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Le développement de la structuration causale du récit au préscolaire dans un contexte de dictée à l'adulte

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Academic year: 2021

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LE DÉVELOPPEMENT DE LA STRUCTURATION

CAUSALE DU RÉCIT AU PRÉSCOLAIRE DANS UN

CONTEXTE DE DICTÉE À L’ADULTE

Mémoire

Nathalie Doré

Maitrise en psychopédagogie – adaptation scolaire

Maitre ès arts (M.A.)

Québec, Canada

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RÉSUMÉ

De nombreux élèves éprouvent d’importantes difficultés en lecture, ce qui affecte grandement leur parcours scolaire. Puisque lire consiste à construire le sens du texte lu, la compréhension des discours narratif et explicatif constitue une sphère d’apprentissage sur laquelle il convient de se pencher et d’intervenir, cela très tôt dans la vie des enfants. Le présent projet de recherche vise à décrire, chez un enfant de niveau préscolaire, le développement de la compréhension de la structuration causale du récit dans un contexte de dictée à l’adulte. Pour ce faire, une expérimentation a été réalisée auprès d’un enfant de quatre ans pendant une année scolaire. La collecte des données consiste en deux dictées à l’adulte, la première en début d’année et la seconde un peu avant la fin de l’année. Les microanalyses montrent la transformation du niveau de développement de l’enfant d’une dictée à l’autre, ce, tant au regard de la macrostructure que de la mise en mots. Alors que, spontanément, pour le premier récit, l’enfant met l’accent sur la problématisation et raconte son histoire par l’intermédiaire du jeu symbolique, pour le second récit, la narration, beaucoup plus élaborée, est réalisée dans une réelle dictée à l’adulte et ne passe plus nécessairement par des actions symboliques.

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TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ... iii

TABLE DES MATIÈRES ... v

LISTE DES TABLEAUX ... ix

LISTE DES FIGURES ... xi

AVANT-PROPOS ... xiii INTRODUCTION ... 1 PARTIE 1 ... 3 1. Problématique ... 5 PARTIE 2 ... 11 2. Récit ... 13

2.1. Le récit, discours détaché du moment présent ... 13

2.2. Le récit inventé, sa nature et sa structuration causale ... 15

2.3. La causalité, concept inhérent au récit ... 17

2.4. L’inférence causale, processus au cœur de la compréhension du récit ... 22

2.5. L’analyse de la macrostructure du récit ... 28

2.6. Le développement de la structuration causale du récit, de l’enfance à l’âge adulte ... 32

3. Intervention ... 45

3.1. La zone prochaine de développement, zone de construction des apprentissages et d’intervention ... 45

3.2. Le dialogue, puissant levier de l’apprentissage et de l’enseignement ... 47

3.3. L’intersubjectivité, zone de rencontre avec l’autre ... 51

3.4. L’enfant selon Piaget, source d’inspiration ... 55

3.5. L’enfant, sujet actif et inventif ... 57

3.6. L’adulte, son rôle dans le développement de la structuration causale du récit chez l’enfant ... 58

4. Jeu symbolique et narration ... 65

4.1. Retour sur le récit ... 65

4.2. Le jeu symbolique ... 68

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4.3. Le lien entre le récit et le jeu symbolique ... 78

5. Dictée à l’adulte ... 87

5.1. La dictée à l’adulte, un contexte d’enseignement et d’apprentissage ... 87

5.2. Le rôle de l’adulte dans la dictée écrite en coconstruction ... 89

5.3. Les différentes formes de la dictée à l’adulte ... 91

5.4. L’approche adoptée dans la présente étude... 92

PARTIE 3 ... 95

6. Méthodologie ... 97

6.1. Objectifs et questions spécifiques ... 97

6.1.1. Objectifs et questions spécifiques sur le plan développemental ... 97

6.1.2. Objectifs et questions spécifiques au regard de l’intervention ... 98

6.2. Cadre pédagogique ... 99

6.2.1. La construction d’univers ou de grands contextes ... 99

6.2.2. L’activité constructive de l’enfant ... 104

6.3. Plan méthodologique ... 105

6.3.1. Caractérisation de l’étude ... 105

6.3.2. Sujet... 106

6.3.3. Modalité et temps d’intervention ... 106

6.3.4. Procédé de collecte des données ... 107

6.3.4.1 Grand contexte de la dictée à l’adulte de début d’année ... 108

6.3.4.2 Grand contexte de la dictée à l’adulte de fin d’année ... 109

6.3.5. Protocole d’entrevue non structurée ... 109

6.3.6. Méthode d’analyse ... 110

PARTIE 4 ... 113

7. Analyse de la macrostructure des histoires inventées de Théo et évaluation de leur progression selon leur contexte de production ... 115

7.1. Premier récit de Théo – Petit Loup ... 115

7.1.1. Macrostructure du récit inventé de façon spontanée dans le jeu symbolique ... 116

7.1.2. Macrostructure du récit inventé dans le contexte de la dictée à l’adulte en coconstruction ... 119

7.1.3. Comparaison de la macrostructure des deux récits en fonction de leur contexte d’énonciation ... 122

7.2. Deuxième récit de Théo – Le papillon, l’araignée et la sauterelle ... 123

7.2.1. Macrostructure du récit inventé sans soutien significatif de la part de l’adulte... 124

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7.2.2. Macrostructure du récit inventé dans le contexte de la dictée à l’adulte

en coconstruction ... 128

7.2.3. Comparaison de la macrostructure des deux récits en fonction de leur contexte d’énonciation ... 136

7.3. Comparaison de la macrostructure des récits de début et de fin d’année ... 138

7.3.1. Comparaison de la macrostructure des récits inventés sans soutien significatif de l’adulte ... 138

7.3.2. Comparaison de la macrostructure des récits inventés dans le contexte de la dictée à l’adulte en coconstruction ... 140

7.3.3. Conclusion des analyses relatives à la macrostructure des récits ... 142

8. Analyse du développement des capacités de décontextualisation et de mise en mots de Théo au cours de l’année scolaire 2011-2012 ... 149

8.1. Première dictée à l’adulte de Théo – Petit Loup ... 150

8.2. Deuxième dictée de Théo – Le papillon, l’araignée et la sauterelle ... 175

8.3. Comparaison et évolution des capacités de décontextualisation et de mise en mots de Théo lors des dictées de début et de fin d’année ... 192

PARTIE 5 ... 197

9. Discussion ... 199

9.1. Synthèse des résultats en lien avec les analyses portant sur la macrostructure du texte ... 201

9.2. Synthèse des résultats en lien avec les analyses portant sur les capacités de décontextualisation et de mise en mots de Théo ... 206

9.3. Synthèse de l’ensemble des développements ... 207

9.4. Implications pédagogiques ... 214

9.4.1. Le contexte de la dictée à l’adulte ... 214

9.4.2. Le jeu symbolique ... 216

9.4.3. Le grand contexte des univers ... 218

9.5. Limites de l’étude ... 220

9.6. Avenues prospectives ... 221

CONCLUSION ... 223

RÉFÉRENCES ... 225

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Les propriétés de la causalité ... 19

Tableau 2 : Niveaux de récits, selon Trabasso et Stein (1997) ... 35

Tableau 3 : Structure hiérarchique de classification des récits selon leur niveau de complexité, de Ilgaz et Aksu-Koç (2005) ... 36

Tableau 4 : Niveaux de structuration du rappel de récit d’enfants du préscolaire, selon Makdissi, Boisclair, Blais-Bergeron et Sanchez (2008) ... 37

Tableau 5 : Questions indirectes autour des composantes de l’histoire, de Makdissi et Boisclair (2006) ... 60

Tableau 6 : Prise des données ... 108

Tableau 7 : Éléments constitutifs des récits produits par Théo... 142

Tableau 8 : Éléments constitutifs des récits produits par Théo – version épurée ... 201

Tableau 9 : Tableau récapitulatif de la progression de Théo en matière de structuration causale du récit, de décontextualisation et de mise en mots ... 208

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LISTE DES FIGURES

Figure 1. Système d’opérations ouvert menant à la construction des composantes du récit

minimal appliqué au récit Le vilain petit canard, adaptation de la Figure 1 de

Makdissi et Boisclair (2008). ... 31

Figure 2. Arbre de décision illustrant la ou les dimensions incluses dans différentes

définitions formelles du récit, de Stein (1988). ... 33

Figure 3. Système d’opérations ouvert permettant l’analyse des composantes du récit

inventé par Théo – Petit Loup – à l’intérieur du jeu symbolique, adaptation de la Figure 1 de Makdissi et Boisclair (2008). ... 118

Figure 4. Système d’opérations ouvert permettant l’analyse des composantes du récit

inventé par Théo – Petit Loup – à l’intérieur de la dictée à l’adulte en

coconstruction, adaptation de la Figure 1 de Makdissi et Boisclair (2008). ... 121

Figure 5. Système d’opérations ouvert permettant l’analyse des composantes du récit

inventé par Théo – Le papillon – sans soutien significatif de la part de l’adulte,

adaptation de la Figure 1 de Makdissi et Boisclair (2008). ... 127

Figure 6. Système d’opérations ouvert permettant l’analyse des composantes du récit

inventé par Théo – Le papillon, l’araignée et la sauterelle (épisode I) – dans le contexte de la dictée à l’adulte en coconstruction, adaptation de la Figure 1 de Makdissi et Boisclair (2008). ... 133

Figure 7. Système d’opérations ouvert permettant l’analyse des composantes du récit

inventé par Théo – Le papillon, l’araignée et la sauterelle (épisode II) – dans le contexte de la dictée à l’adulte en coconstruction, adaptation de la Figure 1 de Makdissi et Boisclair (2008). ... 135

Figure 8. Ligne de décontextualisation permettant de situer différents contextes

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AVANT-PROPOS

Mes premiers remerciements vont à Théo et à ses parents. Merci, Théo, pour toutes les belles histoires que tu as accepté de me raconter, pour celles que nous avons jouées ensemble, dans le jeu symbolique et le plaisir. Merci pour ton énergie, ta vivacité d’esprit et tes idées aussi géniales que foisonnantes! Sans toi, les univers construits en classe n’auraient pas été les mêmes. Merci également à tes formidables parents, qui ont spontanément accepté que je travaille avec toi pour mon projet de recherche. Merci, chers parents, de m’avoir fait confiance! Sachez que je reste très attachée à vous et à votre Théo.

Ma directrice de mémoire, Andrée Boisclair, doit savoir qu’elle a été la meilleure des directrices pour moi, sans l’ombre d’un doute. Elle a su marcher à mes côtés aux moments où j’avais besoin d’elle et me faire pleinement confiance dans les autres moments. Elle m’a suivie, patiemment, même lorsque je choisissais un chemin différent du sien. Elle m’a laissé1 prendre des risques et faire des tentatives. Elle m’a offert ce

qu’il y a de plus précieux : la liberté. Je n’ai qu’un seul souhait : continuer à réfléchir encore très longtemps avec elle, dans la discussion. Pour tout cela, madame Boisclair, et pour bien d’autres choses, je vous remercie profondément. Je suis également privilégiée d’avoir travaillé avec Hélène Makdissi, ma codirectrice. Nos discussions, Hélène, m’ont énormément apporté, à la fois dans ma recherche et mon enseignement. La lecture de tes écrits m’a aussi beaucoup inspirée, tu pourras le constater en lisant ce mémoire. Merci d’être la personne que tu es. Tu fais la différence dans la vie de plusieurs.

Je tiens à ajouter que, grâce à ces deux femmes de tête et de cœur, j’ai eu la chance de vivre cette pédagogie développementale et socioconstructiviste dont il est régulièrement question dans le présent mémoire. De la petite enfance jusqu’aux études universitaires avancées, je suis convaincue que cette manière d’aborder l’apprentissage est non

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seulement possible, mais souhaitable. Elle vient se coller à la façon dont se réalisent les premiers apprentissages, comme celui, fondateur, de la langue parlée. Ainsi, Madame Boisclair et Hélène m’ont accompagnée, toujours dans la discussion et le partage, dans ce long travail à partir de ce que je faisais déjà en classe avec les enfants. Et elles m’ont permis d’aller plus loin, de construire de nombreuses connaissances grâce à des lectures, des discussions autour de ces lectures et diverses expérimentations. Elles m’ont écoutée. Elles ont accueilli mes questions. Nous avons discuté. Nous avons partagé nos expériences et nos points de vue. Voilà une expérience qui a changé ma vie professionnelle en profondeur. Et ce processus se poursuivra, je le sais, je le sens. Merci pour ce trésor que vous m’avez amenée à découvrir, et qui ne cesse de grandir. Il est comme les enfants, en développement pour la vie entière!

Je souhaite également remercier Pauline Sirois, chercheure membre de l’équipe du GRIES (Groupe de recherche en intervention auprès de l’enfant sourd), comme le sont Andrée Boisclair et Hélène Makdissi, pour ses cours sur les difficultés d’apprentissage en écriture et en lecture qui, en plus d’être passionnants, m’ont grandement soutenue dans le développement de mes capacités à intervenir dans la zone prochaine de développement des enfants afin de soutenir ces apprentissages et de prévenir les difficultés.

J’en profite ici pour remercier quelques professeurs de l’Université du Québec à Rimouski, où j’ai fait mon baccalauréat en éducation préscolaire et en enseignement primaire. Je veux d’abord remercier Josie Audet qui m’a, la première, conduite à me questionner sur ce qu’est l’apprentissage. Je tiens aussi à remercier Dominic Voyer, pour ce premier bain socioconstructiviste en didactique des mathématiques; grâce à son enseignement, j’ai entre autres réalisé que l’erreur de l’élève est la carte maitresse de l’enseignant, qu’elle lui permet d’analyser et de comprendre ce que comprennent les élèves, qu’elle peut lui donner accès à la manière dont ils réfléchissent. Je garde enfin un excellent souvenir d’un professeur en didactique des sciences et technologies au primaire, dont j’oublie malheureusement le nom, qui m’a permis de découvrir toute la puissance du questionnement scientifique dans le développement des enfants. Bref, ces

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quelques cours de ma formation initiale, comme de nombreux autres d’ailleurs, m’habitent toujours et influencent encore l’enseignante que je suis devenue au fil du temps et de mes discussions avec la merveilleuse équipe qui m’a accueillie en son sein, il y a maintenant sept ans, celle de l’École oraliste de Québec pour enfants malentendants ou sourds.

Mes prochains remerciements, et non les moindres, vont aux membres de l’équipe de direction de l’École oraliste de Québec pour enfants malentendants ou sourds, mesdames Andrée Boisclair et Carole Girard, ainsi qu’à mes extraordinaires collègues de travail, qui m’ont toutes et tous encouragée dans ce long travail de recherche et de rédaction. Merci d’avoir accepté que je m'absente régulièrement et, surtout, merci d’être là, au quotidien, toujours à l’écoute des petits et des grands… À l’écoute de leurs besoins, de leurs idées, de leurs peines, de leurs grands bonheurs, bref, attentives et attentifs à leur plein développement. À l’École oraliste, il y a une belle culture, celle du dépassement de soi-même. Pour moi, ce mémoire en est une preuve tangible. Merci à chacune et chacun pour votre soutien, du fond du cœur.

Mes derniers remerciements sont réservés à mes proches… Merci pour toute la patience que vous avez eue. Il en faut, de la patience et de la compréhension, quand on partage le quotidien d’une personne qui est moins disponible qu’à l’ordinaire. Merci à Julien et à Rachel, que j’aime tant! Je le sais, j’ai un certain rattrapage à faire! Je tiens à remercier tout particulièrement ma mère, ma fidèle et infaillible correctrice… Il n’y a pas une coquille qui ait su échapper à ton œil attentif, mon petit doigt me le dit! Merci de t’intéresser comme tu le fais à mon travail d’enseignante qui cherche… Tes paroles et tes réflexions m’ont encouragée et fait le plus grand des biens, et ce, à plus d’une reprise! Et merci à mon Bernard… Sans toi, il n’y aurait pas eu ce mémoire et tout ce qui est venu avant lui. Mon retour tardif aux études, je te le dois. Ainsi que la mise en pages de ce volumineux document. Et les figures aussi! Merci d’être là… Merci de faire partie de ma vie.

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INTRODUCTION

Les difficultés rencontrées par de trop nombreux élèves relativement à l’apprentissage de la lecture, souvent reliées à des difficultés en matière de compréhension des textes lus (Cain & Oakhill, 2004, 2006; Lynch, van den Broek, Kremer, Kendeou, White, & Lorch, 2008; Oakhill & Cain, 2000, 2012), ont conduit les chercheurs et les pédagogues à se questionner sur leurs origines et à proposer des pistes de solution. La présente étude se situe bien en amont de l’apprentissage formel de la lecture, c’est-à-dire à une période où se construisent les fondements du langage dans son mode écrit. L’objectif général est de décrire le développement de ces fondements chez un enfant d’âge préscolaire, plus spécifiquement le développement de la structuration causale de son récit dans un contexte de dictée à l’adulte, et de l’accompagner dans son activité de création littéraire.

Cette recherche prend donc la forme d’une étude de cas réalisée avec un enfant de quatre ans fréquentant une classe de maternelle, étude pour laquelle est déployée une pédagogie développementale et socioconstructiviste reposant sur l’élaboration conjointe d’univers symboliques – mobilisant à la fois l’enseignante et les enfants – à l’intérieur desquels toutes les activités et les projets viennent s’inscrire pour former un tout signifiant et offrir un riche terreau pour l’expression du jeu symbolique. C’est dans ce grand contexte, et dans celui plus circonscrit de la dictée à l’adulte, que l’enfant de la présente étude a inventé des histoires, lesquelles ont été analysées afin de décrire les principaux développements ayant marqué l’évolution de son récit au cours d’une année scolaire.

Ce mémoire comprend cinq parties. La première comporte un seul chapitre, où sont exposées la problématique entourant les difficultés en lecture ainsi qu’une avenue, caractérisée par un large spectre, pour prévenir ces difficultés. La deuxième partie est constituée de quatre chapitres formant le cadre théorique et présentant les concepts clés en lien avec la présente étude, soit le récit, l’intervention ou le rôle que peut jouer

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l’adulte dans le développement langagier de l’enfant et de la structuration causale de son récit, la relation entre le jeu symbolique et la narration et, enfin, la dictée à l’adulte. La troisième partie, consacrée à la méthodologie, permet d’abord de clarifier les objectifs et les questions spécifiques de la présente étude, puis de décrire le cadre pédagogique d’ensemble et de clarifier différents aspects du plan méthodologique, cela à l’intérieur d’un seul chapitre. Dans la partie suivante, la quatrième, sont présentées les analyses des résultats obtenus à partir des données recueillies lors de la réalisation de cette étude, le premier chapitre étant consacré à l’analyse de la macrostructure des récits de l’enfant, le second chapitre portant sur l’analyse de ses capacités de décontextualisation et de mise en mots. Enfin, la cinquième et dernière partie est constituée d’une discussion générale portant sur l’ensemble des résultats observés, notamment au regard d’autres études cherchant à expliquer le développement d’un des fondements importants du langage dans son mode écrit et, par le fait même, de la scolarisation, soit la construction, chez l’enfant, de la compréhension de la macrostructure du récit ou de sa structuration causale.

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PARTIE 1

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1. Problématique

Les difficultés rencontrées dans l’apprentissage de la lecture sont en lien direct avec l’échec scolaire (Koepke & Miller, 2013; Seifert & Espin, 2012). Ainsi, ces difficultés ne se limitent pas à rendre difficile, voire même impossible, l’accomplissement de tâches en français; elles affectent l’ensemble des domaines d’apprentissage (Branum-Martin, Fletcher, & Stuebing, 2013; Orosco & O’Connor, 2014). Pour résoudre un problème mathématique, par exemple, l’élève doit d’abord lire et comprendre ce qui est énoncé. S’il connait des difficultés en lecture, la représentation adéquate de la situation-problème est, d’entrée de jeu, compromise.

Ce lien entre les difficultés en lecture et l’échec scolaire doit par ailleurs être mis en relation avec un autre facteur : le langage. Si le lien lecture / écriture n’est plus à démontrer (Goodman, 1986/2005; Nadon, 2002; Sirois & Boisclair, 2006, 2007, 2009)2,

le lien langage / lecture (et écriture, par ricochet) est, dans l’exposition de la présente problématique, rappelé et défendu. La langue, avant d’être lue, est d’abord et avant tout parlée. Cela va tellement de soi qu’il est facile de l’oublier. Et que fait l’enfant qui apprend à parler? Essentiellement, il cherche à construire du sens et à le partager avec autrui. En outre, cette recherche de sens possède une direction qui ne va pas du plus petit au plus grand, des parties au tout : le bébé, selon Sauvage (2003), ne commence pas par apprendre l’ensemble du système phonologique (c’est-à-dire les sons), puis les combinaisons de sons pour produire la signification (des mots) et, enfin, les règles syntaxiques lui permettant de comprendre et de construire des phrases. Au contraire.

2 Ainsi, le scripteur écrit pour être lu et compris par les lecteurs auxquels il s’adresse ; de plus, en écrivant,

il se relit lui-même. Dans ce même ordre d’idées, le lecteur lit une langue qui a été écrite – par l’auteur ou les auteurs du texte – pour être lue, interprétée et comprise. En outre, par la pratique de l’écriture émergente, l’enfant construit graduellement sa compréhension du système d’écriture alphabétique et, par la lecture, il consolide ses connaissances en écriture. Par-dessus tout, ce qui est écrit et ce qui est lu doit faire du sens, ce qui nécessite une activité de construction et de recherche autant dans l’acte de lire que dans celui d’écrire, ces processus étant destinés à aller à la rencontre l’un de l’autre.

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Makdissi, Boisclair, Blais-Bergeron, Sanchez et Darveau (2010) soutiennent la position suivante à ce sujet : « L’enfant s’approprie une langue et développe son langage en partant d’emblée des discours situés en contexte, les mots et les phonèmes se précisant à l’intérieur même du dialogue. » (p. 149). Rapidement, selon Sauvage (2003), les premiers mots qu’il prononce veulent aussi dire beaucoup plus que le simple mot qui est prononcé. Ainsi, « maman » peut vouloir dire que maman vient de partir et que c’est vraiment triste. Et cette recherche et ce sens construit ne cessent de se complexifier avec le temps.

Il est également très généralement reconnu que l’acte de lire constitue « une activité de recherche et de construction de sens » (Sirois & Boisclair, 2007, p.28) ou, selon Giasson (1995), « un processus de construction de sens » (p. 13). Somme toute, le langage parlé et le langage écrit constituent deux modes d’expression et, bien qu’ils soient différents à certains égards, ils reposent tous les deux sur la construction du sens, toujours du tout vers les parties – et des parties vers le tout (Goodman, 1986/2005). En outre, le fait que la compréhension du langage se réalise d’abord dans la langue parlée, puis dans la langue écrite, implique que l’édification des fondements de la lecture s’amorce dès le plus jeune âge, bien avant l’entrée à l’école.

Makdissi, Boisclair, Blais-Bergeron, Sanchez et Darveau (2010) décrivent ainsi les fondements de l’acte de lire : le texte, indépendant du lecteur et constitué d’une microstructure (essentiellement les mots et les phrases qui forment le texte) et d’une macrostructure (c’est-à-dire la structuration causale des différentes composantes du récit, soit le problème ou l’évènement perturbateur en lien avec le but, la recherche de solution située dans les tentatives d’actions, la solution et les émotions), sera interprété sur la base des capacités d’inférence (inférences lexicales, anaphoriques et causales) de l’enfant, de ses connaissances sur le monde, du développement de sa compréhension de la structuration causale du récit, de son développement langagier et du développement de sa pensée. Ainsi, comme cela a déjà été mentionné dans le précédent paragraphe, la

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compréhension d’un texte relève d’abord et avant tout de fondements qui se construisent bien avant l’apprentissage formel de la lecture et qui, selon ces mêmes auteures, se développent dans un contexte semblable à celui dans lequel l’apprentissage du langage oral se réalise, c’est-à-dire dans le dialogue entre l’adulte et l’enfant, un dialogue qui contribuerait « […] à la construction d’une zone d’intersubjectivité littéraire propulsant le développement de l’interprétation et de la compréhension des textes […] » (p.150). Pour ces chercheures, le développement du langage dans son mode écrit devrait naturellement s’inscrire dans le prolongement du développement du langage dans son mode oral.

Dans l’optique de soutenir la compréhension des textes que l’enfant sera appelé à lire et de favoriser sa réussite scolaire, la construction des grands fondements (capacités d’inférence, connaissances sur le monde, développement de la structuration causale du récit, développement du langage et développement de la pensée) au niveau préscolaire forme le cœur de la problématique de la présente étude. De nombreux auteurs se sont penchés sur cette question et ont défendu l’idée de contextes favorisant le développement de la construction du sens et de la compréhension des évènements chez l’enfant (Ilgaz & Aksu-Koç, 2005; Makdissi, Boisclair, Blais-Bergeron, Sanchez, & Darveau, 2010; Nicolopoulou, 1997, 2002, 2005, 2007; Piaget, 1969; Vygotski, 1967/1933). Comme l’ensemble de ces auteurs, Goodman (1986/2005) insiste sur la nécessité que l’enfant bénéficie de contextes signifiants, particulièrement à l’école où cela semble souvent problématique. Il soutient également, à l’instar de Makdissi et al. (2010), que l’enfant développe sa compréhension du langage oral et écrit dans des situations de communication authentiques, en partant du tout (qu’il désigne par l’expression « whole language »), car ce dernier porte le sens – contrairement aux parties qui sont beaucoup plus circonscrites et qui ne sont pas nécessairement signifiantes pour l’enfant. Cette conception selon laquelle l’apprentissage est facilité en décomposant un tout complexe en ses parties appartient à la logique de l’adulte, rappelle Goodman. Une telle approche produit toutefois l’effet inverse en empêchant l’accès au sens qui, lui seul,

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permet l’apprentissage réel. Dans cette perspective développementale, Ilgaz et Aksu-Koç (2005), Nicolopoulou (1997, 2002, 2005, 2007), Piaget (1959/1945, 1969) et Vygotski (1967/1933) présentent le contexte dans lequel les enfants de niveau préscolaire construisent de façon active et toute personnelle leur compréhension du monde dans lequel ils évoluent et, par conséquent, les fondements de la compréhension des textes qui leur sont lus et qu’ils liront seuls un jour : le jeu symbolique.

Pour Piaget (1959/1945) et Vygotski (1967/1933), le jeu imaginaire, ce jeu de représentations, amène l’enfant à attribuer de multiples significations, à inventer maintes réalités à partir d’actions et d’objets divers (lesquels servent de signifiants pour Piaget – ou de pivots pour Vygotski – pour véhiculer ces significations attribuées). De là, la construction du sens et la primauté de la signification sur l’objet comme tel. Saisir le sens de la réalité – si complexe –, donner une signification à leur expérience et trouver leur place dans le monde, voilà fondamentalement ce que permettent aux enfants la narration et le jeu symbolique selon Nicolopoulou (1997). Dans cette perspective, comme dans celle de Piaget (1959/1945, 1969) et de Vygotski (1967/1933), l’activité de l’enfant, ce que celui-ci fait avec le jeu et le récit, constitue le noyau central, le moteur de son développement. En outre, une étude réalisée par Ilgaz et Aksu-Koç (2005) a révélé que le jeu symbolique, vu comme une forme d’action, peut améliorer les capacités narratives des enfants. Dans ce même ordre d’idées, les recherches réalisées par Nicolopoulou (2007) l’ont amenée à penser que, lorsque les enfants baignent dans un environnement leur offrant la possibilité d’inventer des scénarios à la fois dans le jeu symbolique – qui implique un usage hautement contextualisé du langage – et à la fois par l’intermédiaire de la narration d’histoires fictives – qui, elle, implique un emploi hautement décontextualisé du langage –, cela de façon intégrée, ces mêmes enfants voient leur développement favorisé, notamment celui de leurs capacités narratives. Pour Nicolopoulou (2002), le jeu symbolique et la narration d’histoires fictives, narration réalisée grâce à la dictée à l’adulte, constituent deux formes de l’activité narrative, différentes et complémentaires, qui se nourrissent l’une et l’autre. Cette dernière

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approche met ainsi en relief le caractère narratif du jeu symbolique et l’aspect imaginaire de la narration d’histoires fictives tout en positionnant ces deux activités dans un continuum du plus contextualisé au plus décontextualisé, l’une et l’autre se soutenant. Selon les conclusions de l’ensemble des précédentes recherches, reléguer aux oubliettes le jeu symbolique à l’intérieur des classes de préscolaire signifie par conséquent priver les enfants d’un précieux levier pour leur développement en général et pour celui de leurs capacités cognitives et narratives en particulier. Or, se dessine depuis un certain temps déjà un mouvement mondial vers la scolarisation de la petite enfance, ou la préscolarisation (Ducret, 2004), et une tendance à l’évacuation du jeu symbolique des classes de maternelle, notamment aux États-Unis (Nicolopoulou, 2010; Nicolopoulou, Barbosa de Sá, Ilgaz et Brockmeyer, 2010) et dans de nombreux autres pays dont les dirigeants semblent essentiellement préoccupés par le rôle que doit jouer l’éducation dans leur développement économique et social, peut-être même au détriment du développement global des enfants. Pour Nicolopoulou (2010), cette situation est plus qu’inquiétante. Elle est alarmante. Considérer le jeu comme une sous-activité permettant simplement aux enfants de se détendre ou de se délasser ou, pire encore, comme une perte de temps – état de fait par ailleurs déjà dénoncé, il y a une cinquantaine d’années, par Piaget (1969) –, a des répercussions sérieuses sur leur développement cognitif et socioaffectif, lesquels serviront d’assise pour leurs apprentissages futurs et leur développement général.

En somme, les questions soulevées précédemment constituent la toile de fond de la présente étude. Deux grands axes émergent, l’un ayant trait au développement de la compréhension en lecture et de ses fondements afin de favoriser la réussite scolaire, l’autre concernant l’importance du jeu symbolique et de l’activité narrative dans l’édification même de ces fondements et la tendance observée, à savoir l’évacuation de ce type de jeu – et, par le fait même, celle de l’activité narrative qui s’y rattache – des classes de préscolaire.

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L’objectif de la présente étude est donc, d’une part, de suivre, au niveau préscolaire, le développement de l’un des grands fondements de la littératie, soit celui de la compréhension de la macrostructure du récit, et, d’autre part, d’examiner comment un contexte pédagogique de dictée à l’adulte, dans lequel le jeu symbolique occupe naturellement un espace, peut soutenir un tel développement. La poursuite de ce double objectif nécessite de clarifier, selon la posture épistémologique adoptée, une posture développementale et socioconstructiviste, le concept de récit, le rôle de l’adulte dans le développement de l’enfant en général et dans celui de la structuration causale de son récit en particulier, le lien entre la narration et le jeu symbolique et, enfin, le contexte de la dictée à l’adulte.

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PARTIE 2

Chapitre 2 – Récit

Chapitre 3 – Intervention

Chapitre 4 – Jeu symbolique et narration

Chapitre 5 – Dictée à l’adulte

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2. Récit

Dans cette section, seront d’abord explicités les concepts de récit et de structuration causale du récit – ou de macrostructure – tels qu’ils sont entendus à l’intérieur de la présente recherche. Il convient de préciser que la causalité et l’inférence feront l’objet d’une attention particulière lors de la définition de la macrostructure, car ce sont là des concepts intimement liés. Par la suite, quelques modèles d’analyse de la macrostructure du récit seront présentés, ce qui amènera enfin un questionnement sur le développement de la structuration causale du récit, de l’enfance à l’âge adulte.

2.1. Le récit, discours détaché du moment présent

Avant d’aborder la question de la structuration causale du récit dans une perspective développementale, une première définition s’impose : celle du récit. Un récit peut, oralement, à l’écrit, par l’intermédiaire d’un média faisant appel au visuel (un album illustré ou une bande dessinée avec ou sans texte, par exemple) ou encore au moyen d’un média technique audio (comme la radio), strictement visuel (il suffit de penser au cinéma muet) ou audiovisuel (cinéma, télévision, vidéo, etc.), s’attarder à relater un fait vécu ou encore s’articuler autour de la narration d’un évènement fictif. Dans tous les cas, il s’agit de discours décontextualisés que Peterson, Jesso et McCabe (1999) présentent comme des discours à propos d’évènements sortis de leur contexte immédiat, ne décrivant pas « l’ici et maintenant » (the here-and-now), mais plutôt le « là et alors » (the there-and-then). Tantôt produit, tantôt interprété, le récit concerne néanmoins toujours des discours détachés du moment présent, ce qui lui donne une portée inégalée en termes de contribution au développement du langage, de la pensée et, à plus grande échelle, à celui des sociétés humaines à travers les âges.

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À cet égard, Bloom (1998), qui s’est longuement penchée sur le développement du langage chez l’enfant, considère le principe de divergence (discrepancy) comme l’un des éléments centraux de sa théorie. Ce principe se définit de la sorte : pour se détacher de l’ici et maintenant et exprimer à d’autres personnes ce qu’ils pensent, indépendamment du contexte (ce pourrait être, par exemple, un évènement passé ou anticipé), les enfants doivent développer leur langage. Deux autres principes s’ajoutent à celui de divergence : celui de pertinence (relevance) – les enfants intègrent des unités linguistiques (comme un nouveau mot de vocabulaire) qui traduisent ce qu’ils ont en tête, ce qu’ils pensent – et celui d’élaboration (elaboration) – pour exprimer un contenu plus élaboré. En outre, l’expression d’un contenu plus élaboré est possible grâce au développement cognitif, social et affectif que les enfants connaissent, ce qui les amène à augmenter leur bagage langagier et, éventuellement, à construire des phrases. Ces trois principes, propres à chacune des étapes du développement langagier, régissent un processus de transaction entre les représentations internes – inscrites dans les états intentionnels de l’enfant, d’où le rôle fondamental de l’intentionnalité – et le monde extérieur (social et physique). Ainsi, selon le modèle de Bloom, les langages seraient appris parce que les enfants s’efforcent de maintenir un espace d’intersubjectivité avec les personnes de leur entourage – cela afin qu’il y ait un partage de sentiments et de pensées (ce qu’eux et les autres ressentent et pensent). En somme, cette nécessité de développer et de maintenir un espace d’intersubjectivité, qui sous-tend notamment celle d’exprimer et d’interpréter des pensées détachées du moment présent, peut certes participer à la fois au développement du langage et à celui de la pensée, cela autant dans une perspective ontogénique (le développement d’un individu – dans le présent contexte, celui du petit de l’homme – depuis sa conception jusqu’à l’âge adulte) que phylogénique (le développement d’une espèce à travers les temps – ici, l’espèce humaine). Puisque le récit concerne nécessairement des discours décontextualisés, c’est-à-dire détachés du moment présent – et sollicite invariablement les capacités d’abstraction de la personne qui le produit ou l’interprète –, les précédentes considérations conduisent à apprécier sa grande portée

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relative au développement de l’homme et de son petit, particulièrement aux plans cognitif et langagier.

2.2. Le récit inventé, sa nature et sa structuration causale

Le deuxième type de narration, soit celui d’histoires fictives – par opposition à la narration de faits vécus –, est visé par la présente étude. Stein et Albro (1997) décrivent ce type de narration comme étant, par nature et par définition, le reflet de valeurs sociales, de croyances, de dilemmes et de buts qui sous-tendent et motivent les interactions humaines. Ces chercheures ajoutent que, même lorsque les variations culturelles relatives aux connaissances sur les histoires et à la manière de les raconter sont prises en considération, les récits présentent presque toujours un aspect d’un dilemme ou d’un conflit rencontré dans la vie de tous les jours, en mettant l’accent sur l’évaluation du dilemme et les solutions envisagées afin de résoudre le conflit. Stein (1988) précise toutefois qu’un texte ne sera pas considéré comme étant une histoire tant et aussi longtemps que certaines caractéristiques n’apparaitront pas, cela même si le discours contient des informations à propos de situations sociales.

Cette définition du récit fictif conduit directement à identifier les caractéristiques qui concèdent à une narration le statut de récit. Pour cela, il faut procéder à son examen sous un angle particulier, soit celui de sa macrostructure ou, en d’autres termes, sous l’angle de sa structuration globale causale où chacun de ses éléments se trouvent en lien les uns avec les autres. Ainsi, la présence d’un dilemme ou d’un conflit, comme cela vient d’être mentionné dans le paragraphe précédent, perturbe inévitablement un état initial; cette perturbation provoque à son tour une évaluation de la situation qui, elle, entraine la recherche d’une solution dans le but de retrouver un équilibre perdu, d’où l’élaboration d’un plan d’action se concrétisant en tentatives d’actions. Il convient de souligner que Stein (1988) accorde une importance centrale à la poursuite d’un but par le protagoniste de l’histoire, celle-ci étant justement provoquée par un évènement ou un ensemble de

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conditions – généralement appelé l’évènement perturbateur – qui amène ce personnage à réaliser que quelque chose lui manque. C’est précisément sur cette base qu’il construira son plan d’action et le mettra en œuvre, cela dans l’espoir d’atteindre ce but ou, en d’autres mots, d’obtenir ce qu’il veut, ce qu’il cherche. Si le récit prend racine à l’intérieur de situations sociales, il va donc beaucoup plus loin qu’une simple évocation d’un fait quelconque. Au contraire, selon une étude de Stein et Glenn (1979), il comporte des éléments essentiels – il faut le préciser, selon une perspective partagée par les adultes de ce qu’est une bonne histoire : un protagoniste capable d’actions intentionnelles; l’énonciation des désirs ou des buts du protagoniste; des actions manifestes mises de l’avant au service des buts du protagoniste; le dénouement en lien avec l’atteinte ou la non-atteinte des buts du protagoniste. À l’intérieur de cette même étude, ces deux chercheurs ont toutefois établi qu’une séquence d’actions dirigée par un but correspondrait à la définition minimale d’une histoire. Stein et Albro (1997) ont également précisé les éléments essentiels à la composition de chacun des épisodes d’une histoire : soit un évènement initiateur, une tentative d’action et une issue, soit un but, une tentative d’action et une issue.

L’analyse de la structure causale – globale et locale – de textes effectuée par Trabasso et Wiley (2005) accorde aussi un rôle clé aux buts dans les récits et leur compréhension. Il faut ici préciser que deux catégories de but existent : le but hiérarchiquement premier et ceux qui lui sont subordonnés. Ces chercheurs ont ainsi clairement démontré, à partir d’une grille d’analyse des processus inhérents aux buts (goal process analysis) cherchant à rendre explicite ce que décident de faire les personnages selon qu’ils ont atteint ou non ces buts (grille inspirée notamment des recherches de Stein et Albro, 1997) et également en fonction des relations causales nécessaires parmi les éléments constituants d’une histoire (modèle connexionniste, de Trabasso, van den Broek, & Suh, 1989, portant sur l’analyse des relations causales entre ces éléments) que les lecteurs suivent et peuvent aussi inférer, en cours de lecture, les plans d’action liés aux buts des personnages (goal plans of action) et qu’ils font des inférences causales à partir de ces plans d’action.

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2.3. La causalité, concept inhérent au récit

Face à un récit, van den Broek (1990a) insiste sur le fait que la perception de cohérence est le résultat d’un processus complexe de résolution de problème à l’intérieur duquel le lecteur doit inférer des relations entre les idées, les évènements et les états décrits dans le texte.

Avant de pousser plus loin ce concept d’inférence, il convient de procéder à la présentation des métarègles qui, selon la grammaire du texte, établissent les fondements de la cohérence d’un texte. Selon Vanderdorpe (1996), elles concernent les aspects suivants : la continuité thématique, un texte étant généralement consacré au développement d’un thème; la progression, qui donne au lecteur l’impression que le sujet traité progresse, que l’information est organisée plutôt qu’éparpillée; la cohésion, qui assure une gestion locale de l’information et qui est imbriquée à l’intérieur même de la gestion globale du texte, s’attarde aux opérations assurant des enchainements et des transitions sans heurts d’une phrase à l’autre – essentiellement des reprises (reprise par un pronom, reprise par une répétition et reprise par un synonyme ou un hyperonyme); l’absence de contradictions qui, lorsqu’elles sont constatées, portent directement atteinte à la crédibilité de l’auteur du texte; la gestion adéquate du temps et de l’espace, notamment en ce qui a trait à la concordance des temps, à la précision des lieux et des moments auxquels l’auteur fait référence dans son texte puisque ce dernier sera lu à un moment et dans un lieu sans doute bien différents du contexte où il aura été produit (d’où cette nécessité de « décontextualiser » le texte écrit – c’est-à-dire de l’extirper du contexte dans lequel il est écrit afin de le rendre accessible au lecteur qui en fera la lecture ultérieurement, dans un tout autre contexte) et, en dernier lieu, en ce qui a trait à la gestion adéquate du registre temporel; enfin, l’absence d’ellipses trop fortes, qui pourraient occasionner des impressions de lacunes ou même affecter la compréhension du lecteur si le texte lui demande de faire des inférences trop importantes, rendant ainsi difficile ou hasardeuse la tâche de relier entre elles les informations fournies.

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Pour en revenir au concept de cohérence selon van den Broek (1990a), il faut souligner que les liens entre les différents éléments composant un récit ne sont que très rarement explicites, d’où la grande importance du concept d’inférence. Puisque la notion d’inférence se trouve directement reliée au concept de causalité, les travaux de van den Broek (1990a et 1990b) s’appuient sur un ensemble de quatre critères formels, soit la priorité temporelle, l’opérativité, la nécessité et la suffisance, qui permettent l’identification de relations causales dans un texte ainsi que le regroupement des différents évènements et de leurs interrelations à l’intérieur d’un réseau représentant l’ensemble du texte et permettant de capturer sa structure causale complexe. Étant donné leur importance, ces propriétés des relations causales sont ici exposées en détail.

Selon le critère de priorité temporelle, une cause ne survient jamais après sa conséquence. Il faut cependant préciser que, dans un récit, il est tout à fait possible – voire même fréquent – qu’au plan de la succession des évènements la cause d’un évènement donné apparaisse à la suite de sa conséquence. L’opérativité, de son côté, exige qu’une cause soit toujours active au moment où sa conséquence survient. Si ces deux premiers critères sont requis pour l’établissement d’une relation causale, les deux suivants déterminent la force relative de cette relation. Ainsi, la nécessité précise que, dans les circonstances de l’histoire, une cause doit nécessairement expliquer la présence d’une conséquence. Donc, dans la mesure où un évènement donné en explique un autre, si ce premier évènement ne survient pas, sa conséquence ne devrait pas survenir. Enfin, la suffisance indique que, dans les circonstances de l’histoire, en supposant qu’un évènement en cause un autre, si cet évènement survient, sa conséquence surviendra.

Ces propriétés de la causalité seront maintenant illustrées, à l’intérieur du Tableau 1, grâce au conte traditionnel d’Anderson, Le vilain petit canard, adapté par François Gravel aux éditions Imagine (Andersen/Gravel, 1842/2005). Ce récit met en scène un bien étrange canard – en réalité un cygne – adopté par une cane alors qu’il se trouve encore dans son œuf. Rejeté de tous à cause de sa différence, il partira en quête d’une

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terre d’accueil et trouvera, à la suite de nombreuses épreuves, sa réelle identité et, finalement, une famille aimante.

Tableau 1: Les propriétés de la causalité Critère

(ou propriété des relations causales) Définition Notation (en supposant que l’évènement A cause l’évènement B : A → B)

Extrait et explication sommaire du lien de causalité

Priorité

temporelle Une cause ne survient jamais après sa

conséquence (au plan de la chronologie des évènements)

A, puis B Les canards sauvages firent tant de bruit en repoussant le petit canard qu’ils attirèrent les chasseurs.

Si le bruit produit par les canards sauvages (A) a attiré les chasseurs (B), l’évènement A doit être survenu avant l’évènement B – et non l’inverse.

Opérativité Une cause doit

être toujours active au moment où sa conséquence survient A est toujours actif lorsque B survient

Une cane couvait ses œufs depuis le début de l’été et elle commençait à en avoir assez. Les autres canards préféraient nager, et personne ne venait la voir pour bavarder. « Mes bébés vont-ils bientôt se décider à sortir? » se demandait-elle, en soupirant. Les œufs finirent par éclore!

Si le fait de couver les œufs (A) a provoqué leur éclosion (B), c’est dire que l’évènement A était toujours actif au moment où B est survenu. Ainsi, selon toute

vraisemblance, la cane n’a pas cessé de couver ses œufs malgré sa lassitude.

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Critère

(ou propriété des relations causales) Définition Notation (en supposant que l’évènement A cause l’évènement B : A → B)

Extrait et explication sommaire du lien de causalité

circonstances de l’histoire, si une cause n’est pas survenue, sa conséquence ne devrait pas survenir

alors non B précédent, nous pouvons émettre l’hypothèse que, si la cane avait cessé de couver ses œufs (non A), ceux-ci n’auraient pu éclore (non B).

Suffisance Dans les

circonstances de l’histoire, si une cause survient, sa conséquence devrait survenir aussi

Si A → alors B Ils déménagèrent bientôt dans un étang plus vaste. Les canards qui vivaient là se mirent aussitôt à rire du vilain petit canard. […] Les plus petits lui donnaient des coups de bec, et les plus grands le

pourchassaient pour le bousculer et le mordre. « Je ne serai jamais chez moi, ici! » se dit le petit canard. Il décida alors de s’enfuir. Il s’envola par-dessus la haie et quitta cet étang pour toujours.

Dans cet exemple et dans les circonstances de l’histoire, la méchanceté des autres canards envers le vilain petit canard (A) a causé son départ précipité de l’étang (B).

La théorie du réseau de van den Broek (1990a et 1990b) tient compte également de la notion de transitivité, un élément essentiel dans la description de la structure causale d’un récit. Cette notion permet le regroupement, à l’intérieur d’un réseau formant un tout cohérent, de l’ensemble des relations causales préalablement identifiées. Supposons donc les évènements A, B et C. Si l’évènement A est en lien causal avec l’évènement B

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endormi, le faisant prisonnier des glaces. De toute évidence, même si, par exemple, l’évènement A (C’était un hiver glacial.) et l’évènement H (Au matin, le petit canard se retrouva prisonnier de la glace : impossible de s’envoler!) ne sont pas directement reliés, la règle de transitivité permet de suivre le fil des évènements les unissant.

2.4. L’inférence causale, processus au cœur de la compréhension du récit

La représentation de la structure causale des évènements composant un récit sous forme de réseau conduit à l’étude du processus d’inférence causale. Ce processus permet d’effectuer – ou d’inférer – les nombreux liens causaux entre les différents évènements, ceux-ci étant évoqués plus ou moins explicitement à l’intérieur de la structure causale. Quelques exemples de liens causaux seront donnés, du plus explicite au moins explicite, encore une fois tirés du conte Le vilain petit canard.

a) Les plus petits lui donnaient des coups de bec, et les plus grands le pourchassaient pour le bousculer et le mordre.

« Je ne serai jamais chez moi, ici! » se dit le petit canard. Il décida alors de s’enfuir.

Dans ce premier exemple, les deux évènements sont adjacents et reliés par le connecteur « alors » exprimant explicitement la relation causale : le petit canard a pris la décision de s’enfuir étant donné qu’il ne se sentait pas chez lui. Il faut toutefois préciser que, même en l’absence du connecteur « alors », la relation causale aurait été tout aussi explicite.

b) Il pouvait maintenant voler très longtemps et très haut dans le ciel. Il aperçut un jour un bel étang entouré de pommiers et de lilas en fleurs. Notre ami aurait bien voulu s’y arrêter, mais de grands cygnes majestueux y nageaient paisiblement.

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« Les cygnes vont surement me chasser, se dit le vilain petit canard, mais tant pis. Il faut que je m’arrête un peu pour me reposer. »

À l’intérieur de ce deuxième exemple, le lien de causalité entre les évènements reste assez explicite (« J’ai peur de me faire chasser… il y a des cygnes; donc, j’hésite à m’arrêter. »). Il exige néanmoins un retour sur les évènements précédents, c’est-à-dire les rejets incessants subis par le vilain petit canard, pour permettre la pleine compréhension de son hésitation à s’arrêter dans un étang où nagent des cygnes. Ce sont ses mauvaises expériences du passé qui expliquent pourquoi il pense que les cygnes vont le repousser (« J’ai toujours été rejeté, donc on va encore me rejeter, ce qui implique que je ne devrais pas m’arrêter – mais je le fais quand même… car je suis épuisé. »).

En outre, la cause est présentée après la conséquence. Si, en théorie et selon la chronologie des évènements, une cause survient toujours avant sa conséquence, dans la narration, il est fréquent qu’elle soit exprimée après. Dans cet exemple, la conséquence est d’abord exprimée (le fait que le vilain petit canard hésite à s’arrêter dans l’étang qu’il vient d’apercevoir), puis la cause, exprimée en deux temps (la présence de cygnes et son appréhension d’être, encore une fois, chassé, repoussé).

c) Les cygnes passèrent tout l’été sur cet étang, et ce fut un été magnifique. Quand l’automne arriva, ils s’envolèrent vers le Sud. Le hasard voulut qu’ils passent au-dessus de l’étang où le vilain petit canard était né.

– Quels beaux cygnes! s’exclamèrent ses frères et ses sœurs. Comme ils sont forts! Et comme ils volent haut!

– Et regardez-moi celui-là! dit la maman.

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À l’intérieur de ce troisième exemple, le lien de causalité entre les évènements est beaucoup plus implicite. Outre le traitement de la « transformation » du vilain petit canard en cygne, cette situation exige un certain bagage de connaissances relatif aux liens familiaux pour comprendre pourquoi il est question des frères et sœurs du vilain petit canard. De plus, saisir que la maman fait référence à ce dernier lorsqu’elle s’émerveille devant la beauté incomparable d’un des cygnes nécessite de posséder certaines connaissances au sujet de la puissance du lien qui unit une mère à son enfant.

d) « Mais… Mais qu’est-ce qui m’arrive? se demanda-t-il? Je ne suis plus un vilain petit canard! Je… je suis un cygne! »

Ce dernier exemple démontre que l’établissement du lien causal entre deux évènements peut exiger de remonter loin en arrière dans le récit. Dans le présent cas, il faut se référer au début de l’histoire, au moment où la maman cane couvait un œuf plus gros que les autres – duquel sortit tardivement un bien étrange petit canard. Dans ce contexte où tout n’est dit qu’à demi-mot, « lire » au-delà de ce qui est textuellement exprimé dans le récit se révèle essentiel pour inférer que le vilain petit canard ne s’est pas transformé en cygne (soudainement ou en grandissant), mais qu’il est un cygne depuis le début, ce qui permet d’établir le problème hiérarchiquement premier du récit, jamais explicité : cet œuf a été égaré d’une manière quelconque et s’est retrouvé dans le mauvais nid.

Ces quelques exemples conduisent à exposer les différents types d’inférences causales, que van den Broek (1990a) classe en deux grands groupes : les inférences rétrospectives (backward inferences), permettant de relier un évènement présent à des évènements survenus antérieurement dans l’histoire, et les inférences prospectives (forward inferences), suscitant la formulation d’hypothèses relatives aux évènements à venir.

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Les inférences rétrospectives, elles-mêmes composées de deux sous-catégories d’inférences, soit les inférences permettant l’établissement d’une relation causale entre deux évènements cités explicitement dans le récit (connecting inferences) et les inférences élaboratives (elaborating inferences). Dans le premier type d’inférences (connecting inferences), il faut préciser que les deux évènements mis en relation peuvent être adjacents (comme le premier exemple cité précédemment) ou non (voir deuxième exemple) et que, dans la perspective où ils ne le sont pas, il arrive souvent qu’un évènement donné se trouve en lien avec le but poursuivi par le protagoniste de l’histoire. Si tel est le cas, le rétablissement – ou le rappel (reinstatement) – de ce but est essentiel à l’explication complète et cohérente de l’évènement en question et favorise, par conséquent, la construction d’une représentation fonctionnelle et cohérente de l’histoire, c’est-à-dire sa compréhension. L’exemple suivant, dans lequel il est possible de lire le bonheur ressenti par le vilain petit canard (l’évènement étant ici un sentiment de profond bien-être) alors qu’il a enfin trouvé ce qu’il cherchait, c’est-à-dire un milieu accueillant où il fait bon vivre, serait tout indiqué si le but poursuivi par ce protagoniste avait été explicitement mentionné dans l’histoire, ce qui n’est toutefois pas le cas : « Enfin, je me sens chez moi! Jamais je n’aurais rêvé d’un si grand bonheur quand j’étais le vilain petit canard. ». Voilà pourquoi ce dernier exemple s’applique plutôt à la prochaine catégorie d’inférence : l’inférence élaborative, qui nécessite d’inférer des évènements – au sens large du terme, ce qui inclut des idées, des états et, régulièrement, le ou les buts des personnages – qui ne sont pas explicitement énoncés dans le récit ou, dit autrement, de « lire » au-delà de ce qui est textuellement raconté. Toujours selon van den Broek (1990b), de nombreuses contraintes encadrent néanmoins ce type d’inférence : premièrement, l’inférence élaborative doit fournir l’information causale manquante; deuxièmement, elle doit être compatible avec l’information causale déjà disponible; troisièmement, elle doit être également compatible avec le contexte immédiat (les circonstances) de l’évènement dont on cherche la cause; quatrièmement et dernièrement, elle est fonction de la connaissance des évènements et de la causalité en général – ce qui inclut les connaissances sur le monde et l’expérience personnelle – de celui ou celle qui effectue

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l’inférence. Ainsi, l’extrait mettant en scène le vilain petit canard se questionnant sur l’origine de sa transformation en cygne constitue un autre exemple d’inférence élaborative devant être effectuée afin d’obtenir une représentation cohérente du récit Le vilain petit canard. Il en va de même pour celui où il est aperçu par les membres de sa première famille adoptive lors de son départ pour le Sud (voir le troisième exemple donné plus haut).

Les inférences prospectives, pour leur part, permettent des prédictions à propos d’évènements qui pourraient survenir dans le cadre du récit, cela à partir des évènements en amont. Bien que, selon van den Broek (1990b), elles ne soient pas essentielles à la construction d’une représentation cohérente d’un récit et à sa compréhension, elles peuvent tout de même y contribuer en facilitant le traitement d’évènements qui seront présentés ultérieurement.

Makdissi, Boisclair, Blais-Bergeron, Sanchez et Darveau (2010) se sont penchées sur l’acte de lire – qui est notamment, selon Giasson (1995), « […] un processus de construction de sens » (p. 13). Considérant le rôle fondamental joué par la macrostructure3 et les inférences, elles ont élaboré une représentation de cet acte, qui

sera ici généralisé aux différentes formes que peut prendre le récit (oral, écrit, audio, visuel ou audiovisuel) tout en gardant à l’esprit que, même dans le cas des récits qui ne sont pas écrits, l’aspect de la microstructure4 n’est pas totalement évacué. Par exemple,

bien que l’adulte prenne en charge l’identification des mots et des phrases lorsqu’il lit une histoire à un enfant, ce dernier doit tout de même saisir le sens général de ces unités – en relation les unes avec les autres – pour construire sa représentation globale du texte qui lui est lu. Néanmoins, selon la perspective de ces chercheures, le processus

3 Selon ces auteures, la macrostructure du texte vise l’organisation textuelle des différentes composantes

du discours. Elle permet notamment au lecteur de se faire une représentation globale du texte. En outre, ces macrocomposantes, explicitement présentes ou construites dans l’implicite, font partie prenante du récit. Celui-ci en est constitué.

4 La microstructure fait référence aux unités locales comme les phrases, les mots et les phonèmes.

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d’inférence se situe au cœur de la compréhension du récit, la macrostructure englobant la microstructure :

Lorsque l’adulte lit un texte au jeune enfant, ce dernier doit élaborer des inférences afin de se construire une représentation globale cohérente de la macrostructure du texte. Cette macrostructure n’est donnée d’emblée ni par les mots ni par les phrases en soi. (p. 152)

Dans cette optique, l’acte de compréhension et d’interprétation du récit prend appui sur la capacité à inférer ou à « construire les relations causales entre les évènements et [à] élaborer le sens des mots en relation syntaxique avec les autres […] » (Makdissi et al., 2010, p.152). Précisons que le processus d’inférence est lui-même soutenu par les connaissances sur le monde, le développement de la structuration du récit, le développement du langage et celui de la pensée.

Ce modèle d’analyse de l’acte de lire comporte quatre types d’inférences : les inférences causales intégratives, les inférences causales élaboratives, les inférences lexicales et les inférences anaphoriques. Dans ce modèle, les inférences causales intégratives permettent l’intégration des évènements ou des macrocomposantes en un tout cohérent; de façon plus précise, elles rendent possible l’établissement d’une relation causale entre deux évènements ou composantes du récit, qu’ils soient explicites ou implicites, contrairement aux « connecting inferences » de van den Broek. Les inférences causales élaboratives sont celles qui obligent la contribution supplémentaire de connaissances sur le monde non mentionnées dans le récit. Il convient de préciser que les inférences causales participent non seulement à la construction de la trame de l’histoire et à sa compréhension, mais contribuent à l’enrichir et à faire les ajustements qui s’imposent advenant un élément de surprise – ou même à détecter d’éventuelles anomalies. Il faut enfin ajouter que ces inférences peuvent aussi bien être réalisées de façon prospective – afin d’anticiper les causes ou les conséquences d’une action ou d’un évènement, puis la suite des évènements – que de façon rétrospective – ceci afin d’identifier les pré-conditions probables et les causes ou les conséquences possibles d’un évènement. Les

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inférences lexicales, pour leur part, permettent au lecteur ou à l’enfant qui se fait lire une histoire de trouver la signification d’un mot inconnu en s’appuyant à la fois sur ses connaissances sur le monde, sur celles relatives à la syntaxe et sur le contexte du récit. Semblables aux inférences lexicales, certaines inférences permettent au lecteur ou à l’enfant à qui l’adulte lit un texte de résoudre, toujours à partir de ses connaissances sur le monde, de celles relatives à la syntaxe et du contexte du récit, les problèmes de sens qui pourraient survenir lorsqu’un mot, employé dans un certain contexte, revêt un sens particulier – différent de la signification qu’on lui accorde habituellement –, conduisant ainsi au sens de la métaphore. Enfin, les inférences anaphoriques font référence à la mise en relation d’un pronom ou d’un groupe de mots, l’élément représentant, avec une idée ou une réalité exprimée dans le texte (une personne, un objet, une situation, etc.), l’élément représenté5. Si ce pronom ou ce groupe de mots renvoie à un référent

mentionné antérieurement, un antécédent, il s’agit alors d’une anaphore grammaticale. Il sera plutôt question de cataphore dans le cas où ce pronom ou ce groupe de mots sera en lien avec un référent mentionné ultérieurement dans le texte, qu’on appelle alors conséquent.

2.5. L’analyse de la macrostructure du récit

Alors que des chercheurs comme van den Broek (1990a, 1990b et 1997) ont procédé à l’analyse de récits selon un modèle connexionniste6 où étaient examinées les relations

5 Pour illustrer l’inférence anaphorique, voici deux exemples : 1) « Le louveteau avait peur. Il courut se

mettre à l’abri dans sa tanière. » Dans ce premier exemple, le pronom « il » fait référence au louveteau ; il représente l’animal, qui devient l’élément représenté. Comme ce pronom renvoie à un référent mentionné antérieurement, un antécédent, il s’agit donc d’une anaphore. 2) « Blessés, ils tentèrent de regagner leur campement. Les deux pauvres hommes mirent des heures avant d’y parvenir. » Dans ce second exemple, puisque le pronom « ils », l’élément représentant, renvoie à un référent mentionné ultérieurement dans le texte, le conséquent « les deux pauvres hommes », il s’agit alors d’une cataphore.

6 Dans ce modèle, chaque unité syntaxique autonome est généralement considérée comme un évènement,

de telle sorte que chaque phrase comportant un verbe conjugué constitue un élément du récit. Dans la phrase suivante, « Il est allé au marché pour acheter des légumes. », le groupe prépositionnel « pour acheter des légumes » pourrait cependant être considéré comme un évènement, ceci afin d’isoler – et, en quelque sorte, de mettre en évidence – le but poursuivi par le protagoniste.

Figure

Figure  2.  Arbre  de  décision  illustrant  la  ou  les  dimensions  incluses  dans  différentes  définitions formelles du récit, de Stein (1988)
Tableau 6: Prise des données
Tableau 7: Éléments constitutifs des récits produits par Théo

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