise toujours la ténotomie. Bœckel (de Strasbourg), adopte
pour le pied-bot osseux, jusqu'à l'âge de quatre ans, la
tarsoclasie instrumentale, mais il a eu des insuccès et
recourtplus tard dans les pieds massifs à l'astragalectomie préconisée par Gross. Broca donne des conclusions confor¬
mes à celle de Forgues. Redard insiste de nouveau sur l'abus des interventions chirurgicales et se fait l'ardent
défenseur de la tarsoclasie instrumentale. Nous voyons donc, par leurs conclusions, que la plupart des chirurgiens qui ont participé au dixième congrès sont partisans, dans unegrande majorité decas, dela tarsoclasie, soit manuelle,
soit instrumentale.
Enfin, de nos jours, Kœnig revient au redressement
manuel en plusieurs séances. Lorenz, de Vienne, métho-
disc le redressement forcé, décompose ses efforts suivant
les éléments de la difformité, perfectionne l'instrumenta¬
tion et montre les bons effets de cequ'il nomme le redres¬
sement modelantou tarsoplasie.
Heinecke obtientdes résultats excellents,publiés parE.
Graser, au moyen du simple redressement orthopédique.
Von Bungner relate les résultats de Volkmann à la clini¬
que de la Halle et insiste sur
l'heureuse idée qu'a
eue ce chirurgien en abandonnant dans lepied-bot congénital
et l'extirpation de l'astragale et l'ostéotomie
cunéiforme.
Yulpius, en 1899, publie
dans
le DieŒrtzlt-Praxis,
un article sur le traitement du pied-bot congénital dans lequel il dit : «Qu'il préfère de beaucoup leredressement
qui lui a toujours réussi et il emploie ceprocédé
àl'ex¬
clusion de tout autre » (1). Hoffa, dans son Traité alle¬
mand d'orthopédie de 1900, abandonne presque d'une façon exclusive toute intervention sanglante dans le pied-
bot varus équin congénital et se montre un
chaud
parti¬san du redressement forcé sous chloroforme, en plusieurs
séances si la chose est nécessaire.
Si nous avons insisté sur l'historique du traitement du pied-bot, c'est pour montrer que
de
tout temps leredres¬
sement par la force a été en honneur et a donné des ré¬
sultats. Nous avons voulu en même temps montrer le développement et la vulgarisation de cette
méthode,
la façon dont les règles en ont été précisées par les meil¬leurs chirurgiens et enfin la place qu'elle occupe de nos
jours en orthopédie. En effet, comme le fait remarquer
Frœlick, cette méthode était depuis longtemps admise
en théorie parla plupart des chirurgiens et ne l'était pas
en pratique. Imbus de l'idée que les résultats seraient
nuls, chaque chirurgien attendait le moment favorable
pour pratiquer l'intervention sanglante. Telle est, sous
une forme peut-être un peu sévère, la raison donnée par le professeur Frœlick, raison néanmoins absolument sin¬
cère et digne de foi.
(1) Gourdon, Revuedegyn.etde psediat. de Bordeaux, août1899, p. 350.