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Les limites de la notion d'"orientation sexuelle" dans la protection des communautés LGBT contre la discrimination /

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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PROTECTION DES COMMUNAUTÉS LGBT CONTRE LA DISCRIMINA TION

Jacques Papy Faculté de droit

Université McGill, Montréal

Mémoire présenté en vue de satisfaire en partie les exigences du diplôme de maîtrise en droit.

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Conformément

à

la loi canadienne sur la protection de la vie privée, quelques formulaires secondaires ont été enlevés de cette thèse. Bien que ces formulaires aient inclus dans la pagination, il n'y aura aucun contenu manquant.

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Résumé

La notion d' « orientation sexuelle» est de plus en plus utilisée comme un motif prohibé de discrimination. L'objectif de ce mémoire est de montrer que cette notion est contestée sur le plan théorique et que sa mise en œuvre est problématique. Il tente de montrer ensuite que le motif « orientation sexuelle» devrait être remplacé par le motif « sexe », interprété comme signifiant la construction sociale du sexe

biologique, c'est à dire le« genre ».

Pour ce faire, ce mémoire fait un historique des événements et des théories ayant conduit à la création de cette notion. Le mémoire expose ensuite les difficultés de mise en œuvre de la notion d' « orientation sexuelle» rencontrées par les

juridictions canadiennes et certaines juridictions internationales.

Ce mémoire place ensuite la notion d' « orientation sexuelle» dans le contexte plus général du discours libéral classique sur les minorités. Cette mise en perspective permet de montrer la soumission des communautés LGBT à des critères contrôlés par la majorité et régissant les paramètres de leur existence.

Ce mémoire reprend enfin l'analyse de certains auteurs, selon laquelle ces critères font partie d'un discours plus vaste et visant à perpétuer la domination du « masculin» sur le « féminin» qui les amène à conclure que la discrimination des membres des communautés repose en fait sur le« genre ».

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Abstract

« Sexual orientation» is increasingly used as a prohibited ground for discrimination. The aim of this thesis is to show that this notion is being challenged both at the theoretical and implementation lev el. As a ground, « sexual orientation» ought to be replaced by « sex », as meaning the social construction of biological sex, in other words, « gender ».

First, this thesis exposes the history of « sexual orientation», and then the prob1ems faced by Canadian and international courts when trying to implement it.

« Sexual orientation» is then analysed within the broader perspective of the tradition al liberal discourse on minorities. That perspective shows that LGBT communities are submitted to criteria established by the majority, therefore regulating their existence.

Finally, the thesis draws on the analysis of scholars who think that those criteria are, in fact, part of a broader discourse aiming at perpetuating the domination of « male» over « female » and that discrimination of LGBT communities is in fact motivated by « gender ».

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Remerciements

La volonté de m'inscrire au programme de maîtrise en droit est née de mon passage auprès de François Crépeau, en tant qu'assistant de recherche. Il m'a fait partager le goût de la recherche et je l'en remercie. Le présent mémoire n'aurait jamais vu le jour sans l'aide ni la patience de Peter Leuprecht. Je lui en suis infiniment reconnaissant. Enfin, je dois des remerciements particuliers à ma grande amie Marie-France Bureau, dont le coup d'œil éditorial a permis de soulager le texte du mémoire, de ses lourdeurs les plus importantes.

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Table des matières

Abréviations 06

Introduction 07

1- notion d' « orientation sexuelle» 10

1.1- origine de la notion d'« orientation sexuelle» 10

1.1.1-antiquité grecque et romaine 1 0

1.1.2-christianisation, invention de la « sodomie» et criminalisation des actes 12 « contre-nature»

1.1.3-invention de l' « homosexualité» 14

1.1.4-transformation du discours sur l'homosexualité et apparition de 19 l' « orientation sexuelle»

1.2- exemples de mise en œuvre de la notion d' « orientation sexuelle» 25

1.2.1-Canada 25

1.2.1.1-antérieurement à la Charte canadienne des droits et des libertés 25

1.2.1.2-Charte canadienne des droits et des libertés 31

1.2.2-Conseil de l'Europe 39

1.2.3-Union européenne 49

1.2.4-Organisation des Nations Unies 54

2- protection des communautés LGBT contre la discrimination 59

2.1- critique du paradigme majorité-minorité et « orientation sexuelle» 59

2.1.1-le mensonge de l'État, le plus froid des monstres froids 60

2.1.2-l'appartenance à un groupe minoritaire : être nommé par l'autre 63

2.2- comportement genré et transgression sociale du genre 70

2.2.1-conséquences du flou entourant la notion d'« orientation sexuelle» : 70 l'émergence de nouveaux motifs tel que le «gender identity and expression»

2.2.2-transgression d'un stéréotype de genre 80

Conclusion 87

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Abréviations

Charte canadienne des droits et des libertés Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne

Comité des droits de l'homme des Nations Unies Communautés gaie, lesbienne, bisexuelle, transgenre et travestie

Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales

Cour européenne de justice

Cour européenne des droits de l'homme Loi canadienne sur les droits de la personne Pacte sur les droits civils et politiques Sexual Orientation Non-Discrimination Act

Charte canadienne Charte des droits fondamentaux Comité Communautés LGBT Convention européenne CEJ CEDH Loi canadienne Pacte SONDA

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Introduction

Dans le Banquetl, Aristophane, qui est cité par Platon, s'exprime ainsi sur l'origine de

l'amour dans l'humanité primitive: «( ... ) Premièrement, l'espèce humaine comportait en effet trois genres; (. .. ), en outre de mâle etfemelle, il yen avait un troisième, (. .. ) l'androgyne, (. .. ) qui participait (. .. ) du mâle comme de lafemelle; ce qui en reste à présent, ce n'est qu'une dénomination, tenue pour infamante

>/.

Afin de punir l'humanité de son insolence, Zeus décida de couper chaque individu en deux.

Chacune des moitiés, partit alors à la recherche de la moitié perdue. « (. .. ), les hommes qui sont une coupe de cet être mixte (. .. ) androgyne sont amoureux des femmes, (. .. ) de même à leur tour toutes les femmes qui aiment les hommes (. .. ). Celles

des femmes qui sont une coupe de femme primitive, celles-là ne font pas grande attention aux hommes, mais c'est bien plutôt vers les femmes qu'elles sont tournées (. .. ). Tous ceux enfin qui sont une coupe d'un mâle originaire recherchent les moitiés mâles (. .. ). »3

Nous commençons ce mémoire par cette longue citation pour illustrer la préoccupation constante, dès l'aube de notre civilisation d'expliquer l'attirance amoureuse et

physique entre les êtres. Les différentes théories contemporaines de la sexualité et en particulier la notion d' « orientation sexuelle », remplissent la même fonction

aujourd'hui que la théorie d'Aristophane sur l'humanité primitive.4

1 Voir Platon, Le Banquet, collection Folio, Gallimard, Paris, 1987. D'ailleurs cette explication n'est pas donnée par le médecin mais par le comédien.

2 Ibid. à la p. 70. 3 Ibid. à la p. 76.

4 On trouve dans la typologie d'Aristophane, les hétérosexuels (hommes et femmes) et les homosexuels

(hommes et femmes). L' « orientation sexuelle» ne semble rien avoir apporté de plus. De plus, l'existence de la bisexualité en tant que véritable « orientation sexuelle » fait encore l'objet de

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L'objectif de ce mémoire est de montrer que la notion d' «orientation sexuelle» est critiquable car elle vient conforter la dynamique de la déviance utilisée par les sociétés patriarcales. En cela même si la notion est en apparence neutre elle est utilisée dans le cadre d'un système qui établit encore une hiérarchie entre les différentes orientations, et contribue à renforcer la discrimination qu'elle cherche à combattre. Elle contribue à maintenir le mythe d'une sexualité humaine principalement binaire, alors que toutes les études effectuées depuis celles menées par le chercheur américain Alfred Kinsey indiquent que celle-ci est plutôt construite sur un modèle de continuum.

Ce mémoire tente d'exposer brièvement ce qui a conduit à la création de la notion médico-légale d' «orientation sexuelle ». Dans une première partie, nous montrerons sommairement les processus historiques à l' œuvre de l'antiquité à nos jours pour aboutir à la conceptualisation contemporaine des communautés lesbienne, gaie, travestie, et transsexuelle (<< LGBT »), notamment autour de la notion d' « orientation sexuelle ». Nous examinerons par la suite l'utilisation de cette notion en droit

canadien, en droit européen, de même qu'en droit international. On y verra les difficultés rencontrées par les tribunaux dans la compréhension de cette notion, reflétées par un flottement terminologique constant, quand il ne s'agit pas de contrevérités scientifiques.

Dans une seconde partie nous verrons les limites de cette notion, en particulier dans le cadre de la remise en question du paradigme majorité-minorité. À cette occasion, nous verrons comment, dans la pensée libérale classique, la majorité détermine les critères qui vont servir notamment à déterminer l'existence et la composition des minorités. Nous remarquerons au passage, que les mécanismes individuels de protection contre la

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discrimination, sont taillés pour les membres de la majorité et ne prennent pas en compte les conséquences réelles de l'appartenance à un groupe discriminé.

Enfin, nous présenterons l'analyse de certains auteurs, qui estiment que la discrimination des membres des communautés LGBT reflète la dynamique

d'oppression plus générale du « masculin» sur le« féminin ». Nous conclurons alors sur la constatation que les membres des communautés LGBT seraient donc plutôt discriminés sur la base du « genre» et non sur la base de l' « orientation sexuelle ».

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1- notion dl « orientation sexuelle»

Le binarisme hétéro-homosexualité est une construction récente. Du fait des modalités de cette construction, de nombreux problèmes se posent quant à la définition de ce qui constitue l'hétérosexualité ou l'homosexualité.5 Les sources historiques sont rares, confuses et quelquefois contradictoires. Jusqu'à une période récente, le vécu homosexuel dans les sociétés occidentales était clandestin, silencieux, et laissait surtout des traces dans les archives judiciaires.

1.1 -origine de la notion d' « orientation sexuelle»

1.1.1 - antiquité grecque et romaine

La complexité de la sexualité humaine fascinait déjà les Grecs. Ils ont transposé cette fascination les comportements de leurs dieux, comme l'illustre la bisexualité de Zeus.6 Il est difficile de projeter nos référents sur cette période, compte tenu du caractère construit de l'approche contemporaine de la sexualité.

A la place d'homosexualité, il est préférable de parler pour décrire certaines situations de l'époque grecque et romaine, de relations sexuelles entre hommes ou entre femmes. La tolérance de ces relations était le reflet de l'organisation sociale patriarcale, qui a notamment servi à fonder la civilisation occidentale. La société était caractérisée par un cloisonnement puissant entre les citoyens et le reste de la population, femmes, enfants, esclaves et étrangers. Les femmes, les enfants et les esclaves appartenaient à

5 Voir Stein, supra note 4 à la p. 39 et s.

6 Voire. Spencer, Histoire de ['homosexualité de l'Antiquité à nos jours, Paris, Le Pré aux Clercs,

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la sphère privée du citoyen. Les étrangers, sans appartenir à la sphère privée, n'avaient pas non plus accès à la sphère publique du fait de leur soumission à un régime

juridique distinct. 7

L'effet du cantonnement à la sphère privée était une certaine objectification de ceux qui y étaient soumis. La centralité du citoyen grec n'emportait pas un impératif

exclusif de rapports sexuels avec des membres de l'autre sexe mais plutôt un impératif d'assumer en toutes circonstances un rôle sexuel dominant assimilé au masculin. Ainsi, et dans ce cadre seulement, des rapports sexuels entre un citoyen et son esclave

masculin ou avec un homme plus jeune pouvaient avoir lieu. L'institution de la pédérastie était réservée au citoyen et à l'adolescent prépubère non encore devenu citoyen. C'était une institution initiatique et rigoureusement ritualisée et surveillée. Contrairement à la perception populaire, cette institution n'avait rien d'une acceptation de ce que l'on qualifie aujourd'hui d'homosexualité.8

Dans la Grèce et la Rome antique, la codification de la conduite sexuelle est organisée autour de la position sociale des individus et reflète l'organisation sociale patriarcale et esclavagiste. L'adoption par un citoyen d'un rôle sexuel passif assimilé à un rôle féminin dans un rapport sexuel avec son esclave ou un autre citoyen provoquait le rire et la réprobation sociale.9 Pour un homme, l'adoption d'un comportement passif, perçu comme féminin dans le cadre sexuel menait au déshonneur, car il portait ainsi atteinte

7 Voir S. Law, «Homosexuality and the Social Meaning of Gender» (1988) Wis. L. Rev. 187 à la p. 4;

voir aussi Stein, supra note 4 à la p .. 94 et s. 8 Ibid.

9 Bourdieu écrit également que« on sait qu'en nombre de sociétés, la possession homosexuelle est

conçue comme une manifestation de 'puissance', un acte de domination (exercée comme telle, en certains cas pour affirmer la supériorité en 'féminisant'), et c'est à ce titre que, chez les grecs, elle voue celui qui la subit au déshonneur et à la perte du statut d'homme accompli et de citoyen tandis que, pour un citoyen romain, l'homosexualité 'passive' avec un esclave est perçu comme quelque chose de 'monstrueux' ». Voir P. Bourdieu, La Domination masculine, Paris, Seuil, 1998 à la p. 38.

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à l'essence de sa virilité. 10 Il n'y avait toutefois pas de condamnation pénale, l'acte était ridicule mais non criminel. Par ailleurs le ridicule n'affectait pas celui qui avait adopté un rôle qualifié de masculin pendant l'acte sexuel.!!

1.1.2- christianisation, invention de la « sodomie» et criminalisation des actes

« contre-nature»

L'éthique sexuelle judéo-chrétienne est à l'origine de la condamnation morale de toutes les formes de sexualité non procréative. C'est cette éthique qui est à l'origine de la notion de « naturalité » du sexe procréatif et de l'idée que toutes les formes de sexe non procréatif seraient « contre-nature ». Cela en contradiction flagrante avec toutes les observations des comportements sexuels et sociaux des autres mammifères. Pourtant, la condamnation morale des comportements homosexuels, au motif qu'ils seraient « contre-nature », est encore bien vivante.!2

L'influence grandissante des chrétiens à Rome a conduit progressivement à la condamnation morale de l'homosexualité, perçue essentiellement comme païenne et sale. La théorisation de la« sodomie» par l'église catholique sous l'impulsion de St-Thomas d'Aquin ne survient qu'aux alentours du 12ème siècle. Elle prend place dans un mouvement de réaction orienté vers une plus grande austérité des règles de vie chrétiennes et de relégation des plaisirs afin de se protéger de la tentation.13

10 Ibid.D'ailleurs, en commentant ce fait, Bourdieu énonce que« on comprend que de ce point de vue qui lie sexualité et pouvoir, la pire humiliation pour un homme consiste à être transformé en femme ». 11 Foucault cite ce dicton en cours dans la Rome antique à titre d'illustration de ce point: « Se faire

baiser pour un esclave, c'est une nécessité, pour un homme libre, c'est une honte, et, pour un affranchi c'est un service rendu ... ». Voir M. Foucault, Dits et écrits, Tome 4, Paris, Gallimard, 1994 à la p. 287.

12 Voir K. Dyer, dir., Gays in uniform: the Pentagon's secret reports, Boston, Alyson publications, Inc., 1990 à la p. 18 et s.

13 Voir M. Jordan, The invention of Sodomy in Christian Theology, The University of Chicago Press, Chicago, 1997; Voir également Law, supra note 7 à la p. 4 : «Sex, [St-Thomas d'Aquin] argued, undermines man's capacity to think logically. Even worse, he maintained, non-procreative sex violates

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La théorie de la « sodomie », comme en témoigne encore le texte des lois « anti-sodomie» de certains États américains14, exprime une condamnation de tout acte sexuel n'étant pas accompli dans le cadre du mariage, avec un objectif de procréation et dans la position du missionnaire. Les rapports sexuels entre personnes de même sexe étaient donc par essence condamnables puisque stériles. En ce sens, la théorie de la « sodomie» élaborée par St-Thomas d'Aquin pose les jalons d'une certaine éthique de la sexualité. Cette éthique de la sexualité constitue encore l'assise de la position officielle de l'église catholique à ce sujet.15

Cette éthique sera imposée par les Européens aux peuples colonisés, lors des différentes vagues de colonisation. La sexualité des autochtones des territoires

colonisés était fort diverse, comme en témoignent les ràpports des missionnaires qui y furent envoyés. Leur christianisation forcée a notamment eu pour résultat l'abandon de leurs traditions sexuelles au profit de l'éthique européenne.16

L'éthique religieuse de la sexualité sera transformée en normes sociales absolues, codifiées dans les différents codes criminels. En common law, la criminalisation fait

the law of nature: 'The sins against nature are against God himself, and in fact they are worse than sacrilege since the order of nature is more basic and stable than the laws which are derived from nature by reason '. The power of revealed truth rests precisely on the fact that it cannot be refuted or verified through reason ».

14 Voir Law, supra note 7 à la p. 16.

15 Sacred Congregation for the Doctrine of the Faith, « Persona Humana - Declaration on Certain Questions Conceming Sexual Ethics» (1975), en ligne: The Holy Sea

<http://www.vatican.valroman_curialcongregations/cfaithldocuments/rc_con3faith_doc_19751229 _pe rsona-humana3n.html> (date d'accès: 30 décembre 2003).

16 Voir notamment pour un exposé détaillé des conséquences sociales de la christianisation de ces

populations, L. Brown, Two Spirit People, American lndian Lesbian Women and Gay Men, Harrington

Park Press, New York, 1997 et S. Murray et W. Roscoe, Boy-Wives and Female Husbands, Studies in

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son apparition en 1533 au Royaume-Uni et souvent dans les législations qui suivirent,

1 · . 17

on retrouve es expresslOns « actes contre-nature» ou « CrImes contre-nature ».

1.1.3 - invention de l' « homosexualité»

Les écoles « essentialiste » et « constructiviste» défendent chacune leur « lecture» sociale de l'homosexualité et sont souvent opposées l'une à l'autre. L'école

«essentialiste » défend l'idée de la permanence d'éléments objectifs et culturellement invariables de l'identité l'homosexuelle et hétérosexuelle à travers l'histoire.18 L'école « constructiviste» réfute l'idée d'une telle permanence et soutient plutôt la thèse que les identités se construisent de manière fluide autour d'une hiérarchie sociale des sexes et également d'une hiérarchie des comportements sexuels. Ce serait dans ces rapports hiérarchiques construits que se situerait notamment la tension dominant/dominë9 telle qu'elle a été exposée par Bourdieu et Foucault, et articulée par ces derniers dans le rapport masculin/féminin.20

Selon l'école «essentialiste », l' «orientation sexuelle» est une donnée objective et permanente. Ainsi, il existerait une origine biologique de l'homosexualité. C'est cette origine qui assure la permanence d'un pourcentage d'homosexuels relativement constant au cours de l'histoire. Dans cette perspective, les réponses sociales, interdits et tabous traduisent les réactions de la société envers un groupe ayant possédé des

17 Voir Dyer, supra note 12 à la p. 20; Voir également Law, supra note 7 à la p. 4.

18 L'un des principaux auteurs de cette école est John Boswell. Voir l'ouvrage qu'il a consacré à cette question. Voir 1. Boswell, Christianisme, Tolérance sociale et homosexualité, Paris, Gallimard, 1985.

19 L'auteur et philosophe français Didier Eribon évoque dans cette perspective, la force de l'injure qui est autant collective qu'individuelle et qui opère une transformation du moi et du monde pour celui qui en est la cible. Car le langage transmet une vision des règles des représentations sociales valides. Il s'agit de la vision du dominant. Voir D. Eribon, Réflexions sur la question gay, Paris, Fayard, 1999 à la

p. 111; Il reprend en cela Bourdieu qui explique que « les dominés appliquent des catégories construites du point de vue des dominants aux relations de domination, les faisant ainsi apparaître comme

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éléments d'identité constants. Cette école s'accorde également à la philosophie libérale de la protection des droits et des libertés et propose l'assimilation sociale des

homosexuels dans une identité plus globale et générale.

L'analyse de l'histoire de l'homosexualité par l'école« constructiviste» a pour objectif de démontrer que l'homosexualité telle qu'elle est connue aujourd'hui est une notion transitoire. Elle est transitoire car elle est un produit social « moderne ». L'école

« constructiviste» est opposée à l'assimilation de l'identité homosexuelle dans une identité plus globale et générale et remet en question l'utilité des catégories

développées par les théories libérales de protection des droits et des libertés.

Dans l'histoire de lafolie, Foucault démontre comment les personnes qui ne se

conformaient pas à l'éthique bourgeoise du 18e siècle étaient perçues comme déviantes et emprisonnées dans des hospices. On comptait parmi ces déviants, des malades mentaux, des femmes démunies, des personnes âgées, des personnes incapables de travailler ainsi que des hommes qui seraient aujourd'hui qualifiés

d' « homosexuels

»?l

Dès cette époque, les déviants sont confinés dans un lieu qui détermine leur identité sociale. Grâce à ce mécanisme d'ancrage dans un lieu ayant une signification sociale particulière, les personnes en état d' « échappement social» sont réintégrées dans le corpus social général. La révolution industrielle22 a contribué à l'avènement de la

20 Voir Eribon, Ibid. à la p. 118.

21 Voir M. Foucault, Histoire de lafolie à l'âge classique, Paris, Gallimard, 1972.

22 Le passage de la société rurale à la société industrielle a permis de séparer lieu de travail et lieu d'habitation. En allant travailler à la ville, l'homme devient le pourvoyeur et la femme, recluse doit se consacrer aux enfants. Ceux-ci ne constituent désormais plus une richesse économique mais plutôt une charge. La procréation perd sa centralité dans l'organisation sociale de la survie. Même si la pression idéologique reste, la pression économique s'amenuise. Cela provoque une recomposition de la famille, des modes de vie et aussi de la sexualité. Par exemple avec la déconnexion entre mariage et procréation

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domination de la science sur la société. C'est le cas notamment de la médecine. Celle-ci affirme alors pouvoir dire ce qu'est l'homme, en objectifiant son corps, ses maladies et les traitements qu'elle lui applique. Cette domination de la médecine sur le corps a permis d'enchaîner l'homme à sa déviance. C'est son corps même qui en devient le territoire. Le déviant social se transforme en malade ayant besoin de soins et dont la place est à l'hôpital.

Ainsi une personne atteinte de maladie mentale disparaît derrière sa maladie. Elle est objet de sa maladie. Celle-ci est la déterminante de son identité. Le « sodomite» emprisonné dans les hospices du I8e siècle n'est plus seulement associé à un lieu mais il devient un objet passif qui sera nommé par le discours médical. La dénomination médicale servira à rattacher la déviance au sujet et à le faire disparaître derrière elle. C'est ainsi que naît le terme « homosexuel ».23 L'homosexualité devient le déterminant de son identité. Cela n'était pas le cas de la sodomie qui n'établissait pas un rapport avec l'essence de l'être mais avec la nature de l'acte. On assiste alors à un glissement majeur du discours sur la sexualité entre personnes de même sexe.

et la déconnexion entre mariage et sexualité. Ces facteurs vont être favorables au rassemblement dans les grandes villes, qui fournissent également l'anonymat et l'éclosion de sous-cultures. Voir J.

D'Emilio, «Capitalism and Gay Identity» dans A. Snitow, C. Stansell et S. Thompson, dir., Powers of

Desire: The Politics of Sexuality, New York, Monthly Review Press, 1983 à la p. 100 et s.

23 «La sodomie- celle des anciens droits civils ou canonique - était un type d'actes interdits; leur auteur n'en était qu'un sujet juridique. L'homosexuel du XIXe siècle est devenu un personnage: un passé, une histoire et une enfance, un caractère, une forme de vie; une morphologie aussi, avec une anatomie indiscrète et peut-être une physiologie mystérieuse. Rien de ce qu'il est au total n'échappe à sa sexualité. Partout elle lui est présente: sous-jacente à toutes ses conduites parce qu'elle en est le principe insidieux et indéfiniment actif, inscrite sans pudeur sur son visage et son corps parce qu'elle est un secret qui se trahit toujours. Elle lui est consubstantielle, moins comme un péché d'habitude que comme une nature singulière. ( ... ). Il ne faut pas oublier que la catégorie psychologique, psychiatrique médicale de l'homosexualité s'est constituée du jour où on l'a caractérisée - le fameux article de Westphal, en 1870, sur les 'sensations sexuelles contraires', peut valoir comme acte de naissance-moins par un type de relations sexuelles que par une certaine qualité de la sensibilité sexuelle, une certaine manière d'intervertir en soi le masculin et le féminin. L' homosexualité lorsqu'elle a été rabattue de la pratique de la sodomie sur une sorte d'androgynie intérieure, un hermaphrodisme de l'âme. Le sodomite était un relaps, l'homosexuel est maintenant une espèce. ». Voir M. Foucault,

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La théorie de l' « inversion» développée à la fin du 19ème siècle par des psychiatres allemands, illustre bien le rapport hiérarchique des genres et la tension masculin-féminin, tels qu'ils étaient conçus à l'époque.24 La théorie de l'inversion est fondée sur l'hypothèse qu'une personne homosexuelle s'identifie sexuellement à l'autre sexe parce qu'elle souffre d'une inversion intérieure du genre. Cette théorie sera également utilisée en 1945 pour expliquer la transsexualité.25

Ainsi, selon cette théorie, les hommes qui recherchent des rapports affectifs et sexuels avec d'autres hommes ne font qu'obéir aux injonctions de leur nature féminine. Cependant leur quête demeure a priori sans espoir, car l'objet de leur affection est un homme véritablement masculin, c'est-à-dire un homme hétérosexuel. Toujours selon cette théorie, l'attirance éprouvée par un homosexuel pour d'autres homosexuels ne s'explique que par la résignation de celui-ci à l'échec de sa quête d'établir une relation affective et sexuelle satisfaisante avec un homme hétérosexuel.

L'application de cette théorie aux lesbiennes n'était pas complètement identique. D'ailleurs comme nous allons le voir, cette mise en œuvre différente reflète aussi le rapport hiérarchique entre les genres. Une distinction était opérée entre « vraie» lesbienne et la « fausse lesbienne ». Selon cette théorie, la « vraie» lesbienne se perçoit comme un homme qui désire une femme et qui adopte un comportement

24 Voir Law, supra note 7 à la p. 6, «Since the 19th century, medicine and science have helped to shape

legal and social policy relating to sexuality. Science has increasingly replaced religion as a source of values and knowledge, seeming to offer a methodology for achieving neutral, objective and reliable knowledge in a diverse world where moral values are contested and controversial. From the late 19'h century until the 1970s, the psychiatrie and medical profession played a central role in defining and enforcing the subordinate position ofwomen and in characterizing homosexuality as an illness. This conceptualization of homosexuality is a piece with the more general modernist tendency ta transform evil into madness ».

25 Voir D. O. Cauldwell,« Psychopathia Transexualis» dans E. Reis, dir., American sexual histories, Malden, Blackwell, 2001. Cet auteur faisait ainsi un clin d'oeil à l'ouvrage du médecin allemand Richard von Krafft-Ebing publié pour la première fois en 1886 et consacré à la théorie de l' « inversion sexuelle». On note au passage que l'ouvrage de ce dernier était destiné aux juristes autant qu'à la

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possédant des traits masculins, obéissant ainsi aux injonctions de sa nature masculine. La « fausse» lesbienne, quant à elle, a conservé sa nature féminine. De ce fait, elle est fondamentalement hétérosexuelle, car elle est attirée par la « masculinité» émanant de la « vraie» lesbienne.26

Ce qui est formidablement intéressant dans la théorie de l'inversion telle qu'elle a été développée au 19ème siècle, c'est la place centrale de l'homme hétérosexuel dans le désir homosexuel. Ainsi, les homosexuels n'avaient de désir véritable que pour les hommes hétérosexuels. C'est parce qu'elle se percevait comme un homme

hétérosexuel, que la« vraie» lesbienne était attirée par les femmes. De même, c'est parce qu'elle percevait un homme hétérosexuel dans la nature de la« vraie»

lesbienne, que la « fausse» lesbienne était attirée par elle. Autrement dit, il ne pouvait pas exister de désir homosexuel. Cette théorie permettait notamment de conceptualiser l'homosexualité dans les termes sociaux traditionnels du rapport masculin-féminin, notamment autour de la centralité du désir hétérosexuel masculin. On gardera à l'esprit qu'au 19ème siècle la science ajoué un rôle central dans lajustification « scientifique» des condamnations morales et de l'organisation sociale. Cela allait de l'infériorité naturelle des femmes et des noirs, à la dégénérescence physique et morale des classes populaires et des criminels qui en étaient issus.27

En l'espace de deux siècles, l'hérétique est devenu un criminel, puis un malade; un être asocial, invisible, dangereux et prompt à trahir les siens. Bien que la théorie de l'inversion soit aujourd'hui discréditée, la question de l'origine de l'homosexualité

médecine. R. von Krafft-Ebing, Psychopathia sexualis, eine klinisch10rensische Studie, Stuttgart, Enke, 1886.

26 Voir G. Schwarz, «l'invention de la lesbienne par les psychiatres allemands », dans

M-C. Pasquier, Stratégies de femmes, Paris, Éditions tierces, 1984 à la p. 312 et s.

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occupe encore aujourd 'hui une place importante dans le discours scientifique. Dès l'invention de l'homosexualité, la communauté scientifique a été divisée sur son caractère inné ou acquis.28 D'ailleurs, une partie de cette communauté essaie encore d'en démontrer l'origine biologique, comme en témoignent les recherches de la dernière décennie relatives à la taille de l'hypothalamus, des oreilles, de l'index, des variations du chromosome Xq28 ou des empreintes digitales chez les homosexuels.29

1.1.4- transformation du discours sur l 'homosexualité et apparition de l' « orientation sexuelle»

L'« orientation sexuelle» est une notion en perpétuel mouvement, qui a été

développée dans le cadre du discours sur la sexualité et la société de la fin des années soixante. 30 De multiples groupes et disciplines des sciences humaines s'en sont emparée. Les discours identitaires, sociaux, juridiques et éthiques31 multiples qui ont été développés autour de la notion d' « orientation sexuelle» ont rendu difficile l'élaboration d'une définition claire et stable au plan juridique. Le discours médical

28 Ibid. à la p. 13.

29 Voir Stein, supra note 4 aux pp. 123 et 159; Voir également divers articles de quotidiens et de

magazines qui traduisent l'engouement du public concernant la« cause» de l'homosexualité: G. Charles,« Le gène qui gêne », L'express, Paris, 22 juin 1995 à la p. 41, S. Levay et D. Hamer,« Pour une composante biologique de l'homosexualité », Pour la Science, Montréal, 1994 à la p. 30 et s., P. Recer, «L'homosexualité féminine serait nichée dans l'oreille », La Presse, Montréal,4 mars 1998 à la p. 1; 1. Donn, «La taille de l'index pourrait révéler l'homosexualité », La Presse, Montréal, 1er avril 2000 et V. Dufour, «Le troisième sexe », Le Devoir, 2 avril 2000 à la p. 1.

30 Malgré toutes nos recherches, il ne nous a pas été possible de trouver un seul ouvrage décrivant avec précision le moment de la naissance de l' « orientation sexuelle ». Par exemple, Stein qui consacre un ouvrage entier à la définition de l' «orientation sexuelle» n'explique pas vraiment d'où elle vient. Il se contente de mentionner qu'elle a progressivement pris la place de l'expression « préférence sexuelle» et poursuit son étude à partir de cette constatation.

31 Voir J. Gagnon, « Gender Preference in Erotic Relations: The Kinsey Scale and Sexual Scripts»

dans D. McWhirter, S. Sanders et 1. M. Reinisch, dir., HomosexuaLitylheterosexuaLity .. concepts of sexual orientation, New York, Oxford University Press, 1990 à la p. 179 et s. Cet auteur met en

opposition « Liberal sexual ideologies » et « traditional sexual ideologies » qui créent une situation dans

laquelle « in most large western societies the erotic is simultaneously promoted and denied,

homophobia remains the norm, the genders are segregated in many domains of sociallife, anti woman practices and values are widespread and there is no widely approved systemfor acquiring and practising a sexuallife at any stage in the life course. ( ... ). As a consequence research reports ( ... )

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qui a servi de base à l'élaboration de cette notion s'est trouvé progressivement relégué au rang d'élément controversé. Par conséquent, ce discours n'est plus considéré comme le dépositaire ultime de la « vérité» sur l' « orientation sexuelle ».

À titre d'illustration du mélange des discours culturels, scientifiques et sociaux, on peut citer les revendications des groupes de bisexuels réclamant la reconnaissance d'une « orientation sexuelle» « autonome », les groupes autochtones dénonçant la notion d' « orientation sexuelle» comme une construction purement culturelle sans rapport avec leur réalitë2 ou la vision africaine de l'homosexualité qui y voit là une «maladie» de blanc.33 De plus de nombreuses critiques ont été formulées au sujet de l'emploi quasi-exclusif de la notion d' «orientation sexuelle» vis à vis des membres des communautés LGBT et rarement à l'égard des personnes hétérosexuelles.34

On constate que la notion d' « orientation sexuelle» s'est imposée comme étant avant tout un instrument discursif permettant de s'adresser à l'objet« homosexuel », sous le couvert de son apparente neutralité scientifique. La notion d' « orientation sexuelle» permettrait de décrire « ce qui est» plutôt que « ce qui devrait être

»?5

Néanmoins, comme le démontrent les auteurs Stein et McWhirters, cette prétention scientifique ne résiste pas à l'analyse.

La notion d' «orientation sexuelle» n'ajamais fait l'objet d'un consensus relatif à sa définition au plan scientifique36 et le flou qui en découle s'est trouvé renforcé par des

cannat be treated as merely the results of disinterested inquiring but represent moral and political acts in larger dramas of liberation and repression ».

32 Voir Brown, supra note 16.

33 Voir Murray et Roscoe, supra note 16. 34 Voir Stein, supra note 4 à la p. 39 et s. 35 Voir Gagnon, supra note 31 à la p. 179 et s.

36 Stein constate par exemple qu'aucune des études sur l'origine de l' « orientation sexuelle », y compris les plus récentes, ne donne de définition exacte de ce qu'est l' «orientation sexuelle ». Voir Stein, supra

(22)

discours contradictoires issus d'autres domaines des sciences sociales comme l' histoire, la sociologie, l'anthropologie et la philosophie.37

L'émergence et l'instabilité de la notion d' «orientation sexuelle» reflète les modifications dans l'attitude sociale, de la médecine et du droit relativement au traitement de l'homosexualité. Vers la fin des années soixante, les autorités médicales et gouvernementales commencent à tirer les conclusions de l'étude moderne de la sexualité. La médecine abandonne sa vision de l'homosexualité comme étant une pathologie mentale et l'État décriminalise les relations sexuelles entre personnes du même sexe.38 Une terminologie nouvelle permettant de continuer à parler

d'homosexualité de manière plus neutre devient alors nécessaire. Ainsi les notions de « préférences» et d' « orientation» sexuelle cohabitent pendant un certain temps. Finalement, l' « orientation sexuelle» a détrôné l'idée de « préférence» sexuelle ou de genre39 parce qu'elle paraissait plus neutre, objective et moins attachée à la possibilité d'un choix.4o

La notion médicale de 1'« orientation sexuelle» implique une référence au sexe d'une personne en rapport avec le sexe d'une autre personne.41 Elle a également une

note 4 à la p. 206. Il conclut que« Although the main studies ( ... ) are well-placed, widely-cited, and their conclusions are even more widely believed, ( ... ) there are serious methodological and

interpretative problems facing each of them. [they] embrace - explicitly or implicitly - a problematic account of what a sexual orientation is; have problems finding an appropriate subject pool of study, accept unjustified assumptions about the base rate of homosexuality, and make a variety of implicit widely varied and unjustified assumptions about homosexuality. No study ( ... ) avoids ail of these problems, and many of them have additional problems (jor example, few of them have been replicated)>>. Ibid. à la p. 226.

37 Ibid. à la p. 355.

38 Voir Waaldjik, infra note 60.

39 Voir Gagnon, supra note 31 à la p. 177 et s. 40 Voir Stein, supra note 4 à la p. 41 et s. 41 Ibid. à la p. 24 et s.

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incidence sur la construction sociale du genre.42 Sexe et genre sont parfois utilisés comme synonymes, mais le plus souvent comme distinguant ce qui se réfère au biologique, de ce qui se réfère au culturel.43 Cette compréhension du genre permet notamment dans les traditions culturelles occidentales, de diviser les attitudes et les rôles sociaux « masculin» et« féminin» en fonction du sexe biologique.44

Dans d'autres cultures, le lien entre le genre et le sexe biologique est perçu

différemment. Il peut même exister plus de deux genres. Certaines nations autochtones en connaissaient jusqu'à sept.45 Par exemple, dans ces sociétés, les rapports intimes et affectifs entre personnes de même sexe pouvaient être construits comme des rapports entre personnes possédant des genres différents.46 De cette façon, les traditions culturelles occidentales qui « biologisent » le genre, « biologisent » aussi, du même coup, les distinctions sociales construites autour du sexe, en leur donnant

l'estampillent de la« naturalité ».47

42 La relation entre l' « orientation sexuelle» et le genre est culturellement très forte. Ainsi la dans perception populaire, les lesbiennes ne sont pas considérées comme de « vraies» femmes et les gais ne sont pas de « vrais» hommes. Ibid. à la p. 34.

43 Ibid. à la p. 31. 44 Ibid. à la p. 32.

45 Voir Brown, supra note 16.

46 Ibid.

47 Cela rend impossible la reconnaissance de l'existence des personnes dont la vie échappe à cette organisation binaire du sexe et du genre, comme les personnes hermaphrodites ou transgenrées. Comment en effet qualifier l'attirance pour une femme, d'une personne du sexe masculin mais possédant une «identité de genre» féminine. Serait-elle homosexuelle ou hétérosexuelle? Voir Stein,

supra note 4 à la p. 33; Afin d'avoir accès à une existence administrative, les personnes transexuelles ou transgenres doivent opter pour l'un des deux genres et accepter que l'on procède sur leur corps, aux mutilations chirurgicales nécessaires pour que leur sexe biologique apparent reflète ce genre. Ibid. à la p. 36; Del LaGrace Volcano est une artiste hermaphrodite qui refuse d'être identifiée à un sexe ou à un autre. Il possède la double nationalité britannique et américaine et du fait des normes médicales différentes en vigueur dans ces deux pays, elle est considérée comme un homme dans ses papiers britanniques et comme une femme dans ses papiers américains. Del LaGrace qui se dit autant attiré par les hommes que par les femmes se verrait pour la même relation, considéré comme homosexuel ou hétérosexuel en fonction de son domicile ou de sa nationalité. Del LaGrace Volcano, en ligne: Del LaGrace Volcano Gender Terrorist <http://www.disgrace.dircon.co.uk/> (date d'accès: 19 août 2003). D'ailleurs les problèmes d'accords grammaticaux et de vocabulaire rencontrés pour simplement décrire la réalité de Del LaGrace montrent combien il est impossible d'échapper au binarisme.

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La compréhension la plus répandue de l' « orientation sexuelle» repose sur ce binarisme. Elle est organisée autour de deux groupes considérés comme étanches. Il s'agit d'une part des «hétérosexuels» et d'autre part des « homosexuels ».48 Pour les partisans de cette école scientifique, il n'existe pas de véritable bisexualité. Celle-ci est considérée comme étant essentiellement circonstancielle ou reflétant un problème profond d'ajustement.49 C'est ce que l'on appelle la vision binaire de l' « orientation sexuelle ».50

Les travaux de Kinsey ont révolutionné la compréhension de la sexualité humaine.51 À

partir de critères comme le comportement sexuel, les désirs et les fantasmes52, son équipe a établi une échelle de 6 degrés allant de l'hétérosexualité exclusive (1) à l'homosexualité exclusive (6). C'est ce que l'on appelle la vision bipolaire de

l' « orientation sexuelle ». Kinsey53 a établi que près de la moitié des personnes ayant pris part à ses études se trouvaient entre les degrés 2 et 5. La vision bipolaire est complètement opposée à la vision binaire, puisqu'elle privilégie au contraire

l'existence d'une« orientation sexuelle» principalement bisexuelle et fluide, et prend en considération ses variations au cours de la vie d'une personne.54

48 Voir Stein, supra note 4 à la p. 49.

49 Ibid. à la p. 50.

50 Ibid.

51 Ibid. à la p. 51. 52 Ibid. à la p. 47.

53 C'est en 1948 que Kinsey a fait cette affirmation «révolutionnaire» : « The world is not to be divided

into sheeps and goats. Not ail things are black nor ail things white. It is a fundamental of taxonomy that nature rarely deals with discrete categories. Only the human mind invents categories and tries to force facts into separated pigeon holes. The living world is a continuum in each and everyone ofits aspects.

The sooner we learn this concerning human behavior, the sooner we shall reach a sound understanding of sex ». Voir A. Kinsey; W. Pomeroy et C. Martin, Sexual behavior in the human male, Philadelphia,

Saunders, 1948 à la p. 639.

54 Voir Stein, supra note 4 à la p. 51; « The fact that sexual behavior patterns and sexual self-Iabelling can change dramatically and sometimes several times (e.g. fram heterasexual to homosexual and back to homosexual) within an individual over time challenges the view that sexual orientation isfixed or determined early in life and remains constant »; Voir également D. McWhirter, S. Sanders et 1. M.

(25)

Stein critique ces deux visions à cause de leur absence de prise en compte de

l'environnement culturel. Par exemple, dans certaines régions d'Amérique latine et du Moyen-Orient, un homme ayant des rapports sexuels avec des femmes et des hommes mais n'assumant qu'un rôle de pénétration avec ces derniers sera considéré comme très viril, hétérosexuel et sa masculinité ou son « orientation sexuelle» ne sera pas remise en question. En Amérique du nord, le même homme serait probablement considéré comme bisexuel, ou homosexuel de « circonstance» ou comme souffrant de difficultés d'ajustement. 55

C'est dans ce contexte d'émergence de la notion d' «orientation sexuelle », que prend naissance l'idée de la revendication du droit à l'égalité, par le mouvement

homosexuel. Celui-ci adopte alors un modèle similaire à celui utilisé par le mouvement noir américain des droits civiques. La transition du mouvement homosexuel vers un mode de revendication et d'affirmation identitaire, se fera différemment chez les gais et les lesbiennes.56 Les lesbiennes s'engagent dans le mouvement féministe qui militait en faveur de l'égalité des sexes et s'identifient avant tout comme femme. Les gais se rallient derrière« l'orientation sexuelle », dont ils font progressivement le point de cristallisation de leur identité et de leurs revendications.57

Stein conclut son étude de la notion d' «orientation sexuelle», sur la constatation que

« our categories of sexual orientations might prove to be empty human kinds in much

the same way that phlogiston turned out to be an empty kind and th us a false start on

Reinisch, dir., Homosexualitylheterosexuality: concepts ofsexual orientation, New York, Oxford

University Press, 1990 à la p. xxiv. 55 Voir Stein, supra note 4 à la p. 48.

56 Voir Brown, supra note 18.

57 Voir K. A. Lahey, Are we 'persons' yet ? : Law and Sexuality in Canada, Toronto, University of

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the path towards developing a sophisticated theory of combustion (. .. ) »58. Il achève son ouvrage sur l'affirmation que« our confidence that we have advanced a great deal in our understanding of sexual orientation compared to Aristophanes and his

fellow celebrants in the Symposium is premature». 59

1.2- exemples de mise en œuvre de la notion d' « orientation sexuelle»

1.2.1- Canada

1.2.1.1- antérieurement à la Charte canadienne des droits et des libertés

Au Canada, les dispositions criminelles du régime français, qui sanctionnaient l'homosexualité ont été remplacées après la conquête par les dispositions criminelles qui prévalaient dans toutes les colonies britanniques6o• L'abrogation de la

criminalisation de l'homosexualité en France au moment de la révolution française61 n'a donc pas eu d'incidence sur le droit applicable au Canada. En revanche la décriminalisation s'est également produite dans d'autres États européens.62

58 Voir Stein, supra note 4 à la p 228.

59 Ibid. à la p. 348.

60 La criminalisation de l'homosexualité en Angleterre date de 1533 et a été renforcée en 1861 et 1885. Voir K. Waaldjik,« Civil Development : Patterns of Reform in the Legal Position of Same-sex Partners in Europe" (2000) 17 Rev. Cano D. Fam. 62-88 au para. 9.

61 En 1791, le législateur révolutionnaire a abolit les« crimes contre nature» cum bestia, inter

masculos et inter femina au motif que la criminalisation de ces actes découlait d'interdits religieux

relevant plutôt de l'espace de la morale privée que du champ du droit criminel. Il n'y a pas eu, en France, de criminalisation spécifique de l'homosexualité jusqu'à la loi du 6 août 1942, promulguée par le régime de Vichy. La criminalisation a été renforcée en 1945 et 1960, et elle permettait entre autre le fichage des homosexuels par la police. Elle ne sera abrogée que le 4 août 1982. Voir J. Danet, «Le statut de l'homosexualité dans la doctrine et la jurisprudence françaises» dans D. Borrillo, dir.,

Homosexualités et droit: de la tolérance sociale à la reconnaissance juridique, Paris, P. U .F., 1998 à la

p. 113. Les mêmes motifs de laïcisation du droit criminel ont amené la décriminalisation de

l'homosexualité en Russie en 1917. La criminalisation fut malheureusement réinstituée par Staline en 1934. Voir Waaldijk, infra note 60 au para. 13.

62 Ainsi sur la base du code pénal napoléonien, la criminalisation de l'homosexualité a été abrogée, quelquefois seulement temporairement, en Belgique et au Luxembourg (1794), au Pays-Bas (1811) ainsi que dans certaines parties de l'Allemagne, de la Pologne, de la Suisse et de la Turquie. Ibid. au

(27)

Dès les années 50, au Royaume-Uni, le rapport de la Commission Wolfenden recommandait la décriminalisation de l'homosexualité. Il concluait que la

condamnation de l'homosexualité était essentiellement d'origine religieuse, et que la loi devait s'abstenir d'imposer aux gens des normes de comportements privés ayant une telle origine. Le dilemme auquel la Commission Wolfenden faisait face est au cœur du débat sur la relation du droit avec la moralité. 63

Ce rapport exprime une philosophie de la « tolérance », articulée autour des sphères publique et privée de la vie d'une personne. Dans le cadre de cette « tolérance» la moralité ne s'applique que de façon atténuée dans la sphère privée, car dans celle-ci certains actes jugés immoraux ne sont plus criminalisés. Toutefois, le « dégoût» social peut encore s'exprimer dans la sphère publique, au travers de la criminalisation et de la discrimination. Cette philosophie de la « tolérance» semble plutôt n'être qu'un outil d'oppression légitime, qui permet l'effacement de toute manifestation publique de l'homosexualité, et qui justifie la perpétuation de l'exclusion. La vague de

décriminalisation de l'homosexualité qui s'est produite en Europe et au Canada dans les années soixante repose sur la philosophie de la « tolérance» prônée dans ce rapport.64

63 R.-V., H.C.,« Report of the Committee on Homosexual Offences and Prostitution », Cmd 247, 1957. (<< Wolfenden Report ») aux para. 14 et 24.

64 Voir L. Backer, « Exposing the perversions of toleration : the decriminalisation of private sexual conduct, the model penal code, and the oxymoron of liberal toleration », (1993) 45 Fla. L. Rev. 755 au para. 764 et s. Aux États-Unis, la position de la Cour suprême jusqu'à l'arrêt Lawrence était de refuser toute idée de «tolérance », y compris dans l'espace privé. Ce point est illustré par le passage suivant de l'opinion du juge Burger dans l'arrêt Bowers datant de 1986. Dans cette affaire il était question de la protection de la vie privée de deux adultes consentants ayant eu des rapports homosexuels dans leur maison et arrêtés pour ce motif : « To hold that the act of homosexual sodomy is somehow protected as

afundamental right would be to cast aside millenia ofmoral teaching ». Bowers c. Hardwick, 478 U.S.

186 (1986) (<< Bowers ») à la p. 197. L'arrêt Lawrence c. Texas, 593 U.S. _ (2003) (<< Lawrence »), du 26 juin 2003, renverse la jurisprudence établie dans Bowers et reconnaît l'existence du droit à la protection de la vie privée, « situé» dans la « pénombre» des droits protégés par la constitution américaine. Ce faisant, il déclare les lois « anti-sodomie » encore en vigueur comme étant anticonstitutionnelles.

(28)

Cette philosophie de la « tolérance» semble avoir eu une incidence importante sur la formation de l'identité« homosexuelle ». Celle-ci semble avoir été articulée autour des trois éléments suivants. Il s'agit premièrement d'« un acte sexuel défini par l'identité du sexe des partenaires, en deuxième lieu un état, voire une nature, en tout cas un trait de personnalité tiré de la sexualité, et enfin une relation affective et

sexuelle entre des êtres de même sexe ».65

Au Canada, la première vague de décriminalisation date de 1969, lorsque Pierre Trudeau, alors Premier ministre, boute l'État « hors des chambres à coucher» en amendant l'article 157 du code criminel qui sanctionnait la commission d'un acte de grossière indécence entre deux personnes. Les actes homosexuels permis étaient ainsi circonscrits à la sphère privée et entre des personnes consentantes de plus de 21 ans.

Comme nous l'avons vu plus haut, les homosexuels ont articulé leur identité autour de la perception sociale de leur sexualité. En cela, la décriminalisation ne constituait pas une reconnaissance par l'État, mais plutôt un moyen d'exprimer leur sexualité d'une manière non criminelle tant qu'ils restaient dans la sphère privée. Cela était nécessaire mais insuffisant pour leur permettre d'exprimer pleinement et publiquement leur identité.

La décriminalisation a été le premier pas, fragile66, vers la reconnaissance complète de l'identité «homosexuelle ». La décriminalisation s'inscrit d'ailleurs selon Kees

Waldjik, dans un processus de transformation sociale engendré par la perte d'influence

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des valeurs religieuses dans le droit. Selon cet auteur, la décriminalisation est le premier pas vers la reconnaissance sociale complète qui est symbolisée par l'accès au mariage.67

Très tôt, des luttes juridiques ont été engagées de manière à obtenir ce droit d'exister dans la sphère publique de la société. D'ailleurs, la révolte provoquée par l'exclusion de la sphère publique et l'impossibilité de participer pleinement à la vie sociale est exprimée dans le fameux cri de Nathanaël, « Familles, je vous hais, foyers clos, portes refermées, possessions jalouses du bonheur ».68

Au Canada, des couples homosexuels demandent dès le début des années soixante-dix, la délivrance de certificats de mariage. Ces demandes furent rejetées bien qu'à cette époque la législation ait été souvent neutre quant au sexe des personnes pouvant contracter un mariage. Dans l'arrêt Re North and Matheson69, deux hommes avaient

entamé des poursuites à l'encontre de l'administration manitobaine. Celle-ci leur avait refusé la délivrance d'un certificat de mariage bien qu'ils aient été mariés par l'Église Unitarienne. Ils avaient profité de la rédaction neutre de la loi manitobaine

relativement à la forme du mariage et de l'absence de définition du mariage quand au fond au plan fédéral. La cour a rejeté leur requête en énonçant simplement qu'il ne pouvait exister de mariage entre deux personnes de même sexe. La cour a invoqué les enseignements religieux judéo-chrétiens pour motiver sa décision.7o

66 L'article 175 du code pénal allemand qui criminalisait l'homosexualité fut abrogé en 1929 et remis en vigueur par le régime nazi en 1934. Voir F. Tamagne, Histoire de l'homosexualité en Europe, Paris,

Seuil, 2000 à la p. 103.

67 Voir Waaldijk" supra note 60 au para. 9 et s.

68 A. Gide, Les nourritures terrestres, Paris, Gallimard, 1944.

69 Re North and Matheson (1974), 52 D.L.R. (3rd) 280 (Man. Co Ct).

(30)

La professeure Kathleen Lahey montre bien comment à partir de cette génération de jugements ne faisant nullement appel à des principes de droit de la personne, il s'est créé deux espaces juridiques. Le premier, seul reconnu, comprend les couples de «

sexe opposé », alors que le second, non reconnu, comprend les couples de « même sexe ». La frontière entre ceux deux groupes est délimitée par l'expression publique de l' « orientation sexuelle ». La qualification du sexe des conjoints devient centrale, ce qui conduit à accroître la pression sur certaines catégories de membres des

communautés LGBT, comme par exemple les personnes transgenres.71

Au Canada lorsque l'homosexualité a été décriminalisée, la garantie d'égalité devant la loi était assurée de manière limitée par l'article 1 (b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la « Loi canadienne»). 72 Cette garantie ne s'applique d'ailleurs

qu'à la législation fédérale. Dans le milieu des années soixante-dix, après ce que Peter Hogg qualifie de série des « Indian Act Cases» 73, la Cour suprême développe le critère de l'objectif fédéral valide. Une disposition discriminatoire pouvait échapper à l'annulation, dés lors que celle-ci ou la législation dans son ensemble, avait un objectif fédéral valide.74

Le professeur Peter Hogg est à juste titre extrêmement critique de cette doctrine vague et peut-être trop respectueuse de la souveraineté parlementaire, au point que celle-ci échappait au contrôle qui était pourtant le but initial de la Loi canadienne. Il n'est donc

71 Ibid. à la p. 10 et s.

72 Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.c. 1985, c. H-6. (<< Loi canadienne»).

73 Voir P. Hogg, Constitutionallaw of Canada, 4ème éd., Scarborough, Carswell, 1997 à la p. 52.2. 74 Ainsi une loi autorisant l'imposition de peines plus lourdes aux jeunes contrevenant qu'aux adultes a satisfait au test de l'objectif fédéral valide. Voir R. c. Burnshine, [1975] 1 R.C.S. 693.

n

en va de même dans une affaire où les prestations d'assurance chômage d'une femme ont été supprimées uniquement parcequ'elle s'est trouvée enceinte. Voir BUss c. A.G. Can., [1979] 1 R.C.S. 183.

(31)

pas très étonnant que l'article 1 de la Loi canadienne n'ait pas tout de suite été utilisé par les homosexuels comme outil de lutte contre la discrimination.75

Les premières revendications des homosexuels n'ont pas été fondées sur la prétention qu'ils auraient été discriminés du fait de leur « orientation sexuelle ». Ce sont les tribunaux qui ont procédé à la création de ce motif de discrimination. Le choix fait par les tribunaux d'utiliser l' « orientation sexuelle» est un emprunt à la littérature

médicale de l'époque concernant l'homosexualité. Malheureusement cet emprunt ne se faisait pas en faveur des homosexuels et dans le sens d'une plus grande protection. Il avait pour effet d'amener les tribunaux à déterminer dans un premier temps qu'il y avait bien eu discrimination dans une situation donnée et dans un deuxième temps à conclure qu'ils étaient dans l'incapacité de corriger la discrimination car celle-ci était fondée sur l' «orientation sexuelle », laquelle n'était pas un motif prohibé de

discrimination.76

L'importation de la notion d' « orientation sexuelle» dans le discours judiciaire a fortement contribué à la transformation de cette notion en « motif» de discrimination à part entière. Cette transformation a amené les homosexuels à s'emparer de ce nouveau motif et à lutter pour son introduction dans la liste des motifs prohibés de discrimination contenus dans les divers instruments de protection des droits de la personne.

75 Voir Hogg, supra note 73 à la p. 52.5.

76 Voir Lahey, supra note 57 à la p. 4 : « Thus it is not surprising that when sexual minorities in Canada, heartened by growing social movement and the decrimina/ization of some aspects of

(32)

1.2.1.2- Charte canadienne des droits et des libertés

Lors de son entrée en vigueur le 17 avril 1985, l'article 15 de la Charte canadienne des droits et des libertés (La « Charte canadienne») a supplanté la garantie d'égalité prévue par la Loi canadienne. L'application de l'article 15 est venue bouleverser le traitement des problèmes concernant la protection des minorités.77

Cet article protége le droit d'une personne à ne pas être discriminée sur la base d'un certain nombre de motifs qui sont énumérés. Il s'agit de la race, de l'origine nationale ou ethnique, de la couleur, de la religion, du sexe, de l'âge ou du handicap mental ou physique. Cette liste n'a pas une vocation exhaustive et a déjà été allongée par la Cour. Le second paragraphe de l'article réfère expressément à la notion de groupe afin d'autoriser la mise en place de programmes de discrimination positive. Il ne s'agit pas ici d'étudier le fonctionnement et l'étendue des droits protégés par la Charte mais d'examiner comment la notion d' «orientation sexuelle» a été approchée par la cour suprême.

Afin de déterminer si une personne fait l'objet de discrimination, il est nécessaire de faire appel à un mécanisme de comparaison. C'est dans l'élaboration de ce mécanisme qu'interviennent les théories ayant trait à la détermination des différents éléments devant faire l'objet de la comparaison. On pense notamment à l'identification des personnes ou des groupes de personnes qui serviront aux fins de la comparaison.78

medico legal phrase 'sexual orientation' was finally formulated to express the essence of queemess and began to become incorporated into human rights codes ».

77 Le premier alinéa de l'article 15 de la charte canadienne des droits et des libertés stipule que « La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques ».

(33)

Antérieurement à l'arrêt Andrews c. Law society of British Columbia79 rendu en 1985, la Cour suprême utilisait un principe dit de « situation similaire ». Ce principe était inspiré du droit constitutionnel américain. Selon ce principe, pour déterminer s'il y avait eu discrimination, on procède à une comparaison entre la situation du requérant et celle des personnes se trouvant dans une « situation similaire ». Ce principe est par essence limité puisque par exemple dans le cas d'une loi antisémite, une personne discriminée parce qu'elle est juive serait comparée aux personnes considérées comme juives. Si tout le groupe est traité de la même façon, alors il sera réputé ne pas y avoir de discrimination. Une loi antisémite pourrait donc aisément survivre à un tel test. Le groupe est constitué par les personnes étant dans des situations similaires.8o

La question de la détermination de l'appartenance d'une personne à une minorité ou à un groupe historiquement désavantagé est survenue très tôt dans la mise en œuvre de la Charte.81 Le caractère vague de l'article 15 et l'absence d'approche systématique de la Cour suprême facilitaient cette confusion. L'arrêt Andrews est venu apporter un premier élément dans la méthode à suivre en vue de l'identification des groupes désavantagés. Le raisonnement suivi par la Cour suprême est le suivant: l'article 15 en raison de son second paragraphe montre qu'il se préoccupe de rétablir l'égalité de groupes désavantagés. Le premier paragraphe donne une indication du type de caractéristiques que ce groupe posséderait.

Compte tenu de ces exemples, on parlerait donc de caractéristiques personnelles immuables. Le terme « immuable» a été interprété par la Cour suprême dans l'arrêt

79 Andrews c. Law society of British Columbia, [1989] 1

R.e.s.

143, (<<Andrews»). 80 Ibid. à la p. 164 et s.

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Corbière c. Canada82 comme étant « changeable, mais à un coût inacceptable pour l'identité ». Dans l'arrêt Andrews, le juge La Forêt se prononçait déjà sur cette question en estimant que puisque le choix de la nationalité échappe typiquement au contrôle de l'individu, il s'agissait d'une caractéristique immuable.83

En vertu de l'article 15, des caractéristiques analogues à celle énumérées peuvent être utilisées pour pouvoir faire invoquer sa protection. Dans les années 90, les autres arrêts déterminants pour la détermination par la Cour de sa position relativement à l'interprétation de l'article 15 sont les arrêts Miron c. TrudeZ84 et Egan c. Canada85 et et Thibaudeau v. Canada86• C'est dans le cadre déterminé par ces arrêts que la Cour a

interprété la notion d'orientation sexuelle.

Ces arrêts ont véritablement divisé la Cour en trois courants distincts quant à l'analyse de l'article 15. Cette division vient obscurcir considérablement la certitude avec laquelle on peut tenter de définir l'existence d'un groupe minoritaire et les modalités d'appartenance à celui-ci. 87

Dans ces arrêts la question posée portait sur la distinction opérée par la loi entre les conjoints de fait et les conjoints mariés, relativement à leur éligibilité à certains types de prestations sociales. Dans le cas de l'arrêt Miron, les conjoints de fait étaient de sexe différents et dans le cas de l'arrêt Egan, les conjoints de fait étaient de même sexe.

82 Corbière c. Canada, [1999] 2 RC.S. 203, (<<Corbière»).

83 Voir Andrews, supra note 79 à la page 195.

84 Miron c. Trudel, [1995] 2 RC.S. 418, (<<Miron»). 85 Egan c. Canada, [1995] 2 R.C.S. 513, (<<Egan»).

(35)

Dans l'arrêt Miron la Cour a estimé que les conjoints de fait se trouvaient

désavantagés vis-à-vis des conjoints mariés et que cette distinction de traitement par la loi constituait de la discrimination. Dans le cas de l'arrêt Egan, le problème portait plus particulièrement sur l'inclusion des conjoints de même sexe dans la définition de conjoints de fait formulée par la législation attaquée.

Dans l'arrêt Egan, la Cour a estimé (par 5 voix contre 4) que l'orientation sexuelle constituait un motif analogue et que par conséquent la définition de conjoints de fait formulée par la législation violait la garantie d'égalité contenu dans l'article 15. Le résultat aurait donc dû être le même que dans l'arrêt Miron. Néanmoins, le juge Sopinka, qui avait conclu que l'article 15 avait été violé, a fait basculer la majorité de la Cour. Il a en effet sauvé la définition discriminatoire en ayant recours à l'article premier de la Charte. Il invoquait des arguments financiers à l'appui de son

raisonnement. En conséquence, la Cour (5 contre 4) a estimé que la législation qu'une majorité avait trouvée discriminatoire, était conforme à la Charte.

L'arrêt Egan a fait entrer « l'orientation sexuelle» dans la liste des motifs de distinction interdits contenue à l'article 15. Cette entrée s'est faite sans qu'aucune définition ne soit apportée pour ce nouveau motif. En fait, la Cour relie les

homosexuels et 1'« orientation sexuelle» d'une façon qui laisse comprendre que seuls ceux-ci en possèdent une ...

Il n'en reste pas moins que l'arrêt Egan est considéré comme le jugement faisant autorité sur l'interprétation de l'orientation sexuelle au Canada.88 La difficulté d'une bonne compréhension de ce que signifie exactement ce nouveau motif prohibé de

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discrimination est illustrée dans l'arrêt Vriend c. Alberta89, que la Cour suprême a

rendu peu après l'arrêt Egan.

Dans l'arrêt Vriend, la question de la définition de l' « orientation sexuelle» s'est à nouveau posée. Il s'agissait cette fois-ci d'un rapport conflictuel apparent entre l' « orientation sexuelle» et un autre motif prohibé de discrimination, la religion.9o Même si le juge Cory écarte rapidement cet argument il est intéressant de s'y arrêter. En effet, la religion est souvent invoquée à l'appui des différents arguments en faveur de la discrimination des homosexuels. Selon certains auteurs, la religion pourrait même aller jusqu'à constituer un puissant élément de définition d'une minorité

sexuelle. Le groupe serait alors défini par rapport au schéma d'exclusion systématique prôné par certains modèles religieux en matière de couple, d'identité ou de pratiques sexuelles. La revendication du droit à l'égalité passerait alors par le droit de ne pas adhérer à certains préceptes religieux.91

Dans l'arrêt Vriend, le juge Hunt de la Cour d'appel de l'Alberta est sceptique quant à l'utilisation de la notion d'« orientation sexuelle» en faisant remarquer qu'il s'agit d'une expression qui n'est pas clairement définie. La question était clairement posée et la Cour suprême tenait là une occasion idéale de préciser ce qu'elle entendait par « orientation sexuelle ». La réponse formulée par le juge Cory contourne cet exercice de définition. Il se borne à rappeler que la Cour n'avait pas été plus précise dans l'arrêt Egan et qu'à son avis « les mots 'orientation sexuelle' sont des mots usuels dont le

88 Voir Lahey, supra note 57 à la p. 88.

89 Vriend c. Alberta, [1998] 1

R.e.s.

493, (<<Vriend»). 90 Ibid. à la p. 569.

91 Voir D. Richards, « Sexual preferences as a Suspect (religious) classification: an alternative perspective on the unconstitutionality of Anti-Gay/Lesbian initiatives» (1994) 55 Ohio St. L.J. 491.

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