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À propos de Déplace le ciel

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Géographie et cultures 

85 | 2013 Le nuage

À propos de Déplace le ciel

Leslie Kaplan

Édition électronique

URL : http://journals.openedition.org/gc/2786 DOI : 10.4000/gc.2786

ISSN : 2267-6759 Éditeur

L’Harmattan Édition imprimée

Date de publication : 1 avril 2013 Pagination : 129-131

ISBN : 978-2-343-02222-2 ISSN : 1165-0354 Référence électronique

Leslie Kaplan, « À propos de Déplace le ciel », Géographie et cultures [En ligne], 85 | 2013, mis en ligne le 11 septembre 2014, consulté le 28 novembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/gc/2786 ; DOI : https://doi.org/10.4000/gc.2786

Ce document a été généré automatiquement le 28 novembre 2020.

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À propos de Déplace le ciel

Leslie Kaplan

1 J’ai déjà écrit un livre intitulé Le livre des ciels, et toute la fin de la pièce précédente, Louise, elle est folle, est « sur » ou plutôt « avec » des ciels… Dans Louise, elle est folle, une des femmes oppose à la vision capitaliste, matérialiste, libérale, etc., de l’autre une vision « poétique », lyrique, qui est une énumération de ciels.

2 Sans doute le ciel est toujours très présent pour la personne urbaine que je suis comme un ailleurs entrevu, saisi par morceaux, par bribes, par allusions.

3 Le ciel, tel qu’on le voit de la rue ou d’une fenêtre, est à la fois une métaphore et une métonymie, bref, c’est un langage.

4 Déplace le ciel est la troisième pièce que j’écris pour les comédiennes metteuses en scène Élise Vigier et Frédérique Loliée, c’est une pièce sur l’amour, sur le désir et la peur de l’amour, sur le désir de mouvement, de changement, sur les rêves et le rêve. Deux femmes se confrontent à une séparation douloureuse, chacune à sa façon, et la traversent, vont ailleurs.

5 Mais ce faisant, elles se confrontent aussi à la difficulté de penser et de dire leur expérience, à la « pensée cliché », à la « pensée télé »… Elles cherchent, résistent, s’opposent à l’autre, aux autres, au monde, à elles-mêmes.

6 « Déplace le ciel », le titre vient sûrement en écho au slogan bien connu de Mai 68,

« Soyez réalistes, demandez l’impossible ». Slogan ironique et joueur, toujours d’actualité bien sûr, qui déjoue l’idée même de slogan publicitaire, l’idée même de la pub : celle-ci, on le sait, fait toujours la pub pour la pub, elle est auto-référente, elle définit un monde binaire : soit on est avec, soit on est sans (la pub, le produit), et sous prétexte d’un monde beau, gentil, sain, et propre, elle cherche toujours à imposer de façon pas gentille du tout, mais autoritaire et simplificatrice, son mode de vie, de voir et de penser. Comme les deux pièces précédentes, Toute ma vie j’ai été une femme, et Louise, elle est folle, Déplace le ciel est aussi une pièce sur le langage, l’enjeu de la pièce est aussi de faire entendre que le langage se déploie toujours sur plusieurs niveaux, et qu’il n’est pas un moyen de communication binaire. Le langage est polysémique, il est toujours adressé, il est dialogue, ouvert, il n’y a pas de dernier mot.

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7 Déplacer le ciel c’est changer, bouger, commencer, recommencer, défaire, déjouer…

révolutionner… et jouer, et c’est en tous cas se confronter à de « l’autre », quel qu’il soit, à l’inconnu, à l’infini, à l’ouvert. « Qu’est Dieu ? Inconnu, pourtant riche de particularités est l’aspect que le ciel nous offre de lui », ou encore : « Dieu est-il inconnu ? Est-il ouvert comme le ciel ? Je crois plutôt cela », dit Hölderlin traduit par Blanchot, et Hölderlin souligne ainsi l’importance du détail, qui est ce par quoi le réel se donne à nous.

8 Alors ce ciel « riche de particularités » est à la fois réel et irréel, très concret et très abstrait, précis et flou, matériel comme la pensée qui peut bouleverser le monde, on entretient avec lui un rapport dedans-dehors, on est enveloppé par lui et on peut le voir, le regarder de l’extérieur, on ne l’appréhende jamais d’un seul coup en entier, mais par morceaux, par bribes, par bouts, par détails… En ce sens le ciel est vraiment comme le langage, pas seulement comme un langage, qui exprimerait une chose ou une autre, colère, calme, grandeur, solitude, vide, mystère, noir, bleu, gris…, qui parlerait – il le fait, il parle, sans arrêt, et à tout le monde – mais comme le langage, le fait irréductible et merveilleux, du langage.

9 C’est ce que pointe Baudelaire dans L’étranger, cet étrange étranger qui n’aime rien de ce que les hommes aiment habituellement : « Eh ! Qu’aimes-tu donc, extraordinaire étranger ? / J’aime les nuages… les nuages qui passent… là-bas… là-bas… les merveilleux nuages. »

10 Et aussi, autrement, Wallace Stevens, au début de son poème The pleasures of merely circulating, Les plaisirs de circuler tout simplement :

The garden flew round with the angel / The angel flew round with the clouds / And the clouds flew round and the clouds flew round / And the clouds flew round with the clouds.

Le jardin tournait avec l’ange / L’ange tournait avec les nuages / Et les nuages tournaient et les nuages tournaient/ Et les nuages tournaient avec les nuages.

11 Avec le ciel on a le lointain, l’évanescent, le rêve et les rêves, mais aussi, le familier, mon jardin, quotidien, ordinaire, pourtant magique.

12 Les nuages nous échappent, ils vivent leur vie, libres et légers, entre eux, sans nous, ils sont ailleurs, ils sont autres, mais si on accepte cela… eh bien peut-être à notre tour, nous pourrons tourner avec eux.

13 Les regarder, c’est participer à ce bonheur de liberté qu’on peut leur attribuer, au plaisir de l’informe, du « en train de », du « sur le point de », du « presque » et du « pas tout à fait encore ».

14 Formes en train de devenir et qui peuvent devenir une chose ou une autre, autre chose.

15 Une forme, des formes, variété, métamorphoses, le multiple est séduisant, la variété est plaisante, la diversité nous appelle, curiosité, étonnement, ouverture, infini, le rêve, et l’enfance.

16 Les nuages dans le ciel c’est aussi l’enfance retrouvée, la joie des commencements.

Wallace Stevens le fait bien sentir avec le rythme de comptine de son poème, les répétitions, the clouds flew round, the clouds flew round, the clouds flew round with the clouds. Mais cette répétition peut être aussi un rappel de la célèbre formule de Gertrud Stein, « A rose is a rose is a rose ». Les mots sont et ne sont pas les mêmes, parce qu’à chaque fois ils changent, le mot demeure, mais le sens bouge, se déplace, on parle dans une langue commune, mais chacun parle de façon unique, singulière, la rose

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est une rose et n’est pas une tulipe, mais chacun quand il dit rose voit sa rose particulière, c’est pourquoi le dialogue est nécessaire, on ne peut pas arrêter de parler.

17 Déplace le ciel sera publié en novembre 2013 aux Éditions POL et mis en scène et joué par Élise Vigier et Frédérique Loliée à Cavaillon et Arles du 14 au 18 novembre, ensuite au Théâtre Gérard Philipe à Saint-Denis du 28 novembre au 15 décembre 2013.

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