• Aucun résultat trouvé

ETIOPALEOPATHOLOGIE DU CRANE Paul Pilardeau

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "ETIOPALEOPATHOLOGIE DU CRANE Paul Pilardeau"

Copied!
12
0
0

Texte intégral

(1)

LE SYNDROME DE LUCY

MÉDECINE ÉVOLUTION PHILOSOPHIE

ETIOPALEOPATHOLOGIE DU CRANE Paul Pilardeau

LE CRANE ET LA FACE

Le crâne et la face ont été à eux deux autant, sinon plus étudiés par les paléontologues, que le reste du squelette baptisé d’ailleurs avec un peu de dédain

« ossements post-crâniens ». L’attrait particulier pour ces deux massifs osseux s’explique certainement par l’image qu’ils projettent dans le passé comme reflet de nos ancêtres. Pendant bien longtemps, et peut-être encore maintenant chez certains scientifiques, l’Homme avec un grand H ne pouvait être qu’intelligent et esthétiquement beau. Cette double exigence a donc conduit beaucoup d’entre eux à considérer comme humain celui qui possédait un gros cerveau et une face sur laquelle brillait l’intelligence, c’est-à-dire munie d’un front haut et droit, dépourvue d’arcades sourcilières massives et terminée par un menton où se lisait la pugnacité et la volonté de dominer le monde en s’élevant au-dessus de la condition animale. Cette conception, très dix-neuvième siècle fût pourtant mise à mal lors de la découverte en 1829 de l’homme de Neandertal que l’on trouva horrible, grossier, barbare et, bien qu’appartenant à l’espèce humaine, peu digne de figurer dans la galerie de tableaux des grands ancêtres. On en fit rapidement un vague cousin plus ou moins dégénéré dont l’extinction inéluctable se voyait sur sa face. Si intéressante que soit l’étude des os du crâne et de la face en paléontologie, il faut bien reconnaître que dans le domaine de l’étiopaléopathologie les relations entre le développement de ces structures et les pathologies modernes sont encore bien faibles

+ Anatomie = Le crâne

Le crâne des hominiens est formé de huit pièces osseuses, le frontal, l’ethmoïde (forme criblée), les temporaux, l’occipital, les pariétaux et le sphénoïde (en forme de coin). Au cours de l’évolution, ces différents os vont subir des modifications de leur taille pour accueillir un cerveau de plus en plus volumineux et de leur

(2)

forme (perte de la crête sagittale, diminution des arcades sourcilières, déplacement du trou occipital et de l’orifice externe du conduit auditif…).

= La face

La face s’étend verticalement du front à la partie inférieure de la mandibule, elle est formée de deux parties, la mandibule et la mâchoire supérieure constituée de cinq os pairs (maxillaires, unguis, palatins, cornets inférieurs, os propres du nez, malaire) et d’un os impair, le vomer.

1 HOMINISATION DU CRANE ET DE LA FACE

Le premier crâne fossile humain découvert fût celui trouvé en août 1856 dans une vallée allemande proche de Düsseldorf appelée vallée de Neander* (Neanderthal en allemand). Lorsqu’il en fit la description anatomique Schaaffhausen H. insista sur le grand volume de la cavité crânienne, le front fuyant, les bourrelets sus- orbitaires et la présence d’un renflement postérieur caractéristique des néandertaliens, le « chignon occipital ». Ce crâne devait être le premier d’une très longue série de découvertes de plus en plus anciennes qui nous mènent à ce jour à plus de quatre millions d’années en arrière, devant des crânes dont le volume cérébral se réduit comme une peau de chagrin.

* Neander qui signifie « homme nouveau » en grec, est celui d’un compositeur local qui avait, pour des raisons que nous qualifierions de publicitaires aujourd’hui, pris un nom de scène en traduisant le sien (Neumann) de l’allemand en grec. Son nom est passé à la postérité dans celui de ce modeste vallon westphalien où il exerçait ses talents. De façon tout à fait extraordinaire le premier humain fossile fût donc pour cette raison qualifié de « vallée du nouvel homme », Néanderthalien qui se simplifiera par la suite en perdant son h en Néandertalien. Début 2000 des chercheurs travaillant sur le cite qu’ils avaient localisé dans une « casse de voitures » ont mis à jour les morceaux manquant de ce premier crâne, dont un fragment d’arcade sourcilière.

= Trou occipital

Le trou occipital ou foramen magnum est entièrement creusé au dépend de l’occipital qu’il divise en deux régions inégales, une région postérieure très développée ou écaille, et une région antérieure l’apophyse basilaire de taille beaucoup plus réduite. Les parties antérieure et postérieure sont reliées par les masses latérales. Le trou occipital s’ouvre dans la région antérieure de cet os et

(3)

fait communiquer la cavité crânienne avec le canal rachidien. De forme ovalaire à grand axe antéro-postérieur, il livre passage au bulbe, aux nerfs spinaux et aux artères vertébrales. Ses diamètres sont respectivement de 30 et 35 mm chez l’homme moderne. L’ossification de cet os montre qu’il correspond à la fusion de plusieurs os ancestraux. On ne compte pas moins de cinq points d’ossification. Le trou occipital des quadrupèdes, des brachiateurs et des bipèdes sporadiques se trouve en position haute (à la partie postérieure de la base du crâne). Dans cette position la tête se trouve « appendue » au rachis cervical qui présente une courbure lordotique (concavité dirigée vers le haut) destinée à mieux supporter le poids de la tête et à aligner le regard vers l’avant. Chez les bipèdes permanents, le trou occipital se trouve abaissé (ou antériorisé). Cette nouvelle position de l’orifice donnant passage au tronc cérébral implique ipso facto une modification fondamentale de l’équilibre général de l’animal qui se trouve dans l’obligation de se redresser et de se déplacer suivant un mode bipède. Un consensus semble d’ailleurs se dessiner aujourd’hui pour attribuer à cette nouvelle localisation l’origine de la bipédie.

La mutation à l’origine de ce « blocage » en position antérieure du trou occipital, a sans doute concerné un gène régulateur (ou architecte) suivant un mode saltatoire, obligeant le premier individu hétérozygote à se déplacer dressé (il est encore certainement trop tôt pour parler de bipédie). L’étude de l’évolution de la position du trou occipital, à la partie postérieure du crâne, montre qu’il s’agit d’un phénomène d’hypomorphose (arrêt du développement). En effet ce n’est pas le trou occipital qui a migré vers l’avant, mais au contraire cet orifice qui n’a pas migré en arrière, processus bien connu chez les jeunes gorilles qui passent ainsi d’une bipédie juvénile (trou en position antérieur) à une quadrupédie adulte (migration postérieure). Cette position originale du corps a dû donner à ces premiers mutants un avantage * suffisamment conséquent pour que ce phénotype se transmette aux descendants, au point de supplanter l’ancien mode de locomotion (quadrupède ou brachiateur).

Ce n’est qu’à partir de cette première mutation, véritable starter de la bipédie, que le rachis, le bassin, les membres et les pieds s’adapteront tant bien que mal à ce nouveau mode de déplacement. Contrairement à ce que l’on imaginait au début de ce siècle, la bipédie n’est donc pas venue des pieds, du bassin ou du rachis, ou encore des mains, mais bien de la nouvelle position du trou occipital.

* Il est encore difficile d’appréhender le, ou les véritables avantages, issus de la position verticale. Les hypothèses les plus fréquemment retenues font état de la possibilité de repérer les prédateurs de plus loin, de la capacité d’utiliser plus facilement la main, de se déplacer plus aisément en zone herbeuse, et peut être

(4)

d’une facilitation pour le langage articulé du fait d’une modification concomitante de la région antérieure du cou.

= Crêtes pariétales

Les crêtes pariétales existent chez de nombreux singes modernes ou fossiles. Elles donnent naissances aux muscles temporaux qui s’insèrent sur la totalité de la fosse temporale pour converger vers l’apophyse coronoïde du maxillaire inférieur. Chez l’homme, les temporaux n’atteignent pas le sommet du crâne dont ils sont distants d’environ quatre à cinq centimètres. Chez les gorilles, ces muscles se prolongent jusqu’à la crête sagittale. Les temporaux, comme les muscles masséters, sont élévateurs de la mandibule. De leur développement dépend donc la force de contraction de la mâchoire (la pince). La mastication est complétée par l’action des muscles ptérygoïdiens externes qui réalisent des mouvements de latéralité indispensables pour broyer les aliments. La régression, puis la disparition des crêtes osseuses externes, sans doute très utiles chez les Australopithèques consommant des quantités importantes de fibres coriaces, n’a aucun rapport avec le développement cérébral sous-jacent, malgré l’aspect « primitif » que donne cette superstructure au faciès (le développement plus ou moins important de ces crêtes chez certains Australopithèques a également été considéré comme un dimorphisme sexuel, les mâles présentant une crête beaucoup plus importante).

Les pathologies concernant la mastication et l’utilisation de ces muscles sont d’une extrême rareté aujourd’hui compte tenu, entre autre, de la force considérable de ces groupes musculaires au regard de ce qui leur est demandé comme effort pour la mastication.

= Arcades orbitaires et apophyses zygomatiques

Les arcades orbitaires, ou sourcilières, ont pour base osseuse l’os frontal. Il s’agit du signe physique qui fut certainement le plus marquant au yeux des premiers anthropologues. L’aspect simiesque donné par ce promontoire osseux fut très vite associé à l’image d’homme singe que l’on développa à la fin du 19ème siècle à partir des premiers vestiges humains découverts. Le front bas, les arcades proéminentes et surmontées de sourcils épais et broussailleux donnèrent aux premières représentations humaines un aspect de brute inculte où se lisait encore la sauvagerie qui avait dû gouverner ce monde. Ce caractère très développé chez erectus, (ce trait est beaucoup moins marqué chez habilis) et que l’on retrouve encore chez le gorille, a pour origine le renforcement osseux du frontal au niveau des arcades orbitaires. Ce développement antérieur forme derrière lui, entre la calotte frontale et le bourrelet sus orbitaire, un sillon dont la profondeur est

(5)

fonction du développement du lobe frontal *. Au fur et à mesure de l’évolution, la verticalisation du frontal tend à faire disparaître ce sillon qui n’est plus qu’à l’état de vestige chez sapiens.

* C’est au niveau du lobe frontal que se situent les centres gérant l’humeur, le comportement et la personnalité. Il s’agit de fonctions supérieures dont la disparition traumatique ou pathologique ne sont pas incompatibles avec la survie.

Les patients présentant une lésion frontale, outre les troubles en rapport avec l’atasie-basie, l’apraxie à la marche, l’incontinence fécale et urinaires, développent un comportement très particulier dit « syndrome frontal » comportant de brusques sautes d’humeur, une grivoiserie très marquée, une perte de la pudeur…. Il semble clair que l’importance de plus en plus grande donnée à ces lobes lors de l’évolution est certainement en rapport avec les capacités d’intégration comportementale qui gèrent les relations avec les autres individus.

Le deuxième caractère qui frappa les imaginations est le développement considérable des apophyses zygomatiques. Ces dernières sont constituées d’un os, le malaire qui s’articule en avant avec le maxillaire, en haut avec le frontal et en arrière avec le temporal.

Cet os donne naissance à un muscle court, épais et puissant le masséter dont le rôle dans le broiement des aliments est essentiel. Compte tenu du développement des apophyses zygomatiques observées chez erectus nos ancêtres disposaient d’une force considérable largement suffisante pour casser les os les plus fragiles et en extraire la moelle *.

* La moelle a beaucoup de succès ces dernières années chez les paléo- anthropologues. Le seul véritable intérêt nutritif de cette substance très grasse est sa très grande richesse en fer héminique.

= Orifice nasal et os propres

Chez l’homme et ses ancêtres les plus proches, la cloison des fosses nasales est extrêmement mince, ce qui la rend fragile, et de ce fait mal conservée lors de la fossilisation, mais aussi soumise à un risque fracturaire élevé. Cette particularité, décrite au sein des Ceboidea (singes vivant aujourd’hui en Amérique australe), permet de différencier les Platyrhiniens (large cloison nasale) des Catarhiniens qui, à l’Oligocène auraient migré de l’ancien vers le nouveau monde. Chez l’homme, la cloison nasale comprend une partie osseuse constituée de la lame perpendiculaire de l’ethmoïde, du vomer et des os propres du nez, et une partie

(6)

cartilagineuse prolongeant ces structures et donnant un caractère effilé à notre appendice nasal. L’orifice des narines se trouve orienté vers le bas comme chez les Cercopithecoidea et les Pongoidea, singes de l’ancien monde. Il est difficile de définir à partir des crânes des hominiens fossiles à quelle époque le nez s’est effilé donnant aux narines un grand axe sagittal retrouvé dans toutes les ethnies modernes même si celui-ci est moins marqué dans beaucoup de populations de type asiatique et négroïde (exception faite d’un certains nombres d’ethnies comme les Massaï). Trois transformations essentielles sont à la base de cette modification phénotypique (la verticalisation du frontal, le redressement des os propres du nez et la verticalisation du maxillaire), processus certainement déjà réalisés chez erectus mais encore improbables chez habilis compte tenu du caractère fuyant de l’angle formé par le maxillaire et le frontal. Cet appendice dont on peut légitimement se demander avec Cyrano « C’est un roc !… c’est un pic !… c’est un cap !. Que dis-je, c’est un cap ?… C’est une péninsule ! De quoi sert cette oblongue capsule » ? se trouve toujours aux avant postes en cas de choc, et si ce n’est « la mer rouge quand il saigne », il est très souvent l’objet d’une hémorragie importante, résultat de la très riche vascularisation artérielle et veineuse des fosses nasales (ethmoïdales antérieure, et postérieure, palatine supérieure, sphénopalatine, ptérygo-palatine, artères de l’aile du nez et de la sous cloison) ; vascularisation indispensable à la qualité des processus olfactifs.

Si sa forme a notablement changé au cours de l’évolution, son rôle lui, est resté identique (filtrer les poussières grâce à ses poils, humidifier l’air inspiré, protéger la région olfactive sensible située au niveau de la lame criblée). Coon est à l’origine d’une théorie originale basée sur l’observation des populations esquimaudes. D’après lui, le caractère massif du nez des néandertaliens serait le reflet d’une adaptation au froid. Coon pensait que le renforcement de cet appendice améliorait la protection des sinus et du cerveau contre les froids extrêmes. La transformation la plus marquante du nez est la translation des orifices externes vers le bas. Il est difficile de dire si cette particularité est en rapport avec la bipédie, mais il est possible que cette nouvelle manière de « sentir

» (elle nécessite une extension de la nuque) puisse avoir en effet un lien avec la position de la tête dans l’espace (imaginons un quadrupède avec les orifices olfactifs orientés vers l’arrière ?). La forme du nez est naturellement dictée par notre génome. Compte tenu des modifications observées lors de la trisomie 21 au niveau de la face, et plus particulièrement du nez (nez court, large, pointe relevée ouvrant les narines en avant et en bas), il est probable que le modeler de notre nez ne répond pas à une localisation chromosomique unique mais beaucoup plus certainement à un système coopératif polygénique. Plus qu’un témoin de l’évolution, le nez doit plutôt être regardé comme une curiosité, qui certes n’appartient qu’à l’homme, mais préoccupe beaucoup de femmes qui voient dans

(7)

cet attribut, sinon un objet de séduction, du moins un organe que l’on peut éventuellement modifier.

= L’oreille moyenne + Evolution

L’histoire de l’oreille moyenne des mammifères résume en un même lieu (la caisse du tympan) toutes les variations musculaires et osseuses que l’on peut trouver lors de l’évolution (migration, fusion, changement de fonction et de forme….). L’oreille moyenne est comprise entre l’oreille externe, formée du pavillon et du conduit auditif, et l’organe neuro-sensoriel qui constitue l’oreille interne. Elle a pour fonction de transmettre les vibrations tympaniques produites par les ondes sonores au système cochléaire. L’oreille moyenne des vertébrés modernes comprend une cavité, ou caisse du tympan, un canal qui fait communiquer la caisse avec le pharynx (ou trompe d’Eustache), et deux ouvertures, l’une vers l’oreille externe (tympan), l’autre vers l’oreille interne (fenêtre ovale). A l’intérieur de la caisse du tympan on trouve trois osselets articulés entre eux, le marteau, l’enclume et l’étrier.

La caisse du tympan répond chez les chondrichthyens à la première fente viscérale (ou fente spiraculaire) qui conserve sa liaison avec le pharynx. Les osselets proviennent des os formant la partie postérieure du bouclier osseux des poissons téléostéens. Ces os migrent vers la caisse du tympan et forment respectivement chez les mammifères l’étrier (hyomandibulaire), le marteau (articulaire) et l’enclume (carré). Dans l’eau, les vibrations sont transmises directement au système labyrinthique par conduction osseuse (vibration des os du crâne) ou par le biais de la vessie natatoire. Dans le milieu aérien, la faiblesse des vibrations nécessite une amplification du message. Cette amplification est obtenue grâce à une membrane, le tympan, dont les vibrations sont transmises mécaniquement par l’intermédiaire des osselets (un chez les reptiles et trois chez les mammifères).

Outre ce mécanisme d’amplification particulièrement performant, nous avons conservé la capacité de transmettre les sons par simple vibration des os du crâne.

Le système ostéo-articulaire de l’oreille moyenne s’est progressivement mis en place au fur et à mesure de l’évolution en prenant pour substrat à partir des os appartenant à la mâchoire et au crâne des premiers poissons. Chez ces derniers, comme d’ailleurs encore chez certains reptiles, la mâchoire inférieure est formée de plusieurs os : le dentaire, le coronoïde, l’articulaire dermique, l’angulaire, le supra-angulaire et l’articulaire. L’articulation avec les os du crâne est réalisée grâce à un os original, le carré qui s’articule en bas avec l’articulaire et en haut

(8)

avec le squamosal. L’articulaire correspond à la partie postérieure ossifiée du cartilage de Meckel.

Chez les mammifères, la mandibule ne comprend plus qu’un seul os dermique qui correspond au dentaire des synapsides. Cet os s’articule avec l’écaille du temporal, partie restante du squamosal. Le carré et l’articulaire migrent vers ce qui deviendra la caisse du tympan, et donnent respectivement l’enclume et le marteau. Cette théorie énoncée pour la première fois par Reichert en 1838 sera confirmée par la découverte et l’étude de fossiles reptiliens présentant des caractères crânio-mandibulaires intermédiaires entre les synapsides et les mammifères (Diathrognathus découvert en 1929). Chez cet animal, vieux d’environ 200 millions d’années, le dentaire s’articule avec le squamosal, tandis que le carré persiste encore (on sait que la perte du carré interdira définitivement aux mammifères de mobiliser le maxillaire supérieur, limitant ainsi la capacité de distension de la gorge). L’ancienne articulation entre l’angulaire et le carré perdure dans l’oreille moyenne où elle assure la jonction entre l’enclume et le marteau

+ Embryologie

L’étrier apparaît très tôt (vers le 33ème jour). Il provient du deuxième arc branchial au niveau du cartilage de Reichert dont il se désolidarisera (ce dernier donnant entre autre l’apophyse styloïde). Sa forme en anneau (correspondant à l’orifice par lequel coulisse l’étrivière en équitation) est dû au passage de l’artère stapédienne qui disparaîtra ultérieurement. La platine de l’étrier présente une origine différente, elle provient de la capsule otique. De façon assez étonnante cet os ne présente ni ossification périostée, ni ossification interne.

L’enclume débute son ossification vers le 4ème mois, mais son ébauche mésenchymateuse est mise en place vers le 45ème jour.

Le marteau reste soudé au cartilage de Meckel jusqu’au cinquième mois. Il est intéressant de noter que le marteau présente deux points d’ossification. Le premier, antérieur, forme l’apophyse antérieure (le manche). Il s’agit d’une ossification membraneuse (angulaire des reptiles). La « tête » du marteau s’ossifie plus tardivement, il s’agit d’une ossification enchondrale réalisée à partir de l’articulaire reptilien.

= La mandibule et le menton

(9)

La mandibule est un os impaire dont l’ossification, au cours de la vie fœtale, montre la complexité de ses origines. Dans un premier temps (dès le deuxième mois), deux cartilages symétriques (cartilages de Meckel) se forment de chaque côté de la ligne médiane. Secondairement, apparaissent des points d’ossification au niveau du menton, des condyles et des apophyses coronoïdes. Examinée de profil, la symphyse mandibulaire des Australopithèques est fuyante en arrière et quelquefois prolongée par une plaque osseuse (plaque simienne). Chez les Australopithèques et les chimpanzés, la mandibule examinée de dessus est grossièrement en forme de U, chez les hommes modernes, les branches du U s’écartent pour donner une forme de V. La transformation progressive de la forme de U en V est considérée depuis les débuts de la paléontologie humaine comme un facteur d’hominisation de la face.

L’étude comparative de ces deux os montre que la seule modification importante à l’origine de cette transformation est l’élargissement de la zone intercondylienne, alors que la région antérieure, où s’insèrent les incisives, reste pratiquement inchangée. Le rapport écartement postérieur/profondeur de la mandibule est de 1,5 chez le chimpanzé et de 0,98 chez l’homme. L’aspect phénotypique du menton peut être suivi assez facilement dans des fratries présentant des hypognathies (absence ou hypoplasie mentonnière). Cet aspect souvent disgracieux ne s’accompagne d’aucun autre trouble intellectuel ou même mécanique (articulé dentaire) comme cela est le cas chez les prognathes (menton proéminent). Dans ce dernier cas, ce n’est pas le menton qui est en cause mais la branche horizontale de la mandibule qui est trop longue. La transmission de ce caractère est de type dominant et peut ainsi toucher tous les enfants de première génération d’une famille. Dans ce domaine, les toiles représentant Charles Quint, son père et ses descendants sont particulièrement significatives.

En paléontologie, l’intérêt de cet os réside essentiellement dans le fait qu’il donne avec une assez bonne précision l’écartement des articulations situées sur les temporaux, donc la largeur de la base du crâne. Hormis les dents qu’elle porte, la mandibule n’a sans doute fait que s’adapter à l’élargissement du crâne sans présenter en propre l’expression d’une mutation, même si le développement d’un menton donne à l’homme une grande originalité par rapport aux autres espèces de primates.

= Les dents

Les dents sont excessivement précieuses en paléontologie pour plusieurs raisons:

La première est leur bonne fossilisation. La dureté de l’émail confère à cette structure une solidité considérable qui lui donne une longévité tout à fait

(10)

remarquable, souvent bien plus importante que la mandibule ou le maxillaire supérieur. C’est également l’endroit du squelette où le contenu chromosomique s’altère le moins, donnant ainsi des possibilités extraordinaires aux chercheurs travaillant sur les génomes fossiles. Dernièrement il a pu être prouvé, grâce à un prélèvement, que le génome des néandertaliens différait suffisamment de celui des sapiens pour que ce dernier soit issu d’une branche différente.

La deuxième, concerne son aspect extérieur et son développement (taille, cuspides, nombre de racines…) qui sont de précieux témoins de l’évolution. Par témoin nous entendons que l’aspect variable des dents peut être considéré comme spécifique d’une famille ou d’une espèce, sans pour autant que l’on puisse lire dans ce seul élément l’avenir ou le passé de son propriétaire comme cela a parfois été le cas.

La troisième, concerne le mode d’usure des dents. La microscopie électronique permet maintenant d’analyser avec une grande précision les stries figurant à la surface de l’émail. Ces rugosités occasionnées par les différents aliments consommés, donnent une idée de la nourriture habituelle de l’animal (fibres, os et même poisson). Naturellement seuls les nutriments utilisés en grande quantité laissent des traces caractéristiques sans que l’on puisse éliminer pour autant la consommation d’autres aliments.

+ Etio-paléo-pathologie du crâne et de la face

Deux pathologies originales présentent un rapport direct avec l’évolution, la fracture de l’étrier et le syndrome de Pierre Robin.

= La fracture de l’étrier

La fracture de l’étrier est connue pour ne jamais consolider, phénomène est en rapport avec une sénescence précoce de cet os. L’étrier atteint sa taille et sa structure d’os adulte vers le sixième mois de vie fœtale, c’est à dire excessivement tôt. A partir de cette date, on observe une perte progressive de la masse osseuse au point de creuser des gouttières sur ses branches et de perforer sa tête. A la naissance, le statut osseux de l’étrier est déjà celui d’un vieillard. En cas de fracture, il se trouve ainsi dans l’incapacité absolue de fabriquer un cal, et donc de cicatriser. Ce phénomène, en rapport avec la mutation d’un gène de régulation de type Hox, montre l’importance de la programmation de la genèse et de la sénescence au niveau de notre squelette.

(11)

= Le syndrome de Pierre Robin

Ce syndrome associe une micrognathie (petite mâchoire) à des malformations de l’enclume et du marteau, preuves de la proximité des gènes de structure responsables de la formation du dentaire (maxillaire inférieur) et des osselets issus de la mâchoire reptilienne. Une autre pathologie plus rare, la dysostose mandibulo-faciale, associe également les os de la face, le temporal et les osselets.

Toutes ces pathologies résultent d’une malformation initiale touchant le premier arc branchial.

= Pathologies dentaires

L’intérêt considérable des dents en paléontologie ne se retrouve pas directement en étiopaléopathologie. Les différentes pathologies modernes en rapport avec les dents présentent en effet pour origine soit des comportements alimentaires très récents, soit des atteintes dégénératives en relation l’allongement de la durée de la vie.

. Caries dentaires

Les caries, certainement les plus célèbres et les plus courantes de ces pathologies dentaires, se développent chez l’enfant qui consomme de grandes quantités de produits sucrés et qui, parallèlement, ne pratique pas une hygiène dentaire efficace (brossage régulier et techniquement correct des dents). Il est incroyable de constater la fragilité actuelle de nos dents par rapport à celles des premiers Homo et des Australopithèques. Si l’on admet que les constitutions même de notre dentine et de notre émail ne sont pas à mettre en cause, seule l’alimentation acide et sucrée peut expliquer cette véritable épidémie. Les produits sucrés sont connus pour favoriser le développement de bactéries dans la plaque dentaire (premier facteur à l’origine des caries), phénomène qui fait à la fois la richesse des annonceurs de télévision et des laboratoires de pâte dentifrice. Or, la consommation de sucre n’a véritablement explosée qu’après la découverte de la raffinerie des produits issus de la betterave au tout début du XIX ème siècle. Pour sucrer leur alimentation nos ancêtres devaient se contenter du miel et des dattes, seuls agents véritablement sucrants. Il est fort probable que, même si le miel était recherché par les Australopithèques, sa consommation devait être limitée, et de ce fait nettement insuffisante pour être à l’origine de caries dentaires.

(12)

. Avulsion dentaire

Le déchaussage des dents secondaire à l’arthrite, au scorbut ou à des subluxations non traitées devait à être beaucoup plus fréquent chez nos ancêtres que dans les populations modernes. Cependant, compte tenu de la vie éphémère que l’on prête à nos prédécesseurs (quelques dizaines d’années), il est possible que ce processus de vieillissement n’ait pas constitué un facteur sélectif véritablement significatif.

Les alvéoles laissées libres sur les maxillaires ou les mandibules fossiles semblent beaucoup plus en rapport avec un déchaussage post mortem, qu’avec le résultat de véritables pathologies ou traumatismes (ce phénomène semble d’autant moins vérifié que les populations sont plus récentes, et que la longévité augmente). Le mode de vascularisation et de contention mécanique de la dent est tel, qu’en cas d’avulsion post traumatique, il suffit de réimplanter la dent dans son alvéole (après lavage à la salive, excellent agent désinfectant), puis de la maintenir en place par une orthèse. Sur les terrains de rugby la contention peut être assurée momentanément par un chewing-gum en attendant les soins d’un dentiste qualifié.

Références

Documents relatifs

Narines Orbites Pouces Queue Rhinarium Terminaison des doigts Babouin rapprochées fermées opposables présente absent ongles Bonobo rapprochées fermées opposables

Solution : utilisation d’un nucléophile moins basique Azoture ou Azide. pKa : 4.6 pKa

Les Australopithèques sont apparus en Afrique de l’Est il y a environ 3,3 millions d’années et ont disparu il y a environ 2,5 millions d'années.. Les Australopithèques étaient

Copyright © Cours de Physique et de Chimie - Tous droits réservés. Copyright © Cours de Physique et de Chimie

1S - Cours n°1 : Rappels utiles sur les quantités de matière. Extrait du Cours de Physique et

Au plan des performances de croissance, le nombre total de fibres musculaires, critère défini- tivement fixé avant la naissance, et la quantité d’ADN sont les

** À faire dans la journée sous peine d’avoir une conséquence (ex. : payer des intérêts). *** À faire dans les 24h

** À faire dans la journée sous peine d’avoir une conséquence (ex. : payer des intérêts). *** À faire dans les 24h