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Rôle des infections virales dans les exacerbations de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO)
KHERAD, Omar, et al.
Abstract
According to international recommendations, severe COPD exacerbations should be treated with antibiotics. However, these recommendations are based on limited evidence, including old studies with small group of patients. Systematic virological testing by RT-PCR suggests that viruses are responsible for more than half of these exacerbations, although the causal link is not yet clearly established. To date, neither clinical nor biological markers can help distinguish an exacerbation caused by a virus from those due to other causes.
KHERAD, Omar, et al . Rôle des infections virales dans les exacerbations de
bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). Revue médicale suisse , 2011, vol. 7, no. 317, p. 2222-6
PMID : 22400349
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:25678
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O. Kherad
P.-O. Bridevaux L. Kaiser
J.-P. Janssens
O. Rutschmann
introductionLa bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) est un problème majeur de santé publique. En Suisse, 8% des sujets de plus de 70 ans en sont atteints.1 Son évolution naturelle est rythmée par des phases d’exacerbation devenant plus fréquentes avec la progres
sion de la maladie et engendrant des coûts substantiels liés principalement à des hospitalisations répétées.2
Les infections respiratoires virales, bactériennes ou mixtes sont à l’origine de la plupart des exacerbations mais d’autres facteurs, tels que l’insuffisance cardia
que, des agents environnementaux ou une embolie pulmonaire peuvent égale
ment déclencher une exacerbation.
Bien que controversées, les recommandations internationales préconisent l’in
troduction d’une antibiothérapie lors du traitement hospitalier de l’exacerbation aiguë d’une BPCO.2 Toutefois, on considère que seules 50% des exacerbations sont réellement dues à des infections bactériennes. Il s’ensuit que l’antibiothérapie est probablement inappropriée dans bon nombre de cas.
Parallèlement, plusieurs études se sont intéressées au rôle des virus lors des exacerbations de BPCO en les recherchant de manière systématique à l’aide de différentes méthodes diagnostiques.37 Il reste toutefois difficile de démontrer que la simple présence de ces virus dans les voies aériennes suffise en soi à expliquer une exacerbation.
L’objectif de cet article est de revoir l’épidémiologie et l’impact des infections virales chez les patients souffrant d’une exacerbation de leur BPCO.
épidémiologie desinfectionsvirales
Le nombre élevé de sérotypes de certains virus rendent leur diagnostic parti
culièrement difficile. Par conséquent, le manque de sensibilité des méthodes
«classiques» (cultures virales, sérologies), utilisées jusqu’au début des années 2000, a certainement sousévalué la fréquence des infections virales.8 Avec l’avène
ment de l’identification d’acide nucléique viral dans les voies aériennes par poly- merase chain reaction (PCR), les études récentes ont retrouvé des virus dans 30 à 60% des exacerbations.37
Viral infection in acute exacerbation of COPD
According to international recommendations, severe COPD exacerbations should be treated with antibiotics. However, these recommenda
tions are based on limited evidence, including old studies with small group of patients. Sys
tematic virological testing by RTPCR suggests that viruses are responsible for more than half of these exacerbations, although the causal link is not yet clearly established. To date, neither clinical nor biological markers can help distin
guish an exacerbation caused by a virus from those due to other causes.
Rev Med Suisse 2011 ; 7 : 2222-6
Selon les recommandations internationales, les exacerbations sévères de BPCO (bronchopneumopathie chronique obstruc
tive) devraient être systématiquement traitées par antibioti ques.
Ces recommandations reposent toutefois sur des évidences li
mitées, incluant des études anciennes avec de petits collectifs de patients. Parallèlement, le dépistage virologique systémati
que par RTPCR (reverse transcription polymerase chain reac- tion) suggère que des virus sont à l’origine de plus de la moitié des exacerbations, bien que le lien de causalité ne soit pas encore clairement établi. A ce jour, ni la présentation clinique, ni les marqueurs biologiques ne permettent de distinguer avec certitude une exacerbation due à un virus de celles dues à une autre origine.
Rôle des infections virales dans les exacerbations de bronchopneumo- pathie chronique obstructive (BPCO)
mise au point
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Le tableau 1 résume la répartition des différents virus retrouvés. L’hétérogénéité des études, leur disparité géo
graphique ainsi que la variation saisonnière ne permettent pas d’établir un classement de fréquence. De plus, la vac
cination systématique contre le virus de la grippe saison
nière a permis de fortement diminuer son impact sur les exacerbations. Ainsi, dans les pays avec un taux élevé de vaccinations contre la grippe saisonnière, l’influenza est plus rarement identifié comme facteur déclenchant l’exacer
bation de BPCO. Les virus les plus fréquemment retrouvés dans la littérature sont les rhinovirus.
Les rhinovirus sont les virus responsables du rhume ba
nal et, comme les entérovirus, font partie du groupe des picornavirus à ARN. Ils se transmettent par voie aérienne, via des gouttelettes et des sécrétions nasopharyngées en suspension ou par contact direct. Ils infectent les cellules de l’épithélium respiratoire principalement par leurs récep
teurs spécifiques ICAM1. Il est possible que les patients atteints de BPCO soient plus sensibles à ce type d’infec
tion. Certains évoquent la possibilité d’une up-regulation des récepteurs ICAM1, associée à un déficit immunitaire chez les patients avec des exacerbations à répétition. Ces hypothèses doivent être confirmées dans des études cli
niques à plus large échelle.
impactdes virussurles exacerbations debpco
Les techniques de détection moléculaire d’acides nu
cléiques permettent d’identifier plusieurs virus sur un mê
me échantillon avec une très bonne sensibilité. Toutefois, la simple présence d’acide nucléique viral dans les voies aériennes ne permet pas d’établir formellement le rôle causal des virus sur les exacerbations de BPCO. Ce lien de causalité est difficile à prouver mais différents arguments viennent soutenir cette hypothèse.
L’hypothèse d’un rôle causal des virus est soutenue par des arguments épidémiologiques. Ainsi, on assiste à des pics saisonniers d’admission pour des exacerbations de BPCO en automne et en hiver, périodes pendant lesquel
les les infections virales sont plus fréquentes dans la com
munauté. Le froid et les conditions hivernales favorisent la transmission des virus respiratoires en raison de leur meil
leure survie dans ces conditions, mais aussi en raison d’une plus grande promiscuité entre les individus.
La meilleure manière d’établir une relation causale entre
la présence de virus et une exacerbation est de le démontrer de manière expérimentale. Bien qu’éthiquement discuta
ble, cela a été effectué par l’équipe de Mallia qui a inoculé des rhinovirus à des patients souffrant de BPCO dans des conditions stables ; la quasitotalité des sujets a présenté une exacerbation de la maladie, heureusement sans com
plication.9 Il a également été montré que le rhinovirus peut infecter directement les voies aériennes inférieures et pro
voquer une inflammation permettant de déclencher une exacerbation.10,11
En dehors de ce contexte expérimental, la plupart des études cliniques s’étant intéressées au rôle des infections virales dans les exacerbations de BPCO ont été limitées par leur méthodologie, comparant les cas index avec des patients BPCO en conditions stables ou avec des patients ne souffrant pas de pathologie respiratoire.4,6 Afin d’établir une relation temporelle entre la présence de virus et les exacerbations en utilisant les méthodes de diagnostic mo
léculaire les plus modernes, une équipe genevoise a effec
tué un prélèvement à la recherche de virus à l’admission et à distance de l’exacerbation chez 86 patients hospitalisés pour une exacerbation de BPCO.12 Des virus ont été iden
tifiés dans 51% des cas à l’admission contre 8% des cas à distance de l’épisode aigu (p l 0,01), suggérant fortement un rôle des virus dans la pathogenèse de l’exacerbation. Tant dans l’étude genevoise que dans d’autres travaux,5,7 des virus ont parfois été identifiés chez des patients asympto
matiques. Le rôle de ces virus en tant que «colonisateur»
pouvant favoriser les exacerbations reste donc encore à définir et nécessite d’autres investigations.
co
-
infectionviraleetbactériennelorsd
’
exacerbationContrairement aux personnes saines, les poumons de patients souffrant de BPCO ne sont pas un environnement stérile. Des bactéries sont fréquemment retrouvées dans leurs voies aériennes au moment d’une exacerbation mais également lors de périodes de stabilité (30% des cas). Pappi et coll. rapportent un taux de coinfection entre virus et bactéries de 25%. Ces patients présentaient des exacerba
tions plus sévères avec une chute plus importante de leur VEMS (volume expiratoire maximum seconde) et des du
rées de séjours hospitaliers plus longues.5 Wilkinson et coll.
ont également décrit une inflammation systémique plus grande en réponse à des exacerbations associant rhinovirus et H. influenzae.13 En dehors de ces études, il n’existe pas de travaux ayant analysé la temporalité entre infection vi
rale et bactérienne dans cette population.
différencescliniquesentreexacerba
-
tionscauséesparuneinfection
bactérienne ouvirale
La principale difficulté pour différencier une infection bactérienne d’une infection virale réside dans le fait qu’il n’y a pas de consensus quant à la définition d’une exacer
bation de BPCO. Trois paramètres cliniques, les «critères d’Anthonisen» établis dans les années 80, restent encore largement cités et utilisés 14 (tableau 2). L’intérêt principal
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5 janvier 2011Rhinovirus 12-58%
Virus respiratoire syncytial (VRS) 8-29%
Métapneumovirus 12%
Parainfluenza 4-11%
Influenza A et B 4-25%
Coronavirus 8-11%
Adénovirus 0,5%
Tableau 1. Virus respiratoires identifiés lors d’exa- cerbation de BPCO 3-7
de ces critères réside dans leur côté pragmatique permet
tant de standardiser la prise en charge des exacerbations, une antibiothérapie étant recommandée si les trois critè res ou deux critères, dont la purulence des expectorations, sont présents.
Cette définition est néanmoins remise en question et des experts ont accepté une nouvelle définition d’une exacer
bation comme tout changement des symptômes respira
toires amenant à une modification du traitement.2 La sévé
rité de l’exacerbation est quant à elle gradée sur l’utilisation des ressources médicales (tableau 2), une exacerbation né
cessitant une hospitalisation étant considérée comme sé
vère. Les recommandations internationales 2 préconisent ainsi l’introduction d’une antibiothérapie empirique systé
matique dans le traitement d’une exacerbation sévère de BPCO.
Ces différentes définitions restent purement cliniques et ne permettent pas a priori de différencier une infection virale d’une infection bactérienne nécessitant un traitement antibiotique. Il existe toutefois quelques critères cliniques qui sont plus fréquemment retrouvés lors d’infections vi
Définition selon Anthonisen 14 Traitement antibiotique si A. Augmentation de la dyspnée • A+B+C B. Augmentation du volume des • C+A
expectorations • C+B
C. Augmentation de la purulence des expectorations
Définition selon GOLD 2
Changement des symptômes respi- III
ratoires amenant à une modification de traitement
I. Léger : majoration des aérosols II. Modéré : ajout corticostéroïdes systémiques
III. Sévère : nécessitant hospitalisation (et/ou soins intensifs)
Tableau 2. Définitions de l’exacerbation et indica- tions à un traitement antibiotique selon les recom- mandations internationales actuelles
GOLD : Global Initiative for chronic obstructive pulmonary disease
Pas de bactérie Culture bactérienne positive Pas de virus PCR viral positif
CRP mg/l (Log)
A B
Procalcitonine mg/l
(Log) CRP mg/l
(Log) Procalcitonine mg/l
(Log) 400
300 200 100 50
10
.1
400 300 200 100 50
10
.1
Figure 1. Protéine C réactive (CRP) et procalcitonine (PCT) chez 86 patients admis pour une exacerbation de BPCO.
(Adaptée de réf. 12).
A. Patients avec et sans infection bactérienne. B. Patients avec et sans virus dans les voies aériennes.
PCR : polymerase chain reaction.
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rales. Il semble en effet que les exacerbations associées à une infection virale se présentent plus fréquemment avec des symptômes d’infections des voies aériennes supérieu
res (congestion nasale, rhinorrhée, maux de gorge, toux).7 De plus, ces exacerbations semblent plus sévères avec un délai de rémission plus long. Dans une autre étude, une température significativement plus élevée a été observée dans le groupe de patients porteurs de virus.6 Force est néanmoins de constater que les caractéristiques cliniques ne permettent pas à elles seules d’identifier la présence de virus.
marqueursbiologiquesetinfection viralelorsd
’
exacerbationSeemungal et coll. ont analysé différents marqueurs bio
logiques et ont constaté un taux sanguin d’IL6 et de fibri
nogène plus élevé dans les exacerbations dues à des vi
rus.7 Ces taux restaient élevés à distance de l’exacerbation chez les patients porteurs chroniques de VRS (virus respi
ratoire syncytial) suggérant leur rôle dans l’inflammation. Un autre biomarqueur, l’Interferong inducible protein 10 (IP10), qui s’élève lors d’exacerbation de BPCO, semble être for
tement corrélé avec la charge virale de rhinovirus, en ré
ponse à la sécrétion d’antiTNFa.15
D’autres auteurs se sont intéressés à l’analyse des ex
pectorations. Si le volume et l’aspect des expectorations ne permettent pas de discriminer entre présence de virus et de bactéries, Rhode et coll. ont mis en évidence des taux d’IL6 plus élevés dans les expectorations des patients in
fectés par des virus.10 De manière plus surprenante, Pappi et coll. ont montré des taux d’éosinophiles plus élevés dans les expectorations des patients du groupe infecté par des virus.5
La procalcitonine (PCT) a souvent été étudiée pour tenter de différencier une infection bactérienne d’une infection virale lors de suspicion de pathologies infectieuses. Dans les exacerbations de BPCO menant à une admission en mi
lieu hospitalier, l’intérêt principal de ce marqueur biologi
que réside dans le fait qu’il permet de réduire l’utilisation d’antibiotiques en suivant un algorithme basé sur des va
leurs seuils de procalcitonine à l’admission.16 La procalci
tonine a été également récemment étudiée dans l’optique de différencier les infections virales des infections bacté
riennes lors d’exacerbations de BPCO.12 Dans ce dernier travail, les taux de PCT de même que la CRP (protéine C réactive) ne permettaient toutefois pas d’identifier la pré
sence de virus (figure 1).
traitementantiviraletvaccination Des traitements antiviraux ont montré une certaine ef
ficacité pour diminuer les symptômes provoqués par les rhinovirus chez des patients en bonne santé. Des études ciblées sur la population de BPCO pourraient ainsi voir le jour ces prochaines années mais, à l’heure actuelle, il n’y a pas à disposition de traitement approuvé contre les rhino
virus.
Pour pallier ce manque, certains auteurs préconisent le développement d’une vaccination contre les rhinovirus. Le
développement d’un vaccin est toutefois rendu difficile par leur nombre de sérotypes (L 100) avec une grande variabi
lité de leurs sites antigéniques. La vaccination contre les virus respiratoires n’est donc pas encore d’actualité à l’ex
ception des virus influenza, pour lesquels la vaccination et les antiviraux ont montré une réelle efficacité.
conclusion
L’utilisation de méthodes modernes de diagnostic mo
léculaire permet l’identification d’un virus dans plus de la moitié des cas d’exacerbation de BPCO. Il semble haute
ment probable que ces infections virales jouent un rôleclé dans la pathogenèse des exacerbations. Néanmoins, tant les caractéristiques cliniques que les marqueurs biologi
ques sont, à l’heure actuelle, insuffisants pour identifier les exacerbations d’origine virale. De nouveaux tests diagnos
tiques devraient être développés afin de mieux identifier les patients devant bénéficier d’un traitement antibiotique ou éventuellement antiviral, ceci afin de limiter l’utilisation inappropriée d’antibiotiques.
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5 janvier 2011Implications pratiques
Des virus sont retrouvés dans plus de la moitié des exacer- bations de BPCO, suggérant un rôle pathogène lors de dé- compensation aiguë
Les caractéristiques cliniques ne permettent pas de distin- guer une exacerbation due à un virus de celle d’une autre origine
Les marqueurs biologiques actuels sont insuffisants pour déterminer avec certitude la présence de virus
A ce jour, il n’existe pas de traitement antiviral efficace ap- prouvé dans cette situation
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Dr Omar Kherad
Service de médecine interne Hôpital de la Tour 1217 Meyrin
Omar.Kherad@latour.ch
Drs Pierre-Olivier Bridevaux et Jean-Paul Janssens Service de pneumologie
Dr Laurent Kaiser
Service des maladies infectieuses Laboratoire de virologie
Département des spécialités médicales Dr Olivier Rutschmann
Service des urgences
Département de médecine de premier recours HUG, 1211 Genève 14
Pierre-Olivier.Bridevaux@hcuge.ch Jean-Paul.Janssens@hcuge.ch Laurent.Kaiser@hcuge.ch Olivier.Rutschmann@hcuge.ch
Adresses
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* à lire
** à lire absolument
Bibliographie