A NNALES DE LA FACULTÉ DES SCIENCES DE T OULOUSE
H ENRI G ILBAULT
Recherches sur la compressibilité des dissolutions
Annales de la faculté des sciences de Toulouse 1resérie, tome 11, no1 (1897), p. B1-B63
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B.I
RECHERCHES
SUR LA
COMPRESSIBILITÉ DES DISSOLUTIONS,
PAR M. HENRI
GILBAULT,
Agrégé de l’Université, Professeur de Physique au Lycée de Toulouse.
1.
Depuis longtemps,
lesphysiciens
ont cherché àpénétrer
la nature de ladissolution d’un solide dans un
liquide.
Audébut,
ces recherches étaient aumoins autant
théoriques qu’expérimentales ;
on avait fait deshypothèses ;
onavait
admis,
parexemple,
que, lors de ladissolution,
les molécules des corpsse
répartissent
entre les molécules dudissolvant,
ou encore que le corps solide se combine avec unepartie
du dissolvant pour former unhydrate qui
se
mélange
ensuite au reste duliquide.
Ceshypothèses
conduisent né- cessairement à desconséquences différentes;
il faut donc les abandonneret se contenter,
jusqu’à
cequ’on
ait une connaissanceapprofondie
des dis-solutions,
de faire de nombreuses étudesexpérimentales
sous despoints
devue
différents,
defaçon
à serrer lephénomène,
à l’entourer et à enapprocher
de
plus
enplus.
Ces travauxd’approche
sontdéjà
en bonnevoie,
et iln’y
apas lieu de s’en
étonner, puisqu’on
les trouve conduits par des savants tels que MM. deCoppet, Guldberg, Kohlrausch, Bouty, Raoult,
etc.Or,
au cours d’un travail sur la variation de la force électromotrice despiles
avec lapression (f), j’ai
été conduit à chercher si l’on ne devait pas tenircompte,
dans lescalculs,
de lacompressibilité
des dissolutions salinesemployées
pour lemontage
descouples
en étude. J’ai donc mesuré la com-pressibilité
dequelques
dissolutionssalines; mais,
ayant cru trouver uneloi dans les résultats que
j’avais, j’ai poursuivi
ces recherches avecl’espoir qu’elles pouvaient apporter
un élément nouveau à la connaissance des disso-(t) Annales de la Faculté des Sciences de Toulouse, I89I.
lutions,
et ce sont les résultatstrouvés,
résultatspurement expérimentaux, que j e présente aujourd’hui.
Une
partie
de cetravail,
serapportant
aux dissolutions aqueuses, a été fait au laboratoire des recherch.esphysiques
de laSorbonne,
etje
tiens àremercier M. le
professeur Lippmann
del’hospitalité qu’il
a bien voulu medonner. Le reste de ces recherches et, en
particulier,
tout cequi
est relatifà la
compressibilité
auxtempératures
élevées a été fait au laboratoire de la Faculté des Sciences deToulouse; je
suis heureux depouvoir
remercier icipubliquement
M. Mathias dugracieux
accueilque j’ai
reçu à son laboratoireet de l’amabilité avec
laquelle
il m’aprocuré
tous lesappareils dont j’ai
eubesoin.
JI.
Les
premières
recherches sur lacompressibilité
desliquides (t )
datent dela fin du xvne siècle. Les
expériences
deBacon,
de Canton et des autresphy-
siciens de la même
époque
eurentuniquement
pour but d’étudier l’eau et d’en déterminer le coefficient decompressibilité
moyen, c’est-à-direV étant le volume sous la
pression initiale p,
V le volume sous lapression p’ ;
ce n’est que
récemment,
en cesiècle,
que l’étude de lacompressibilité
futétendue aux différents
liquides
et aux solutions salines.Aimé
( 2 ),
en18!~3,
exécuta une séried’expériences
avec unpiézomètre
àdéversement
et en utilisant lespressions
naturellesqui
existent auxgrandes profondeurs
de la mer. « J’aicherché, dit-il,
à tirerparti
de la mer, machineà
comprimer naturelle, qui permet
d’évaluer avec exactitude lapression
que
supportent
les corpsimmergés
et donne les moyens d’étendre très loin la limite de cesexpériences. » Aimé,
dans sesrecherches,
tintcompte
de la variation de volume durécipient,
enadmettant, d’après Poisson,
que lecoefficient de
compressibilité cubique
K del’enveloppe
étaitégal
àa étant
l’allongement
linéaire observé sur unerègle
de mêmematière,
tirée( 1 ) Les compressibilités des liquides purs nous intéressent, et nous devons nous en occu-
per, car ce sont des solutions de concentration nulle et, à ce titre, rentrent dans le cadre de notre étude.
(2) AIMÉ, Ann. de Chim. et de Phys., 3e série, t. VIII, p. 257; I843.
dans le sens de sa
longueur.
Il conclut de sesexpériences, entreprises jus- qu’à
200atm et exécutées sur l’eau et les solutionssalines,
que, comme l’avaientdéjà ind.iqué
Colladon et Sturm(’ )
pourl’eau,
,Lcs
coeficiefils
moyens decompressibilité
sont constants auxrentes
pressions,
Et que, en outre,
La
compressibilité
des dissolutions salines csLtoujours plus faible
que celle de l’cau.Les
expériences précédentes
laissent une certaine incertitude sur la valeur du coefficient Kqui
est déterminé par uneexpérience indirecte;
elles sont,en outre, peu
nombreuses,
cequi
aengagé Regnault ( 2 )
à lesreprendre.
I,’appareil
dont il se servait était unpiézomètre
à forrnegéométrique
exacte :
c’était,
soit unesphère
de métal dont on connaissait les rayons in- térieur etextérieur,
soit uncylindre
à baseshémisphériques;
dans l’un etl’autre cas, le
piézomètre
était surmonté d’unetige thermométrique
deverre bien calibrée. En outre,
l’appareil
était monté defaçon
que l’onpût
exercer sur le
piézomètre :
10 unepression extérieure ;
2° unepression
ex-térieure et
intérieure;
3° unepression
intérieure seulement. De cettefaçon,
on
pouvait
observer troiscompressibilités apparentes qui permettaient,
aumoyen des formules de
compressibilité,
de déterminer le coefficient decompressibilité
vrai duliquide employé.
Regnault,
avecl’appareil précédent,
a étudiéparticulièrement l’eau,
maisavec des variations de
pression
trèsfaibles,
et il n’est pas étonnant que,malgré
son habiletéopératoire
et l’exactitude de saméthode,
il aittrouvé,
comme ses
prédécesseurs,
que le coefficient decompressibilité
estindépen-
dant de la
pression.
Avec le mêmeappareil
et avec la mêmeméthode,
Grassi
( 3 )
a déterminé le coefficient decompressibilité
d’un certain nombre deliquides
et de dissolutions salines à diversestempératures
et sous diversespressions.
Il résulte de sesrecherches,
comme l’avaitdéjà
trouvéAimé,
que les dissolutions salines sont moinscompressibles
quel’eau ;
en outreLeur
compressibilité
moyenne est d’autantplus faible
que la teneurcn sel esi
plus grande.
(1) COLLADON et STURM, Ann. de Claim, et de Phys., 2e série, t. XXXVI, p. I t 3 et 225 ; 1827.
’
(2) ) REGNAULT, Mémoires de l’Académie des’Sciences, t. XXI, p. 429; I847.
(3) GRAsst, Ann. de Chim. et de Phys., 3e série, t. XXXI, p. 437; I85 r .
En 1
869, Jamin, Amaury
etDescamps (’ ~
ont cherché à mesurerdirectement la déformation du vase
qui
renferme leliquide,
defaçon
à re-mettre la
question
àl’expérience
pure etsimple
et à s’affranchir des correc-tions fondées sur
l’emploi
d’unlong
calcul. A ceteffet,
unpiézomètre,
àtige
fine et bien
calibrée,
futplacé
dans un réservoirfermé, complètement
rern-pli
d’eau et surmonté d’un tube dit correcteur s’ouvrant au dehors. Si l’on exerce, à l’intérieur dupiézomètre,
unepression déterminée,
le niveau duliquide
baisse dans latige
et, de cetabaissement,
on déduit immédiatement lacompressibilité apparente.
En mêmetemps,
l’eau du réservoir extérieuravance dans le tube correcteur, refoulée par
l’agrandissement
dupiézo- mètre ;
ledéplacement
de cette eau mesurel’augmentation
du volume exté-rieur, laquelle
ne diffère pas sensiblement de l’accroissement de lacapacité
intérieure de
l’enveloppe.
La différence entre lacompressibilité apparente
et cet accroissement
représente
lacompressibilité
réelle.Les
expérimentateurs précédents
ontopéré
par cette méthodedepuis
despressions
très faiblesjusqu’à Io3tm,
et les résultats obtenus ont été sensible-ment concordants avec ceux de
Regnault
et de Grassi.Trois ans
après
lapublication
de cetravail,
M. Cailletet(2) reprit
l’étudede la
compressibilité
desliquides
en s’attachant surtout àopérer
sous despressions
très fortes.L’appareil qu’il employait
secom.posait
d’unpiézomètre rempli
duliquide
en étude et dont latige, disposée verticalement, plongeait
par sa
partie
inférieure dans du mercure. Cepiézomètre
était enfermé dans le tube laboratoire en acierqui
avait servi pour étudier lacompressibilité
des gaz et
recevait,
d’une pressehydraulique,
intérieurement et extérieure-ment une
pression énergique
mesurée par un manomètreDesgoffe.
Sousl’influence de cette
augmentation
depression,
une colonne de mercures’avançait
dans le tubepréalablement
doré dupiézomètre
et enlevait l’or~
jusqu’au point qu’elle atteignait,
laissant ainsi unrepère qui permettait, l’appareil démonté,
de mesurer lacompression qu’avait éprouvée
leliquide.
Cailletet a ainsi obtenu les
compressibilités apparentes;
mais enajou-
tant à ces
quantités
lacompressibilité cubique
du verre, résultant des ex-périences
deRegnault,
on a lacompressibilité
vraie desliquides employés.
Quoique
NI. Cailletet aitopéré jusqu’à 7ooatm,
les résultatsqu’il
a donnéssont
trop
peu nombreux pourqu’on puisse
en déduirequelque chose ;
mal-( i ) AMAURY et DESCAMPS, Comptes rendus, t. LXVIII, p. I564; I869.
(2) CAILLETET, Comptes rendus, t. LXXV, p. j7 ; 18;~.
gré cela,
M. Cailletet continue à croire que le coefficient decompressibilité
est
indépendant
de lapression.
En 1886,
MM.Rontgen
et Schneider1 ’ ),
dans un travail trèsétendu,
laissent de côté toute considération sur la variation du coefficient de com-
pressibilité
avec lapression ;
pour chercher une relation entre la compres- sibilité résultant d’une même variation depression
et la tensionsuperfi-
cielle des
liquides,
ilsemploient
deuxpiézomètres comprimés
de la mêmefaçon
et dont l’un renferme del’eau,
tandis que l’autre contient une solutionsaline; chaque expérience
fait ainsi connaître immédiatement lerapport
descompressibilités apparentes
de ces deuxliquides.
Dans cetteétude,
MM.
Rontgen
et Schneider sont arrivés au résultatsuivant, qui
seul nousintéresse : :
Le
coefficient
moyen decompressibilité
des dissolutions salines fiediminue pas linéairement
lorsque
la concentrationaugmente,
mais ces deuxquantités
sont reliées entre elles comme les ordonnées et les ab-scisses d’une
hyperbole.
Ces
expériences
corroborent celles d’Aimé et deRegnault
et établissentnettement que la
compressibilité
des solutions décroîtlorsque
la concentra-tion
augmente.
L’année
qui
suivit lapublication
desexpériences
de MM.Rontgen
et. Schneider vit
paraître
celle de Schumann(2).
Cephysicien étudie,
par la méthode deRegnault,
lacompressibilité
des dissolutions étendues de chloruresmétalliques
et croit devoir énoncer le résultat suivant :Pour une même
concentration,
la différence entre lacompressibilité
d’une dissolution saline et celle de l’eau est inversement
proportionnelle
aupoids
moléculaire du selemployé.
Mais M.Schumann,
dans certainesexpé- riences,
trouve que la variation du coefficient decompressibilité
avec laconcentration des solutions ne varie pas
régulièrement;
on necomprend
donc pas très bien l’énoncé de la loi
précédente qui
suppose non seulementune décroissance
régulière
de lacompressibilité
avec laconcentration,
maisencore la même loi de décroissance pour les différentes solutions.
.Enfin,
nous arrivons à la dernière et, sans conteste, à laplus importante
des
publications
sur lacompressibilité
desliquides.
En r8g3,
M.Amagat ( 3 )
( I ) ) RONTGEN et SCHNEIDER, Wied. Ann., t. XXIX, p. I6.5; 1886.
(2) ) SCHUMANN, Wied. Ann., t. XXXI, p. I~; 1887.
(3) ÂMAGAT, Annales de Chimie et de Physique, 6e série, t. XXIX, p. 68 et 505.
publiait
un Nlémoiremagistral,
fruit delongues
années detravail,
sur la com-pressibilité
des fluides et enparticulier
desliquides.
M.Amagat
aopéré
par deux méthodes :
10 Par la méthode des contacts
électriques,
réservée auxtempératures
peu élevées. Un
piézomètre
en verre, ouvert par lebas,
fermé par lehaut,
a, sur sa
tige,
une série de fils deplatine
soudés normalement etpénétrant jusqu’à l’intérieur ;
lepiézomètre plonge,
par lapartie inférieure,
dans dumercure et est
placé
dans un bloc d’acier danslequel
oncomprime
del’eau,
ce
qui
faitqu’il reçoit
à la fois unepression
en dedans et en dehors. Le mer-cure monte, sous l’influence de cette
pression,
dans latige
dupiézomètre,
et,
lorsqu’il
arrive au contact des différents fils deplatine,
il ferme des cir- cuitsélectriques
dont les courants font dévier ungalvanomètre.
Le bloc decompression
est entouré d’un manchon en laiton danslequel
onpeut
mettrede la
glace
ou de l’eau chaude.2° Par la méthode des
regards, M. Amagat
a puopérer
entre des limites detempérature plus
étendues : il a pu faire desexpériences depuis n° jusqu’à
200°
C.,
tout en faisant varier lapression
de Iatrn à Pour lesexpé-
riences faites suivant cette
méthode,
le bloc decompression
est surmontéd’un
cylindre
d’acier trèsrésistant,
muni de deuxregards qui permettent
de voir à l’intérieur le
piézomètre.
Cepiézomètre
est en verre, ouvert par lapartie
inférieurequi plonge
dans du mercure, etporte
une série detraits ;
il est
supporté
par unetige
d’acierpassant,
àfrottement,
dans une boîte àcuirs,
cequi permet,
enagissant
sur cettetige
au moyen d’une vis d’acier mobile dans un écrou fixé àl’appareil,
dedéplacer
lepiézomètre
et mettrechacun de ses traits dans la visée des
regards :
on exerce alors unepression
telle que le mercure
apparaisse.
Lecylindre
d’acierqui
contient latige
dupiézomètre
est entouré d’une doubleenveloppe
danslaquelle
on fait circulerune vapeur
qui peut
élever latempérature.
Ces méthodes sont
irréprochables
et la concordance des nombres montre avecquel
soin extrême lesexpériences
ont été faites. Au moyen de cesdonnées,
M.Amagat
a pu calculer le coefficient decompressibilité
vraie àla
pression
p, à latempérature t
etrapporté
à l’unité de volumePour tous les
liquides
cescoefficients
varient dans le inénée sens que latempérature
et en sens contraire de lapression.
De l’ensemble de cet
historique,
il résulte que la loiprécédente
et cellequi
est relative à la diminution de lacompressibilité
des solutions salinesavec la concentration sont les seuls faits certains que l’on
possède
sur lesuj et
que nous étudions.Je me suis
proposé
dechercher,
d’unefaçon plus précise,
cette variationavec la
température,
lapression,
la concentration et de la relier aux con-stantes
critiques que j’ai
déterminées. J’ai donc étudié successivement l’in- fluence de latempérature,
de lapression,
de laconcentration,
de la naturedu corps dissous et du dissolvant.
Je crois devoir
définir,
dès àprésent,
les différents coefficientsdont je
me suis servi. Je
prends :
10 Pour coefficient moyen de
compressibilité
c, entre deuxpressions p
et p, , la variation de volume d’une masse de
liquide qui,
à o° C. et à lapression atmosphérique,
a l’unité devolume, rapportée
à la variation depression
2° Pour coefficient de
compressibilité
vraie y, à une certainepression,
lalimite vers
laquelle
tend la valeur du coefficient moyen entre deux pres- sions p et Pi’lorsque
p, tend vers p ou, en d’autres termes, ladérivée, changée
designe,
de V parrapport
à p,Dans le cas des
liquides,
dont lepoids
moléculaire est invariable avec latempérature,
le coefficient r mesure lacompressibilité
d’un volume ayanttoujours
le même nombre de molécules(ce qui
est, aupoint
de vuethéorique,
une condition desimplicité
desrésultats). Dans
le cas des sub-stances dont le
poids
moléculaire est fonction de latempérature,
le coeffi- cient ne conserveplus,
pourchaque liquide,
sasignification simple,
maisla
signification
subsiste si l’on considère un dissolvant et ses dissolutions dont les modifications moléculaires doivent être les mêmes.Or, je
me suisuniquement occupé
de ce cas; donc les définitionsprécédentes
sont néces-saires,
euégard
à leursimplicité.
3°
J’appelle coefficient
decompressibilité
moléculaire p la variation de volumeéprouvée
par un volume contenant5mol, 55, rapportée
à la variationde
pression.
Par lasuite, j’expliquerai
cette définition et enjustifierai
l’utilité.
III.
MÉTHODES EXPÉRIMENTALES.
Pour faire une étude
complète
de lacompressibilité
desliquides
et dessolutions il faudrait
étudier,
pour toutes lestempératures depuis
celle oùle corps cesse d’être
solide jusqu’à
cellecorrespondant
aupoint critique,
la variation de volume pour des
augmentations
depression régulièrement
croissantes.
L’eau et ses solutions
peuvent
seules être étudiées auvoisinage
de latempérature
desolidification,
car pour l’alcool et l’éther cestempératures
sont
trop
basses et l’on ne sait les obtenir avec assez de constance pour faire une telleétude;
maisprécisément
pour l’eau et ses solutions on nepeut pousser
l’étude jusqu’au voisinage
dupoint critique
à cause de la dé-térioration que, dans ces
conditions,
subissent lespièces
de verrequi
fontforcément
partie
desappareils.
Donc,
d’unepart,
avec l’eau et ses solutions nous avons pu faire une étude auvoisinage
de latempérature
de solidification et avecl’alcool,
l’éther et leurs
solutions,
une étudejusqu’au voisinage
de latempérature critique.
Mais cesexpériences
sont faites dans des conditions si dissem- blables que des méthodes différentess’imposent
suivant que l’étude est faite auvoisinage
de latempérature
ordinaire ou auvoisinage
de 200°C.1° Méthode
employée pour
lesexpériences faites
au
voisinage
de latempérature
ordinaire.Comme j’ai
eu occasion de le dire au début de ceMémoire, je
n’ai en-trepris
ces recherchesqu’au
cours d’un autre travail danslequel je
meservais des
appareils
decompression
de M.Cailletet;
c’est ainsi quej’ai
été conduit à
employer
desappareils
et la méthode suivie par ce savant(’ )
lors de ses recherches sur le même
sujet,
méthode quej’ai
du restesignalée
dans la
première partie
de ce travail. La seule différence introduite est que latige
dupiézomètre
n’était pasdorée ;
la couche d’or étaitplacée
sur unfil de
platine qu’on pouvait après chaque expérience
enlever pour mesurer( 1 ) Loc. cit.
la
longueur
dédorée. Lesrésultats,
il estvrai,
nereprésentent
que la com-pressibilité apparente
duliquide;
pour avoir lacompressibilité vraie,
ilsuffit
d’ajouter
à tous les nombres obtenus une constante, d’ailleurs trèsfaible, représentant
lacompressibilité cubique
du verre; cette constante,calculée
d’après
lesexpériences
deRegnault,
estégale
à0,00000I84.
Cette méthode a
l’avantage
d’être très sensible. Onpeut,
eneffet, opérer
sur des
piézomètres
à réservoirs relativementgrands,
et d’autantplus grands
que les variations de
pression
sontplus faibles,
defaçon
à avoir des dimi- nutions de volume assezgrandes
pour être exactementappréciées ;
dureste nous établirons un peu
plus
loin l’ordred’approximation
desrésultats ;
pour l’instant nous allons
décrire,
dans sesdétails,
le modeopératoire
quenous avons suivi.
- J’ai
employé
deuxpiézomètres
en verre,ayant
tous lesdeux la même forme : ils se
composaient,
comme le montre lajig.
î, d’unFig. I.
réservoir
cylindrique A,
de diamètre assezgrand,
variable de l’un à l’autreet ayant environ
7cm
delongueur;
à lapartie
inférieure de ce réservoir estsoudé un tube ayant environ Imm de diamètre
intérieur, cylindrique,
dede
longueur.
Les dimensions relatives du réservoir A et du tube CB ont été évaluées pour l’un et l’autreappareil
au moyen d’unjaugeage
au mercure.Si V
représente
le volume d’unelongueur
N de latige
parrapport
au vo- lumetotal,
on a pour lepremier
et pour le second
Tous ces
calibrages
doivent être faitslorsqu’on
aplacé
dans latige
CB dupiézomètre
le fil deplatine 1 ’ ) qui
est dédoré danschaque expérience. Or,
ce fil doit
pouvoir
être immobilisé et, si on ledéplace,
êtrereplacé toujours
dans la même
position.
Pour arriver à cerésultat,
l’extrémité inférieure C de latige
dupiézomètre porte,
suivant undiamètre,
unepetite
échancruredans
laquelle
lapartie
b du fil peuts’engager : puis,
sur lesparois
du tubeen E et D sont deux couronnes en caoutchouc sous
lesquelles
on peut faire passer lapartie
bc du fil defaçon
à la maintenir exactement contre le tubeet suivant une
génératrice.
.Préparation
des dissolutions. - J’aiemployé,
aussi bien enopérant
àbasse
température qu’à
destempératures élevées,
desliquides
et des solu-tions faites avec ces
liquides.
Lesliquides
évidemment doivent être purs etles solutions
parfaitement titrées;
ils doiventêtre,
comme l’ont montré Sturm et Colladon(2), privés
d’air.Je m’étais
procuré
lesliquides parfaitement
purs : l’eau en la distillant moi-mêmeplusieurs
fois dans unappareil
enplatine,
l’alcool et l’éther en lesdemandant à l’industrie
( 3 ) qui, préparant
ces substances engrande
quan-tité,
arrive à les livrer dans ungrand
état depureté
et absolumentanhydres.
Pour connaître exactement le titre des
solutions, je commençais
par fairesynthétiquement
une assezgrande quantité
d’une solution très concentrée.Cette
opération
est très facile :je tarais,
sur une bonnebalance,
unflacon,
( 1 ) Ce fil a omm, 5 de diamètre.
(2) STURM et COLLADON, loc. cit.
(3) Ces corps chimiquement purs et parfaitement anhydres provenaient de la maison Stéphan Girard.
puis j’y plaçais
une certainequantité
deliquide
dontje
déterminais lepoids. J’ajoutais
le sel queje
sortais de dessous la cloche de la machinepneumatique
oùje
l’avaisplacé depuis quelque temps,
à côté d’acide sulfu-rique ; l’augmentation
depoids p
me donnait lepoids
dusel; puis j’ajoutais
du
liquide jusqu’à
en avoir laquantité
nécessaire pour former une solution presque saturée. Une nouvellepesée
me donnait exactement lepoids
total Pde la solution et, par
conséquent,
son titrep .
.La
composition
des dissolutions dechlorures, bromures,
sulfates était déterminéeégalement
paranalyse chimique.
Le résultat étant très voisin de celui donné par lasynthèse, je prenais
leur moyenne pour valeur de la concentration.La solution presque saturée me servait à
préparer
toutes les autres solu-tions. A cet
effet, je
versais dans un flacon taré un peu de la solution sa-turée dont
j’avais
de suite lepoids, puis,
par un calcul trèssimple, je
cherchais la
quantité
deliquide
àajouter
pour obtenir une solution autitre que
je
souhaitais. Dans le cas des solutions aqueusesj’ajoutais
cettequantité
d’eau en me servant pour la mesurer d’une burettegraduée qui
me donnait une
précision
deplus
dut otoo
: pour la fabrication des solutionsalcooliques
etéthérées j’ajoutais
à peuprès
laquantité
deliquide et je pesais
exactement
après
avoir fermé le flacon.Enfin,
pour éviter laprésence
d’air dans lesliquides
et lessolutions,
lesliquides
danslesquels je
faisais les dissolutionsétaient,
avant tout,placés
dans le vide
pendant
untemps
suffisant pourqu’il
ne sedégageât plus
debulles gazeuses,
puis,
cesliquides
étaient conservés dans des flacons bien bouchés et remués le moinspossible
au contact de l’air. Lors de laprépa-
ration des
dissolutions, j’avais
le soin de faire couler lesliquides
sur lesparois
du flacon et non de les laisser tomber.Manomètre. - Le
piézomètre
enexpérience était,
comme nous le dirons dans un moment,placé
dans un bloc decompression,
son extrémitéinférieure
plongeant
dans du mercure, etcomprimé
intérieurement et exté- rieurement.La
pression développée
autour dupiézomètre
était mesurée au moyen d’un manomètre àhydrogène.
A ceteffet,
la pompe decompression
étaitreliée,
au moyen d’un robinet à
pointeau,
à deux blocs decompression :
dans l’unétait le
piézomètre
dont nous venons deparler
et dans l’autre un tube àcomprimer
les gaz. Cettepartie
del’appareil
était formée d’un réservoirplacé
dans le bloc et d’un tube de90cm
sortant en dehors etportant
unegraduation
en millimètres. Unjaugeage préalable (i) permettait
de con-naître la valeur exacte d’une
partie
de latige comprise
entre l’extrémitésupérieure
et un autrepoint.
Avant d’êtreplacé
dans lebloc,
le tube à com-primer
les gaz avait étérempli
de mercure pur et sec,puis
l’extrémitésupé-
rieure du
tube, qui
n’était fermée dans ceremplissage qu’avec
de lacire,
était ouverte et mise en communication avec un
appareil
àhydrogène
puret sec; on recueillait dans un vase taré le mercure
qui
s’écoulait du tubemanométrique,
cequi permettait
d’évaluer le volume totald’hydrogène
introduit sous une certaine
pression
lue au baromètre et à une certaine tem-pérature.
Le tube était fermé à sapartie supérieure, placé
dans lebloc, fixé,
entouré d’un manchon contenant de l’eau et examiné au moyen d’unmicroscope micrométrique qui permettait
d’évaluer le510
de millimètre. Decette
façon, lorsqu’on exerçait
dansl’appareil
unesurpression,
le mercuremontait dans le tube
manométrique,
devenaitvisible, permettait
l’éva-luation du volume
(~) occupé
parl’hydrogène
et la détermination de lapression d’après
les résultats de l’étude de lacompressibilité
del’hydro- gène
faite par M.Amagat ( 3 ).
.Marche d’une
expérience.
- Jecommençais
parremplir
lepiézomètre
de
liquide (~),
par mettre enplace
le fil deplatine
ab(jig. 1), préalablement
doré
(J), puis j’introduisais l’ensemble,
en le tenant par le fil 1 dans l’in- térieur d’uneéprouvette
en verre T contenant au fond du mercure recou-( 1) Ce tube avait été fabriqué sur commande, par MM. Baudin et Tonnelot et la correc-
tion de calibrage avait été faite par M. Mathias, suivant la méthode employée au Bureau
international des Poids et Mesures (t. Il, p. C. 35).
( 2 ) Au volume ainsi lu j’ajoutais 2y~o ~ o par atmosphère pour compenser la déformation du manomèt.re de verre recevant la pression par l’intérieur seulement. Ce nombre résulte des expériences de Regnault (Relation des ex,périences entreprises pour déterminer les lois et les constantes qui interviennent dans le calcul des machines èc vapeur) et de Tait (Proceedings of the royal Society of Edinburgh, p. 5~z; 18;g-8o) qui sont très concor-
dantes.
(3) .4nnales de Chimie et de Physique, se série, t. XXII, p. 36; ; I88I.
(~) On fait ce remplissage en employant un tube effilé qui sert d’entonnoir et dont on
enfonce la partie effilée jusqu’au fond du piézomètre placé la partie c en haut.
(5) Le meilleur procédé pour dorer le fil est d’opérer par électrolyse en se servant
comme liquide électrolytique d’une dissolution froide de chlorure d’or au -~~~, en employant
une pile formée de deux éléments Callaud et ne laissant le fil de platine dans le bain que
pendant quelques secondes ; on obtient ainsi un enduit d’or très peu épais, relativement peu
adhérent, ayant dans toutes les expériences même épaisseur et qui se dissout immédiatement
au contact du mercure.
vert par la solution en
expérience;
le fil 1pouvait
être immobilisé par le bouchon k defaçon
que l’extrémité c dupiézomètre
neplongeât
pas dans le mercure.Le tout était
placé
dans le bloc decompression qui
lui-même était en-touré d’eau.
L’ensemble,
au bout d’un certaintemps, prenait
unetempé-
rature fixe que l’on déterminait avec un
thermomètre; alors,
soulevant unpeu le bouchon
k,
on laissait tomber lepiézomètre qui
s’arrêtaittoujours
dans la même
position grâce
à la couronne de caoutchouc Gqui
vientbuter contre F. Je laissais tomber l’ensemble dans le bloc
qui
était ferméet dans
lequel
onexerçait
lacompression.
On attendait un instant pour quel’équilibre
detempérature pût
s’établir. Le mercure montait dans le tubecapillaire
dupiézomètre,
dissolvant l’ordéposé
sur le fil deplatine;
on n’avait
plus
alorsqu’à
démonterl’appareil,
à extraire le fil deplatine
età mesurer la distance
séparant
l’extrémité b du fil dupoint
où s’arrête la dorure. Je faisais ces mesures avec une machine àdiviser,
munie d’un mi-croscope ; dans ces
conditions,
onpeut
évaluer très facilement le~’-o
demillimètre,
et, comme lalongueur
à mesurer est d’environ on connaîtces
longueurs
au_,~’~~.
Si l’ondésigne
par N le nombre de centimètres et de fractions de centimètre trouvés dans cettelecture,
ilsuffira,
pour avoir la diminution relative devolume V-V’ V,
d’introduire cette valeur de N dans les formules(2)
et(3).
Parexemple,
dans le cas dupremier piézomètre,
servant aux
pressions élevées,
on aOrdre
d’approximation
des mesures. - Les variations de volume sont connues au moins à il en est de même desaugmentations
depression
et de la teneur des dissolutions. On doit donc avoir des résultats exacts à moins de
~; mais,
avant d’aborder les résultatsauxquels je
suisarrivé, j’ai
voulu évaluer directement l’ordre de
grandeur
des erreurs à craindre ainsi que l’ordre degrandeur
des erreurs moyennes, defaçon
à connaître exacte- mentjusqu’où je pouvais
pousser mes affirmations.Voici dix observations faites sur l’eau le
même j our,
avec lepiézomètre I,
en
comprimant j usqu’à
300atmosphères,
mais en vidant lepiézomètre après
.chaque expérience ;
leslongueurs
N du fil deplatine
dédoré sontplacées
dans la
première colonne;
enregard,
dans une deuxièmecolonne,
sontpla-
cées les
quantités que j’ai désignées
par s etqui représentent
les excès desobservations sur leur moyenne;
enfin,
dans une troisièmecolonne,
sontrangés
les carrés de cesquantités.
~
TABLEAU I.
Expériences relatives â l’eau èc la température de 20° C.
La moyenne du carré des erreurs est
égale
à0cm, 000298
dont la racine carrée est0,01726;
or, cettequantité représente
l’erreur à craindre et, enla divisant par nous obtenons la valeur de l’erreur moyenne du ré-
sultat qui
estégale
à donc la moyenne,I0cm, 252,
des valeurs de N ne diffère de la valeur réelle que d’unequantité égale
à ±0054.
En substituant la valeur moyenne
I0cm,252,
dans la formule(2),
onobtient pour valeur du coefficient de
compressibilité
apparente de l’eau0,00004253
et ce nombre ne diffère de sa valeur réelle que de0,000000025,
cequi
ne doit pas affecter le résultat de lacompressibilité
ense bornant à
prendre
trois chiffressignificatifs.
Les
expériences précédentes
faites le mêmejour,
dans le mêmeliquide,
sont évidemment dans les conditions les
plus
favorablesd’exactitude; je
lesai
signalées
surtout pour montrer avecquelle
exactitude m’était connue lacompressibilité
del’eau;
il est évidentqu’en employant
deux solutions d’un mêmesel,
de mêmetitre,
mais faites à un certain intervalle detemps,
et enopérant
sur ces solutions àplusieurs jours
dedistance,
on seplace
dans lesmeilleures conditions pour évaluer le maximum des erreurs. J’ai
opéré
dela sorte avec des solutions à 10 pour Ioo de sulfate de
protoxyde
de ferhydraté :
une des solutions étaitcomprimée plusieurs jours après
saprépa- ration,
l’autre immédiatementaprès;
en outre, lesexpériences
de compres- sion n’avaient pas lieu lemême jour. J’ai,
dans cesconditions,
obtenu deux sériesd’expériences
ayant des moyennesdifférentes,
mais dontje place
iciles résultats dans une même colonne N.
TABLEAU II.
Experiences relatives aux dissolutions èc I0 pour i oo de sulfate de fer
èc la température de 18° C.
La racine carrée du moyen carré des erreurs est
égale
ào,o3o43
et endivisant ce nombre par
I0
nous obtenons commequotient o, oog623, qui représente
l’erreur moyenne durésultat ;
donc la moyenne 9, 536représente
la valeur de N à
o, oog62 près;
enadoptant
cette moyenne, le coefficient decompressibilité
de la solution de sulfate de fer à 10 pour 100 estégal
à0,00004I2475, qui
se trouve ainsi connu à0,00000005 près,
cequi
nedoit pas sensiblement affecter le dernier chiffre de
0,0000412.
Il me semble donc
d’après
cesrésultats,
dont le dernier est aussi défavo- rable quepossible, qu’en
prenant la moyenne d’une dizained’expériences
on obtient des valeurs du coefficient de
compressibilité
connues certaine-ment
jusqu’au septième
chiffre décimal. Si l’on se contente d’une seuledétermination,
le maximum de l’erreur à craindre est de o,oooooo i~
etcelui de l’erreur maxima de
0,0000003. Or,
dans lesexpériences
que nous allonsdécrire,
ungrand
nombre de déterminations sont les moyennes de 8 à 10 mesures et offrent unegrande confiance,
car leur valeur est connuecertainement
jusqu’au
nous avons, dans les Tables résumant lesexpé- riences,
fait suivre ces nornbresd’astérisques qui
les différencient des autresquantités
obtenues par unesimple expérience,
et sur les courbesreprésen-
tatives nous avons entouré les
points correspondants
d’un cercle.2° Méthode
employée
aux hautestempératures.
Les