78 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXVII - n° 2 - février 2018
TRIBUNE
“
Les mutations génétiques dans les cancers du sein : enjeux du XXIe siècle
Genetic mutations and breast cancer:
the 21st century challenges
La connaissance des mutations génétiques survenant dans une cellule tumorale a permis le développement d’une médecine de précision, avec l’apparition de thérapies ciblées. Notamment, le traitement par trastuzumab, anticorps anti-HER2, a entraîné une amélioration du pronostic des patientes atteintes d’un cancer surexprimant la protéine HER2, représentant 20 à 30 % des cancers du sein (1). Cependant, une résistance au
traitement est fréquemment rencontrée, comme dans de nombreux cas de thérapies ciblées. L’un des enjeux actuels est celui d’une meilleure compréhension des mécanismes moléculaires de résistance, afin de les contrer par des thérapies combinées. De plus, différentes signatures génomiques de cancer du sein ont été caractérisées, définissant plus précisément des sous-types de cancer. Il est important d’identifier les mutations “drivers” responsables du développement tumoral, afin de mettre au point de nouveaux traitements.
Environ 5 à 10 % des cas de cancers du sein surviennent
dans le cadre d’une prédisposition génétique, c’est-à-dire de la présence d’une mutation génétique au niveau constitutionnel, héréditaire, conférant un risque de cancer plus élevé que dans la population générale. BRCA1 et BRCA2 sont les 2 gènes majeurs de prédisposition au cancer du sein, mais ils expliquent moins de 20 % des formes prédisposées. D’autres gènes sont impliqués dans la prédisposition au cancer du sein, avec différents niveaux de risque. Près de la moitié des cas évocateurs d’une prédisposition génétique n’ont pas encore de cause identifiée. La révolution technologique du séquençage haut débit rend désormais possible la réalisation d’exomes et de génomes à grande échelle, et permettra d’avancer dans ce domaine. Au niveau national, ces analyses sont soutenues par le plan France Médecine Génomique 2025.
De nos jours, la difficulté n’est plus de générer des données de séquençage mais de savoir les interpréter. En effet, l’augmentation du séquençage entraîne celle du nombre de variants génétiques de signification inconnue, c’est-à-dire que les connaissances actuelles ne permettent pas de caractériser en variants délétères ou neutres. L’interprétation des variants génétiques est un enjeu
1. Vu T, Claret FX. Trastuzumab:
updated mechanisms of action and resistance in breast cancer. Front Oncol 2012;2:62.
2. Easton DF, Pharoah PD, Antoniou AC et al. Gene-panel sequencing and the prediction of breast-cancer risk. N Engl J Med 2015;372(23):2243-57.
© La Lettre du Sénologue 2017;76:8-9.
La Lettre du Cancérologue • Vol. XXVII - n° 2 - février 2018 | 79
AVIS AUX LECTEURS Les revues Edimark sont publiées en toute indépendance et sous l’unique et
entière responsabilité du directeur de la publication et du rédacteur en chef.
Le comité de rédaction est composé d’une dizaine de praticiens (chercheurs, hospitaliers, universitaires et libéraux), installés partout en France, qui repré
sentent, dans leur diversité (lieu et mode d’exercice, domaine de prédilection, âge, etc.), la pluralité de la discipline. L’équipe se réunit 2 ou 3 fois par an pour débattre des sujets et des auteurs à publier.
La qualité des textes est garantie par la sollicitation systématique d’une relecture scientifique en double aveugle, l’implication d’un service de rédaction/révision in situ et la validation des épreuves par les auteurs et les rédacteurs en chef.
Notre publication répond aux critères d’exigence de la presse :
· accréditation par la CPPAP (Commission paritaire des publications et agences de presse) réservée aux revues sur abonnements,
· adhésion au SPEPS (Syndicat de la presse et de l’édition des professions de santé),
· indexation dans la base de données internationale ICMJE (International Committee of Medical Journal Editors),
· déclaration publique de liens d’intérêts demandée à nos auteurs,
· identification claire et transparente des espaces publicitaires et des publi
rédactionnels en marge des articles scientifiques.
TRIBUNE
”
majeur. Les moyens mis en œuvre et à développer sont principalement des études familiales de coségrégation des variants génétiques
avec le cancer du sein et des tests fonctionnels évaluant l’impact des variants génétiques sur la fonction de la protéine.
Enfin, un enjeu important à considérer est l’estimation du risque de cancer du sein associé aux mutations génétiques. Les gènes
de prédisposition au cancer du sein récemment identifiés sont souvent associés à une estimation imprécise du risque de cancer associé qu’ils entraînent, du fait de la rareté des mutations ou d’un biais de sélection dans les études (2). Il est nécessaire de mieux connaître ce risque afin de transférer l’analyse de ces gènes de la recherche
au diagnostic. De plus, les risques élevés de cancers du sein et de l’ovaire ont conduit à des recommandations de prise en charge spécifique pour les patientes présentant une mutation des gènes BRCA1 ou BRCA2, permettant d’améliorer leur pronostic. Cependant, ces recommandations reposent sur des estimations globales pour chaque gène. Une estimation personnalisée du risque de cancer du sein pour chaque patiente
sera rendue possible par une meilleure connaissance des facteurs modificateurs, génétiques ou environnementaux, modulant le risque de cancer.
Dr Lisa Golmard
Laboratoire de génétique constitutionnelle, institut Curie, Paris.
L. Golmard déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.