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Rebond, un essai de prise en charge du décrochage précoce dans le supérieur

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Rebond, un essai de prise en charge du décrochage précoce dans le supérieur Romainville, Marc Published in: inDirect Publication date: 2006 Document Version

Première version, également connu sous le nom de pré-print

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Citation for pulished version (HARVARD):

Romainville, M 2006, Rebond, un essai de prise en charge du décrochage précoce dans le supérieur. Dans

inDirect: les clés de la gestion scolaire. VOL. 2006,4, Wolters Plantyn, Waterloo, p. 41-55.

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Paru dans la revue

InDIRECT, Les clés de la gestion, 4, 41-55 (2006)

« REBOND » : un essai de prise en charge du

décrochage précoce dans le supérieur

En 2002, une expérience innovante d’accompagnement d’étudiants en décrochage précoce a été lancée par l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur du Namurois, sous le nom de formation « REBOND ». En trois ans, plus de 150 étudiants ont bénéficié de cette formation. Le présent article se propose de dresser un bilan des trois premières années de REBOND, en retraçant l’origine du projet, en présentant brièvement sa philosophie et son contenu et en cherchant à identifier ses forces et ses faiblesses, à la fois sur un plan pédagogique, organisationnel et institutionnel.

1. L’ORIGINE DU PROJET : LE DÉCROCHAGE PRÉCOCE

À la suite de l’explosion de ses effectifs, l’enseignement supérieur a été confronté à une série de nouveaux problèmes. En particulier, de nombreux jeunes s’y engouffrent désormais, alors qu’ils ne disposent pas d’un projet de formation très explicite et très construit. Une des conséquences de cette évolution réside dans le développement d’un phénomène nouveau, le décrochage précoce dans le supérieur : une part non négligeable des étudiants de première année se sentent rapidement « hors course » et abandonnent, explicitement ou implicitement, leurs études (Galley & Droz, 1999 ; Peelo & Wareham, 2002 ; Romainville, 2000). Leur second semestre se transforme en un temps d’attente dont ils ne tirent aucun profit, du fait, notamment, que l’enseignement supérieur est encore organisé sur une base annuelle. L’année suivante, un certain nombre d’entre eux vont rencontrer des difficultés similaires, puisque leur nouveau choix de filière n’aura pas fait l’objet de réflexions beaucoup plus poussées que leur premier. L’échec risque alors de se reproduire.

Les nombreuses activités de promotion de la réussite que les établissements mettent en place touchent peu ce public des décrocheurs précoces puisqu’elles visent, en définitive, à accompagner l’étudiant en difficulté, de manière à augmenter ses probabilités de réussite dans la filière de son premier choix. La remédiation, le tutorat et l’étalement cherchent à donner un coup de pouce aux étudiants « à risques », c’est-à-dire ceux qui sont susceptibles de basculer vers la réussite. Désorientés et préoccupés surtout par leur nouveau choix de filières, les étudiants en décrochage n’y trouvent, quant à eux, pas de réponse à leurs interrogations.

C’est face à ce constat de besoins non couverts d’une population spécifique et non négligeable d’étudiants que les établissements namurois d’enseignement supérieur ont décidé d’élaborer un projet original et innovant d’accompagnement de ces étudiants.

2. UN PARTENARIAT INTERRÉSEAUX

Puisque l’objectif de REBOND était d’apporter un soutien aux étudiants du supérieur namurois, c’est tout naturellement sur la base d’un regroupement géographique et donc interréseaux que s’est d’emblée constitué le groupe de travail chargé d’élaborer le dossier. Au total, REBOND est le fruit d’une collaboration entre les 11 établissements suivants :

 les 7 établissements d’enseignement supérieur de plein exercice situés en province de Namur :

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∗ la FUSAGx (Faculté Universitaire des Sciences Agronomiques de Gembloux) ; ∗ l’HEAJ (Haute École Albert Jacquard) ;

∗ l’HEC (Haute École Charlemagne) ;

∗ l’HENaC (Haute École Namuroise Catholique) ; ∗ l’HEPN (Haute École de la Province de Namur) ;

∗ l’IESN (Haute École d’Enseignement Supérieur de Namur).  et 4 établissements d’enseignement de promotion sociale de Namur

∗ l’ESA (École Supérieure des Affaires) ;

∗ l’IEPSCF (Institut d'Enseignement de Promotion Sociale de la Communauté Française de Namur) ;

∗ l’IPFS (Institut Provincial de Formation Sociale) ; ∗ l’ITN (Institut Technique de Namur).

3. PRINCIPES ET PUBLIC CIBLE

Quatre exigences originales avaient été définies dans le cahier des charges élaboré par les établissements partenaires. Elles devaient assurer la cohérence du projet. À côté des remédiations portant sur des compétences transversales, ce cahier des charges insistait sur l’importance de remédiations disciplinaires spécifiques. En effet, l’échec est parfois imputable à une inadéquation entre, d’une part, les connaissances et les compétences de départ de l’étudiant et, d’autre part, les prérequis disciplinaires des formations.

Par ailleurs, une telle formation nous semblait devoir être très individualisée et se fonder sur un jeu souple de modules, dont une partie serait optionnelle. L’étudiant devrait ainsi pouvoir se construire un programme de formation « à la carte », correspondant à ses faiblesses, lacunes et souhaits propres.

De plus, la validation du nouveau projet de formation de l’étudiant exigeait, à nos yeux, que ce dernier puisse suivre quelques activités d’enseignement de la filière vers laquelle il envisage de se réorienter.

Enfin, les établissements d’enseignement supérieur de plein exercice souhaitaient conserver la responsabilité de la formation offerte aux étudiants et y participer activement, notamment par le biais du « conseiller à la formation » (cf. 4).

Pour avoir accès à la formation REBOND, l’étudiant doit répondre aux caractéristiques suivantes :

 être régulièrement inscrit dans une première année d’enseignement supérieur d’un des établissements partenaires ;

 être en décrochage, c’est-à-dire ne plus se sentir à sa place dans le cursus et/ou ne plus avoir subjectivement beaucoup de chances de réussir dans ce cursus ;

 souhaiter mettre à profit le reste de l’année académique pour préparer sa réorientation ou son insertion professionnelle ;

 s’y inscrire sur base volontaire. 4. CONTENU DE LA FORMATION

Chaque étudiant qui s’engage dans la formation REBOND reste inscrit dans son établissement supérieur d’origine et prend une inscription complémentaire en promotion sociale. Cette dernière assure deux volets de la formation (cf. ci-dessous, volets A et C du programme). La formation a lieu au second semestre. Elle débute en février, pour se terminer

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à la fin mai. Dans chaque institution, un « conseiller à la formation » est chargé du suivi des étudiants REBOND provenant de cette institution. Cette personne assume les tâches suivantes :

 l’information à propos de la formation REBOND auprès des étudiants de première année et auprès des responsables pédagogiques de son établissement d’origine ;

 le conseil, l’aide à l’orientation et le suivi des étudiants REBOND issus de son établissement, y compris la gestion des activités de validation de leur nouveau projet d’études (cf. volet B du programme décrit ci-dessous).

De manière à créer un esprit de groupe propice à la restauration de la motivation des étudiants décrocheurs accueillis à REBOND, la formation se déroule principalement sur un site unique, proposé par l’un des établissements d’enseignement de promotion sociale. Pour les trois premières années, la formation REBOND s’est déroulée au Campus provincial de Namur, siège de l’Institut Provincial de Formation Sociale.

Le contenu de la formation a varié en cours de projet. Il a notamment été revu à la suite de la suppression de la subvention accordée jusque 2005 par le Ministère de l’enseignement supérieur1. À partir de 2006, le projet ne fonctionne plus que sur fonds propres, chacun des établissements ayant accepté de mettre à disposition de REBOND un certain nombre de ressources en termes de personnel et d’encadrement. Dans ces nouvelles conditions et même si le premier de nos principes évoqués ci-dessus était ainsi mis à mal, il n’a malheureusement pas été possible de conserver l’offre diversifiée d’unités de formation visant à assurer des mises à niveau disciplinaires en mathématiques et physique, chimie et biologie, sciences humaines et sciences sociales, orthographe et langues étrangères.

La formation comporte donc, à partir de 2006, trois volets distincts : A. « Projet de formation et/ou professionnel » (1 demi-jour / semaine)

L’objectif de ce premier module est d’aider le jeune à construire un projet d’études ou un projet professionnel.

B. Activités de validation du projet (1 jour / semaine)

Par diverses activités comme des stages en milieu professionnel ou la participation à des cours représentatifs de la filière vers laquelle compte se réorienter l’étudiant, l’objectif est de vérifier la solidité du projet qu’il élabore au cours de la formation REBOND. Il ne s’agit donc pas d’anticiper une formation ultérieure, mais de valider son nouveau choix d’études.

C. Langages et outils du supérieur (3 demi-jours / semaine) :

 module « Maîtrise de la langue » (initiation à l’expression orale, à l’expression écrite et aux textes scientifiques, spécifiques au supérieur) ;

 module « Méthodologie du travail étudiant » (compétences transversales communes au métier d’étudiant).

5. UN PREMIER BILAN « GLOBALEMENT POSITIF »… 5.1 Un vrai tremplin pour de nouveaux projets

Au-delà des indices déjà encourageants de satisfaction des étudiants en cours de formation2, le critère central d’efficacité de REBOND est bien sûr de savoir si cette formation leur a

1 Le projet a bénéficié d’une subvention FRFC-IM, gérée collectivement par le consortium des établissements

partenaires, durant les trois premières années du projet, soit de 2003 à 2005 (n° du programme : 702 509).

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Chaque année, des enquêtes ont été menées auprès des étudiants sur leur perception de REBOND, notamment de manière à affiner et à adapter le programme de formation. Les résultats de ces évaluations ainsi que les

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effectivement permis de construire un nouveau projet valide et pertinent d’études ou d’insertion professionnelle. Pour répondre à cette question, il nous faut, d’une part, connaître les projets avec lesquels les étudiants ont quitté la formation REBOND et, d’autre part, vérifier si ces projets ont pu être menés à bien.

En ce qui concerne la première question, les tableaux 1 et 2 présentent les projets auxquels les 155 étudiants des trois premières années ont déclaré aboutir à l’issue de leur formation REBOND. La grande majorité (70%) envisage une réorientation vers une autre filière de l’enseignement supérieur, tandis que 13% se dirigent vers des formations alternatives (formation en alternance, enseignement privé, FOREM,…). Neuf étudiants ont pris la décision d’interrompre leurs études supérieures et de chercher à s’insérer immédiatement sur le marché du travail. Enfin, il est à noter que nous ne disposons pas d’information à propos des intentions de 25 étudiants, soit parce qu’ils se déclarent, à leur sortie de REBOND, encore incertains de ce qu’ils comptent entreprendre l’année suivante, soit parce qu’ils ont quitté la formation de manière anticipée (cf. ci-dessous).

Projets à la sortie de REBOND Réorientation dans le supérieur 108 (70%) Autres formations 13 (8%) Travail 9 (6%) Pas d’information (hésitent encore ou abandon de REBOND) 25 (16%)

Tableau 1 : projets des étudiants à la sortie de REBOND (N=155)

En regard des filières d’origine des étudiants, le tableau 2 détaille les filières vers lesquelles comptent se réorienter les 108 étudiants qui ont fait état, en fin de formation REBOND, d’un nouveau projet d’études supérieures. Ce tableau montre que la plupart des réorientations concerne le type court, hors Universités. Seuls douze étudiants envisagent une réorientation vers l’enseignement universitaire. En ce qui concerne les réorientations vers le type court, ce sont les catégories pédagogique (régendat, instituteur, …) et surtout économique (marketing, comptabilité, …) qui les attirent davantage. Le tableau 2 montre aussi que deux glissements principaux sont observables entre les filières de départ des étudiants et les filières qu’ils ont choisies au terme de la formation REBOND : des Universités vers les Hautes Écoles, d’une part, et des secteurs Sciences et Sciences de la santé vers les Sciences humaines et sociales, d’autre part.

modifications qu’elles ont entraînées chaque année sont décrites en détail dans les rapports d’activité (cf. références).

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Filières d’origine Réorientations UNIVERSITES 61 (39%) 12 (11%) Sc. Humaines et sociales 30 (19%) 10 (9%) Sciences 18 (12%) 0 Santé 13 (8%) 2 (2%) HAUTES ÉCOLES TYPE COURT 93 (60%) 94 (87%) Agronomique 5 (3%) 2 (2%) Artistique 0 2 (2%) Économique 24 (15%) 29 (27%) Paramédical 16 (10%) 15 (14%) Pédagogique 27 (17%) 24 (22%) Technique 14 (9%) 14 (13%) Social 8 (6%) 8 (7%) HAUTES ÉCOLES TYPE LONG 0 2 (2%) TOTAL 155 108

Tableau 2 : projets de réorientations vers le supérieur

La question de la réussite du projet envisagé à la sortie de REBOND est, bien entendu, encore plus cruciale pour une évaluation de l’efficacité du dispositif. Nous ne sommes évidemment pas en mesure d’y répondre pour les étudiants de REBOND 2005 qui tentent actuellement de réaliser leur projet. Cette question sera donc abordée uniquement sur la base des 77 étudiants des deux premières promotions REBOND qui ont pu être contactés par téléphone à l’issue de l’année académique suivant leur passage par REBOND (tableau 3).

Parcours effectifs après REBOND Réussite Supérieur  Universités  Hautes Ecoles  Promotion sociale 65 (84,5%)  10 (13%)  51 (66,5%)  4 (5%) 40 (61,5%)  5 (50%)  31 (61%)  4 (100%) Autres formations (armée, enseignement privé) 3 (4%) - FOREM 4 (5%) - Travail 5 (6,5%) -

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TOTAL 77 (100%) -

Tableau 3 : parcours effectifs après REBOND (N=77)

Par rapport au tableau 2, on constate d’abord qu’un certain nombre d’étudiants indécis ou ayant quitté REBOND sans communiquer leurs intentions réalisent effectivement des études supérieures l’année suivante, faisant ainsi passer le taux de réinscription dans le supérieur de 70% (réorientations envisagées, cf. tableau 1) à plus de 80% (réorientations effectives)).

Ensuite, 61,5% des étudiants qui ont repris des études supérieures les ont réussies. L’appréciation de ce taux de réussite est délicate. Bien sûr, on peut se réjouir, d’un côté, que REBOND ait permis à la majorité des étudiants qui en sont sortis avec un nouveau projet d’études supérieures de mener à bien ce projet. Alors que l’échec frappe durement en première année, les étudiants REBOND y connaissent un taux de réussite supérieur à la moyenne, supérieur même aux taux de réussite des doublants (Droesbeke et al., 2001 ). Ce résultat peut être perçu comme extrêmement positif compte tenu du profil particulier des étudiants REBOND. En effet, une enquête fouillée avait été menée, par entretiens, la première année de REBOND de manière à mieux connaître les caractéristiques des étudiants qui s’y étaient inscrits3. Il se dégageait de cette enquête que les étudiants REBOND se caractérisaient par les quelques traits suivants.

Le recrutement socioculturel des étudiants inscrits à cette première expérience de REBOND semblait assez homogène. La plupart d’entre eux provenaient de familles modestes : les parents d’un seul de ces étudiants exerçaient tous les deux une profession libérale ou de cadre supérieur. Une minorité d’entre eux avaient des parents détenteurs d’un diplôme universitaire. Un tiers seulement de leurs frères et sœurs poursuivaient des études supérieures, massivement dans le type court.

Concernant leur passé scolaire, un tiers d’entre eux provenaient de filières de l’enseignement technique. Un peu plus de la moitié des étudiants REBOND avaient rencontré des difficultés durant leurs études secondaires : redoublement, examens de passage, changement d’écoles, …

Par ailleurs, ils avaient posé un choix d’études supérieures assez tardif : plus de la moitié de ces premiers étudiants REBOND avaient choisi leur filière dans les semaines qui précédaient la rentrée, voire juste avant celle-ci. On peut aussi douter du caractère personnel de ce choix quand on observe à quel point ils déclaraient avoir suivi les conseils d’un proche ou d’un ancien professeur. Plus de 70% d’entre eux rapportaient aussi avoir longuement hésité entre plusieurs options. Un certain nombre de ces étudiants seraient à classer dans la catégorie des étudiants « forcés et contraints » (Biémar et al., 2003), c’est-à-dire ces « nouveaux étudiants » qui, arrivés au terme de l’enseignement secondaire, se sont sentis contraints de poursuivre des études supérieures. Pour plagier une expression désormais célèbre dans le monde sportif, ils sont un peu entrés dans l’enseignement supérieur « à l’insu de leur plein gré ». Ils rapportent avoir été conduits à s’orienter vers telle filière, soit par accident (« pour suivre ma copine… »), soit à la suite d’un coup de tête affectif (« J’ai été

hospitalisée et je voulais aider à mon tour… » ; « J’ai décidé un peu comme ça, je ne veux pas quitter Namur où vit mon frère… »), soit sous l’influence de copains (« Je me suis laissé tenter, j’ai suivi mes copains après une discussion à bâtons rompus… ») ou encore poussés

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dans le dos par la perspective de débouchés assurés (« de toute façon, on demande beaucoup

d’informaticiens… »).

Même si rien ne nous permet d’affirmer que ces caractéristiques de la première génération de REBOND soient identiques aux deux suivantes, le fait que 61,5% de ces étudiants REBOND, au profil académique et social peu favorable, parviennent à mettre en œuvre avec succès leur nouveau projet d’études supérieures paraît être un résultat largement satisfaisant.

Cependant, d’un autre côté, ce taux signifie aussi que plus de 38,5% des étudiants REBOND pour lesquels le processus de réflexion sur leur projet de vie avait abouti à une réinscription dans le supérieur y ont connu un nouvel échec. Bien que ce résultat ne surprenne guère en regard du public visé, on ne saurait pourtant s’en satisfaire. Sans doute est-il en partie explicable par la forte pression sociale actuelle qui pousse de plus en plus de jeunes à accéder au supérieur. Alors que la majorité d’une classe d’âge s’engage désormais dans des études supérieures, ces dernières sont devenues, aux yeux de bon nombre de jeunes, comme un prolongement « naturel » et quasi inéluctable de leur scolarité secondaire. Tout se passe comme si les jeunes et leurs familles connaissaient intuitivement les effets délétères de cette course aux diplômes et de cette « inflation scolaire » (Duru-Bellat, 2006), à savoir le fait que, même si l’obtention d’un diplôme du supérieur ne garantit pas encore l’emploi, le fait, au contraire, de ne pas en posséder augmente considérablement les probabilités de connaître le chômage. Dans ce contexte, nombreux sont alors ceux qui se sentent en quelque sorte tenus de faire des études supérieures, voire, dans le cas des étudiants REBOND, de s’y inscrire à nouveau, même à la suite d’un premier échec.

Cette observation devrait nous inciter à accroître, au sein du dispositif REBOND, les activités de validation du projet, tant ce dernier reste parfois très mythique et largement optimiste en regard, à la fois, de la réalité des études et de celle des connaissances et des compétences effectives de l’étudiant.

Un des signes de cet optimisme parfois excessif à la sortie de REBOND a été fourni par la recherche menée durant la troisième année et qui portait sur les effets du dispositif en termes d’estime de soi. Un inventaire validé d’estime de soi a été proposé aux étudiants à leur entrée dans le dispositif et à leur sortie. À l’entrée, on constate, comme on pouvait s’y attendre, une estime de soi plus faible que chez les jeunes de l’échantillon témoin, c’est-à-dire un échantillon de jeunes scolarisés de 12 à 24 ans, sur la base duquel la version française de l’inventaire a été validée. À leur sortie, les scores d’estime de soi générale des étudiants REBOND retrouvent des valeurs proches de celles du groupe témoin, ce qui pourrait être le signe d’un effet positif de REBOND dans ce domaine. Mais peut-être cet effet est-il même « trop » positif… En effet, les étudiants manifestent, à la sortie de REBOND, un score moyen d’estime de soi scolaire supérieur à celui du groupe témoin ! On peut supposer que l’encadrement intensif, voire « maternant » dont les étudiants bénéficient à REBOND en est la cause : suivi permanent des conseillers à la formation, pédagogie différenciée, volonté de leur faire vivre des expériences de réussite scolaire (étant entendu que ces expériences sont essentielles à la motivation, …). On retrouve ici l’éternel débat qui anime tout dispositif de rémédiation : il faut, tout à la fois, veiller à offrir un accompagnement accru et adapté, mais aussi préparer ceux qui en bénéficient à se passer ultérieurement de cet encadrement spécifique lorsqu’ils réintègreront un circuit ordinaire de formation.

Dans cette perspective, il faudrait aussi veiller à assurer un accès plus large à quelques activités de formations représentatives de la filière vers laquelle l’étudiant compte se réorienter, même si cette exigence rencontre d’importants obstacles organisationnels

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(décalage temporel des formations, difficulté à insérer des étudiants en fin d’année, incompatibilité d’horaire, …). Il conviendrait également, toujours dans cette perspective de lutter contre des réinscriptions trop automatiques dans le supérieur, de sensibiliser davantage les étudiants REBOND aux alternatives qui leur sont offertes pour réaliser leur projet (formation en alternance, formation permanente des classes moyennes, …).

Sans doute parce que l’équipe des conseillers à la formation a été sensibilisée progressivement à cet aspect, il faut noter qu’on a déjà enregistré une augmentation significative, au cours des trois premières années de REBOND, du nombre d’étudiants qui élaborent un projet d’insertion professionnelle et qui renoncent, au moins temporairement, à s’engager dans des études supérieures.

5.2 On décroche aussi d’un programme destiné aux décrocheurs…

Une autre réalité de REBOND qui ne manque pas d’interpeller ses différents acteurs a trait au pourcentage non négligeable d’abandons de la formation REBOND elle-même et, en particulier, au faible pourcentage des étudiants qui présentent l’ensemble des évaluations de fin de module. En effet, bien que le dispositif ait multiplié la mise en place de garde-fous contre ces décrochages (partenariat avec des établissements d’enseignement de promotion sociale habitués aux formations « sur mesure » et soucieux de pédagogie différenciée, suivi « rapproché » et constant des conseillers à la formation issus des établissements d’origine des étudiants), un certain nombre d’étudiants quittent la formation avant son terme (autour de 19% chaque année). Des abandons partiels (à tel ou tel module de formation) sont, par ailleurs, également enregistrés.

Une fois de plus, une des explications réside sans doute dans le rapport spécifique qu’entretiennent à leurs études les étudiants REBOND. Quand on les interroge sur les raisons de leur décrochage des études supérieures (cf. rapport d’activité 2003), bon nombre d’entre eux relatent l’échec de leur processus d’affiliation aux études supérieures (Coulon, 1997 ; Galley & Droz, 1999). Très tôt, ils ne se sentent pas à leur place dans ce nouveau monde du supérieur, les cours sont « trop théoriques » et « trop compliqués ». Ils ne parviennent pas à trouver du sens à des études qui ne leur « plaisent pas ». Ils éprouvent aussi des difficultés à s’insérer dans les groupes d’étudiants, impersonnels et parfois vastes : « c’est l’industrie,

l’usine ». L’ambiance de ces groupes leur est d’ailleurs étrangère. Bref, ils ont « changé d’univers », mais ils n’accrochent pas à ce nouveau monde, ils hésitent à y entrer vraiment et

peinent à y construire de nouveaux repères.

Qui plus est, ces étudiants ne peuvent pas toujours trouver au sein de leur famille ou dans leur entourage proche les ressources nécessaires à faciliter ce processus d’affiliation. Comme nous l’avons déjà dit, peu de parents sont passés par là et certaines familles affrontent par ailleurs d’autres difficultés importantes (chômage, maladie, décès, séparation, déménagement, …), laissant peu de temps au dialogue à propos des difficultés d’études : « mes parents sont

déjà assez occupés avec eux-mêmes… ». Parfois, le mal-être de l’étudiant qui se sentait

progressivement en décrochage n’a pas été perçu par la famille ou a été repéré, mais sans être réellement pris en charge, ne fût-ce que par une écoute attentive. Parfois aussi, c’est l’étudiant qui a dissimulé son début de décrochage, par peur des réactions de ses parents ou par envie de ne pas les décevoir : « la seule chose qui va bien à la maison, c’est ma réussite scolaire », « mes parents n’ont jamais fait d’études, je représente tous leurs espoirs ». Un des effets positifs de REBOND réside d’ailleurs dans la sortie de cette sorte d’isolement dans lequel se sont enfermés certains étudiants en pensant être les seuls à connaître ce type de difficultés.

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On peut dès lors faire l’hypothèse que ce rapport particulier aux études, qui tient à la fois à leur histoire et à leur environnement familial, contienne les germes d’un nouvel abandon d’une situation de formation qui, certes, tente de palier certains des problèmes qui ont été à la source du décrochage (par exemple, le soutien individualisé), mais qui n’en présente pas moins bon nombre de traits de toute situation de formation formalisée (prise de présence, travaux, évaluation, …). Une des pistes consisterait dès lors à travailler davantage explicitement le rapport aux études des étudiants REBOND.

De plus, la question des sorties anticipées de REBOND et de la difficulté qu’éprouvent certains étudiants à aller jusqu’au bout du processus doit être replacée dans le contexte plus large de l’instrumentalisme scolaire (Barrère, 1998). On sait en effet que, si les jeunes enfants entrent à l’école primaire en poursuivant des buts de compétence (apprendre à lire, à compter, …), ils se trouvent rapidement gouvernés par des buts de performance (réussir l’interrogation, passer à l’année suivante, …). Un certain nombre d’élèves n’étudient dès lors plus que dans cette perspective, instrumentalisant tout travail scolaire dans la seule optique de la réussite. On comprend alors que REBOND puisse apparaître à certains comme un véritable OVNI par rapport au paysage scolaire traditionnel. En effet, alors qu’ils ont été conditionnés ou qu’ils se sont conditionnés à « apprendre pour les points », REBOND propose aux étudiants décrocheurs une formation dont le bénéfice principal touche au domaine du développement personnel. Les étudiants y sont invités à réfléchir à leur avenir et à leur projet. Ils y comblent, pour un temps « gratuitement », des lacunes et aucune récompense extérieure, en termes de certification, ne vient couronner leur travail. Dès lors, ces sorties anticipées seraient plutôt le reflet d’une cassure entre deux logiques de formation et, en particulier, d’une difficulté que rencontrent des jeunes, conditionnés par l’instrumentalisme scolaire, à accorder du sens aux évaluations qui clôturent une formation « non-diplômante ».

5.3 Les bénéfices d’un large partenariat

Une des originalités de REBOND, par rapport à d’autres expériences similaires, réside dans le large partenariat qui, non seulement, a présidé à l’élaboration du projet, mais qui continue à présider à sa gestion, via notamment le comité de pilotage de REBOND qui rassemble les recteurs des Universités, les directeurs-présidents des Hautes Ecoles, les directeurs des établissements de promotion sociale ainsi que les conseillers à la formation.

Alors que le monde de l’enseignement est traditionnellement régi, en Communauté française, par de multiples cloisonnements tant idéologiques que structurels, REBOND représente une occasion assez unique de collaboration entre les deux secteurs de l’enseignement supérieur (Universités et Hautes Ecoles), entre l’enseignement de plein exercice et celui de promotion sociale et entre les différents réseaux qui organisent de l’enseignement supérieur en Province de Namur.

Ce large partenariat, dont on aurait pu craindre qu’il entraîne une certaine lourdeur de fonctionnement, voire une paralysie, s’est révélé en définitive relativement aisé à mettre en œuvre et surtout assez efficace. En effet, les différents établissements du supérieur se sont rapidement aperçus qu’ils partageaient des problèmes finalement assez communs et qu’il était plus pertinent de s’y attaquer ensemble et de manière concertée. La constitution progressive, au fur et à mesure du projet, des conseillers à la formation en une réelle équipe soudée et

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capable de production collective de qualité4 a montré la grande complémentarité des « cultures » spécifiques aux différents établissements. D’ailleurs, cette collaboration s’est prolongée plus largement sous la forme de l’organisation commune d’une Journée d’étude sur le thème de « La promotion de la réussite dans le supérieur namurois » (en mai 2005) qui a rassemblé une centaine d’enseignants des établissements partenaires.

Bien que ce large partenariat se soit donc avéré efficace et qu’il corresponde à une volonté politique maintes fois affichée de favoriser une plus grande synergie entre les acteurs de l’enseignement supérieur, il faut regretter que le projet, précisément parce qu’il ne correspond pas aux découpages institutionnels habituels, peine à trouver une source de financement stable. Après les trois premières années durant lesquelles REBOND a bénéficié d’une subvention d’initiative ministérielle, c’est en vain que le consortium s’est tourné vers de nouvelles sources de cofinancement. Les démarches ont, à chaque fois, échoué, notamment parce que les structures de financement n’épousent pas celle de REBOND. Pour ne prendre qu’un exemple, les activités de promotion de la réussite que Madame la Ministre M.-D. Simonet finance depuis deux ans via une subvention particulière ne concerne que les universités et sont gérées, de plus, via les Académies, entités malheureusement homogènes d’un point de vue idéologique. REBOND ne peut donc être soutenu par cette source de financement.

6. CONCLUSIONS

Une situation tout à fait particulière dite du « libre accès » caractérise, en Belgique, le passage du secondaire au supérieur. On peut compter sur les doigts d’une main les pays qui ont développé une politique aussi libérale d’accès, en n’instaurant, à quelques rares exceptions près, ni sélection à l’entrée, ni numerus clausus, ni même orientation limitée en fonction du diplôme secondaire obtenu. Il n’est pas question d’entamer ici une discussion critique de cette politique, tant elle constitue sans doute une des seules possibles dans notre contexte socioculturel bien particulier (absence d’épreuves externes, diversité et grande liberté des réseaux d’enseignement, …).

Notons toutefois que, dans ce contexte particulièrement libéral de « libre accès », notre enseignement supérieur fait preuve d’une certaine efficacité globale, du moins si on n’en reste pas aux statistiques d’une seule année. On estime en effet que sur 100 jeunes qui entrent dans le supérieur, 62 finiront par y décrocher un diplôme, même s’il ne s’agit pas toujours de celui qu’ils convoitaient au départ (réorientation) et/ou qu’ils y mettront parfois plus de temps que prévu (redoublement) (Droesbeek et al., 2001). Cette relative efficacité en termes de diplômation globale de notre enseignement supérieur est confirmée par le fait que la Belgique possède un pourcentage plus qu’honorable de jeunes de 30 ans détenteurs d’un diplôme du supérieur (Commission européenne, 1996) et se situe globalement dans le peloton de tête des pays européens en termes de pourcentage de la population ayant atteint une formation supérieure (OCDE, 2004).

Le prix à payer de cette politique du « libre accès », même si elle semble à long terme efficace, réside bien sûr dans les taux d’échec importants que l’on enregistre en première année surtout, puisque celle-ci joue le rôle, dans un tel système, de période de tri, de sélection et de réorientation. Plus que l’échec en tant que tel, c’est en définitive la gestion des parcours par l’échec qui pose problème dans notre enseignement supérieur (Romainville, 2005).

4 Durant les trois premières années du projet, cette équipe avait notamment en charge l’élaboration d’un certain nombre d’outils de formation (Vade-mecum de l’étudiant REBOND, …), la conduite du volet recherche du projet ainsi que la rédaction du rapport annuel d’activité.

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Comme le montre l’expérience REBOND, même au sein d’une population de première année en décrochage précoce, de nombreux étudiants « finiront » par réussir après réorientation. Sans doute aurait-il alors été plus judicieux de proposer d’emblée à ces étudiants un système d’orientation progressive qui leur aurait évité une expérience d’échec, toujours traumatisante. Mais un tel système d’orientation progressive en début d’enseignement supérieur supposerait une profonde réorganisation de ce dernier, peu probable à l’heure où l’on se remet à peine des modifications structurelles liées au processus de Bologne.

7. REFERENCES

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tremplin pour la réussite. Liège : Éditions du Céfal, 68-77.

Marc Romainville Facultés universitaires de Namur Coordinateur du projet « REBOND »

Figure

Tableau 1 : projets des étudiants à la sortie de REBOND (N=155)
Tableau 2 : projets de réorientations vers le supérieur

Références

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