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Toxicité pulmonaire induite par les inhibiteurs de point de contrôle immunitaire (immunothérapie)

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ONCO-PNEUMOLOGIE

Spécialans

Toxicité pulmonaire induite par les inhibiteurs de point de contrôle immunitaire

(immunothérapie)

Toxicity pulmonary associated with immune checkpoints inhibitors treatment

Myriam Delaunay*, Grégoire Prévot*, Samia Collot**, Julien Mazières*

* Service de pneumologie, hôpital Larrey, centre hospitalier univer- sitaire, université Paul-Sabatier, Toulouse.

** Service de radiologie, hôpital Rangueil, centre hospitalier univer- sitaire, Toulouse.

L

es inhibiteurs de point de contrôle immunitaire (ICI) représentent la dernière grande avancée en oncologie et offrent désormais un nouveau paradigme pour le traitement de différents types de tumeurs solides avancées incluant en particulier les mélanomes, les cancers du poumon, les cancers de la vessie, les cancers rénaux, les cancers ORL ainsi que les lymphomes (1-3). Par conséquent, les ICI seront prescrits pour traiter une grande variété de cancers dans un avenir très proche. Le nombre de patients exposés à ces nouvelles immunothérapies augmentera également, faisant du profi l de toxicité une préoccupation majeure. Dans l’ensemble, les ICI présentent un profi l bénéfi ce/risque avanta- geux. Cependant, ils sont associés à un ensemble de toxicités spécifi ques mal connues en raison de leurs mécanismes d’action, appelés “effets indé- sirables liés au système immunitaire” (irAE), qui sont très différents des toxicités observées avec la chimiothérapie cytotoxique conventionnelle ou les thérapies ciblées. Il est important, pour tous les cliniciens qui prescrivent l’immunothérapie, de reconnaître précocement ces effets indésirables, de les évaluer cliniquement et de les prendre en charge, car ils peuvent entraîner une toxicité grave potentiellement mortelle.

Quelle est l’incidence de la toxicité pulmonaire associée aux ICI ?

Des pneumopathies interstitielles diffuses (PID) associées aux ICI ont été signalées dès les pre-

miers essais cliniques avec des inhibiteurs de PD-1/

PD-L1 et des inhibiteurs de CTLA-4, et confirmées dans les essais randomisés de phase III. L’incidence des PID tous grades de toxicité confondus était entre 1,4 % et 5,8 % dans les études sur le cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC), entre 1 % et 3 % dans les études sur le mélanome et entre 2,7 et 4,8 % dans le cancer rénal (4). Dans une méta-analyse de 2016, l’incidence globale de ces pneumopathies était estimée à 2,7 % pour tous les grades de toxicité et à 0,8 % pour le grade 3 ou plus (4). Deux séries récentes plus représen- tatives de la vie réelle ont décrit une incidence plus élevée de ces PID (5 % et 11,8 %, respecti- vement), mais incluaient des patients traités par associations d’immunothérapies (5, 6). Nous avons également réalisé une étude chez 64 patients ayant développé une PID sous ICI avec une incidence estimée à 3,5 (64/1 826) [7]. Il est établi que l’in- cidence est augmentée chez les patients traités par une association de 2 immunothérapies (6,6 %) [4].

Néanmoins, un essai clinique récent étudiant l’association chimiothérapie + immunothérapie (pembrolizumab) n’a pas rapporté d’augmentation du risque de PID (8). Une autre étude de quadri- thérapie associant platine, taxane, bévacizumab et anti-PD-L1 (atézolizumab) retrouve une incidence de 5 % de pneumopathie tous grades et de 2 % pour les grades 3/4 (9). De plus, l’administration d’un anti-PD-L1 (durvalumab) après radiochimio- thérapie concomitante chez les patients ayant un CBNPC localement avancé était associée à un taux acceptable de toxicité pulmonaire (3,4 % de grade 3/4 versus 2,6 % dans le bras placebo) [10].

J. Mazières M. Delaunay

(2)

» Il n’y a pas d’aspect radiologique spécifique. Les lésions radiologiques sont variées, avec une prédomi- nance d’opacités en verre dépoli et de condensation touchant plusieurs lobes.

» La toxicité pulmonaire doit être reconnue et traitée tôt car elle peut être mortelle : son traitement repose sur une corticothérapie.

» La prise en charge de la PID nécessite une collaboration entre pneumologues, radiologues et oncologues.

Immunothérapie Cancer

bronchopulmonaire Mélanome

Highlights

»Most of these interstitial lung disease (ILD) occurred during the first months of treatment and occurred in 3-5% of patients treated with ICI.

»A diagnosis of ILD is not straightforward ant the symp- toms are not specific. Broncho- alveolar lavage and distal biopsies can provide clues regarding immune-related pneumonitis, such as a high percentage of lymphocytes and their associated histological characteristics.

»There are no suggestive radiological features but ground class opacities, and condensations in several lobes are the most frequent basic lesions.

»Awareness of the radio- graphic and clinical manifesta- tions of ILD-associated immune checkpoint inhibitors is critical to obtain a prompt diagnosis and to manage properly this potentially fatal adverse event.

»This management requires a close collaboration between organ specialists and oncolo- gists.

Keywords

Interstitial pneumonitis Immune checkpoint inhibitors Immunotherapy

Lung cancer Melanoma

Comment prévoir et anticiper la toxicité pulmonaire ?

À l’heure actuelle, il n’y a pas de facteurs de risque clairement identifiés de PID sous ICI. Néanmoins, il semble que les patients suivis pour un CBNPC aient une incidence plus élevée comparativement à ceux ayant un mélanome (4,1 versus 1,6 % ; p = 0,002) [4], ainsi qu’un délai de survenue des PID plus précoce (6). Cela peut s’expliquer par le fait que ces patients ont davantage tendance à développer des toxicités pulmonaires du fait des comorbidités respiratoires fréquemment associées (tabagisme, bronchopneumopathie chronique obstructive [BPCO], emphysème, fibrose pulmonaire, etc.), mais aussi par le délai plus long entre les tomo- densitométries (TDM) de réévaluation. La masse tumorale peut aussi limiter la résistance pulmo- naire aux facteurs de stress exogènes et favoriser les toxicités (11). Une meilleure connaissance de cette toxicité va probablement être associée à un plus grand nombre de cas déclarés. Une récente étude a évalué l’utilisation du nivolumab chez des patients traités pour un CBNPC ayant une PID idiopathique.

Sur les 6 patients inclus, aucun n’a développé de PID. Ces résultats devront être confirmés sur de plus larges cohortes. Des paramètres tels que la BPCO ou l’antécédent de radiothérapie sont connus pour être associés à un risque plus élevé de PID chez les patients traités par inhibiteur de tyrosine kinase de l’Epidermal Growth Factor Receptor (EGFR-TKI) mais n’ont pas été démontrés avec les ICI. La radio- thérapie pourrait augmenter l’inflammation locale et la libération des antigènes du tissu pulmonaire, ce qui potentialise la toxicité pulmonaire (12). Il est important de considérer la fonction pulmonaire sous-jacente avant d’instaurer l’immunothérapie chez les patients présentant des comorbidités respi- ratoires. Une exploration fonctionnelle respiratoire de référence incluant une gazométrie, une spiro- métrie et un test au monoxyde de carbone peut être utile. Une autre méta-analyse suggère une inci- dence et une sévérité (grade 3-4) plus élevées sous anti-PD-1 que sous anti-PD-L1 (3,6 versus 1,3 % ; p = 0,001 et 1,1 versus 0,4 % ; p = 0,02, respective- ment) [13]. Certains auteurs proposent une hypo- thèse intéressante pour expliquer l’incidence des

PID plus faible sous anti-PD-L1 : l’utilisation d’anti- PD-L1 favorise la liaison de PD-1 avec son autre ligand, PD-L2, qui jouerait un rôle important dans la tolérance immunitaire pulmonaire. Une étude sur des modèles murins a montré que l’inhibition de PD-1 empêche la liaison avec ses différents ligands dont PD-L2, le rendant plus “disponible” pour se lier avec la protéine RGMB (Repulsive Guidance Molecule B), ce qui induit une réponse inflamma- toire lymphocytaire T et favorise les PID (14). De plus, l’incidence des PID semble plus élevée lors des bithérapies que lors des monothérapies. Les patients sous bithérapie doivent donc être particulièrement surveillés (4).

Les pathologies dysimmunitaires sont des contre- indications classiques à l’immunothérapie, à l’ex- ception des diabètes de type I, de l’hypothyroïdie requérant uniquement un traitement hormonal substitutif, et des pathologies cutanées (telles que le vitiligo, le psoriasis ou l’alopécie) ne nécessitant pas de traitement systémique. D.B. Johnson et al.

ont évalué, dans une revue rétrospective, la fré- quence des irAE chez des patients sous ipilimumab et suivis pour une maladie auto-immune. Ils ont inclus 30 patients avec atteinte dysimmunitaire (comme le lupus systémique érythémateux, le psoriasis, la thyroïdite auto-immune, etc.). Quinze patients (50 %) n’ont pas présenté d’exacerba- tion de la maladie auto-immune ni d’irAE. Huit patients (27 %) ont présenté une exacerbation de leur maladie auto-immune avec recours aux corti- coïdes. Une toxicité de grade 3 à 5, réversible, est survenue chez 10 patients sous corticostéroïdes et, pour 2 d’entre eux, sous infliximab (15). Pour les auteurs, l’immunothérapie pourrait être envisagée chez les patients ayant une maladie auto-immune avec un suivi très rapproché. Ces résultats doivent néanmoins être confirmés dans une plus grande cohorte prospective. Un cas clinique récent rap- porte même un bénéfice de l’immunothérapie sur la charge virale chez un patient porteur du VIH. Là aussi, des études prospectives sont nécessaires, et les patients ne doivent pas être traités en dehors de protocoles de recherche (16). Étant donné que la physiopathologie des toxicités dysimmunes n’est pas encore bien comprise, d’autres causes indirectes favorisant une dysimmunité doivent être identifiées,

(3)

ONCO-PNEUMOLOGIE Toxicité pulmonaire induite par les inhibiteurs de point de contrôle immunitaire (immunothérapie)

telles que les agents pathogènes opportunistes, les comédications et une exposition professionnelle toxique.

Comment diagnostiquer ?

Symptômes et délai d’apparition

Le diagnostic de PID associée aux ICI est délicat, car les symptômes ne sont pas spécifiques ; de plus, un diagnostic différentiel peut lui être opposé. Les signes les plus fréquents sont la toux et la dyspnée, symptômes peu spécifiques. Des râles crépitants peuvent être rapportés. Les cliniciens doivent main- tenir une surveillance rapprochée chez les patients qui manifestent de nouveaux symptômes respira- toires, en particulier pendant qu’ils reçoivent les ICI.

La plupart des PID se déclarent pendant les 3 pre- miers mois du traitement ; une attention par- ticulière doit donc être accordée au début du traitement. M. Nishino et al. ont décrit des PID associées aux ICI chez 20 patients traités pour cancer avancé (10 mélanomes, 6 lymphomes et 4 cancers du poumon), avec un délai médian de survenue de 2,6 mois (6). Dans la série de J. Naidoo et al. portant sur 43 cas de PID rapportés chez des patients traités majoritairement pour CBNPC ou un mélanome, le délai médian de survenue était de 2,8 mois (5). Nous avons mené une étude impliquant 24 centres : l’incidence des PID associées aux ICI était de 3,5 % (64/1 826) chez des patients traités majori- tairement pour un CBNPC (n = 45) ou un mélanome métastatique (n = 13). Le délai médian était de 2,3 mois, et il était plus précoce chez les patients suivis pour un CBNPC (2,1 mois) que chez ceux traités pour un mélanome (5,2 mois) [p = 0,02] (7).

Aspects radiologiques

La progression tumorale, l’infection sous-jacente ou encore l’embolie pulmonaire sont des compli- cations fréquemment observées dans les cancers du poumon et d’autres tumeurs solides. Nous recommandons vivement d’effectuer un scanner du thorax injecté en coupes fines pour éliminer tout diagnostic différentiel et fournir des arguments en faveur d’une PID associée aux ICI. Les dysfonctions ventriculaires gauches doivent aussi être écartées dans ce contexte.

Les lésions scanographiques le plus fréquemment décrites sont le verre dépoli et les condensations.

Dans la série de M. Nishino et al., l’analyse radiologique montrait un aspect évocateur de pneumopathie orga- nisée (PO) dans 65,5 % des cas, de pneumopathie interstitielle non spécifique (PINS) dans 15 % des cas et de pneumopathie d’hypersensibilité (PHS) dans 10 % des cas (6). Dans l’étude de J. Naidoo et al., les aspects radiologiques les plus courants étaient les opacités en verre dépoli dans 37 % des cas, les PO dans 19 % et les PHS dans 22 % des cas (5). Dans notre série, nous avons décrit 23 % de PO, 16 % de PHS et 36 % d’“inclassables” (7) [figures 1 et 2].

Critères cyto-anatomopathologiques De plus, nous pensons que la bronchoscopie souple avec lavage bronchoalvéolaire (LBA) et biopsies distales est d’un grand intérêt pour éliminer une infection ou une progression tumorale et donner des indices concer- nant la PID, comme un pourcentage élevé de lympho- cytes, et certaines caractéristiques histologiques de la biopsie, comme un infiltrat lymphocytaire T.

Des cas de la littérature rapportent une augmen- tation du nombre de lymphocytes T activés dans le LBA des patients ayant une PO par rapport aux sujets témoins normaux, ce qui suggère que les lym- phocytes T peuvent jouer un rôle important dans la pathogenèse de cette maladie (17). La présence de lymphocytes dans le LBA et l’amélioration clinique rapide observée après l’administration de cortico- stéroïdes ou le retrait du traitement suggèrent un mécanisme immunitaire à l’origine de la PID (18).

Les récentes recommandations de l’European Society for Medical Oncology (ESMO) proposent une biopsie pulmonaire chirurgicale vidéo-assistée pour confirmer le diagnostic (19). De notre point de vue, il paraît difficile de proposer une biopsie chirurgicale dans ce contexte, et des biopsies trans- bronchiques semblent suffisantes dans la majorité des cas. Enfin, certaines présentations radiocliniques typiques sans argument en faveur d’une infection peuvent être traitées sans preuve endoscopique.

Comment traiter ?

La toxicité pulmonaire doit être reconnue et traitée tôt, car elle peut être fatale. Il n’existe pas de recom- mandation validée pour la prise en charge des PID associées aux ICI, et la prise en charge est habituel- lement guidée par l’expérience clinique et les études cliniques. La Société d’immunothérapie anticancé- reuse (SITC) a récemment proposé des recomman-

(4)

Pneumopathie organisée

“Inclassable” Myosite

diaphragmatique

Pneumopathie d’hypersensibilité Granulomes

sarcoïdes-like

Pneumopathie interstitielle diffuse non spécifique Figure 1. Principales toxicités pulmonaires liées aux ICI.

Études Naidoo et al. (5) Nischino et al. (6) Delaunay et al. (7)

Grade de sévérité des PID (CTCAE 4:0)

Grade 1 Grade 2 Grade 3 Grade 4 Grade 5 Patterns radiologiques

2 %

19 %PO

24 %PO

65 %PO Inclassable

15 %

Inclassable PHS 36 %

22 % PHS

16 % 10 %PHS

SDRA10 %

15 %PINS

PINS8 % PINS + PO

10 %

37 %VD Interstitiel

7 %

Bronchiolite, 6 % 9 %

9 %

27 % 39 % 2 % 16 %

23 % 25 %

25 %

50 % 33 %

40 %

PHS : pneumopathie d’hypersensibilité ; PINS : pneumopathie interstitielle non spécifique ; PO : pneumopathie organisée ; SDRA : syndrôme de détresse respiratoire aigüe ; VD : verre dépoli.

Figure 2. Grade de sévérité et aspects radiologiques : synthèse d’une comparaison entre 3 études (5-7).

(5)

ONCO-PNEUMOLOGIE

Nouveaux symptômes respiratoires (toux, dyspnée..)

TDM thoracique SPC et APC

Absence de nouvelles lésions Apparition de nouvelles

lésions

Éliminer les diagnostics différentiels*

(tests microbiologiques, ETT, endoscopie bronchique)

Diagnostics

différentiels Forte suspicion de PID médicamenteuses

✓ Traitement symptomatique

✓ Poursuite de l’immunothérapie

✓ Discuter une réévaluation par TDM à 3 semaines

✓ Traitement étiologique

✓ Discuter la poursuite de l’immunothérapie

✓ Évaluation par TDM à 3 semaines

✓ Traitement selon le grade de sévérité

* Progression tumorale, infections, embolie pulmonaire ou dysfonction cardiaque.

Figure 3. Proposition d’arbre décisionnel pour la prise en charge des PID associées aux ICI.

Trouble caractérisé par une inflammation

focale ou diffuse du parenchyme pulmonaire Grade de sévérité

(CTCAE 4:0) Grade 1

Symptomatique ; nécessitant un Symptomatique ;

nécessitant un Symptomatique ;

traitement médical ; interférant avec

les activités instrumentales

de la vie quotidienne

Grade 2 Symptômes sévères ;

interférant avec les Symptômes sévères ; interférant avec les Symptômes sévères ; activités élémentaires de la vie quotidienne ; oxygénothérapie de la vie quotidienne ;

oxygénothérapie de la vie quotidienne ;

requise oxygénothérapie

requise oxygénothérapie

Grade 3 Symptômes sévères ;

interférant avec les Symptômes sévères ; interférant avec les Symptômes sévères ; activités élémentaires

de la vie quotidienne ; oxygénothérapie quotidienne ; oxygénothérapie quotidienne ;

requise oxygénothérapie

requise oxygénothérapie

Grade 4 Atteinte respiratoire mettant en jeu le pronostic vital ;mettant en jeu le pronostic vital ;mettant en jeu

nécessitant le pronostic vital ;

nécessitant le pronostic vital ;

une prise en charge une prise en charge une prise en urgence Arrêt de

l’immunothérapie Traitement symptomatique : oxygène, antibiothérapie

Corticostéroïdes À discuter

à faible dose Dose

(0,5 à 1 mg/kg) Forte dose

(2 à 4 mg/kg) Forte dose (4 mg/kg ou bolus i.v.) Rechallenge*

TDM après 3 semaines

* Après résolution des symptômes et discussion en RCP dédiées.

Figure 4. Proposition de prise en charge des PID associées aux ICI en fonction du grade de sévérité.

Toxicité pulmonaire induite par les inhibiteurs de point de contrôle immunitaire (immunothérapie)

dations pour standardiser les prises en charge des irAE (20). Le traitement des PID se fonde sur les corticoïdes systémiques. Pour les grades 1 asymp- tomatiques, nous proposons soit une surveillance très rapprochée, soit l’instauration d’un traitement par corticoïdes faible dose (entre 0,5 mg/kg et 1 mg/ kg).

Pour les grades 2, la corticothérapie s’impose aux mêmes doses. Pour les grades 3 et plus, une corticothérapie à forte dose, 2 à 4 mg/ kg, est recom- mandée. On peut également discuter des bolus de corticoïdes i.v. dans les cas les plus sévères. Dans tous les grades, une réévaluation scanographique à 3 semaines est recommandée. La décroissance des corticoïdes doit être prudente et lente (> 6 semaines).

Des rechutes des PID ont été rapportées pendant la décroissance des corticoïdes. L’ajout d’immunosup- presseurs de type infl iximab ou cyclophosphamide a été proposé dans les essais et par la Food and Drug Administration, initialement chez les patients traités par ipilimumab et surtout pour les cas de toxicité digestive à type de colite et, plus récemment, dans les recommandations proposées par la SITC. Un récent cas clinique suggère qu’une anti-interleukine 17 pour- rait améliorer les irAE cutanés et digestifs (21). Dans la série de J. Naidoo et al., une immunosuppression supplémentaire par infliximab ou cyclophospha- mide a été ajoutée chez 5 des patients pour qui le traitement par corticoïdes à haute dose n’a pas été suffi sant. Néanmoins, l’utilisation de ce type d’im- munosuppresseurs n’est pas sans risque, notamment infectieux. En effet, des cas d’infections opportunistes sévères ont été décrits : par exemple, dans la série de J. Naidoo et al., sur les 5 patients ayant reçu un traitement immunosuppresseur de type anti-TNF, 3 sont décédés de complications infectieuses, dont une pneumopathie à Pseudomonas aeruginosa , une infection à Herpès et un cas de mucormycose (5). Le risque infectieux et la toxicité pulmonaire même des anti-TNF ainsi que le manque de connaissances sur les mécanismes physiopathologiques de ces toxicités rendent l’utilisation de ces immunosuppresseurs dans la prise en charge de la toxicité pulmonaire particuliè- rement complexe et peu recommandable. Les dossiers les plus complexes doivent bénéfi cier de discussions multidisciplinaires, éventuellement dans des réunions de concertation pluridisiciplinaire (RCP) dédiées.

On peut également envisager l’ajout d’une anti- biothérapie prophylactique en attendant les résul- tats microbiologiques ainsi qu’en cas de traitement immunosuppresseur prolongé, notamment pour couvrir le risque de pneumocystose (fi gures 3 à 5) .

Est-il possible de réintroduire l’immunothérapie après résolution de la PID ?

J. Naidoo et al. rapportent 12 cas de réintroduc- tion de l’immunothérapie (“rechallenge”). Neuf

(6)

à l'initiation TDM de l'immunothérapie

Diagnostic de la PID

Après 1 mois de corticostéroïdes

Figure 5. Exemples d’évolution de la PID sous traitement.

patients n’ont pas eu de récidive de la PID pendant le rechallenge, alors que 3 ont eu une rechute (5). Nous rapportons dans notre série 10 cas de rechallenge.

Une rechute de la PID a été décrite dans 3 cas, traitée par un arrêt de l’immunothérapie et une reprise de la corticothérapie (7). Actuellement, il n’y a pas de recommandations concernant le rechallenge. Chaque cas droit être discuté en RCP dédiée, en tenant compte du rapport bénéfice/risque et du risque attendu. Une couverture par corticoïdes à faible dose (10 mg) peut être envisagée.

Autres types de toxicités

Certains auteurs ont décrit, sous ipilimumab, nivo- lumab et pembrolizumab, des granulomes sar- coïde-like entourés d’un anneau inflammatoire à prédominance lymphocytaire T CD4+ et peu de lymphocytes T régulateurs, comme décrit dans la sarcoïdose (22-24). Fait intéressant, des lésions de pneumopathie organisée couramment observées dans les PID médicamenteuses étaient associées aux lésions de sarcoïdose (23). Ces 2 entités résultent d’une réponse immunitaire incontrôlée Th1 mais ne coexistent pas habituellement. Ces résultats sou- lignent encore une fois la possibilité d’un probable mécanisme immunologique à l’origine de la toxicité sous ICI.

À noter également, dans la littérature, 2 cas de tuberculose chez des patients traités par anti-PD-1 pour un lymphome et un CBNPC. Ces 2 cas de tuberculose survenaient en l’absence de toxicité à l’immunothérapie et de traitement immuno- suppresseur (25).

Deux cas de myosite diaphragmatique ont été rap- portés sous anti-PD-1 en monothérapie et avec une bithérapie par anti-PD-1 et anti-CTLA-4. Dans le premier cas, l’anti-PD-1 est à l’origine d’une insuffi- sance respiratoire aiguë par une myosite nécrosante du diaphragme (26). Dans le second cas, la bithé- rapie a provoqué une hypoventilation fatale (27).

Un cas d’aspergillose bronchopulmonaire aller- gique a été rapporté. Les auteurs décrivent un taux élevé d’immunoglobulines E totales et spécifiques d’Aspergillus fumigatus. Le patient a été traité par itra conazole et corticoïdes avec une bonne effi- cacité (28).

Quel est l’impact des irAE sur l’évolution ?

La prochaine étape sera de déterminer si les irAE peuvent être corrélés à la réponse au traitement.

Des études rétrospectives ont montré un taux supé- rieur de réponse au traitement chez les patients avec irAE. Une étude (OAK) a évalué le bénéfice de

(7)

ONCO-PNEUMOLOGIE Toxicité pulmonaire induite par les inhibiteurs de point de contrôle immunitaire (immunothérapie)

l’atézolizumab (anti-PD-L1) chez les patients avec ou sans irAE. Il semble que la survie globale soit plus favorable chez les patients ayant présenté un irAE (HR = 0,79 ; IC95 : 0,60-1,05) [29].

Organisation

Les patients doivent être informés, d’une part, que la plupart de ces irAE sont réversibles s’ils sont détectés tôt et spécifiquement traités, d’autre part, qu’ils doivent connaître les signes d’alerte des principales toxicités d’organes (30). Des programmes d’édu- cation thérapeutique peuvent être utiles pour une gestion optimisée des toxicités. Des RCP dédiées, locales, régionales ou nationales, avec des spécia- listes d’organes pourraient être développées afin de faciliter les collaborations pour la gestion de ces toxicités.

Conclusion

Devant l’absence de facteurs de risque clairement identifiés, la connaissance des patterns radiologiques et des manifestations cliniques des PID associées aux ICI est essentielle pour le diagnostic rapide et la gestion de cet effet indésirable potentielle- ment grave. Le LBA et les biopsies pulmonaires per endoscopiques peuvent affiner le diagnostic en permettant d’exclure une infection pulmonaire et en montrant une alvéolite lymphocytaire. Une prise en charge précoce est généralement associée à une évolution favorable et nécessite une collaboration entre pneumologues, radiologues et oncologues.

Des études supplémentaires sont nécessaires afin de mieux comprendre les caractéristiques cliniques ainsi que les facteurs de risque et d’identifier les mécanismes physiopathologiques à l’origine de ces

toxicités. ■

M. Delaunay déclare avoir des liens d’intérêts avec Roche, BMS, MSD (participation à des congrès).

G. Prévot et S. Collot déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

J. Mazières déclare avoir des liens d’intérêts avec BMS, MSD, AstraZeneca, Roche, Pfizer (participation à des boards et/ou financement de la recherche).

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