ENREGISTREMENT DE L’ACTIVITÉ UNITAIRE DES
AFFÉRENCES VAGALES CHEZ LES PETITS RUMINANTS
ESSAI DE RÉCEPTION PAR MICROÉLECTRODES
AU NIVEAU DU GANGLION PLEXIFORME
J.
P. ROUSSEAUDépartement
deNeurophysiologie végétative
de l’Institut deNeurophysiologie et Psychophysiologie,
Marseille
(Bouches-du-Rhône)
Centre national de Recherches
zootechniques, Département de Physiologie
animale,Jouy-en-,%osas (Seine-et-Oise)
SOMMAIRE
L’activité de 28 neurones sensitifs du vague a été recueillie au niveau du
ganglion plexiforme
chez 26
petits
ruminants(boucs
etagneaux)
à l’aide de microélectrodes extra cellulaires.Ces afférences étaient surtout
d’origine respiratoire,
maiségalement d’origine cardiaque,
oeso-phagienne
etgastrique.
Nous nous sommes heurté à
d’importantes
difficultés enpartie
dues à la richesse duganglion
en un tissu
conjonctif,
dense et résistant. Nous pensons que cettetechnique
deréception, pleine-
ment réalisable chez le Chat, ne peut être fructueuse chez les Ruminants
qu’à
condition d’utiliser des animaux trèsjeunes.
La
technique
de la « fibre isolée !· apermis
de révéler l’existence de diverstypes
derécepteurs
au niveau des viscèresthoraciques
et abdominaux(A DRIAN ,
z933 ; 1W
HI TTE RI
DGE, 1948 ; PaiNTAr.,
1952, I953, 1954,I963 ! IGGO,
1955, 1957,1958).
La
plupart
de ces résultats ont été obtenus chez le Chat et, à notreconnaissance,
il n’existe aucunepublication
relative à l’activité desrécepteurs pulmonaires,
car-diaques
ouoesophagiens
des Ruminants. Seuls lesrécepteurs gastriques
ont été misen évidence chez ces animaux par IGGO
( 1955 ), qui
a étudié mfibres,
et par RU C K E
BUSCH
(ig6 3 ), qui
a recueilli desdécharges vagales synchrones
de la contraction réticulairespontanée.
Nous nous sommes demandé sil’enregistrement
par micro- électrodes de l’activité des cellules duganglion plexiforme, technique
mise aupoint
par MW
( 19 6 2 )
pour étudier les afférencesvagales
duChat,
nepourrait
pas se révélercommode
également
chez lespetits
Ruminants. Nous nous sommes heurté à de grossesdifficultés,
maiscompte
tenu de la rareté des donnéesbibliographiques,
nous croyons utile de
rapporter
nos résultats.TECHNIQUES
Nos
expériences
portent sur r7 boucs âgés de 7 à rz mois et sur 9 agneaux de 45 à 100jours.
L’animal est anesthésié au Nembutal. Le
ganglion plexiforine
est découvert selon latechnique
décrite par DUSSARDIER (1960) et,
après
que l’on aitsoigneusement disséqué
sacapsule conjonc-
tive, il estplacé
sur un support anti-vibratoirequi
leprotège partiellement
des mouvements para- sites. Pour recueillir l’activité des cellulesganglionnaires,
nous utilisons desmicropipettes
de verreremplies
de KCl 3M, dont le diamètre à lapointe
est de 1 à 2 [1.. Nousenregistrons
également l’élec-trocardiogramme,
le pneumogramme et les contractionsœsophagiennes
ougastriques
obtenuesla 3 stimulation de l’extrémité
périphérique
du vague droit sectionné.]RÉSULTATS.
-- DISCUSSIONI. Valeur de la
teehnique
utiliséeCette
technique
deréception
parmicroélectrodes, pleinement
réalisable chez leChat,
n’est pas aussi fructueuse chez lespetits
Ruminants. S’il est relativementfacile,
par des artificesexpérimentaux,
de réduirel’amplitude
des mouvementsproduits
par lepouls
carotidien et larespiration,
on nepeut
pas les fairedisparaître
suffisamment pour conserver l’activité d’un neurone
pendant
letemps
nécessaire pour localiser lerécepteur
ouagir
sur lui. Laprésence
d’un tissuconjonctif
abon-dant et dur limite
également
laqualité
et laquantité
desenregistrements.
Lapointe
des
micropipettes
de verre casserapidement :
elle n’estplus
alors assez sélectivepour recueillir l’activité d’un seul neurone, ou bien elle lèse définitivement la cel- ,ule dont l’état de souffrance se traduit par une
décharge
defréquence
élevée. Le shuntélectrique
réalisé par desponts
de tissuconjonctif
restreint par ailleursl’amplitude
desphénomènes qui émergent
àpeine
du bruit de fond dusystème
élec-tronique. L’emploi
de lahyaluronidase
n’améliore pas nosenregistrements,
car cetenzyme,
qui
ramollit la texture dense et fibreuse duganglion,
n’a pas d’effet sur lacapsule
des cellules nobles. Ces difficultésexpliquent
lepetit
nombre de neuronesdont nous avons
enregistré
les activités( 2 8).
Encore faut-il noter que nous avons réussi à en étudier 17 chez g agneaux, mais seulement m chez 17 boucs.Discussion.
Devant les écueils
rencontrés,
inhérents surtout à la constitutionanatomique
du
ganglion,
ilapparaît
difficile d’utiliser couramment sur des boucs adultes latechnique envisagée.
Les résultats sont moins décevantslorsqu’on
travaille sur desagneaux dont le tissu
conjonctif ganglionnaire,
moinsdense, permet
unepénétra-
tion
plus
aisée desmicropipettes.
Ilapparaît
certain que ces animaux constituentun matériel meilleur que le Bouc adulte pour ce
type
de recherches.II.
Récepteurs respiratoires
Nous avons observé l’activité de 2o neurones
respiratoires.
Onze d’entre eux
présentaient
une activitépermanente.
Leurrythme
de basevariait d’un neurone à l’autre dans des limites assez
larges (de
16 à 45impulsions
par
seconde).
Enrespiration spontanée,
lafréquence
dedécharge
d’un même neu-rone
augmentait
au cours del’inspiration (fig. lA).
Elle s’élevaitégalement
lors-qu’en respiration
artificielle on accroissait le volume d’airinspiré (fig. z).
Huit
récepteurs pulsaient
seulement au cours del’inspiration (fig. iB) ;
lesuns montraient une activité dès le début de
l’inspiration,
et lafréquence
de leurdécharge augmentait progressivement
pour se maintenir à un niveau relativement constant(8
à10/S ) pendant
toute la durée de l’inflation des poumons(fig. 3 ).
Lesautres se manifestaient à la fin de la
phase inspiratoire
par une courtedécharge
dequelques potentiels
dont lafréquence ( 25/S )
étaitbeaucoup plus
élevée que celle desrécepteurs précédents (fig. iC) ;
chezl’Agneau
ventiléartificiellement,
le nombreet la
fréquence
des influx constituant la salveaugmentaient lorsqu’on
faisait varier de r5o à zoo ml le volume de l’airinspiré.
Enfin,
unrécepteur
était actif à deux moments ducycle respiratoire :
à la finde
l’expiration
et au sommet del’inspiration.
Dans ce cas, laréponse
à la déflation étaittoujours plus
variable que laréponse inspiratoire (fig. iD).
Discussion.
Nous avons retrouvé chez les
petits
Ruminants les diverstypes
derécepteurs respiratoires déjà
connus. Les activitéspermanentes apparaissent
relativementplus
nombreuses que chez le Chat(1!TW , 19 6 2 ).
Cellesprésentant
de courtes dé-charges
au sommet del’inspiration
sont obtenuesprincipalement lorsque
l’animalest
placé
sousrespiration
artificielle.L’augmentation
du volume d’airinspiré
faitcroître leur
fréquence
et, deplus,
faitdécharger
desrécepteurs jusqu’ici
silencieux.Il
s’agit
vraisemblablement dans les deux cas derécepteurs
àadaption rapide.
III.
Récepteurs cardiaques
Quatre récepteurs présentaient
despériodes
d’activité se situantaprès
la findu
complexe QRS,
ou bien au cours de l’onde T del’électrocardiogramme.
Deuxd’entre eux étaient des
barorécepteurs
artériels. Leur voléed’influx,
de latencecourte par
rapport
au début de l’ondeQ
de l’ECG(58
et 123ms),
sepoursuivait
au-delà de la moitié de la
systole
ventriculaire. Lepic
defréquence
de 70à 80influx parseconde,
immédiatementatteint,
décroissait ensuite trèsrapidement (fig. !).
Un troisième
récepteur répondait
aux critères d’une terminaison atriale dutype
B. Ladécharge
se situait tardivement au cours de lasystole
ventriculaire : 214 msaprès
l’ondeQ;
safréquence augmentait graduellement
deq8/s
à6 7/ s, puis
tombait
rapidement
à sa valeur initiale à la fin de la révolutioncardiaque.
Le nom-bre d’influx de
chaque
volée variaitpériodiquement
avec larespiration.
Nous avons
également enregistré
l’activité d’un neuronequi,
seproduisant
juste après
l’ondeQ ( 4 8 ms), persistait pendant
toute la durée de lasystole
ventri- culaire et de laphase isoélectrique
del’électrocardiogramme.
Lafréquence
de dé-charge
se maintenaitpendant près
de i5o ms à un niveau moyen de 19 influx parseconde, puis
suivait une variation en crescendoidentique
à cellesignalée précé-
demment.
Discussion.
Ces résultats sont à
rapprocher
de ceuxdéjà
obtenus par d’autres auteurs chez leChat, qu’ils
aient trait auxbarorécepteurs
étudiés par HEYMANSet NEW( 195 8)
ou aux terminaisons atriales du
type
B décrites par WHITTERIDGE(mj 4 8)
et PAINTAI(195
3
). Cependant,
un seul neurone est difficile àcataloguer :
ilpulsait
trèspréco-
cement
après
l’ondeQ
del’électrocardiogramme,
cequi pouvait
faire penser à unrécepteur ventriculaire,
mais sadécharge
seprolongeait
bien au-delà de l’onde T.Il
s’agit peut-être
d’unrécepteur
dutype
B faiblement sollicité par un retour pa-thologique
du sang vers l’oreillettejuste après
la mise en tension duventricule, puis
normalement activé par la
réplétion plus
tardive de la cavité auriculaire.IV.
Récepteurs œsoPhagien
etgastrique
Nous avons
placé
dans la lumière del’œsoph 2 ge thoracique
unballonnet,
rem-pli
<le 20 ml d’air. I,a distensionpassive
ainsi réalisée mettait enjeu
unrécepteur cesophagien
dont l’activitépersistait
tantqu’était
maintenue la distension.La faradisation de l’extrémité
périphérique
du nerf vague droit nous apermis
d’étudier trois neurones sensitifs ayant une ctivité
synchrone
de la contraction réticulaire ainsiproduite.
Unseul,
dans nos conditionsexpérimentales, pulsait
irré-gulièrement,
en dehors de toutestimulation,
en bouffées de 4 à 50potentiels
dontla
fréquence
variait de 8 à 30 parseconde,
sansqu’apparût
unchangement
dans lapression intragastrique.
Discussion.
Ces résultats sont
trop
peu nombreux pour nouspermettre
d’ent tmer une dis- cussion. Il fautcependant
noter que lafréquence
dedécharge
desrécepteurs
ren-contrés ne suit pas les variations de la
pression intragastrique.
I,e stimulus ne sembledonc pas être
l’augmentation
de lapression,
maisplutôt
la variation de la tensiondes fibres musculaires lisses dont le
système d’enregistrement
utilisé nepeut
rendrecompte
d’unefaçon
satisfaisante. Onpeut aussi,
comme IGGO( 1955 ), rapporter
lesdécharges
intermittentes que nous avons rencontrées en dehors de toute modi- fication de lapression,
à la stimulation durécepteur
lors d’une contraction locale in-trinsèque
de l’estomac.Re!ru
pourpublication
enjuillet
1965.SUMMARY
RECORDING OF SINGLE UNIT ACTIVITY OF AFFEIZENT VAGAL FIBRES IN THE SMALL RUMINANTS.
TRIAL WITH MICROELHCTRODES 3’f THE LEVEL OF THE NODOSE GANGLION
The
activity
of 28 sensory neurons of the vagus nerve has been recorded at the level of the nodoseganglion
in 26 small Ruminants(goats
andlambs)
with extracellular microelectrodes.These afferent units were
mostly
ofrespiratory origin,
but also of cardiac,!sophageal
and gas- tricorigin.
We met great difficulties due to thelarge
amount of dense connective tissue in the gan-glion.
We think that thisrecording technique, quite possible
in the Cat, can be successful in the Ruminants only whenusing
very young animals.RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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