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CE QUE LE CONGRÈS N'A PAS DIT : Etude du conflit possible entre deux sortes de Riverains : les Industriels et l es Pêcheurs.

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LA H O U I L L E B L A N C H E

Revue générale des Forces Hydro-Electriques et de leurs applications

La Houille noire a fait l'Industrie moderne ; la Houille blanche la transformera.

Décembre 'I9Ö2. — № 8 .

Ce que le Congrès n'a pas dit

i i

E t u d e d u c o n f l i t p o s s i b l e e n t r e d e u x s o r t e s d e R i v e r a i n s :

l e s I n d u s t r i e l s e t l e s P ê c h e u r s .

Les rivières non navigables ni flottables se trouvent a u j o u r d ' h u i , n o u s ne le répéterons plus, sous l'empire de l'article 6 4 4 du Code civil, p a r lequel la dérivation de l'eau p o u r l'agriculture et l'industrie est permise au riverain ; mais celui-ci, grâce à u n e loi postérieure au Code, en date du i 5 avril 1 8 2 9 , est encore propriétaire de la pêche au droit de son fonds, entre les deux rives, s'il est propriétaire de la riveraineté d o u b l e , et j u s q u ' a u milieu de l'eau s'il n'a q u ' u n e riveraineté simple. L'article 3 de cette loi précise bien q u e ce droit lui appartient exclusivement : « Dans toutes les rivières ou canaux autres q u e ceux désignés dans l'article précédent (1), les riverains a u r o n t , chacun de son côté, le d r o i t de pêche jusqu'au milieu du cours d'eau, sans préjudice des droits contraires établis p a r possession ou par t i t r e ».

Ce texte n'établit en termes explicites aucune question de priorité entre la pêche et l'exercice de la dérivation. Quelle sera la marche à suivre en cas de conflit et, pour prévoir

l'hypothèse la plus fréquente, la seule intéressante d'ailleurs, que devra-t-on décider si la quantité de poisson est diminuée par l'établissement des barrages destinés à retenir les eaux

•et à les d é t o u r n e r sur les terres voisines ? Devra-t-on para­

lyser l'usinier et le propriétaire irriguant p o u r le bon plaisir d u pêcheur, ou faudra-t-il, au contraire, sacrifier la passion toute pacifique de ce d e r n i e r a u x questions d'utilisation industrielle et agricole ?

+

P l u s i e u r s réponses ont été présentées : on a dit que la solution se trouvait à l'état e m b r y o n n a i r e dans la dernière phrase de l'article précité et que si u n riverain p e u t para­

lyser les droits de pêche d'un autre riverain, au moyen d'un titre particulier ou d'une possession suffisante, il peut (à fortiori) alléguer les dispositions antérieures et formelles du Code civil, et revendiquer, même au préjudice du pêcheur, l'usage sans entrave du droit de dérivation. O n ajoute que

( 1 ) L ' a r t i c l e p r e m i e r vise les r i v i è r e s n a v i g a b l e s o ù s ' e x e r c e n t les d r o i t s d e p ê c h e au profit d e l ' E t a t .

cette sorte de hiérarchie, tirée de la date des deux lois est conforme aux considérations émanant de l'intérêt général ; il est évident que, quelque sympathie qu'inspirent les p ê c h e u r s , q u e l q u ' i m p o r t a n t e q u e soit la conservation du poisson, p o u r l'alimentation publique, le pays est encore plus attaché à la prospérité de son industrie et de son agri­

culture ; d'autant plus que le véritable réservoir de la pêche se trouve dans les rivières de l'Etat qui échappent, au con­

traire, aux dérivations privées. L a pêche fluviale, d'ailleurs, n'a plus l'importance qu'elle avait autrefois ; sous l'ancien régime elle était considérée non pas seulement comme un plaisir féodal, mais c o m m e une ressource indispensable à tout le m o n d e , à cause des lenteurs q u i , à cette époque, rendaient très difficile le t r a n s p o r t des produits de l'Océan.

U n ancien auteur, G u y Coquille, ne constate-t-il pas que le poisson est bien précieux dans la Bresse « en un temps où plus d ' u n tiers de l'année est de jours maigres » ? E t T a i n e , dans ses savantes études sur les origines de la F r a n c e c o n t e m p o r a i n e , nous a p p r e n d que la crainte de ne pas voir arriver la marée à son heure était la cause du soin tout particulier que mettait le pouvoir royal à entretenir les routes de Paris à la nier. A u j o u r d ' h u i , la pêche dans les cours d'eau de petite importance est beaucoup plus un luxe q u ' u n e nécessité ; p a r contre, l'agriculture a les mêmes besoins, et l'industrie des exigences beaucoup plus considé­

rables qu'autrefois.

D'autres, en sens inverse, ont prôné l'égalité de tous les droits des riverains et, p o u r cela, sont remontés à leur ori­

gine. Il est évident, disent-ils, que la pêche, comme les droits de « battage et de pressage », et de dérivation, tous les droits, en un m o t , sur les rivières non navigables sont d'origine féodale ; le législateur de 1 8 2 9 n'a fait que conti­

nuer le m o u v e m e n t entrepris par celui de 1 8 0 4 , en d o n n a n t aux riverains la jouissance des privilèges que la nuit du 4 août avait abolis. E n effet, quelque temps après l'extinc­

tion de la féodalité, la propriété de la pêche fut agitée dans l'Assemblée nationale, et examinée p a r le comité féodal, par celui des domaines, par celui de l'agriculture et du commerce, qui chargèrent le député A r n o u l t de faire un r a p p o r t au n o m des trois comités. Le rapporteur a d m i t que la pêche devait être déclarée « propriété c o m m u n a l e et nationale » ; mais aucune suite ne fut donnée à son travail, et la discussion fut renvoyée à la prochaine législature.

S o u s la Convention, la question fut renouvelée p a r diverses pétitions qui d e m a n d a i e n t que l'Assemblée s'expli­

q u â t s u r la question de savoir si le droit de pêche était compris dans l'abolition des droits féodaux. La Convention passa c o n s t a m m e n t à l'ordre du j o u r , en motivant sa

Article published by SHF and available athttp://www.shf-lhb.orgorhttp://dx.doi.org/10.1051/lhb/1902041

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202 L A H O U I L L E B L A N C H E

décision sur ce que « les droits exclusifs de la pêche et de la chasse étaient des droits féodaux abolis par les décrets du 6 et 3o juillet 1 7 9 3 , 8 frimaire an II ». Ces décrets, quoique préjugeant fortement les droits de pêche en faveur des propriétaires riverains laissaient encore la question indécise, et elle ne fut explicitement décidée en ce sens q u e p a r un avis du Conseil d'Etat des 27 nivose et 3o pluviôse an X I I I . C'est ce système que la loi s u r la pêche fluviale a définivement consacré. Q u a n d on lit cet historique, on est frappé de la similitude qu'il présente avec celui des articles 6 4 4 et 6 4 5 . Il est donc bien tentant de conclure à la similitude des deux droits.

La difficulté aurait été grande de choisir entre cette série de considérations générales ayant une réelle et sem­

blable importance, si un texte bienfaisant n'était venu partager le différend. La loi du 3i mai 18 6 5 a déclaré que la libre circulation du poisson qui est, comme on le sait, une condition indispensable à sa r e p r o d u c t i o n , devrait être assurée au moyeu de ï'établissement, dans les barrages inclus, triels des « Echelles à Poissons 51, c'est-à-dire de gradins destinés à favoriser sa migration ; mais i m m é d i a t e m e n t après, elle dispose que « l'établissement de ces échelles pourra donner lieu à des indemnités au profit des proprié­

taires du barrage ». Voici les deux textes :

ARTICLE PREMIER. — D e s décrets r e n d u s en Conseil d ' E t a t après avis des conseils généraux des d é p a r t e m e n t s , déter- m i n e r o n t . . .

S 2. — L e s parties des fleuves, rivières, canaux et cours d'eau dans les barrages desquelles il p o u r r a être établi, après enquête, un passage appelé échelle, destiné à assurer la libre circulation des p o i s s o n s . . .

ART. 4 , § 2 . — Les indemnités auxquelles p o u r r a donner lieu l'établissement d'échelles dans les barrages existants seront réglées par le Conseil de préfecture, conformément à la loi du 16 septembre 1 8 0 7 .

Il résulte bien de ces textes formels : i° que le droit du pêcheur à la conservation du poisson est consacré par le

législateur ; 20 m a i s que ce droit est, en somme, considéré comme secondaire, puisqu'il n'est point assez fort pour obliger l'industriel à modifier son barrage sans réparation du préjudice causé. Les termes du rapport de M. de Dalmas, député au Corps législatif, parlant au n o m de la C o m m i s ­ sion, sont d'une r e m a r q u a b l e précision. « P a r m i les espèces

« voyageuses, le s a u m o n , la t r u i t e et l'anguille ont une

« valeur propre dont l'importance est considérable

« p o u r l'alimentation ; diverses dispositions du projet de

« loi que nous vous proposons d'adopter sont arrêtées en

« vue de favoriser leur reproduction... Les barrages sont de

« deux sortes : ou ils sont établis dans l'unique b u t de

« faire u n e pêche illicite, ou ils existent p o u r créer des

« forces industrielles. L e défaut de surveillance a fait que

« les premiers se sont multipliés à l'infini, mais il n'est pas

« difficile de les faire disparaître ; quant aux attires, ils sont

« placés pour créer une force nécessaire à l'industrie et on

« ne pourrait songer,à les détruire. U n savant, que ses

« intéressants et utiles travaux ont fait connaître, M. Coste,

« a exposé dans son rapport du 21 septembre i85g, corn­

et ment on peut, sans diminuer la puissance des forces-

« hydrauliques créées par les barrages, organiser ces d e r -

« niers de façon à permettre aux premiers de les franchir.

« Ce moyen, bien simple, consiste à d i s p o s e r a l'une des-

« extrémités de chaque barrage, un plan incliné u n i , ou

« bien coupé à des degrés élevés à quelques centimètres les

« uns au-dessus des autres, sur lequel s'écoule une quantité:

« d'eau trop faible pour diminuer la puissance de la chute,

« et suffisante cependant pour permettre au poisson de

« franchir l'obstacle en s'élevant par des sauts répétés. Dans

« certains endroits, on est parvenu, grâce aux échelles à

« permettre au s a u m o n de franchir des h a u t e u r s de 8 à

« 10 mètres, et l'on a vu ce poisson paraître dans des cours-

<x d'eau où jamais a u p a r a v a n t il n'avait pu pénétrer ».

*

* *

S'il est certain que les pêcheurs peuvent exiger des pou­

voirs publics certaines protections, n o t a m m e n t l'établisse­

m e n t des échelles, c o m m e n t pourra-t-on régler les conflits d'ordre privé ?

Voici, par exemple, un industriel qui établit son b a r r a g e et détourne l'eau au d é t r i m e n t d'un riverain d'aval. C e l u i - ci, par hypothèse, ne se sert de son droit de riveraineté ni

pi u r l'irrigation, ni p o u r la force motrice, mais il allègue q 1e l'eau détournée ne lui était utile q u e p o u r la pêche ? Q u e devra-t-on décider?

T o u t d'abord, il faut r e m a r q u e r q u e la question de la pêche ne pourra se présenter s'il n'y a pas u n e utilité réelle et ne doit pas être soulevée exclusivement p o u r p a r a l y s e r une installation industrielle. Elle tomberait, dans ce c a s , sous le coup de la règle « pas d'intérêt, pas d'action ». L a rivière devra être classée parmi les cours d'eau suffisam­

m e n t riches en poisson p o u r q u e l a pêche, considérée c o m m e annexe de la riveraineté, n'ait pas q u ' u n e valeur p u r e m e n t t h é o r i q u e ; nous nous retrouverions dans un cas c o m p a r a b l e à celui d'un riverain qui invoquerait l'irrigation sans p o u v o i r irriguer et, par conséquent, ne saurait s'opposer à ce qu'on lui prenne m ê m e toute l'eau tant que d u r e r a cette i m p o s s i ­ bilité.

Mais si l'on envisage le cas d'une rivière p o i s s o n n e u s e , le riverain p o u r r a h a u t e m e n t revendiquer son droit à la pêche et d e m a n d e r : i° Q u e les mesures dites « échelles à poissons » soient prises p o u r p e r m e t t r e la migration et la circulation du poisson ; 20 Q u e les grilles des prises d'eau soient p o u r v u e s des engins nécessaires p o u r e m p ê c h e r l'accès du poisson j u s q u ' a u x turbines où il serait broyé ; 3° Qu'il reste, en aval du barrage, u n e quantité d'eau suffi­

sante p o u r q u e la pêche puisse s'exercer. Cette q u a n t i t é d'eau devra naturellement être déterminée en tenant compte de l'étendue des droits de riveraineté de c h a c u n , et on se retrouvera en présence des principes admis en matière de règlement d'eau. N o u s les avons longuement exposés dans u n article précédent ( 1 ) .

(1) V o i r n o t r e article s u r l'arrêt B.ergès et le c o m m e n t a i r e des p r i n ­ cipes qu'il a p p l i q u e (N» d u m o i s d e n o v e m b r e , p a g e 1 8 0 . )

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LA. H O U I L L E B L A N C H E 203

I I I

E n a t t r i b u a n t a u x r i v e r a i n s l a p r o p r i é t é d u l i t , l a l o i d e 1 8 9 8 l e u r a - t - e l l e d o n n é l e d r o i t d e s ' o p p o s e r à l a l i b r e c i r c u l a t i o n d e s b a t e a u x ? On se fait généralement une idée assez inexacte de la portée de la loi de 1 8 9 8 ; dans son article 3, elle a posé en principe ( 1 ) que le riverain est propriétaire de la portion du lit comprise entre ses deux rives, s'il est propriétaire de la T i v e r a i n e t é double, et de la partie adjacente à son fonds, j u s q u ' a u milieu du lit, s'il est propriétaire de la riveraineté s i m p l e .

En prenant cette disposition, le législateur avait très pro­

b a b l e m e n t en vue la suppression de l'article 563 du Code

•civil qui prévoyait un cas tout spécial. On sait q u e , dans l'hypothèse où un cours d'eau, m ê m e non navigable, chan­

geait de lit, le propriétaire du sol dépossédé par le fait de la nouvelle direction prise par le fleuve, avait le droit de p r e n d r e , en échange, l'ancien lit devenu libre ( 2 ) . Le riverain, privé de son eau, était souvent assez malheureux p o u r avoir le droit de réclamer, lui aussi, une compensa­

tion : il paraissait d u r de lui imposer un nouveau voisin, à la place du ruisseau parfois si utile à ses terres, et il sembla p l u s juste, en cas de changement du cours de l'eau, que l'ancien riverain prit la possession du lit a b a n d o n n é ; pour affirmer son droit, un texte tout spécial lui fit « attribution i m m é d i a t e de la propriété du lit » dans la partie qu'il est appelé à recueillir, dans l'hypothèse d'un dessèchement par c h a n g e m e n t de direction (3).

Mais la loi de 1898 n'a innové en aucune façon au sujet d e l'eau, c'est-à-dire en ce qui concerne l'application des articles 6 4 4 et 6 4 5 . «. Le volume et la pente de l'eau » restent toujours res nulliits et les droits de riveraineté établis par le C o d e , sanctionnés par la jurisprudence n'ont s u b i aucune modification. Ils n'ont pas été diminués, cela est certain ; ils n'ont pas davantage été confirmés par la loi nouvelle ; d'ailleurs, ils n'avaient pas à l'être, les articles 6 4 4 et 6 4 5 étant parfaitement suffisants par e u x - m ê m e s .

U n e question toute nouvelle s'est n é a n m o i n s posée : si la loi de 1 8 9 8 n'a eu a u c u n e influence s u r la dérivation de l'eau, en est-il de même p o u r la circulation des bateaux, sur et dans cette eau -, et le riverain, propriétaire d'une frac­

tion du lit, peut-il interdire la navigation au-dessus de

•cette fraction qu'il détient ?

*

A priori, on est tenté de s'étonner q u ' u n e pareille ques­

tion ait p u être soulevée. La navigation, dit-on de suite, n ' a aucune influence sur le lit. Du m o m e n t que l'eau est

(1) V o i r p l u s l o i n la c i t a t i o n c o m p l è t e d e l'art. 3 .

(2) A n c i e n a r t i c l e 5 6 3 . — Si u n e r i v i è r e o u u n fleuve n a v i g a b l e , flottable ou n o n , se f o r m e u n n o u v e a u c o u r s en a b a n d o n n a n t son a n c i e n lit, les p r o p r i é t a i r e s des fonds n o u v e l l e m e n t o c c u p é s p r e n ­ n e n t , à t i t r e d ' i n d e m n i t é , l ' a n c i e n lit a b a n d o n n é , c h a c u n d a n s la p r o p o r t i o n d u t e r r a i n q u i lui a été e n l e v é .

. (3) A r t i c l e 4 d e ia loi 1898. — L o r s q u e le lit d ' u n c o u r s d'eau est a b a n d o n n é s o i t n a t u r e l l e m e n t , soit p a r s u i t e d e t r a v a u x l é g a l e m e n t

« x é c u t é s , c h a q u e r i v e r a i n en p r e n d la l i b r e d i s p o s i t i o n d a n s les l i m i ­ tes fixées à l'article 3 .

« res nulliits » tout le monde a le droit de l'occuper au moyen d'une b a r q u e , sauf, bien e n t e n d u , à ne pas gêner le riverain, en abordant par exemple s u r son fonds, ou en a r r i m a n t sa b a r q u e à la rive, ou m ê m e en plaçant des pieux d'attache sur la partie du lit qui lui a p p a r t i e n t . L'usage de la

« res nullius » en principe est à tout le monde, excepté dans le cas où des lois spéciales en ont décidé a u t r e m e n t . Or, une loi spéciale a bien affecté l'usage de l'eau au rive­

rain, mais seulement pour lui permettre d'en p r e n d r e pour ses besoins ; il n'a aucune attribution exclusive en matière de circulation. Donc, ce droit, comme tous ceux sur lesquels le code ne s'est pas encore expliqué, est réservé par ce silence m ê m e , à la masse des intéressés, et le pouvoir du riverain ne va pas jusqu'à l'interdire.

Présentée en ces termes, cette solution est très simple, aussi, la loi de 1898 qui est un chef-d'œuvre d'obscurité, devait-elle se charger de la compliquer et voici c o m m e n t elle y est parvenue.

L o r s q u e l'on arriva dans la discussion de la loi à l'article de l'attribution du lit aux riverains — article 3 de la loi actuelle — M. Léon Clément, sénateur, expliqua que cette attribution l'effrayait, en ce sens qu'elle permettrait aux riverains d'empêcher la circulation au droit de leurs fonds ; il combattit très vivement la possibilité de cette interdic­

tion, m o n t r a n t qu'elle produirait la suppression d'un utile moyen de desserte p o u r les propriétés voisines. Ceci se passait à la séance du 26 juin r 8 8 3 .

Q u ' a u r a i t dû faire le rapporteur, M. Cuvinot, mis en d e m e u r e de s'expliquer sur l'article que commentait M . Clément ? Il aurait dû simplement rappeler : 1° Q u e la cir­

culation en bateau était étrangère à la question du lit ; 20 Q u e , quelques jours auparavant,il avait, dans la d i s c u s ­ sion, affirmé que la loi nouvelle respectait l'état de la juris­

p r u d e n c e ; 3° Q u e les craintes de M . Léon Clément étaient sans fondement, les choses devant rester dans le sialu qito.

Au contraire, le rapporteur se lança dans une série de critiques à l'adresse du système de la libre circulation, disant qu'il était déplorable et entraînait le droit d'atterir chez les riverains et les exposait à des déprédations.

Ces reproches à un système (que le projet de loi ne modi­

fiait pas clairement) devaient a m e n e r un mouvement de défense en sa faveur. M. P o u y e r - Q u e r t i e r , sénateur, s'en chargea, p r e n a n t fait et cause p o u r la circulation « si utile aux petits propriétaires cultivateurs ». A p r è s un débat obscur, incomplet, d é p o u r v u de solution p r a t i q u e , sans que la question fut posée en des termes clairs, permettant au moins de bien la c o m p r e n d r e , le Sénat prononça le renvoi de l'article à la C o m m i s s i o n . Celle-ci s'empressa de le ren­

voyer au Sénat, avec l'addition d'un 4« p a r a g r a p h e qui est plus confus encore que tout ce qui avait précédé.

Voici le texte de l'article ; les mots en italique indiquent la rédaction de la C o m m i s s i o n .

« Le lit des cours d'eau non navigables ni flottables a p p a r ­ ie tiennent au propriétaire des deux rives. Si les deux rives

« appartiennent à des propriétaires différents, chacun d'eux

« a la propriétéde la moitié du lit,suivant u n e ligne que l'on

« suppose tracée au milieu du cours d'eau, sauf titre ou

« prescription contraire.

« C h a q u e riverain a le droit de p r e n d r e , dans la partie du

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L A H O U I L L E B L A N C H E

« lit qui lui appartient, tous les produits naturels et d'en

« extraire de la vase, du sable et des pierres, à la condition

« de ne pas modifier le régime des eaux, et d'en exécuter le

« curage conformément aux règles établies par le chapi-

« tre I I I du présent livre.

« Sont et deviennent réservés les droits acquis par les

« riverains ou autres intéresses sur les parties des cours

« d'eau qui servent de voie d'exploitation pour la desserte

« de leurs fonds ».

*

* *

Si la commission avait voulu clore définitivement le débat dans le sens de l'interdiction possible de la circulation, elle, aurait dû consacrer en termes formels deux principes et dire : i°) L'attribution du lit au riverain lui donne la faculté d'interdire la circulation en bateaux s u r la rivière au droit de son fonds ; 2°) P o u r r o n t seuls circuler en bateau ceux qui justifieront a n t é r i e u r e m e n t à la présente loi, d u droit d'accéder en bateau sur certaines parties d u lit ne leur a p p a r t e n a n t p a s , p o u r la desserte de leurs fonds.

E n l'absence de la première partie, c'est-à-dire en dehors du droit d'interdiction reconnu au riverain, on se d e m a n d e à quoi s'applique la réserve en faveur d'un droit acquis.

Notons bien qu'on ne d i t pas : un droit acquis p o u r lacircu- lation en bateau, mais un droit acquis p o u r la desserte des fonds.

Or, nous connaissons de très n o m b r e u x droits qu'il était utile de réserver en faveurdes intéressés,droits que l'on peut très bien appeler droits de desserte et qui sont tout à fait différents de la circulation en bateau. C'est ainsi q u e , anté­

rieurement à la loi de 1 8 9 8 , le lit étant res nidlius, servait de chemin à pied sec,quand il était desséché,etpermettait l'accès à un grand n o m b r e de f o n d s ; de m ê m e , c'est dans le lit que l'on plaçait toujours toutes les canalisations et les vannes des­

tinées à l'arrosage et' à l'adduction des eaux ; or, les rive­

rains qui n'étaient pas propriétaires du lit ne pouvaient pas empêcher cette jouissance de tout le monde s u r un sol qui ne leur appartenait p a s . Il était impossible de permettre que,dès l'apparition de l'article 3, le riverain p û t s u p p r i m e r cet état de choses, au droit de son fonds. Mais en quoi cet article a-t-il même l'apparence d'interdire la circulation en barque, puisqu'il n'en parle pas?

*

La Cour de P a r i s a rendu un arrêt particulièrement intéressant sur ce point. Un jugement d u t r i b u n a l de Corbeil, qui lui était déféré, avait a d m i s , après u n e analyse plus ou moins laborieuse des travaux préparatoires, que l'idée du législateur de 1898 était- d'autoriser le riverain à défendre p a r une clôture l'accès de la partie du lit lui reve­

nant. S u r appel, par arrêt du 2 6 juillet 1 9 0 1 , la C o u r a admis q u ' u n e disposition aussi contraire à la jurisprudence antérieure ne pouvait pas se déduire de divers lambeaux tirés de la discussion au Sénat, sans un texte formel, et a cassé le jugement.

Un j u g e m e n t du tribunal civil d'Auch, en date du 4 juin [ 9 0 1, q u i , s'appuyant s u r le jugement de Corbeil, avait tranché la question dans le m ê m e sens, aurait eu p r o ­ bablement le même sort s'il avait été déféré à la C o u r d'appel.

La Cour de cassation n'a point encore été appelée à sta­

tuer s u r le d é b a t .

Mais elle a rendu, le 11 décembre 1 9 0 1 , un arrêt qui laisse au moins préjuger d'une façon indubitable quelle serait sa décision : Un propriétaire de R o s s e y - s u r - S e r r e (Aisne), M. Laval-Noizet avait assigné M . de Joybeil en bornage de leurs terrains séparés par un ruisseau, et,d'après ses prétentions, les bornes devaient être placées au milieu du lit, puisque c'était à cet endroit que se rejoignaient les fonds contigus. Le tribunal civil de L a o n avait d o n n é gain de cause au d e m a n d e u r . Mais, s u r pourvoi, le jugement fut cassé. La C o u r a, en effet, admis que « si, d'une part, aux termes de l'article 3 de la loi du 8 avril 1 8 9 8 , les riverains d'un cours d'eau non navigable ni flottable sont propriétaires p o u r moitié de son lit, celte propriété revêt un caractère tout spécial, le lit ne pouvant être isolé de l'eau courante qui le recouvre et qui n'est dans le patrimoine de personne.

Attendu, d'autre part, que la ligne idéale tracée au milieu du cours d'eau et formant la limite de la propriété respec­

tive des riverains sur le lit, a un caractère essentiellement variable. »

Si la C o u r S u p r ê m e juge que les co-riverains ne p e u v e n t placer des bornes indicatives dans le lit de la rivière à cause du caractère tout spécial de leur droit de p r o p r i é t é sur ce lit, c o m m e n t pourrait-elle leur p e r m e t t r e d'entraver la circulation au moyen.d'un obstacle matériel placé à cet effet... ?

Telles sont, très r a p i d e m e n t r é s u m é e s , les réponses à quelques-unes des questions que n o u s avions jugées p a r t i ­ culièrement intéressantes p a r m i celles d o n t les c o n g r e s ­ sistes ont bien voulu nous entretenir.

N o u s nous efforcerons de résoudre les difficultés d ' o r d r e administratif sur l'éclairage et le t r a n s p o r t de force, dans le Manuel de l'occupation de la voie publique d o n t la publication commencera en janvier dans les colonnes d e La Houille Blanche.

P A U L BOUGAULT,

Avocat à la Cour d'Appel de Lyon.

TRACTION ÉLECTRIQUE AUX GRANDES VITESSES E T AUX GRANDES DISTANCES

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