La Lettre d'Oto-Rhino-Laryngologie • N° 347 - octobre-novembre-décembre 2016 |
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REVUE DE PRESSE
dirigée par le Dr M. François
Commentaire
Il est fréquent, en consultation, de rencontrer des patients réticents à utiliser les sprays endonasaux de corticoïdes sous prétexte que leur ophtalmo- logiste leur a expliqué que ce traitement risquait d’entraîner un glaucome ou d’augmenter la pres- sion intraoculaire. À nous, ORL, de leur affirmer que la littérature a largement démenti cette assertion.
Référence bibliographique
Ahmadi N, Snidvongs K, Kalish L et al. Intranasal cor- ticosteroids do not affect intraocular pressure or lens opacity: a systematic review of controlled trials. Rhinology 2015;53(4):290-302.
Méta-analyse : l’application endonasale
de corticostéroïdes n’a pas d’effet sur la pression intraoculaire ni sur l’opacité du cristallin
Les effets indésirables liés à l’usage prolongé de la corticothérapie systémique, même inhalée, ne sont plus à démontrer, notamment ceux qui affectent l’œil. En revanche, l’effet des cortico- stéroïdes en spray endonasal est mal connu des praticiens. L’ensemble des études sélectionnées dans cette méta-analyse s’est intéressé à l’action de différents corticostéroïdes en spray utilisés dans les rhinosinusites chroniques sur l’opacité du cristallin et la pression intraoculaire.
Les auteurs ont retenu 19 études sur 660 analysées, ce qui représentait 4 376 patients. Parmi ces études sélectionnées, 10 étaient prospectives (groupe traité versus groupe placebo). Trois études incluaient des enfants de moins de 12 ans. Toutes ces études concluent à l’innocuité des corticoïdes en spray sur la pression intraoculaire et l’opacité du cristallin. Les auteurs rajoutent que les dernières générations de molécules, comme le propionate de fluticasone, le furoate de mométasone, le ciclésonide et le furoate de fluticasone ont de très bonnes propriétés pharmacodynamiques avec une élimination systémique très rapide et un premier passage sanguin inférieur à 0,02 %. Dr Wissame El Bakkouri, Paris.
Commentaire
Il est nécessaire, lors de la première consultation d’un patient atteint de RSC, qu’elle soit polypoïde ou non, de s’intéresser à la présence de troubles du sommeil. Une polygraphie du sommeil peut se justifier si le score d’Epworth est supérieur à 10.
Référence bibliographique
Jiang RS, Liang KL, Hsin CH, Su MC. The impact of chronic rhinosinusitis on sleep-disordered breathing. Rhinology 2016;54(1):75-9.
Impact de la rhinosinusite chronique sur la qualité du sommeil
Les troubles du sommeil (ronflements, difficultés d’endormissement, syndrome d’apnées obstructives du sommeil [SAOS], etc.) sont un problème connu des patients atteints de rhinosinusite chronique (RSC). Les auteurs rappellent dans l’introduction que non seulement l’effet mécanique de l’obstruction nasale chronique explique ces problèmes de sommeil, mais également l’existence de médiateurs de l’inflammation présents dans la RSC. Le but de cette étude a été d’évaluer la relation entre RSC et SAOS en utilisant les questionnaires de qualité de vie SNOT-20, Epworth ; une rhinomanométrie acoustique et une polygraphie du sommeil ont également été réalisées. Entre 2010 et 2015, 139 patients ont été inclus dans l’étude. Parmi eux, 38 % présentaient des troubles du sommeil. La prévalence du SAOS était supérieure dans la population de patients atteints de RSC comparée à la population générale. La survenue de SAOS ne semblait pas corrélée à la sévérité de la RSC, ni à la présence de polypes endonasaux. La sévérité du SAOS n’était pas statistiquement corrélée à l’importance du score du SNOT-20, au grade endoscopique, au résultat du scanner des
sinus et au degré d’obstruction nasale. W. El B.
Méta-analyse à propos des tympanoplasties de type 1
L’objectif de cette étude était de définir, à travers une méta-analyse, les variables pouvant influencer les résultats des tympanoplasties de type 1 dans les populations adulte et pédiatrique.
Les variables étudiées étaient l’âge du patient, la durée du suivi postopératoire, la nature du greffon utilisé, la cause de la perforation tympanique, sa taille et sa localisation, l’état inflammatoire de l’oreille moyenne et la technique chirurgicale employée (positionnement du greffon en overlay, underlay ou inlay). Les auteurs ont retenu, parmi 4 704 articles lus, 214 articles publiés sur les sites de PubMed et de Cochrane entre 1966 et 2014 en utilisant les termes “tympanoplastie”
ou “myringoplastie”, ce qui représentait 26 097 patients. Le succès opératoire, défini par une fermeture du tympan, était rapporté dans 86,6 % des cas. Les échecs étaient plus fréquents chez les enfants, surtout avant l’âge de 12 ans, et lorsque la taille de la perforation dépassait 50 % de la surface totale du tympan. La localisation antérieure de la perforation et l’existence d’une inflammation de l’oreille moyenne associée influaient de manière non significative sur le risque d’échec. La technique de positionnement du greffon en underlay était utilisée dans 75,5 % des cas, mais c’est la technique en overlay qui donnait les meilleurs résultats. Les études
W. El Bakkouri déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
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Résultats à long terme des reprises de tympanoplastie en technique ouverte
avec comblement attico-mastoïdien chez l’adulte
Dans cette étude rétrospective, les auteurs ont montré leurs résultats sur 50 patients opérés entre 1998 et 2009 d’une reprise de cavité d’évidement instable. Les motifs de la reprise chirurgicale étaient : otorrhée intarissable, nettoyages répétés de la cavité d’évidement, vertiges invalidants, appareillage auditif difficile à adapter et récurrence du cholestéatome. Un comblement attico-mastoïdien par “bone pâté” (mélange de poudre d’os et de rifamycine) associé à la reconstruction du mur postérieur du conduit auditif externe (CAE) a été réalisé dans tous les cas. Les résultats audiométriques pré- et postopératoires n’étaient pas significa- tivement différents. Dans 94 % des cas, l’aspect otoscopique postopératoire était satisfaisant.
Quatre cas d’affaissement secondaire du CAE avec accumulation de squames épidermiques ont été rapportés, ainsi que 2 cas de récurrence du cholestéatome. Les auteurs soulignent la nécessité d’un suivi postopératoire prolongé clinique et par IRM afin de détecter les récidives
du cholestéatome. W. El B.
Commentaire
Pour les auteurs, la reconstruction systématique du mur du facial après technique ouverte devrait être faite afin d’éviter l’évolution vers les complications des cavités d’évidement que nous connaissons. Le comblement des cavités mastoïdiennes par “bone pâté” favorise la néo-ostéogenèse et ne gêne pas l’interprétation d’une éventuelle IRM demandée pour la recherche à distance des récurrences du cholestéatome.
Référence bibliographique
Vercruysse JP, van Dinther JJ, De Foer B et al. Long-term Results of Troublesome CWD Cavity Reconstruction by Mastoid and Epitympanic Bony Obliteration (CWR-BOT) in Adults. Otol Neurotol 2016;37(6):698-703.
Commentaire
Une perforation tympanique de plus de 50 % de la surface du tympan, a fortiori antérieure, séquellaire d’une otite chronique ouverte a un taux d’échec non négligeable. Cela doit être parfaitement expliqué au patient afin qu’il ne soit pas déçu après l’opération s’il y a un échec, même partiel. Opérer un enfant de moins de 12 ans d’une perforation tympanique, surtout séquellaire de phénomènes inflammatoires, peut également exposer à l’échec, et l’indication doit bien être posée.
Référence bibliographique
Tan HE, Santa Maria PL, Eikelboom RH, Anandacooma- raswamy KS, Atlas MD. Type I Tympanoplasty Meta-Analysis:
A Single Variable Analysis. Otol Neurotol 2016;37(7):838-46.
Commentaire
La question soulevée par cet article est l’interpréta- tion que l’on ferait de l’absence de VEMP chez un sujet en cours d’exploration pour bilan de vertiges.
Faudrait-il lui faire un Mini-Mental Test afin de dépister un déclin cognitif ? Faudrait-il répéter les examens dans le temps ?
Référence bibliographique
Harun A, Oh ES, Bigelow RT, Studenski S, Agrawal Y.
Vestibular Impairment in Dementia. Otol Neurotol 2016;37(8):1137-42.
sélectionnées ne rapportaient pas systématiquement les résultats audiométriques postopéra- toires (83 études sur 214). Le Rinne audiométrique était fermé (moins de 10 dB) chez 42,5 % des patients, la majorité d’entre eux ayant un Rinne postopératoire entre 20 et 30 dB. Seules 44 études rapportaient des complications postopératoires (récidive de perforation tympanique [11,9 % des cas], nécessité de chirurgie de révision [11,4 % des cas], émoussement de l’angle tympanoméatal antérieur [6,7 % des cas], latéralisation du tympan [4,2 % des cas]). La réalisation d’une masto-antro-atticotomie d’aération au cours de la tympanoplastie n’a pas été retenue par les auteurs comme une variable à étudier. À la lecture de la littérature, ce facteur n’influe pas de manière significative sur les résultats postopératoires, notamment dans les perforations tympaniques séquellaires d’otite chronique ouverte suppurée.
En conclusion, les auteurs rappellent les variables associées au succès des tympanoplasties, mais soulignent les limites de cette méta-analyse : l’absence de suivi postopératoire supérieur à 12 mois, des résultats audiométriques souvent manquants et un défaut d’analyse des
complications postopératoires. W. El B.
Déficit vestibulaire et démence
Il a été constaté que les sujets atteints de déficit vestibulaire développent des déficits de reconnaissance spatiale, ce qui a été corroboré par les imageries cérébrales : l’involution de l’hippocampe en est un exemple. Ces observations ont été faites chez des sujets atteints de déficit cognitif (DC), ce qui explique la motivation des scientifiques à rechercher un lien entre déficit vestibulaire et DC. Dans cette étude, 47 patients atteints de maladie d’Alzheimer (n = 32) ou d’un DC léger (n = 15) ont bénéficié d’explorations vestibulaires : potentiels évoqués vestibulaires myogéniques (VEMP), pour l’étude du saccule et de l’utricule, et réflexe vestibulo-oculaire (VOR) pour l’étude des canaux semi-circulaires horizontaux.
Les résultats ont été comparés à ceux d’une série de 94 patients contrôles, appariés par l’âge. Les sujets atteints de maladie d’Alzheimer avaient des VEMP absents ou d’amplitude diminuée comparativement au groupe contrôle. Pour le DC léger, les auteurs n’ont pas retrouvé de lien avec le VEMP. Il n’y avait pas de lien entre modification du VOR et DC ou maladie d’Alzheimer. Ces résultats corroborent ceux retrouvés dans la littérature : il y a un lien entre système vestibulaire périphérique et centres de la mémoire et de l’orientation spatiale, en particulier au niveau hippocampique. Dans la maladie d’Alzheimer, l’atrophie de l’hippocampe est un signe d’imagerie spécifique de la maladie, et les relations bien démontrées entre hippocampe et système vestibulaire périphérique permettent de relier cette pathologie et déficit vestibulaire. En conclusion, les auteurs espèrent trouver le lien de causalité direct entre système vestibulaire et DC afin de peut-être proposer une action thérapeutique préventive qui permettrait de ralentir l’évolution vers le DC. W. El B.