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Géographie Économie Société : Article pp.403-418 du Vol.9 n°4 (2007)

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Géographie, économie, Société 9 (2007) 403-418

GÏOGRAPHIE ÏCONOMIE SOCIÏTÏ GÏOGRAPHIE ÏCONOMIE SOCIÏTÏ

Les nouveaux territoires du sport : des changements d’échelle sous influences

The new territories of sport:

changes of level under influences

Marina Honta

Maître de Conférences

Université de Bordeaux ; Université Victor Segalen Bordeaux 2 Laboratoire Culture, éducation et Société

EA 4140 – Trajectoires, Innovation, Intervention (axe « Territoires et politiques ») 12, avenue Camille Jullian, 33607 Pessac Cedex

Résumé

Si le développement de l’intercommunalité est incontestable aujourd’hui, plusieurs aspects en font un processus sujet à controverses. Outre l’absence de pertinence de certains périmètres d’établisse- ments publics de coopération intercommunale (EPCI) et l’augmentation de la pression fiscale qu’il a pu susciter, cette dynamique interroge également sur la nature des rapports entretenus entre les com- munes et leurs groupements dans l’exercice des diverses compétences. Le secteur des activités physi- ques et sportives (APS) est utilisé ici comme analyseur de ces échanges, la loi du 12 juillet 1999 (loi

« Chevènement ») ayant effectivement permis au sport de devenir, dans les communautés d’agglomé- ration (CA) notamment, un objet légitime d’action publique. L’institutionnalisation d’une action spor- tive communautaire s’accentue dans un contexte où l’engagement des communes en la matière est non seulement ancien mais également source, pour elles, de profit symbolique et identitaire. L’objectif de cette étude, plus particulièrement centrée sur la communauté d’agglomération du Bassin d’Arcachon Sud (COBAS), est ainsi d’examiner l’impact de la loi « Chevènement » sur la conduite de l’action sportive communautaire et sur la nature des relations entre communes et EPCI.

© 2007 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

*Adresse email : marina.honta@u-bordeaux2.fr

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Summary

If the development of the links between local authorities is indisputable today, several aspects make a process subject to controversies. Besides the absence of relevance of certain perimeters of public establishments of intermunicipal cooperation (PEIC) and the increase of the tax pressure which it was able to arouse, this dynamics also examines about the nature of the constant relationships between the municipalities and their organizations in the exercise of the diverse skills. The branch of physical and sports activities is used here as analyzer of these exchanges, the law of July 12th, 1999 (“Chevènement’s” law) having effectively allowed the sport to become, notably, in conglo- meration, a legitimate object of public action. The institutionalization of a community sports action becomes more marked in a context where the commitment of municipalities on the subject is not only former but also source, for them, of symbolic and identical profit. The object of this study, more particularly focused on the conglomeration of the Bassin d’Arcachon Sud (COBAS) is to exa- mine the impact of the “Chevènement’s” law on the management of the community sports action and on the nature of the relations between municipalities and the PEIC.

© 2007 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

Mots clés : Sport, action publique locale, établissement public de coopération intercommunale, communes.

Keywords: Sport, local public action, conglomeration, municipalities

Introduction

Relancé depuis plus de 15 ans au moyen de divers textes législatifs1, le développement de l’intercommunalité est aujourd’hui un fait avéré. La France compte, au 1er janvier 2007, 2 588 regroupements communaux rassemblant plus de 33 400 communes (Association des Communautés de France, 2007). Dans ce contexte, les compétences assumées par les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre sont éga- lement de plus en plus nombreuses. À ce titre, les communautés d’agglomération (CA) peuvent choisir de retenir le sport dans une liste de compétences optionnelles. Cette incita- tion, considérée par ailleurs comme « minimale » (Comité National Olympique et Sportif Français [CNOSF], 2002), est limitée à la construction, l’aménagement, l’entretien, la gestion d’équipements culturels et sportifs d’intérêt communautaire. La compétence comprend donc les aspects les plus matériels des politiques sportives locales et non les axes dynamiques et par là même plus sensibles (attributions de subventions, organisations de manifestations et d’animations sportives…). Ceci n’empêche en rien les groupements de communes d’enrichir cette compétence de façon facultative. Alors que s’accentue leur implication en matière sportive (Association Nationale des Élus du Sport, 2005), de nom- breux rapports dressent un bilan mitigé voire sévère du processus intercommunal pour ce qui est notamment des relations entre communes et EPCI (Conseil Économique et Social, 2005 ; Piron, 2006). Dans ce cadre, sont évoqués les tensions financières entre ces deux échelles de gouvernement mais aussi le dédoublement fonctionnel des compétences com-

1 Loi n° 92-125 du 6 février 1992relative à l’Administration Territoriale de la République et loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale.

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munales et la « neutralisation » politique de l’intercommunalité par les maires. L’étude monographique effectuée sur la communauté d’agglomération du Bassin d’Arcachon Sud (COBAS), et réalisée au moyen de 36 entretiens semi-dirigés2, de l’analyse de la presse locale et des actes administratifs des communes et du groupement, constitue un analyseur pertinent de ces clivages. Elle avait principalement pour objectif d’examiner l’impact de la réforme « Chevènement » sur la conduite de l’action publique sportive communautaire, sur le sens de cet engagement et la nature des échanges entre les communes et l’EPCI. Ce dernier a été créé par arrêté préfectoral du 1er janvier 2002 et résulte de la transformation du district Sud Bassin3. Il comprend, comme ce dernier précédemment, quatre commu- nes4. La COBAS est présidée par François Deluga, maire de la plus petite d’entre elles ce qui, au regard des travaux sur la sociologie des présidents d’EPCI (Le Saout, 2001), peut paraître atypique5. De plus, cette évolution s’est faite sur un territoire connaissant, suite aux élections municipales de 2001, du changement du point de vue des configurations d’acteurs politiques en présence.

Deux principaux constats émergent des résultats obtenus. L’institutionnalisation d’une action sportive communautaire emprunte aux formes contemporaines de conduite de l’action publique faisant du partenariat et de la multisectorialité des principes clés.

Toutefois, la réforme « Chevènement » si elle permet à la COBAS d’accentuer ses échan- ges avec son environnement institutionnel (la région, le département et l’État), peine toutefois dans le domaine sportif, à déstabiliser les anciennes configurations d’acteurs en présence. En effet, plusieurs résistances au changement de la part des acteurs communaux rendent difficiles l’exercice effectif de l’ensemble des compétences retenues par le grou- pement dans ce secteur et son émergence comme échelon pertinent d’action sportive.

Cette étude s’inscrit dans le prolongement de travaux destinés à cerner l’impact des changements d’échelle sur la conduite de l’action publique locale. Centrés plus

2 Effectués auprès des élus politiques, des présidents d’associations sportives, des agents administratifs territoriaux responsables des services municipaux des sports et des chefs d’établissements scolaires.

3 La création du district Sud Bassin date du 13 décembre 1973.

4 Le Teich (4 887 habitants), Gujan-Mestras (15 367 habitants), La Teste de Buch (23 819 habitants) et Arcachon (11 854 habitants).

5 La principale explication tient à la configuration politique de l’agglomération. Précédemment fief de la  droite (gouvernant les trois communes les plus importantes, Arcachon, Gujan-Mestras et la Teste de Buch), le territoire connaît, depuis les dernières élections municipales de 2001, un « renouveau politique ». Ces échéances électorales ont effectivement joué un rôle déterminant dans les mouvements qu’elles ont entraînés sur la ville

« centre » du groupement et, par voie de conséquence, sur la composition politique de ce dernier. La majorité sortante de La Teste de Buch, n’a effectivement pas été réélue, renversant de fait, les rapports de forces au sein du nouvel EPCI à fiscalité propre. Le peu d’ancienneté et d’expérience accumulées sur le terrain politique par  le nouveau maire socialiste de la commune, Jean-François Acot-Mirande, obtenant là son tout premier mandat à ce poste, explique que ce soit celui du Teich d’appartenance partisane identique, possédant une relative stabilité dans la fonction mayorale et au capital politique plus important, qui ait été élu président par les délégués du conseil communautaire. F. Deluga, en effet, est également vice président du conseil régional d’Aquitaine chargé de l’aménagement du territoire, de l’environnement, du littoral, du tourisme et des techniques d’information et de communication (TIC), et était, en outre, au moment de la création de la COBAS, député, mandat qu’il a conservé jusqu’au 18 juin 2002. Un autre élément déterminant explique cette prise de pouvoir du leader de la COBAS.C’est effectivement lui qui a su convaincre Jean-François Acot-Mirande, régulièrement tête de liste de l’opposition sur Arcachon, de se présenter sur la commune de La Teste de Buch en 2001, la campagne de ce dernier ayant été fortement pilotée par le réseau de François Deluga. Suite à la victoire d’Acot-Mirande, il est apparu entendu que le poste de président du groupement revient au maire du Teich.

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particulièrement sur le secteur culturel, leurs auteurs ont insisté sur la nécessité de réaliser des analyses « au plus près du terrain » pour apprécier l’importance des confi- gurations territoriales dans ce processus (caractéristiques du territoire, influence des élus et des professionnels, des représentants du secteur associatif…). Ils soulignent, en outre, l’intérêt de les conduire dans d’autres domaines de politiques publiques à des fins d’approfondissement thématique (Faure et Négrier, 2001, Négrier, 2004).

La recherche présentée ici vise à démontrer l’idée selon laquelle le sport, parce qu’il représente un secteur fortement investi par les collectivités locales à des fins de communications institutionnelle et politique, peut être considéré comme exemplaire lorsqu’il est question d’examiner les clivages pouvant survenir entre communes et EPCI dans la conduite de l’action publique communautaire. Le cas de la COBAS en apporte une illustration.

1. Les processus de municipalisation du sport : des systèmes d’acteurs opposés à toute forme de reconfiguration de l’action sportive communale

Lors de la transformation du district en CA, les délégués ont retenu, au titre des compé- ten ces optionnelles, la « construction, gestion, réhabilitation d’équipements sportifs et culturels d’intérêt communautaire » partant du constat que « sur le plan culturel et sportif, la croissance de l’agglomération exige de pouvoir disposer d’équipements à l’échelle d’une population de 54 000 habitants ce qui n’est pas le cas actuellement » (contrat d’agglo mé ra tion 2003-2010). Pourtant, les délégués ont choisi de reporter l’action du groupement à la prochaine mandature (2008). La prise de compétence en la matière s’ins- crit, en effet, sur un territoire où les différentes communes affichent le dynamisme de leur intervention sportive construite, en outre, sur des bases contractuelles. Appréhendée loca- lement, l’action sportive communale donne satisfaction, ce qui peut expliquer qu’aucun acteur n’a cherché à jouer un rôle actif dans l’élaboration d’un projet sportif communau- taire. L’ancienneté des échanges construits entre les communes et le conseil général et les interdépendances réciproques (Balme, 1987) entre les premières et les associations sportives, rendent délicate l’identification du territoire de l’agglomération comme échelle pertinente d’action sportive.

À l’analyse, ce qui ressort majoritairement des entretiens est très certainement le caractère ambivalent du discours des acteurs locaux (maires, adjoints aux sports, fonc- tionnaires territoriaux, dirigeants des clubs sportifs). Tous s’accordent pour voir en la loi

« Chevènement » l’occasion de réduire les inégalités territoriales en général, les inégalités de développement sportif en particulier. Néanmoins, ces discours, globalement consen- suels autour des objectifs de la réforme, ne sont que peu suivis d’effets sur le territoire de l’agglomération où s’observent, plutôt, des résistances au changement.

1.1. Instrumentalisations du sport et de l’intercommunalité : quand persistent les stratégies communales d’affirmation de soi

« Marqueurs » du territoire, les équipements sportifs sont porteurs d’une forte valeur symbolique pour les municipalités, de considérations stratégiques également puisque tout transfert de leur gestion à l’EPCI entraîne de facto la perte du pouvoir de décision pour

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les élus communaux6. Pourtant, dans chaque commune, les maires (également président et vice-présidents de l’EPCI) et les différents adjoints délégués aux sports adhèrent massi- vement au processus intercommunal et à l’outil qu’il peut constituer en matière d’écono- mies d’échelle et de réduction des inégalités. Cependant, aucun d’entre eux ne se mobilise réellement sur ce domaine de compétences au niveau ou auprès de la COBAS :

« Le sport, c’est vrai qu’on l’a inscrit dans les statuts mais on ne peut pas dire que l’on agit beaucoup en la matière. Peut-être qu’il manque un élu porteur de ces thématiques à l’intercommunalité. Par exemple sur notre commune, l’adjoint aux sports est très en pointe sur ces questions sportives. À la COBAS, je ne vois pas de vice-président très mobilisé sur le sport et je suis convaincu que les choses seraient complètement différentes s’il y en avait un… » (un maire, vice-président de la COBAS).

En l’absence de « relais » (Friedberg, 1997 : 101) susceptible « d’intéresser » (Callon, 1986) ou de sensibiliser le groupement, son action en matière d’équipements sportifs est reportée. Autrement dit, aucun délégué communautaire n’a, actuellement, pris la décision d’être le « porte parole » auprès de la COBAS des intérêts du mouvement sportif ou plus globalement de défendre, à cette échelle, « le dossier sportif ». Aussi, il est fréquent que, sur cette question, l’on en reste au stade de la rhétorique et que se maintiennent des habi- tudes de fonctionnement antérieures. Alors qu’existe un consensus sur les vertus suppo- sées d’une intercommunalité sportive, les élus locaux mentionnent, dans le même temps effectivement, que le sport relève d’abord de la responsabilité première, traditionnelle et

« naturelle » des communes. Ils prônent avant tout une gestion communale et non inter- communale des affaires sportives et restent très attachés aux services aux populations que leurs équipements leur permettent d’offrir ainsi qu’aux interactions qu’entretiennent leur municipalité et les associations sportives : « si la commune se coupe du club, elle se coupe de sa population » (un maire, vice-président de la COBAS). L’argument de la proximité est évoqué de façon récurrente pour légitimer que la commune demeure l’échelon pertinent d’action sportive. Aussi, tout transfert de la gestion d’équipements ou du soutien des clubs à l’EPCI bouleverserait incontestablement ces configurations et réseaux de politique publique anciennement construits. Les élus communaux perdraient alors le pouvoir de décision et d’arbitrage (ou seraient amenés à le partager) quant aux principes de mise à disposition et d’utilisation desdits équipements par les divers publics (associations sportives, scolaires…). Ces résistances liées à la gestion des infrastructures sont rencontrées par d’autres EPCI, les constats effectués sur la COBAS recoupant ceux d’autres travaux. Ces derniers ont démontré que l’intercommunalité contient le risque d’une remise en cause du pouvoir des communes pouvant voir leur identité sportive et politique se dissoudre en terme de choix et de décisions (Bouchet et Raspaud, 1995 ;

6  Si  les  transferts  de  compétences  des  communes  aux  EPCI  à  fiscalité  propre  représentent  un  processus  stratégique, les ressources nécessaires à leur exercice, au bon fonctionnement de l’intercommunalité, détiennent une importance capitale. Concernant le transfert en matière patrimoniale, le Code Général des Collectivités Territoriales (L.5211-5 et L.5215-28 du CGCT) prévoit qu’il entraîne, de plein droit, la mise à disposition gratuite des biens et équipements nécessaires à l’exercice de ces compétences et la substitution de la communauté dans les droits et obligations des communes (emprunts, délégations de services publics, etc..). La communauté est substituée de plein droit, à la date du transfert des compétences, aux communes membres dans toutes leurs délibérations et tous leurs actes. Les contrats (prêt ou assurance) sont exécutés dans leurs conditions antérieures jusqu’à leur échéance, sauf accord contraire des parties. Cette substitution n’entraîne aucun droit à résiliation ou à indemnisation.

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Haschar-Noé, 2002). Les élus locaux, en effet, acceptent difficilement de se dessaisir d’un secteur à fort enjeu électoral tel que le sport (Mounet et Chifflet, 1993).

Ces représentations sont également celles des fonctionnaires municipaux, plus par- ticulièrement celles les directeurs de services des sports, qui pourraient se voir retirer un aspect stratégique des politiques sportives et privés d’une partie de leur personnel technique et d’entretien7.

Ainsi, parce qu’ils préexistent au processus communautaire, les divers modè- les de municipalisation du sport (Bonnes, 1983), élaborés sur des partenariats avec les associations sportives et les autres collectivités publiques, résistent afin de sta- biliser ces configurations d’acteurs qui fonctionnent et « rapportent » sur les plans identitaire et politique. Cela rend difficile la mise en place de nouveaux répertoires d’action (Muller et Surel, 1998) à l’échelle communautaire, essentiellement autour de la compétence optionnelle « équipements sportifs ». Ces éléments peuvent consti- tuer une explication au fait que le groupement n’ait pas encore inscrit ce dossier sur son agenda politique afin de ne pas se heurter aux communes. La mobilisation des délégués communautaires, sur ces questions sportives comme sur d’autres (Jouve et Lefèvre, 1999), peut effectivement être problématique en ce sens qu’elle dépend plus de l’histoire des interactions entre les municipalités et leur environnement que des bouleversements qui pourraient être induits par les dynamiques institutionnelles de la loi « Chevènement ». D’ailleurs, toute projection des élus sur une possible interven- tion sportive de la COBAS constitue, pour eux, l’occasion de vanter d’abord l’action municipale dans ce domaine :

« Le sport devrait faire l’objet de politique intercommunale mais je ne le ressens pas encore… Nous, notre ville est très sportive. D’ailleurs, quand on doit la qualifier, les deux images qui arrivent tout de suite c’est le sport et la mer. C’est vraiment la force de la ville, il y a beaucoup de licenciés… le sport, c’est vraiment notre ville qui le fait, pas l’intercommunalité pour le moment » (un maire, vice-président de la COBAS).

Aussi, les communes restent-elles, sur ce domaine d’action publique comme plus globale- ment (Sadran, 2006), en situation d’instrumentaliser l’intercommunalité malgré l’attribution de compétences toujours plus importantes confiées par la loi aux EPCI à fiscalité propre.

Dans ce contexte dominé par l’absence de mobilisation des maires, des élus locaux délégués aux sports et des fonctionnaires territoriaux, la réflexion autour d’un projet spor- tif communautaire aurait pu provenir des dirigeants d’associations sportives. Or, sur le territoire de l’agglomération, le mouvement sportif se caractérise par un fort individua- lisme, chaque association développant sa propre stratégie à l’égard des pouvoirs publics.

7 Le CGCT mentionne que(L.5211-4-1 du CGCT) « le transfert de compétences d’une commune à un établissement public de coopération intercommunale entraîne le transfert du service ou de la partie de service chargé de sa mise en œuvre. Les fonctionnaires territoriaux et agents territoriaux non titulaires qui remplissent en totalité leurs fonctions dans un service ou une partie de service transféré (…), sont transférés dans l’EPCI. 

Ils relèvent de cet établissement dans les conditions de statut et d’emploi qui sont les leurs ». Les modalités de  ce transfert font l’objet d’une décision conjointe de la commune et de l’EPCI après avis des comités techniques  paritaires compétents. Les questions relatives à la situation de fonctionnaires exerçant pour partie seulement dans un service ou une partie de service transféré, sont réglées par convention entre les communes et l’EPCI  après avis des commissions administratives paritaires. Les agents transférés conservent, s’ils y ont intérêt, le bénéfice du régime indemnitaire qui leur était applicable.

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1.2. La mise à distance des nouvelles normes d’action publique par les organisations locales du mouvement sportif

De toutes les catégories d’acteurs, ce sont les dirigeants de clubs sportifs qui demeurent les moins mobilisés dans le développement du processus communautaire. Ils se considè- rent tous, en effet, comme très éloignés des problématiques de construction intercommu- nale quel que soit le niveau de pratique auquel évolue leur club. Si des études effectuées sur d’autres CA (CNOSF, 2002) démontrent pourtant, qu’au travers du principe de subsi- diarité, les communes ont souhaité conserver la gestion sportive associative de proximité pour transférer à la CA le soutien de l’élite, il n’en est rien sur la COBAS où le sport de haut niveau ne concerne que très peu de clubs8.

Cette absence de mobilisation est, en outre, fortement soulignée par les élus locaux.

Elle leur procure, à ce titre, une légitimité supplémentaire pour reporter, à plus tard, leur réflexion sur un projet sportif communautaire :

« La COBAS peut avoir un rôle à jouer mais cette intercommunalité sportive peut aussi venir des habitants, c’est-à-dire de la base plutôt que du sommet et ce n’est peut-être pas plus mal. Je pense effectivement qu’à une intercommunalité administrative et financière impulsée par les élus, il faut substituer une intercommunalité de cœur en provenance des habitants. Actuellement, il y a des endroits où les associations restent très accrochées à leur position communale. La mobilisation associative reste très en retard de ce que l’on aurait pu penser… » (un maire, vice-président de la COBAS).

Pourtant, les instances nationales des organisations sportives se sont mobilisées sur ces domaines. La Fédération Nationale des Offices Municipaux des Sports (FNOMS) et le CNOSF tentent d’inciter fortement les divers groupements sportifs - tant nationaux que locaux - à s’organiser pour répondre aux enjeux induits par les recompositions territoriales, conscients qu’elles auront des répercussions sur l’organisation du sport en France. Parce qu’elle possède une fonction incontestablement politique (Saurrugger, 2002), ces acteurs ont renforcé leur capacité d’expertise en élargissant leur réseau de chercheurs9 : organisa- tions de colloques ou de journées d’étude, publication d’un véritable guide méthodologique destiné à soutenir les démarches volontaristes en la matière et du Livre blanc du CNOSF (2006), témoignent de la prise en compte de ces problématiques territoriales par ces ins- tances nationales. Elles incitent, lorsque cela est possible, à la création de clubs à vocation intercommunale (intercommunalité associative) et préconisent, également, que la prise de compétence « sport », par les EPCI, constitue l’opportunité de conduire une réflexion appro- fondie (études préalables, diagnostics, formalisation de critères…) et partagée (au travers la consultation d’acteurs concernés), sur l’organisation territoriale du sport. Ces injonctions nationales n’ont guère été suivies d’effet localement. Les revendications concernant une mobilisation plus forte de la COBAS dans le secteur sportif n’existent donc pas sur le terri- toire, les dirigeants n’ayant pas été en mesure de se prononcer concrètement sur les enjeux

8 Le haut ou bon niveau est limité à deux clubs, celui de rugby à La Teste de Buch qui a néanmoins réalisé des contre performances à l’origine de sa rétrogradation sportive (Fédérale 2) et l’UAGM Athlétisme qui rassemble plusieurs athlètes évoluant dans les compétitions nationales et internationales. Ce dernier est aussi le principal organisateur, chaque année, du cross du Journal Sud-Ouest.

9 À titre d’illustration, José Chaboche, enseignant-chercheur à l’UFR STAPS d’Orléans a été missionné par  la FNOMS pour réaliser une étude relative à la prise de compétence « sport » par les EPCI.

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de la réforme intercommunale. Aucune mobilisation collective n’apparaît, la représentation organisée et structurée du mouvement sportif à l’échelle communautaire (sous la forme notamment d’un office intercommunal des sports ou au sein du conseil de développement10 de la COBAS), étant, par ailleurs, inexistante.

Les dirigeants sont de plus, et dans l’ensemble, réticents à toute forme de regroupe- ment inter - associatif. Très peu nombreux sont effectivement les clubs qui ont réalisé des ententes. Lorsqu’elle existe cette forme « d’intercommunalité associative » s’expli- que par le fait que ces associations, prises isolément, ne possèdent pas suffisamment d’effectifs pour engager leurs équipes de jeunes en compétition. Au-delà de ces rares initiatives (rugby et tir à l’arc), le mouvement sportif se caractérise par son atomisation sur le territoire qu’une forte tradition de rivalité permet d’expliquer. Si cette concurrence entre acteurs associatifs s’observe également dans le secteur culturel (Faure et Négrier, 2001), elle paraît, dans le domaine sportif, revêtir une certaine spécificité. Toute forme de coopération entre association sportive est rendue d’autant plus difficile que ces structures, lorsqu’elles développent une même discipline, sont souvent des adversaires dans le cadre des divers calendriers de compétitions sportives locales.

De manière générale, les dirigeants ne se projettent pas dans ce nouvel échelon d’action publique qu’est la CA et n’y voient pas d’intérêt :

« La politique sportive de la commune est très forte, il n’y a pas de vide à ce niveau là…

non… la commune répond assez bien à ce que l’on demande » (un dirigeant de club).

Ces acteurs avouent également ne pas être allés se renseigner auprès des élus locaux ou des responsables de services des sports et mentionnent ne pas non plus avoir été consultés par les responsables politiques. Quelques divergences apparaissent néanmoins dans leurs discours. S’ils sont majoritaires à penser que c’est aux élus locaux de les associer à ces problématiques de recompositions territoriales et à attendre que ces derniers « prennent des orientations claires en la matière », d’autres acteurs associatifs estiment au contraire que « c’est au mouvement sportif local d’impulser une démarche intercommunale, de se fédérer autour d’une dynamique partenariale » (un président d’association sportive).

Dans tous les cas, la COBAS représente une institution aux compétences très floues dont le sens de l’action échappe aux dirigeants sportifs. Au même titre que l’analyse d’E.

Grossman concernant les stratégies élaborées par les groupes d’intérêt économiques face à l’intégration européenne (2003), l’incertitude liée aux changements d’échelle explique que ces acteurs se replient sur les réseaux de politiques publiques existants c’est-à-dire sur les relations construites avec leur partenaire traditionnel, la municipalité, qui en retire elle aussi des avantages. Pour la plupart, le changement d’échelle territoriale est porteur de craintes. Leur résistance au changement tient au fait qu’ils imaginent que l’implication sportive de la COBAS pourrait entraîner une spécialisation des pratiques et des installa- tions sportives selon les communes qui menacerait la pérennité de leur activité. Pour les dirigeants sportifs, le maintien des relations avec les municipalités constitue une garantie de survie, le flou qui accompagne le passage en CA pouvant être vécu comme une menace quant à la continuité de ce soutien communal.

10 Loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire prévoit, dans chacun des « pays » et dans chacune des agglomérations, un « conseil de développement » composé des représentants des milieux économiques, sociaux, culturels et associatifs impliqués dans l’élaboration de la charte du pays et du projet d’agglomération.

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2. L’action sportive communautaire : un processus élaboré dans les espaces laissés libres par les acteurs communaux

Outre la prise de compétence en matière d’équipements sportifs d’intérêt communau- taire, les APS apparaissent à d’autres titres dans les statuts du groupement, sa mobili- sation restant cependant très ciblée. Les éléments qui précèdent démontrent, en effet, que toute stratégie de construction de l’action sportive communautaire doit compter avec une trame héritée du passé qui balise les échanges politiques possibles. Ces résistan- ces locales, visant à défendre les processus de municipalisation du sport antérieurement construits, vont avoir une double incidence. D’une part, elles empêchent tout consensus sur ce qui pourrait constituer à l’avenir une intervention de la COBAS en matière d’équi- pements sportifs d’intérêt communautaire ; elles confèrent ainsi au sport, à cette échelle territoriale, un caractère résiduel au regard de dossiers plus urgents et stratégiques tels que ceux sur le logement et les transports. D’autre part, ces résistances restreignent les marges de manœuvre du groupement et l’incitent à rester actuellement sur des axes sportifs pré- cédemment investis par ce dernier. Dans ce contexte, seuls semblent tolérés des registres de mobilisation qui empruntent à d’autres référentiels d’action sportive qui n’empiètent pas sur les schémas communaux.

2. 1. équipements sportifs d’intérêt communal ou d’intérêt communautaire : l’introuvable définition

Les critères qui permettent de distinguer les installations sportives d’intérêt commu- nautaire de celles qui resteront d’intérêt communal, n’ont pas été définis par le conseil de communauté de la COBAS. La loi du 12 juillet 1999 n’a pas fixé de délai sur ces questions permettant ainsi une dissociation entre le transfert de compétences inscrit dans la décision statutaire et l’exercice effectif de celles-ci qui dépend de la détermination des actions d’intérêt communautaire (Montain-Domenach et Brémond, 2005 : 151). Certains EPCI, tant dans le domaine sportif que plus globalement, ont alors reporté leur interven- tion, le cas de la COBAS n’étant pas isolé en la matière. Afin de réduire ces stratégies qui fragilisent le processus intercommunal, comme l’a évoqué le rapport de la Cour des Comptes (2005), le législateur a précisé que les communes ou communautés avaient jus- qu’au 18 août 2006 pour procéder à cette définition11. Il a également mentionné12 qu’elle ne devait pas se réduire à l’établissement d’une liste de zones, d’équipements ou d’opé- rations au sein des différents blocs de compétences. Il s’agit ici d’inciter les élus à opter pour une approche privilégiant l’étalonnage de l’action communautaire par critère qui, elle seule, permet de mener une réflexion approfondie sur la définition du projet inter- communal et sur les moyens de sa mise en œuvre. L’examen de la manière avec laquelle d’autres CA ont, jusqu’ici, procédé dans le domaine des équipements sportifs, démontre la coexistence des deux approches : une définition de la notion à partir de l’établissement

11 Loi n ° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique (article 18).

12 Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales et circulaire du 15 septembre 2004 relative aux nouvelles dispositions concernant l’intercommunalité introduites par la loi

« libertés et responsabilités locales ».

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d’une liste d’installations y répondant et celle privilégiant l’utilisation de critères13 (La Lettre de l’Économie du Sport, 2002). Aucun consensus n’a, pour l’heure, été trouvé sur la COBAS en la matière.

Dans cette situation de non-définition de l’intérêt communautaire, le discours du leader du groupement demeure ferme et très clair sur le sens que ne prendra pas l’ac- tion sportive du groupement. Laissant aux communes le soin de privilégier l’aspect identitaire et compétitif de l’activité, il se dit formellement opposé à ce que la COBAS s’investisse dans des axes de politiques sportives dont les objectifs recouperaient ceux des schémas communaux :

« Dans les statuts, on a expressément exclu la participation de la COBAS au fonctionnement des clubs sportifs. Il n’est pas question que l’argent public serve à financer les clubs, encore moins ceux de haut niveau chose à laquelle je suis poli- tiquement en total désaccord. La COBAS n’est pas là pour financer des salaires de joueurs, elle ne le fera jamais tant que je serai président. Il n’est pas non plus ques- tion que l’on construise un stade ou un gymnase de plus, cela n’a pas de sens » (le président du groupement).

Qu’il s’agisse du sport ou de culture, la priorité affichée tant dans le discours du leader du groupement que dans le contrat d’agglomération ou les statuts, va à la réalisation d’équipe- ments structurants participant, là encore, d’une démarche de développement local. Pourtant, alors que le président de la COBAS semble avoir une idée précise des besoins du territoire en la matière, ses propos soulignent, à nouveau, les résistances communales :

« Je trouve que l’on est en présence d’un vrai paradoxe ici : nous sommes à proxim- ité de la mer et mes propres enfants n’arrivent pas à apprendre à nager dans le cadre de leur scolarité car il n’y a que deux piscines sur la COBAS pour l’ensemble des élèves scolarisés. Je pense logique et nécessaire que l’on se dirige vers la construction d’un stade nautique intercommunal. Là, l’équipement serait un élément de développement local car pour moi, le sport, ce ne peut être des jeux ou de la compétition à l’échelle de la COBAS. Tous mes collègues ne sont pas de cet avis et c’est pareil au niveau culturel.

Je souhaitais que l’on ait une médiathèque intercommunale mais les autres maires s’y opposent, chacun veut construire la sienne… »

Ce déficit en matière de bassin de natation couvert affiché par le président recoupe désor- mais les conclusions d’un rapport d’expertise commandé par le conseil régional sur la pré- sence et l’état des piscines situées sur les 7 agglomérations constituées en Aquitaine (Honta, 2007). Alors que l’enseignement de la natation est obligatoire dans les programmes scolaires, seules les communes d’Arcachon et de La Teste-De-Buch disposent d’un tel équipement.

Autrement dit, tous les chefs d’établissements publics locaux d’enseignement (EPLE) pré- sents sur la COBAS cherchent à obtenir des créneaux d’utilisation de ces deux piscines, demande ne pouvant actuellement être satisfaite. Les manques en la matière, au regard notam- ment mais pas exclusivement, des besoins pour la natation scolaire sont manifestes au plan

13 Sur 16 CA concernées par la compétence sportive dans cette enquête, 12 ont construit cette définition  à partir d’une liste d’équipements élaborée par un groupe de travail politique mais sans critère spécifique. 10 ont d’ailleurs choisi de définir simultanément l’intérêt communautaire dans les domaines du sport et de la  culture. 4 CA ont, au contraire, opté pour une définition basée sur des critères précis : le « rayonnement des équipements sur l’agglomération », le « caractère unique », « la taille et le coût », la démarche « qualité » et les

« opportunités de partenariat financier ».

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national14. Là encore, le cas de la COBAS ne paraît pas isolé. Cette famille d’équipements sportifs exige, en effet, des coûts importants d’exploitation pour les communes. Ceci explique que les études réalisées sur l’action sportive communautaire ont démontré que plusieurs EPCI se mobilisaient dans la construction et la gestion de ces installations afin, justement, de tenter de combler ce déficit. En Aquitaine, c’est le cas des CA d’Agen et de Périgueux qui ont engagé

« un plan piscines » en partenariat avec le conseil régional.

Ce constat n’est pas partagé par les autres maires et adjoints aux sports qui estiment, qu’en matière d’installations sportives, « les communes font déjà beaucoup » voire

« qu’elles disposent déjà de tout ce qu’il faut ». Il n’est donc pas nécessaire pour eux que la COBAS intervienne « dans l’immédiat ». Lorsque la question d’un complexe nautique d’intérêt communautaire est évoquée, certains estiment plutôt que les réflexions sur un tel projet sont à reporter car elles n’ont de sens qu’à l’échelle du futur « pays »15 dont l’institutionnalisation est annoncée.

Aussi, devant ces difficultés pour trouver un consensus sur la définition de l’intérêt communautaire en matière d’équipements sportifs, choix a été fait de renforcer l’action sportive du groupement sur des domaines de compétences qu’il assumait déjà.

2. 2. Les effets du changement d’échelle : l’inscription du sport dans la multisectorialité Le caractère ciblé et encore peu développé de l’implication du groupement en matière sportive est expliqué comme étant à la fois le fait de l’histoire mais aussi la traduction d’une volonté claire de la part des élus de s’affranchir de la précédente gestion, considé- rée comme clientéliste, de l’EPCI. Lors du passage en CA, les délégués communautaires n’ont que partiellement poursuivi l’engagement du district en ce domaine. La transfor- mation du groupement et les changements de configurations d’acteurs politiques, ont constitué une opportunité de reformuler certaines orientations et pour son président, de se démarquer de son prédécesseur :

« Le District n’avait pas de vision du rôle d’une agglomération. On mettait côte à côte des communes et des compétences et on aidait les premières quand elles en avai- ent besoin. Il n’y avait pas de véritable projet d’agglomération. On a donc hérité dans le domaine sportif notamment d’un certain nombre d’actions que les communes ne vou- laient pas assumer. Dès mon arrivée, tout ceci leur a été retransféré considérant que nous n’agirions que dans le cadre de nos compétences » (le président de la COBAS).

À ce sujet, le district intervenait en matière de financement d’équipements et de clubs sportifs liés aux sports aériens, aux tirs à la cible et à l’arc. Seul le soutien des « sports aériens » a été conservé par la COBAS au titre des compétences facultatives, les aides aux autres disciplines sportives ayant été retransférées aux communes. Dans ce même groupe de compétences, la COBAS a également fait le choix de participer, par un soutien accordé aux communes, au financement d’une manifestation sportive par an de niveau régional voire national.

14 Le recensement national des équipements sportifs (RES) effectué en 2006 par le Ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Vie Associative (MJSVA) a indiqué que les bassins de natation mixte et sportive ne représentaient qu’ 1 % de l’ensemble des installations sportives françaises.

15 Ce dernier regrouperait 3 EPCI : la COBAS, les Communautés de communes du Nord bassin d’Arcachon  et du Val de Leyre.

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Outre ce changement, une autre évolution apparaît. Le district, en partenariat avec le conseil général, avait permis au territoire d’être doté d’un réseau de pistes cyclables.

La COBAS a poursuivi et amplifié cette intervention relevant du bloc de compétences optionnelles « voirie et stationnement ». D’un point de vue cognitif, le sens que le lea- der du groupement et les délégués communautaires donnent à cette mobilisation se veut dépourvu d’ambiguïté : sa justification tient exclusivement à la poursuite d’enjeux de développement local et de justice sociale. À aucun moment, en effet, il n’a été question de permettre, avec cette action, le développement de la pratique sportive. L’aménagement de ce réseau de pistes s’inscrit dans une démarche plus globale reposant sur l’amélioration du plan de déplacements urbains (PDU) : « Les pistes cyclables, ce n’est pas du sport, c’est du transport » (le président de la COBAS). Il est ainsi destiné à permettre au plus grand nombre de se déplacer sur le territoire en toute sécurité indépendamment des reve- nus ou de l’âge des habitants. Il s’agit, aussi, d’inciter les administrés et les vacanciers à utiliser le vélo comme mode privilégié de déplacements afin de réduire les très fortes difficultés de circulation, plus particulièrement, en période estivale16. Autrement dit, dans ce processus, l’action sportive ne constitue pas en soi un enjeu individualisé, elle ne se définit qu’en « creux », transversalement, en tant qu’outil au service d’une politique plus large. Cela démontre le caractère hybride de cette action c’est-à-dire annexé aux grands domaines d’intervention de l’EPCI. Dans cette perspective, cependant, l’enchevêtrement des compétences et la multisectorialité n’ont pas nécessairement un caractère négatif. Ils représentent avant tout « le reflet de la complexité des problèmes sociaux » (Faure, 2005).

Aussi, au sein de la COBAS, le sport n’est pas appréhendé comme secteur mais comme outil d’action publique locale. Loin de surprendre, ce constat démontre lui aussi que le modèle classique de fabrication des politiques publiques résiste difficilement à l’épreuve de la terriorialisation (Muller, 1992). Ainsi, l’action publique locale s’accommode mal de la notion de secteur et si cette dernière ne disparaît pas, elle est désormais à relativiser sur les territoires (Gaudin, 1995).

La fabrication et la mise en œuvre de cette initiative s’inscrivent, par ailleurs, dans l’accentuation des interactions de la COBAS avec les autres niveaux de gouvernement, l’État, la région Aquitaine et le conseil général de la Gironde. On l’a vu, les échanges construits avec ce dernier ont donné l’opportunité au district du Sud Bassin d’initier le développement de son réseau de pistes. La transformation en CA a fait évoluer la nature du partenariat engagé. Si jusqu’à 2001, le département était le leader de cette opération, les négociations ont permis à la COBAS de devenir l’autorité « chef de file » en la matière.

Ce renversement de responsabilité permet actuellement au groupement d’accentuer sa mobilisation au moyen de la constitution de relations multilatérales avec son environne- ment institutionnel, ces dernières étant organisées et formalisées autour de procédures contractuelles. Cette action est, au-delà du soutien départemental prévu dans le cadre de son contrat de développement durable (CDD), intégrée au contrat d’agglomération rele- vant lui-même du volet territorial du contrat de projet État-région (CPER). La COBAS bénéficie, à ce titre, d’un soutien régional et étatique (via la Direction Départementale

16 À proximité immédiate du littoral aquitain, le groupement a connu, ces dernières années, une croissance démographique rapide et substantielle. Ces aspects sont décuplés en période estivale puisque le territoire peut atteindre 200 000 résidants.

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de l’Équipement [DDE]). Ces diverses politiques procédurales (Lascoumes, 1990) lui permettent de disposer de financements multiples portés par des acteurs qui imposent néanmoins leurs propres et différentes règles du jeu. Sur ces questions de pistes cyclables, les conditions d’éligibilité au soutien du conseil général et de la région ne sont pas identi- ques17. Pour autant, le cloisonnement entre ces démarches contractuelles, et les stratégies d’affirmation institutionnelle qui les animent, permettent au groupement de pouvoir aisé- ment composer avec des critères de cofinancements distincts.

Plus globalement, ces pratiques de financements croisés existent, sur le territoire étu- dié, pour de nombreuses compétences retenues par la COBAS. L’élaboration du contrat d’agglo mé ra tion mais surtout l’analyse des actions qu’elle exerce actuellement en matière de formation professionnelle (mise en place d’un centre de formation des apprentis [CFA]), d’action éducative, de transports, de développement économique, le démontrent pleinement18. Sa mobilisation témoigne ici de ses capacités à se saisir des opportunités réglementaires et financières en provenance de son environnement. Celles-ci lui permet- tent de mener à bien, et collectivement, l’exercice de ses compétences. En effet, si le cas de la COBAS apporte une illustration du développement de ces relations multilatérales, il permet de repérer, sur ce site également (De Maillard, 2002), comment les élus, et plus particulièrement le président du groupement F. Deluga cumulant par ailleurs le mandat de vice – président du conseil régional, apprennent à se servir des contrats afin de fédérer divers intérêts institutionnels autour de la politique menée sur leur territoire.

Ainsi, alors que le groupement intervient en matière sportive, sa mobilisation relève plus d’une juxtaposition d’actions isolées voire ponctuelles (pistes cyclables, soutien à quelques clubs et manifestations ciblés) que de la définition d’un véritable référentiel sectoriel au sens que lui donne P. Muller (1990) c’est-à-dire « un ensemble d’éléments constituant un système de référence ». L’absence de mobilisation de la COBAS en matière d’équipements sportifs et de consensus sur la définition de ceux qui pourraient relever de l’intérêt commu- nautaire, ajoute aux flottements conceptuels de l’action sportive intercommunale.

Conclusion

Cette étude empirique, destinée à apprécier l’impact des changements d’échelle sur la conduite de l’action publique sportive locale et sur les échanges entre communes et EPCI, a révélé que du point de vue des partenariats, « l’invention politique » (Baraize et Négrier, 2001) de la COBAS a eu pour corollaire l’accentuation de ses relations contrac- tuelles avec les autres niveaux de gouvernement (le département, la région et l’État), illustrant ainsi l’institutionnalisation d’une action publique conjointe (Duran, 1999). Pour autant, cette dynamique reste cantonnée à des dossiers très précis ne concernant le sport

17 Les pistes cyclables cofinancées par le département doivent desservir des « lieux de vie » (centres villes,  gares, collèges…). Celles éligibles au soutien régional doivent permettre l’accès à des zones touristiques.

18 Ces relations partenariales sont, par ailleurs, régulièrement affichées auprès de la population locale : « Par  le biais de son budget et dans le cadre de ses compétences, la COBAS permet la réalisation de nombreux projets d’intérêt communautaire indispensables au développement de son territoire (…). Ces projets nécessitent la recherche  de  financements  auprès  de  l’État,  de  la  Région,  du  Département,  l’agence  de  l’environnement  et  de la maîtrise de l’énergie (ADEME). Grâce à ses contractualisations et à sa capacité à soutenir ses projets, la COBAS créé une nouvelle dynamique », in COBAS Mag, n ° 5, décembre 2004, p. 8.

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que lorsqu’il est annexé à des compétences plus globales (voirie, transports). Au-delà de ces éléments qui révèlent que le groupement a amplifié, sur certains aspects, l’action précédemment engagée par le district, la réforme de 1999 n’a eu, pour l’heure, que peu d’effets sur la construction de l’action publique sportive communautaire.

Le mouvement sportif local n’est actuellement porteur d’aucune mobilisation ni d’aucun nouveau référentiel d’action à l’échelle de l’agglomération. Il reste enfermé dans des enjeux essentiellement compétitifs et communaux. De leur côté, les délégués commu- nautaires et les adjoints délégués aux sports ne suscitent pas non plus de réflexion collec- tive sur ce dossier dont la mise sur agenda politique est reportée. Si certains observateurs redoutent que l’on assiste, avec l’attribution de compétences toujours plus importantes aux EPCI, à un processus de dé-légitimation ou d’évidement des communes (Fialiaire, 2006), sur le territoire de la COBAS, le cumul des mandats et fonctions (maires et président ou vice-présidents de l’EPCI notamment) instrumentalise, par effets de système, l’élabora- tion et la mise en œuvre de l’action sportive communautaire en matière d’équipements sportifs plus particulièrement. Par le brouillage de la représentation qu’il entraîne, il constitue un obstacle important à la clarification des intérêts. Il est admis aujourd’hui que le développement quantitatif du nombre d’EPCI à fiscalité propre ne doit pas faire illu- sion tant il préserve le morcellement et le pouvoir communaux. Aussi, l’émancipation de l’action sportive communautaire vis-à-vis des intérêts municipaux et la constitution d’un nouvel échelon pertinent d’intervention publique, passent très certainement par l’élection au suffrage universel direct de l’intercommunalité. Les processus de municipalisation du sport demeurent actuellement construits sur une forte légitimité accordée aux acteurs sportifs associatifs et à la pratique compétitive qu’ils organisent. Ce nouveau territoire d’action publique qu’est la COBAS pourrait alors renforcer sa mobilisation en faisant des équipements sportifs, certes un outil de développement local comme c’est le cas avec le réseau de pistes cyclables, mais aussi de sa politique éducative. Les communes lui ont, en effet, transféré la compétence de la construction et de l’extension des écoles primaires et la région, celle des équipements sportifs des lycées.

Actuellement, les phénomènes d’inertie ou de path dependence (dépendance au sentier) constatés représentent des obstacles au changement (Parlier et Bonoli, 1999). Toutefois, seule une recherche dans la durée permettra réellement d’apprécier les éventuels effets d’apprentissage et les impacts, dans le moyen ou le long terme, de cette réforme.

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