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S uspicion de charbon palpébral chez l’enfant.

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Academic year: 2022

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(1)

20 Clinique

Introduction

L

e charbon est une anthropozoonose d’origine bactérienne (1), due à un bacille Gram positif dénommé B a c i l l u s a n t h r a c i s. La transmission à l’homme est soit directe par contact avec l’animal malade (7), soit indirecte par le biais d’objets souillés, d’épineux ou d’insectes piqueurs (8). La p o rte d’entrée est généralement cutanée, au niveau d’une exco- riation même minime.

Les aspects cliniques du charbon humain sont dominés par les f o rmes localisées (1). En Afrique, cette pathologie est bien connue. Une étude bibliographique, rapportée par SIROLen 1973 (8), permet de relever des cas en Tunisie, au Sénégal, au M a roc, au Tchad, en Guinée, en Haute-Volta (actuel Burkina Faso). La localisation palpébrale de la maladie est réputée rare (6). Nous en rapportons trois cas suspects, traités au Centre

hospitalier national Sanou Souro de Bobo-Dioulasso entre 1994 et 1998.

Observations

Première observation

A. S., 6 ans, originaire de la vallée du Kou (25 kilomètres de Bobo- Dioulasso) a été reçue au centre hospitalier le 3août 1994, pour une tuméfaction palpébrale spontanée des paupières de l’œil droit. L’ e x a- men a permis de découvrir un œdème des deux paupières, sensible mais non douloureux, diffusant au front, à la joue homolatérale et aux paupières de l’œil gauche. Sur la paupière supérieure droite, on pou- vait voir une croûte noirâtre dont les limites étaient parcourues de lésions vésiculeuses laissant couler un liquide jaune citrin. Il s’y asso- ciait un chémosis de la conjonctive tarsienne supérieure visible au niveau de la fente palpébrale. Le globe oculaire ne pouvait être vu du fait de l’œdème des paupières (figure 1). L’état général était conserv é

S uspicion de charbon palpébral chez l’enfant.

(A propos de trois cas).

Summary:Suspected anthrax of the eyelid in children.(On three cases).

Anthrax is an infectious disease caused by Bacillus anthracis.It is primarily a disease of domestic ani - mals. Human beings can be infected by contact with infected animals, soiled objects, thorns or insect stings. In its cutaneous form, it may produce lesions of the eyelids. The authors report three suspected cases of palpebral anthrax in children. The clinical diagnosis was evident. Scraping from the necrotic tissue showed thick Gram positive rods in two children. This aspect evokes Bacillus. All the patients responded to the Penicillin G. No complications were noted.

Prevention of anthrax in Africa poses the difficult problem of health education for the local popu - lation and immunization programs for animals which can be infected by Bacillus anthracis.

Résumé :

Le charbon est une anthropozoonose due à Bacillus anthracis.La contamination de l’homme se fait soit par contact direct, soit par l’intermédiaire d’objets souillés, d’épineux ou d’insectes piqueurs.

Les localisations cutanées de la maladie peuvent se faire au niveau des paupières. Les auteurs rap - portent trois cas suspects de charbon palpébral chez des enfants. Le diagnostic était cliniquement évident. Chez deux des trois patients, un prélèvement a été fait et l’examen direct a montré des bacilles Gram positifs épais, évocateurs de Bacillus. L’évolution a été bonne sous pénicillinothérapie G. Aucune complication n’a été notée.

La prévention de cette maladie en Afrique pose le problème de l’éducation sanitaire des populations, mais aussi celui des programmes de vaccination des animaux pouvant transmettre Bacillus anthracis.

A. Daboué (1), W. Traoré (2), B. Nacro (3) & A. Sawadogo (4)

(1) Assistant-chef de clinique d’ophtalmologie, Centre hospitalier national Sanou Souro, B.P. 500,Bobo-Dioulasso, Burkina Faso.

Fax : 00 226 972693 ou 00 226 974146.E-mail : chnss.bobo @ fasonet.bf

(2) Service de bactériologie du C.H.N. Sanou Souro, B.P. 676,Bobo-Dioulasso, Burkina Faso.

(3) Maître assistant.Chef de la clinique pédiatrique du C.H.N. Sanou Souro, B.P. 676,Bobo-Dioulasso, Burkina Faso.

(4) Service de médecine interne. C.H.N. Sanou Souro, B.P. 676,Bobo-Dioulasso, Burkina Faso.

Manuscrit n° 2061. “Clinique”. Article reçu le 12 avril 1999.Accepté le 10 septembre 1999.

anthrax Bacillus anthracis child eyelid hospital Bobo-Dioulasso Burkina Faso Sub-Saharan Africa

charbon Bacillus anthracis enfant paupière hôpital Bobo-Dioulasso Burkina Faso Afrique intertropicale

(2)

Bull Soc Pathol Exot, 2000,93, 1, 20-22 21

et l’examen physique était normal. Le diagnostic de charbon palpé- bral a été suspecté. Un traitement à base de pénicilline G a été mis en route et l’évolution a été favorable. La patiente a cependant aban- donné la clinique avant la cicatrisation totale des lésions.

Deuxième observation

L’enfant L. S., âgé de 1 an, ori- g i n a i re de Souroukoudinga (à e n v i ron 15 kilomètres de Bobo- Dioulasso) de parents éleveurs, a été reçu à la consultation le 7 j a n v i e r1 998 pour tuméfaction de la paupière supérieure gauche. L’examen ophtalmolo- gique a permis de constater la présence d’un œdème palpébral supérieur gauche sensible, pre- nant le godet. Il était centré par une croûte noirâtre et le re s t e de la peau était le siège d’une fine desquamation. On notait par ailleurs des sécrétions conjonctivales mucopuru l e n t e s , avec un segment antérieur du

globe normal (figure 2). L’état général était bien conservé, mais il y avait une fébricule à 38 °C et un ballonnement abdominal sans autre anomalie à l’examen de l’appareil digestif. Le diagnostic de charbon palpébral a été suspecté, et un prélèvement bactériologique a été réa- lisé. L’examen direct a permis de découvrir des bacilles Gram posi- tifs forts, immobiles, épais, évocateurs de Bacillus. L’évolution a été bonne sous pénicillinothérapie (pénicilline G). La cicatrisation a été obtenue mais au prix d’une cicatrice siégeant au tiers externe de la pau- pière supérieure (figure 3).

Troisième observation

Le 11 j u i n1 998, nous avons hospitalisé O. I., 5 ans, pour tuméfaction de la paupière supérieure gauche, évoluant depuis quatre jours, et de s u rvenue spontanée. Il nous avait été adressé par le centre de santé de K o u rouma (environ 80 kilomètres de Bobo-Dioulasso). L’ e x a m e n ophtalmologique avait permis de re t rouver un gros œdème de la pau- p i è re supérieure gauche s’étendant à la racine du nez et aux paupière s c o n t rolatérales. Cet œdème était chaud et peu douloureux. Il était centré par une lésion croûteuse noirâtre, dont la lisière était bordée par des vésicules contenant un liquide blanc jaunâtre. Un ptôsis méca- nique empêchait l’exposition du globe oculaire, mais on pouvait voir des sécrétions conjonctivales mucopurulentes (figure 4). Nous avons évoqué le diagnostic de charbon palpébral. Un prélèvement bacté- riologique a été réalisé et un traitement à base de pénicilline G a été mis en route. L’examen direct a montré des bacilles Gram positifs épais, évoquant B a c i l l u s. Sous traitement, nous avons assisté à une régression de l’œdème et un assèchement des vésicules suintantes en une dizaine de jours. Le patient a cependant été perdu de vue avant la cicatrisation totale des lésions.

Commentaires

L

e service d’ophtalmologie du centre hospitalier national Sanou Souro est le centre de référence de tout l’ouest du Burkina Faso. De ce fait, il reçoit de nombreux patients venant de plusieurs centaines de kilomètres à la ronde. Il en résulte une grande variété des pathologies rencontrées. C’est dans ce contexte que nous avons reçu les trois enfants souffrant de lésions palpébrales fortement suspectes de charbon cutané.

Cette localisation est rare et on distingue plusieurs form e s

Figure 1.

Figure 2.

Pustule maligne de la paupière supérieure droite : Noter l’œdème autour de l’escarre noirâtre et l’écoulement de liquide citrin.

Malignant pustule of the superior right eyelid.

Figure 3.

Cicatrisation sans ectropion du patient n°2.

Healing without ectropion of patient n°2.

Charbon palpébral gauche : la croûte noirâtre occupe près des deux tiers de la paupière .

Anthrax of the left eyelid.

Figure 4.

Pustule maligne de la paupière supérieure gauche : aspect typique d’œdème palpébral centré par une croûte noirâtre. L’état général est bien conservé.

Malignant pustule of the superior left eyelid: typical aspect of anthrax edema with blackish crust in the middle.The general state is well preserved.

(3)

22 Clinique

A. Daboué, W. Traoré, B. Nacro & A. Sawadogo

cliniques (7). La pre m i è re est représentée par la pustule maligne.

Après une incubation silencieuse de 2 à 4 jours (au maximum 10 jours), il se développe une petite papule éry t h é m a t e u s e . Le lendemain, il se forme un élément vésiculeux souvent exco- rié par le malade (1). Peu à peu, le siège de l’érosion devient foncé, presque noir et induré, formant une escarre ronde ou ovale entourée d’une couronne de vésicules (aréole vésicu- l a i re de CH A U S S I E R). Ces dern i è res sont remplies d’un liquide d ’ a b o rd séreux, puis louche (9). L’ e s c a rre devient ensuite sèche, noirâtre, entourée d’un œdème inflammatoire considérable.

L’indolence et l’absence de suppuration sont re m a rq u a b l e s (7). Les phénomènes généraux sont peu accentués ou nuls.

L’évolution peut être soit mortelle par septicémie, soit favo- rable. Dans ce dernier cas, l’escarre se détache et tombe. Il se p roduit une cicatrice rétractile, pouvant être responsable d’ec- t ropion en cas de localisation palpébrale (4, 5). Ce siège est rare (6) et la pustule maligne détermine alors un œdème volumi- neux des paupières, empêchant d’ouvrir ces dern i è res (9). On n ’ o b s e rve en général pas de lésion du globe oculaire. Par contre, une phlébite de l’orbite ou des sinus de la dure-mère est possible (9).

Nos trois cas entrent dans le cadre d’une pustule maligne.

Tous sont pédiatriques. Sur 5 observations, CHOVET(6), au Mali, trouve deux patients âgés de 12 ans et 15 ans. Un cas décrit par CE L E B I(4) en Tu rquie concernait un enfant de 4 ans. Les observations des autres auteurs concernent des adultes (3, 2, 10, 9). La paupière supérieure a toujours été touchée.

Cette localisation est re t rouvée par CH O V E T(6) à Bamako, CHANA(5) au Maroc, CASTELà Dijon (3). Par contre, les cas r a p p o rtés par VE R I Nau Maroc (9), BA R N A R Den Afghanis- tan (2), AMRAOUIau Maroc (1), concernent la paupière infé- r i e u re. Pour VE R I N, la lésion serait plus fréquente à dro i t e qu’à gauche du fait de l’inoculation du germe par la main d roite. Nous avons eu deux cas sur trois localisés à gauche. Sur le plan évolutif, un seul de nos patients (deuxième observ a t i o n ) a été suivi jusqu’à la guérison totale. Il n’y a pas eu d’ectro- pion cicatriciel. Cette dernière complication a été rapportée par plusieurs auteurs (2, 4, 5, 6, 9, 11). L’ulcère cornéen a été décrit par VERIN(9), YORSTON(11), CHOVET(6). AMRAOUI a rapporté un cas d’uvéite antérieure chez une femme de 45 ans (1). Les autres patients ont été perdus de vue dès la consta- tation du début de la cicatrisation des lésions. Ce comporte- ment est souvent rencontré dans notre clinique, cert a i n e m e n t pour des raisons économiques. Nos patients sont pour la plu- part indigents.

L’œdème malin des paupières est la deuxième forme. Il se dis- tingue de la pustule maligne par l’absence d’une véritable escarre centrale (7). L’œdème est au premier plan. Il est jau- n â t re ou violacé et s’étend à la face, au cou, voire même à l’ombilic (9). L’évolution est mortelle (1, 5). L’œdème malin est rarement observé (5).

Le diagnostic positif du charbon est clinique et biologique.

La plupart du temps, l’aspect clinique de la pustule maligne ou de l’œdème malin évoque le diagnostic. L’ a rgument bactério- logique repose sur la découverte de l’agent (Bacillus anthracis) dans la pustule. Le prélèvement doit se faire sur les vésicules (1, 9) ou sous l’escarre (7). L’examen négatif au direct ne doit pas faire éliminer le diagnostic (1).

Nos trois cas étaient cliniquement typiques de charbon pal- pébral. Deux ont bénéficié d’un prélèvement qui a montré des bacilles Gram positifs épais à l’examen direct. Cet aspect est celui de B a c i l l u s. La culture bactériologique n’a pas été réalisée. Elle nous aurait permis d’être formels sur notre dia- gnostic. Cependant, le contexte clinique et les résultats de

l’examen direct des prélèvements permettent de retenir l’hy- pothèse de charbon cutané, et ce d’autant plus que le test thé- rapeutique a été positif. Il est connu que le traitement du charbon repose sur la pénicilline G à fortes doses : 5 à 20 m i l- lions d’unités par jour (5), ou le chloramphénicol (7) aux doses usuelles. Tous nos cas ont bien répondu à la pénicillinothérapie G, comme la plupart de ceux déjà publiés (2, 4, 5, 9, 10). Cer- tains auteurs ont utilisé avec succès la pénicilline A, associée ou non à la gentamycine ou à la terramycine (3, 6). Pour le deuxième patient, l’immobilité des bacilles à l’état frais a pu ê t re mise en évidence. Cette propriété est, comme la présence de capsule, caractéristique de Bacillus anthracis. L’ a s s o c i a t i o n aux lésions cliniques évocatrices est pathognomonique. On peut donc concevoir que la culture bactériologique n’ait pas été nécessaire.

Conclusion

L

e charbon palpébral est une affection qui n’a donné lieu qu’à de rares publications (6). Pourtant le charbon humain semble fréquent en Afrique (8). Le diagnostic bactériologique des trois cas rapportés n’a pas été complet (culture et identi- fication de Bacillus anthracis non faites). Cependant l’aspect clinique des lésions, les résultats de l’examen direct des pré- lèvements, l’efficacité du traitement à la pénicilline G, per- mettent de suspecter fortement l’étiologie bacillaire. Il faut y penser devant tout œdème palpébral comportant des lésions cutanées noirâtres. L’isolement de Bacillus anthracis a p r è s culture doit être fait pour confirmer le diagnostic. Le traite- ment curatif est simple et repose sur la pénicilline G. La pré- vention passe par l’amélioration des conditions d’hygiène des populations. Cela implique une bonne politique d’éducation s a n i t a i re associant les services de médecine vétérinaire qui doivent pre n d re en charge les programmes de vaccination des animaux pouvant transmettre l’agent pathogène.

Références bibliographiques

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