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Economie de la distribution d'eau aux populations urbaines à faible revenu dans les pays en voie de développement

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Academic year: 2021

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Economie de la distribution d’eau aux populations

urbaines à faible revenu dans les pays en voie de

développement

Alain Morel a l’Huissier

To cite this version:

Alain Morel a l’Huissier. Economie de la distribution d’eau aux populations urbaines à faible revenu dans les pays en voie de développement. Economies et finances. Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, 1990. Français. �tel-00529771�

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N S I 5 6 7 5 < 3 >

X

MEMOIRE

PRESENTE POUR L'OBTENTION DU GRADE DE

DOCTEUR DE L'ECOLE NATIONALE DES PONTS ET CHAUSSEES Spécialité:

Sciences et Techniques de l'Environnement

par Alain MOREL A L'HUISSIER

Sujet:

ECONOMIE DE LA DISTRIBUTION D'EAU AUX POPULATIONS URBAINES A FAIBLE REVENU

DANS LES PAYS EN DEVELOPPEMENT

soutenue le 22 décembre 1990 devant le jury composé de: M. Rémy PRUD'HOMME M. Rémy POCHAT M. Henri COING M. Gabriel DUPUY M. Jean-Claude DEUTSCH Président Rapporteur Rapporteur Examinateur Examinateur

v

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REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier Monsieur Rémy PRUD'HOMME, Professeur à l'Institut d'Urbanisme de Paris, qui, au cours de son enseignement, m'a initié aux problèmes et aux méthodes de l'économie de l'environnement et qui m'a fait l'honneur de présider ce jury.

Je remercie Messieurs Henri COING et Rémy POCHAT d'avoir bien voulu accepter de mettre leur compétence dans le domaine traité au service de la critique et de l'évaluation de ce travail.

Ma profonde gratitude va à Monsieur Gabriel DUPUY pour avoir non seulement dirigé cette thèse mais aussi pour m'avoir encouragé, témoigné sa confiance et prodigué les plus précieux conseils pendant toute la durée de ce travail.

Monsieur Jean-Claude DEUTSCH, qui m'avait encadré sur ce sujet dès mon stage de DEA, a accepté de participer à ce jury. Qu'il trouve ici l'expression de ma sincère reconnaissance.

Je remercie vivement, pour leur soutien et leurs conseils, les membres du CERGRENE et de l'Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, où ce travail a pu se dérouler dans d'excellentes conditions.

Ce travail n'aurait pas été possible sans l'aide précieuse que m'ont apportée les nombreuses personnes rencontrées en France et en Afrique, en m'accordant un peu de leur temps, en mettant à ma disposition les informations en leur possession et en me proposant un soutien logistique dont je mesure pleinement toute la valeur. Je tiens en particulier à remercier à ce titre Messieurs OLIVER et BOS, de la SAFEGE, M. HENRY, de la Caisse Centrale de Coopération Economique, M. GBALOAN SERI, de la Société de Distribution d'Eau de Côte d'Ivoire, M. SURRATEAU, de la Direction de l'Hydraulique de Côte d'Ivoire, M. DUQUESNE, de la Direction de l'Urbanisme de Côte d'Ivoire, M. AUTARD, de la Direction et Contrôle des Grands Travaux de Côte d'Ivoire, Monsieur le Maire de KORHOGO, M. CHELLE, Directeur des services techniques de la Ville de KORHOGO, Messieurs SITA, IKOUNGA et ITOUA-GOMBA, de la Société Nationale de Distribution d'Eau du Congo, M. TESTA, de la Mission d'Urbanisme et d'Habitat au Congo, Messieurs BADJO, TREGUIER, GADOUAIS, TCHAGOLE et TRAORE, de la Régie Nationale des Eaux du Togo, M. OSSENI, de la Direction de l'Hydraulique et de l'Energie du Togo, M. FELLI, de la Direction Générale de l'Urbanisme et de l'Habitat du Togo, M. MARGUERAT, du Centre ORSTOM de Lomé, M. LAROCHE, de la Société Togolaise d'Etudes et de Développement, Messieurs ELESSA, MAUPAS, MOUIRI et ROBIN, de la Société d'Energie et d'Eau

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du Gabon, M. YAO, de l'Office National de l'Eau et de l'Assainissement du Burkina Faso et Messieurs GUIEBO et OUEDRAOGO, de la Direction Générale de l'Urbanisme du Burkina Faso.

J'exprime ici ma plus profonde gratitude, ainsi que mon admiration et mon affection à Monsieur François VALIRON et à Madame Lyliane PIERRE, dont l'aide et l'enseignement m'ont été si infiniment précieux.

Je tiens enfin à remercier le Ministère de l'Equipement, du Logement, des Transports et de la Mer pour m'avoir permis de débuter ma vie professionnelle par une activité de recherche. Je suis convaincu que l'expérience acquise au cours de ces quelques années me sera profitable tout au long de ma carrière.

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RESUME

Les investissements réalisés et les politiques sociales mises en oeuvre au cours de cette Décennie Internationale de l'Eau Potable et de l'Assainissement (1981-1990) n'ont pas permis d'étendre significativement le service domiciliaire dans les villes africaines. Un grand nombre de personnes revendent aujourd'hui, soit directement à leurs voisins non raccordés, soit en la livrant à partir des points d'eau collectifs, l'eau produite par les compagnies distributrices.

La diminution du coût du raccordement pour l'usager (branchements-type simplifiés, subventions, crédit) se heurte à des obstacles incontournables de nature technique, institutionnelle ou socio-économique qui en limitent singulièrement la portée. Quant aux tarifs pratiqués (subventions globales ou croisées) ou leur possible structuration (ajustements, progressivité des tranches), ils concilient difficilement équité et efficacité économique.

Les activités de revente de l'eau ne se sont pas seulement développés du fait de ces échecs mais relèvent de cette forme de production particulière au système de l'économie urbaine pauvre, souvent dénommé "secteur informel".

Favorisées, au contraire des réseaux de distribution, par une faible intensité en capital et une forte intensité en main d'oeuvre, elles permettent de suivre avec plus de souplesse les variations quantitatives et qualitatives de la demande, de pallier les lacunes spatiales (zones mal desservies) ou temporelles (desserte intermittente) du réseau canalisé et de fournir un nombre maximal d'emplois pour une immobilisation minimale de capital. Au sein du circuit de distribution d'eau, la revente remplit une fonction régulatrice et garantit à ceux qui y recourent une protection contre toutes sortes d'aléas: économiques, politiques, fonciers, climatiques et techniques.

Diverses études de cas montrent que l'exploitation des bornes-fontaines par des particuliers ou par des comités de quartier sous contrat de gestion déléguée permet de pallier ces inconvénients, à condition toutefois que soient prises certaines dispositions contractuelles et tarifaires ainsi que des mesures d'accompagnement et d'incitation.

L'analyse des systèmes de distribution "sociale" de l'eau et des systèmes de "redistribution" aboutit à une nouvelle approche de la planification et de la conception des réseaux de distribution prenant en compte les limites des premiers et les potentialités des seconds.

Les méthodes de prévision de la demande ont d'abord été questionnées. A peu près fiables dans le cas de la desserte par branchements individuels d'une

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zone à l'urbanisation contrôlée et maîtrisée, elles semblent donner des résultats beaucoup plus incertains lorsque la desserte collective ou semi-collective devient prépondérante.

Après avoir analysé chacune des variables explicatives de la demande, notamment les revenus, les tarifs et la distance au point d'eau -les principales en cause pour les systèmes redistributifs-, nous mettons en évidence les difficultés inhérentes aux méthodes d'ajustement statistique de la demande à des variables telles que la population et ses nombreux paramètres descriptifs, ces méthodes viennent souvent ôter toute significativité aux modèles de prévision.

En revanche, les outils de l'analyse économique spatiale permettent de jeter les bases d'une modélisation nouvelle de la demande, susceptible de prendre en compte tant les relations de concurrence et de complémentarité entre les divers modes d'approvisionnement des ménages à faibles revenus (y compris les puits privatifs), que les rapports coûts-distances qui les caractérisent et qui déterminent les comportements de la majorité de ces ménages. Ces modèles autorisent la prévision de la demande de service redistributif (collectif: bornes-fontaines payantes; ou domiciliaire: livraison à domicile), des revenus des opérateurs (sociétés distributrices, revendeurs de voisinage, gérants des bornes-fontaines et transporteurs-livreurs) et du surplus des usagers des services redistributifs. Ils permettent d'en mesurer la sensibilité aux paramètres de décision que sont les tarifs de revente et le nombre de bornes-fontaines installées.

L'optimisation économique des réseaux de distribution implique non seulement le choix d'un niveau de desserte et d'un tarif optimaux - ce que les modèles précédents peuvent aider à atteindre -, mais aussi de planifier les investissements d'expansion du réseau. La question se pose en effet de savoir si l'on doit construire directement un réseau calibré pour les besoins à satisfaire à l'horizon de planification, ou bien en plusieurs étapes de capacité réduite. Le phasage optimal est celui qui minimise le coût total actualisé des investissements.

Pour les canalisations d'amenée de l'eau et pour les autres équipements d'un réseau d'adduction d'eau potable (pompage, traitement, stockage), des modèles de choix des dates et capacités optimales d'expansion ont été développés. Pour les réseaux de distribution, le problème d'optimisation est en revanche plus difficile à résoudre. Plusieurs facteurs d'économie d'échelle doivent être considérés simultanément, différents pour chacune des variables suivantes: consommation spécifique, population, aire à desservir, nombre de points d'eau et facteur de pointe. Grâce au recours à des modèles de réseaux arborescents simples, nous élaborons un modèle d'optimisation du phasage des réseaux ramifiés.

Ce modèle aboutit au choix des alternatives (1 ou plusieurs phases) et des dates optimales d'extension ou de densification des réseaux en fonction de la loi attendue de progression de la demande, du retard initial de l'offre sur la demande et du taux d'actualisation.

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PLAN DE LA THESE

page

INTRODUCTION GENERALE

PREMIERE PARTIE: LA DECENNIE INTERNA TIONALE DE L EAU POTABLE: LE PARI PERDU DES BRANCHEMENTS POUR TOUS

I. LA DECENNIE INTERNATIONALE DE L'EAU POTABLE ET DE

L'ASSAINISSEMENT: OBJECTIFS, MOYENS ET CONTRAINTES 17

A. LES OBJECTIFS DE LA DIEPA 17 B. LES INVESTISSEMENTS ENGAGÉS ET LEUR ORIGINE 19

C. LES CONTRAINTES 24

CONCLUSION 31 II. LES POLITIQUES SOCIALES DE L'EAU ET LEURS INSTRUMENTS 33

INTRODUCTION 33 A. LA POURSUITE DE L'ABANDON DES BORNES-FONTAINES"CLASSIQUES"

ET L'ÉMERGENCE DE NOUVEAUX MODES D'EXPLOITATION 34

B. LES BRANCHEMENTS-TYPES À FAIBLE COÛT 41 C. LES BRANCHEMENTS SUBVENTIONNÉS OU "GRATUITS" 46

D. LES BRANCHEMENTS À CRÉDIT 48

E. LA TARIFICATION 54 III. L'IMPACT DES POLITIQUES SOCIALES DE L'EAU 69

A. L'IMPACT DE L'ABANDON DES BORNES-FONTAINES "CLASSIQUES" 69

B. L'IMPACT DES BORNES-FONTAINES AUTOMATIQUES 72 C. L'IMPACT DES BRANCHEMENTS GRATUITS OU À CRÉDIT 74

D. L'IMPACT DE LA TARIFICATION 82

CONCLUSION 90

SECONDE PARTIE: STRUCTURE ET FONCTION DES SYSTEMES REDISTRIBUTES

IV. STRUCTURE DES SYSTEMES REDISTRIBUTES 107 A. LA REVENTE PRIVÉE DE VOISINAGE 107 B. LES SERVICES DE LIVRAISON/PORTAGE 118 C. ÉCONOMIE TERRITORIALE DES SYSTÈMES REDISTRIBUTES 133

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V. FONCTION DES SYSTEMES REDISTRIBUTES 145

INTRODUCTION 145 A. LE SECTEUR INFORMEL 146

B. IDENTIFICATION AU SECTEUR INFORMEL ET LIEUX DE RUPTURE 162 VI. INTÉGRATION ET RÉGULATION DES SYSTÈMES REDISTRIBUTES 171

INTRODUCTION 171 A. LA GESTION DES BORNES-FONTAINES DELEGUEE A DES PARTICULIERS:

les cas de Kigali et de Bangui 172 B. LA GESTION DES OUVRAGES DE DISTRIBUTION COLLECTIVE DELEGUEE

A DES COMITES DE QUARTIER: le cas de Ouagadougou 194 C. LE CHOIX DES MODALITES TECHNIQUES, CONTRACTUELLES ET TARIFAIRES 206

TROISIÈME PARTIE: VERS UNE CONCEPTION ET UNE PLANIFICATION APPROPRIÉES DES RÉSEAUX DE DISTRIBUTION

VII. L'EVALUATION DE LA DEMANDE EN EAU 227

INTRODUCTION 227 A. UN DÉFAUT GÉNÉRAL: LA SURESTIMATION DE LA DEMANDE

EN EAU POTABLE 229 B. LES VARIABLES EXPLICATIVES DE LA DEMANDE 237

C. LA MODÉLISATION DE LA DEMANDE 246 VIII. ANALYSE ÉCONOMIQUE SPATIALE DES SYSTEMES REDISTRIBUTES 257

INTRODUCTION 257 A. HYPOTHESES 258 B. SYSTEME BORNES-FONTAINES/PUITS PRIVATIFS 264

C. SYSTEME BORNES-FONTAINES/LIVRAISON/PUITS PRIVATIFS 273

D. APPLICATIONS 282 CONCLUSION 287 IX. LE PHASAGE OPTIMAL DES RESEAUX DE DISTRIBUTION 291

A. POSITION DU PROBLEME ET METHODOLOGIE 291 B. MODELE MORPHO-FONCTIONNEL D'EXTENSION 304 C. MODELE MORPHO-FONCTIONNEL DE DENSIFICARON 336

CONCLUSION GENERALE 347

BIBLIOGRAPHIE 349 INDEX DES TABLEAUX 365 INDEX DES FIGURES 369 INDEX DES MODELES 375

SOMMAIRE 379

(10)
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INTRODUCTION GENÉRALE

Il n'est pas absurde d'affirmer qu'aujourd'hui, des millions de personnes à travers le monde revendent de l'eau préalablement produite par les compagnies de distribution, soit à leurs voisins non raccordés, soit en la livrant sur des distances plus ou moins éloignées des points d'eau collectifs, et qu'elles réalisent ainsi un bénéfice supérieur à celui que ces compagnies tirent elles-mêmes de la vente d'eau potable aux ménages.

Paradoxalement, ce sont souvent les plus pauvres qui recourent en ville à ces revendeurs privés et payent l'eau au prix le plus élevé tandis que les plus riches bénéficient à meilleur compte d'un approvisionnement par branchement domiciliaire. Tout aussi paradoxalement, ces pratiques sont demeurées largement méconnues par les responsables du secteur et le plus souvent rejetées dans l'illégalité, alors même que la Décennie

Internationale de l'Eau Potable et de l'Assainissement1

(DIEPA) se fixait pour but de tout mettre en oeuvre pour fournir à tous de l'eau potable en 1990.

Or, les ambitieux objectifs de la DIEPA sont loin d'être atteints, malgré les énormes efforts financiers consentis pour étendre et densifier les réseaux. La revente de l'eau s'est développée et les taux de raccordement marquent le pas malgré les politiques sociales mises au point pour mettre l'eau à la portée des plus pauvres. La situation se serait même dégradée puisque la Banque Mondiale estime qu'un tiers environ des quelque deux milliards de personnes vivant en milieu urbain n'ont pas encore accès à une source d'approvisionnement correcte en eau potable, ce qui ramènerait le taux de couverture des besoins à celui de 1972.

A l'heure où l'on dresse le bilan de cette Décennie qui s'achève, les pratiques de revente posent un problème certain. Pourquoi tant de personnes acceptent-elles de payer si cher les services des revendeurs? Comment expliquer que ces pratiques semblent même se développer alors que la consommation des ménages raccordés et les rythmes de raccordement stagnent et que l'on s'efforce un peu partout de maintenir des tarifs bas? Doit-on continuer à ne tolérer

1 1981-1990, officiellement déclarée par l'Organisation

des Nations-Unies lors de la Conférence Internationale de l'Eau à Mar El Plata en 1977

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INTRODUCTION / page 4

provisoirement ces pratiques qu'en l'absence d'une desserte de tous les logements et fermer pudiquement les yeux sur les abus d'un marché où s'exerce apparemment une libre concurrence totale? Doit-on au contraire les considérer comme un segment à part entière de la distribution d'eau urbaine et tenter d'en réguler le fonctionnement?

Ces questions sont indissociables de l'évaluation des politiques sociales mises en oeuvre par les distributeurs sous l'impulsion des bailleurs de fonds pour étendre le service domiciliaire (1"' partie).

Soulignons dès à présent qu'il n'y jamais eu de remise en cause fondamentale des technologies utilisées jusqu'à maintenant pour alimenter les zones urbaines en eau potable ni de leur aptitude à répondre aux besoins et aux contextes particuliers des pays en développement. Toutes les recherches et tous les projets d'AEP partent du principe que leur transfert est possible, moyennant de simples aménagements techniques (branchements et réseaux à moindre coût, bornes-fontaines, réseaux évolutifs, etc.) ou financiers (structures tarifaires particulières, opérations de branchements groupés, crédit au raccordement, etc.) visant à en réduire le coût réel ou la part du coût supportée par l'usager.

Or, l'économie urbaine des pays en développement recèle d'abondants exemples de biens ou de services fournis par de petits entrepreneurs privés suivant une forme de production radicalement différente de celle du secteur moderne, privé ou public.

La thèse que nous nous proposons de soutenir dans le présent travail est la suivante:

Les activités de revente de l'eau ne sont pas le

produit des avatars du développement des réseaux

d'alimentation en eau potable. Elles relèvent au

contraire de cette forme de production particulière

au système de l'économie urbaine pauvre

1

et adaptée

aux contraintes économiques et sociales pesant sur

les agents concernés -producteurs et consommateurs.

Elles ne viennent pas seulement combler 1'absence

d'une desserte que devrait assurer le réseau de

distribution (le "système moderne"). Elles forment

un véritable système dual qui, quoique situé dans

d'étroits rapports de dépendance structurelle avec

le système moderne, n'en est pas moins doté d'une

1 souvent dénommé "secteur informel" ou "circuit inférieur"

(16)

INTRODUCTION / page 5

cohérence, d'une dynamique et d'une rationalité

propres.

L'étude des structures et des fonctions de ces systèmes de revente (2àm* partie) permet de mieux comprendre les raisons de l'échec patent des politiques sociales de l'eau ainsi que leurs limites. Elle nous permet en outre de jeter les bases d'une nouvelle approche opérationnelle de la distribution sociale de l'eau et de définir de nouveaux instruments de planification, de conception et de gestion des réseaux de distribution (3*™ partie).

Dans la première des trois parties que comporte ce travail, nous exposerons successivement les objectifs que l'ensemble des pays regroupés au sein de l'ONU s'étaient proposé d'atteindre à l'horizon 1990, les moyens financiers mobilisés dans le cadre de la DIEPA pour y parvenir, ainsi que les principales contraintes, notamment macro-économiques, auxquelles il a fallu faire face {chapitre I) . Puis nous analyserons la nature et le contenu des politiques sociales mises en oeuvre pour tenter de mettre l'eau à portée des plus

démunis (chapitre II).

Nous montrerons (chapitre III) en particulier pourquoi et comment :

- le système de distribution gratuite de l'eau aux

bornes-fontaines a été généralement peu-à-peu abandonné par les sociétés distributrices;

les bornes-fontaines payantes et automatiques ne semblent pas constituer une alternative sérieuse à court-terme pour l'approvisionnement collectif en eau;

- la diminution du coût du raccordement pour l'usager (branchements-type simplifiés, subventions, crédit) se heurte à des obstacles incontournables de nature technique, institutionnelle ou socio-économique qui en limitent singulièrement la portée;

- les tarifs pratiqués (subventions globales ou croisées) ou leur possible structuration (ajustements, progressivité des tranches) concilient difficilement équité et efficacité économique.

La seconde partie est consacrée à l'étude des pratiques de revente de l'eau potable. En tout état de cause, le pragmatisme commande en effet d'approfondir préalablement à toute recommandation la connaissance très partielle que nous pouvons avoir de ces pratiques et de nous interroger sur leur

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INTRODUCTION / page 6

rôle. Les quelques exemples et études de cas sur lesquelles s'appuie ce travail épuisent à notre connaissance complètement la littérature française et anglo-américaine sur le sujet. L'analyse structurelle des "réseaux" de revente nous permet d'ébaucher une économie territoriale de la distribution d'eau

(chapitre IV) prenant pour la première fois en compte ces

pratiques aussi répandues que méconnues. Nous montrerons: - que ces réseaux de revente s'opposent aux réseaux

canalisés de distribution par une faible intensité en capital et une forte intensité en main d'oeuvre;

- qu'ils se trouvent placés à l'aval topologique des réseaux canalisés et dans des rapports de dépendance structurelle vis-à-vis du système "moderne" de distribution;

- que les propriétés structurelles de la revente privée confèrent à celle-ci une souplesse d'adaptation à la demande susceptible de pallier les lacunes spatiales

(zones mal desservies) ou temporelles (desserte intermittente) du réseau canalisé.

Grâce à un détour par l'abondante bibliographie sur le "secteur informel", nous montrerons (chapitre V) que les activités de revente privée de l'eau possèdent les caractéristiques des activités de ce secteur. Favorisées par la divisibilité et la mobilité tant du capital que de la main d'oeuvre, elles permettent de suivre avec plus de souplesse les variations quantitatives et qualitatives de la demande et de fournir un nombre maximal d'emplois pour une immobilisation minimale de capital. Au sein du circuit de distribution d'eau, la revente remplit donc une fonction régulatrice et garantit à ceux qui y recourent une protection contre toutes sortes d'aléas: économiques, politiques, fonciers, climatiques et techniques.

Doit-on en conclure que la revente privée constitue la seule forme de desserte adaptée à l'approvisionnement en eau potable des plus pauvres? N'est-il pas possible d'intervenir sur ce marché, abandonné jusqu'à présent à une libre concurrence totale entre opérateurs privés, pour tenter d'en corriger les abus et les défauts?

Ceux-ci ne manquent pas, en effet. Chacun déplore les tarifs pénalisants pratiqués par les revendeurs, notamment pendant les saisons sèches ou dans les zones où se créent des situations de monopole ou d'oligopole, ainsi que les conditions d'hygiène dans lesquelles l'eau est transportée ou

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INTRODUCTION / page 7

stockée. Les sociétés distributrices se trouvent même presque toujours dans l'impossibilité de repérer les revendeurs.

A travers diverses études de cas, nous montrerons {chapitre

VI) que l'exploitation des bornes-fontaines par des

particuliers ou par des comités de quartier sous contrat de gestion déléguée permet de pallier les principaux inconvénients de la revente privée, à condition toutefois que les dispositions contractuelles soient judicieusement choisies.

La revente sous contrat de gestion déléguée nous paraît une solution appropriée non pas tant à cause des résultats des quelques cas expérimentés ici ou là que par leur parenté avec les systèmes de revente privée. Un des résultats essentiels de notre analyse est en effet le suivant:

la revente d'eau aux bornes-fontaines concédées ou affermées à des habitants, à des associations ou à des comités de quartier revêt en général les mêmes caractéristiques structurelles que la revente privée. A ceci près que le contrat de gestion déléguée la "formalise", elle relève elle-même largement du secteur informel et possède aussi cette fonction régulatrice d'adaptation à la pénurie.

Ce résultat justifie a posteriori notre choix de classer la revente sous contrat d'exploitation déléguée au sein du même système que celui dont relève la revente privée et que nous appellerons "redistributif".

Notre étude s'étend à l'analyse du choix des modalités contractuelles et tarifaires ainsi que des mesures d'accompagnement et d'incitation propres à assurer le succès des opérations de gestion déléguée en fonction des divers objectifs qui peuvent leur être assignés dans différents contextes.

Après avoir analysé l'économie des systèmes de distribution "sociale" de l'eau dans la première partie puis l'économie des systèmes de redistribution dans la seconde, il nous reste à imaginer une nouvelle approche de la planification et de la conception des réseaux de distribution prenant en compte les limites du premier système et les potentialités du second. Les méthodes de prévision de la demande nous ont d'abord

semblé devoir être questionnées {chapitre VII) . A peu près

fiables dans le cas de la desserte par branchements individuels d'une zone à l'urbanisation contrôlée et maîtrisée, elles semblent donner des résultats beaucoup plus incertains lorsque la desserte collective ou semi-collective

(19)

INTRODUCTION / page 8

devient prépondérante, et tendent alors à surestimer la demande totale.

Après avoir analysé chacune des variables explicatives de la demande, notamment les revenus, les tarifs et la distance au point d'eau -les principales en cause pour les systèmes redistributifs-, nous discuterons de la validité des modèles statistiques de la demande. Nous mettrons en évidence les difficultés inhérentes aux méthodes d'ajustement de la demande à des variables telles que la population et ses nombreux paramètres descriptifs. Nous montrerons pourquoi elles viennent souvent ôter toute significativité aux modèles de prévision.

A l'aide des outils de l'analyse économique spatiale, nous jetterons en revanche les bases d'une modélisation différente de la demande, inexplorée jusqu'ici {chapitre VIII) . Les modèles développés constituent une première tentative de mise au point d'outils analytiques de prévision:

- de la demande de service redistributif (collectif: bornes-fontaines payantes; ou domiciliaire: livraison à domicile);

- des revenus des opérateurs (sociétés distributrices, revendeurs de voisinage, gérants des bornes-fontaines et transporteurs-livreurs) ;

- du surplus des usagers des services redistributifs. Ils permettent d'en mesurer la sensibilité aux paramètres de décision que sont les tarifs de revente et le nombre de bornes-fontaines installées.

Ils constituent un outil de planification et d'optimisation économique (choix des tarifs de revente et du nombre de points de revente maximisant le surplus global des producteurs et des consommateurs) aptes à prendre en compte tant les relations de concurrence / complémentarité entre les divers modes d'approvisionnement des ménages à faibles revenus (y compris les puits privatifs), que les rapports coûts-distances qui les caractérisent et qui déterminent les comportements de la majorité de ces ménages.

L'optimisation économique des réseaux de distribution implique non seulement le choix d'un niveau de desserte et d'un tarif optimaux - ce que les modèles précédents peuvent aider à atteindre -, mais aussi de planifier les investissements d'expansion du réseau. La question se pose en effet de savoir

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INTRODUCTION / page 9

besoins à satisfaire à l'horizon de planification, ou bien en plusieurs étapes de capacité réduite. Le phasage optimal est celui qui minimise le coût total actualisé des investissements .

Pour les canalisations d'amenée de l'eau et pour les autres équipements d'un réseau d'adduction d'eau potable (pompage, traitement, stockage), des modèles de choix des dates et capacités optimales d'expansion ont été développés. En revanche, aucun modèle pertinent n'existe à notre connaissance pour les réseaux de distribution. Le problème d'optimisation est en effet plus difficile à résoudre. Plusieurs facteurs d'économie d'échelle doivent être considérés simultanément, différents pour chacune des variables suivantes: consommation spécifique, population, aire à desservir, nombre de points d'eau et facteur de pointe. Grâce au recours à des modèles de réseaux arborescents simples, nous élaborons dans le dernier

chapitre (chapitre IX) un modèle d'optimisation du phasage des

réseaux ramifiés.

Ce modèle aboutit au choix des alternatives (1 ou plusieurs phases) et des dates optimales d'extension ou de densification des réseaux en fonction de la loi attendue de progression de la demande, du retard initial de l'offre sur la demande et du taux d'actualisation.

Les pays concernés par cette étude sont essentiellement ceux de l'Afrique Noire francophone.

En 1985, une série de missions effectuées dans le cadre d'une recherche financée par le Plan Urbain sur le thème de "l'alimentation en eau potable des populations urbaines à faibles revenus" nous a permis d'étudier quatre cas:

- Lomé (TOGO);

- Korhogo (COTE D'IVOIRE); - Pointe Noire (CONGO); - Libreville (GABON).

Il s'agissait de rassembler les données indispensables au diagnostic de l'approvisionnement en eau des ménages pauvres de ces villes situées dans les zones tropicale (Côte d'Ivoire et Togo) et équatoriale (Congo et Gabon) du continent africain :

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INTRODUCTION / page 10

- données démographiques et socio-économiques (y compris sur l'habitat, le logement, les revenus, les modes d'approvisionnement en eau et l'usage domestique de l'eau, etc.) provenant des derniers recensements nationaux et de diverses enquêtes-ménages;

- données relatives au fonctionnement du secteur et aux institutions, aux réseaux d'AEP existants et projetés, aux tarifs pratiqués, à la gestion des abonnés, etc. collectées auprès des autorités compétentes (sociétés distributrices, ministères de tutelle) et des représentants locaux des entreprises, bureaux d'étude et bailleurs de fonds impliqués dans le secteur.

La participation à deux séminaires internationaux de formation organisés conjointement à Bamako (MALI) en 1985 puis à Ouagadougou (BURKINA FASO) en 1986 par l'Agence de Coopération Culturelle et Technique, l'Institut d'Urbanisme de Paris et les Directions de l'Urbanisme malienne et burkinabé nous ont permis en outre d'étudier en détail les modalités de l'approvisionnement en eau dans ces deux capitales d'Afrique sahélienne.

Au-delà des différences notables (niveaux de vie, régimes politiques, climat, disponibilité des ressources en eau, etc.) qui font de chacun un cas spécifique, ces six terrains d'étude présentent plusieurs traits communs ainsi que plusieurs avantages du point de vue pratique et méthodologique pour la recherche menée ici:

- tous appartiennent à la zone Franc (l'unité monétaire est le Franc CFA1, monnaie à parité fixe avec le Franc

français);

- l'accès à l'information y est grandement facilitée par l'étroitesse et l'ancienneté des rapports politiques, commerciaux et culturels entretenus avec ces pays par la France;

- globalement, l'Afrique sub-saharienne se démarque des autres régions du monde en développement par un sérieux handicap économique, exacerbant la nature des problèmes liés à l'économie de l'eau et la rendant peut-être plus claire qu'ailleurs à déchiffrer;

- la physionomie urbaine est très largement semblable d'une ville à l'autre car l'urbanisation y suit un même modèle: on y habite partout de grandes parcelles que l'on densifie "horizontalement" par de nouvelles constructions

(22)

INTRODUCTION / page 11

de plein-pied. Il en résulte une faible densité de population urbaine, au contraire par exemple de

(23)
(24)

PREMIÈRE PARTIE:

LA DÉCENNIE INTERNATIONALE DE L'EAU POTABLE:

(25)
(26)

"There is some hope that with

the increased attention to cost

recovery, the problems are still

solvable"

(27)
(28)

chapitre I. LA DÉCENNIE INTERNATIONALE DE L'EAU POTABLE ET DE L'ASSAINISSEMENT:

OBJECTIFS, MOYENS ET CONTRAINTES

A. LES OBJECTIFS DE LA DIEPA

Soucieuse d'éviter une crise majeure de l'eau vers la fin du siècle, l'Organisation des Nations Unies définit en 1975 le Programme pour la Conférence de l'Eau, ayant pour but d'inciter à mettre en place une planification régionale, nationale et internationale cohérente.

L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD) préparèrent alors un document pour atteindre l'objectif suivant: fournir à tous l'eau potable et 1'assainissement en 1990.

La Conférence Internationale de l'Eau se tint à Mar Del Plata en 1977, et la Décennie Internationale de l'Eau Potable et de

l'Assainissement 1981-1990 (DIEPA) fut officiellement

déclarée.

La Conférence Internationale de l'Eau suggérait 6 points fondamentaux pour une nouvelle approche:

- le développement des ressources humaines; - l'installation sanitaire de base;

- la participation communautaire;

- l'évaluation des coûts réels d'une technologie adaptée aux conditions locales;

- le fonctionnement et la maintenance;

- la planification et la continuation de l'effort.

L'ambition des objectifs de la Décennie apparait clairement sur le tableau 1.1 où l'on a fait figurer les taux de dessertes urbaines et rurales visés par la DIEPA, les taux que

(29)

chapitre I / page 18

l'on relevait en moyenne à la veille de la décennie et ceux de 1970, dix ans auparavant1.

tableau 1.1 TAUX DE DESSERTE/ OBJECTIFS DE LA DIEPA (source:

Banque Mondiale)

EAU POTABLE ASSAINISSEMENT

1970 1980 1985 objf 1990 1970 1980 1985 objf 1990 inal act* inal act* p o p u l a t i o n r u r a l e p o p u l a t i o n u r b a i n e 13% 65% 3 1 % 72% 42% 77% 100% 61% 100% 88% 11% 57% 14% 54% 18% 62% 50% 80% 36% 82%

Ces objectifs, ayant été fixés par les gouvernements eux-mêmes, avaient a priori plus de chance de se réaliser, et ce d'autant qu'un effort commun et global de développement serait entrepris, permettant de mieux sensibiliser les instances financières.

Après trois années, les Nations-Unies ont pourtant dû restreindre leurs ambitions quant aux objectifs initiaux de la DIEPA: pour atteindre ceux-ci, le programme devait pouvoir disposer chaque année de l'équivalent de 200 Milliards de Francs Français pour les investissements, auxquels il fallait encore ajouter les frais de maintenance des installations, évalués à 10% par an du montant des investissements.

Néanmoins, cette restriction des objectifs, qui eut lieu en 1982, n'affecta pas ceux de desserte en eau potable de la population urbaine, maintenus à 100%.

En 1985, l'Organisation Mondiale de la Santé dut se rendre à l'évidence: les statistiques collectées sur un échantillon représentatif de chaque région montraient, à mi-parcours de la décennie, que la progression de la desserte n'avait que

très difficilement compensé la croissance démographique:

globalement, 200 millions de personnes demeuraient, en 85

1 Organisation Mondiale de la Santé International Drinking Water Supply and Sanitation Decade: Towards the Targets (an overview of-progress in the first five years of the IDWSSD), p. 2

(30)

chapitre I / page 19

comme en 80, sans accès à l'eau potable1. Aussi les objectifs de desserte pour 1990 furent-ils ramenés de 100% à 88% de la population urbaine (et même à 84% pour l'Afrique et l'Asie du Sud-Est), et à 61% de la population rurale.

B. LES INVESTISSEMENTS ENGAGÉS ET LEUR ORIGINE

Les investissements consentis dans le cadre de la DIEPA pour la création ou l'extension de réseaux africains d'alimentation en eau potable ont été considérables. Leurs montants et origines peuvent être appréciés à travers les résultats de l'enquête effectuée en 1985 sous l'égide de l'Union Africaine des Distributeurs d'Eau2.

Organisations bilatérales et banques ou fonds de développement sont les deux types d'organismes principaux à l'origine des ressources extérieures de financement. Ceux que l'on retrouve le plus souvent impliqués dans le financement des projets de réseaux d'alimentation en eau potable en Afrique Noire sont:

- la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD), ou Banque Mondiale;

- la Banque et le Fonds Africains de Développement (BAD et FAD);

- la Caisse Centrale de Coopération Economique (CCCE);

- le Kreditanstalt für Wiederaufbau (KFW);

- le Fonds Européen de Développement (FED) et la Banque Européenne d'Investissement (BEI);

- les Fonds Arabes, provenant d'Etats Arabes.

Le profil de chacune de ces institutions, leurs objectifs, les types d'aides qu'elles octroient ainsi que les modalités de ces dernières sont présentés dans le tableau de l'annexe 1.1.

1 OMS, idem, p. 2

2 Le marché des canalisations d'eau potable en Afrique dans le cadre de la Décennie de l'eau - UADE - Congrès de Libreville - 10-15 juin 85; Livre Blanc présenté par Pont-à-Mousson SA; pp 35 à 39

(31)

chapitre I / page 20

Les Etats africains qui ont répondu à l'enquête UADE ont été

regroupés suivant les 4 grandes zones climatiques suivantes1:

a) zone méditerranéenne: Maroc, Tunisie;

b) zone sahélienne: Burkina Faso, Mali, Niger, Sénégal, D jibouti;

c) zone tropicale: Côte d'Ivoire, Togo, Guinée, Madagascar, Malawi, Nigeria, Sierra Leone;

d) zone équatoriale: Congo, Gabon, Cameroun, Centrafrique, Zaire.

Le tableau 1.2 (voir page suivante) présente pour chacune de ces 4 zones, le montant total des projets d'alimentation en eau potable réalisés entre 1981 et 1984 , et de ceux qui étaient prévus en 1985 pour la seconde moitié de la Décennie

(85/90) .

Précisons que l'enquête ne recensait que les projets d'un montant égal ou supérieur à 500 millions de Frs CFA et comportant des travaux de canalisations d'eau potable. Sur ce tableau figurent également le nombre total d'habitants desservis par un réseau d'AEP sous pression et le nombre d'abonnés faisant l'objet d'une facturation. Ces chiffres ne doivent être considérés qu'à titre purement indicatif: tant la notion de "desserte" que celle d'"abonné faisant l'objet d'une facturation" ont pu en effet être sujettes à des interprétations différentes.

Une première constatation s'impose quant au niveau de desserte des pays que nous étudions, appartenant tous aux zones sahéliennes, tropicales ou équatoriales: les taux de desserte moyens obtenus en 85 sur ces 3 zones (respectivement 15, 6 et 22%) sont inférieurs au taux de desserte rurale calculé en 80

pour la moyenne des pays en développement2.

1 il manque un ou plusieurs pays dans chacune des 4

zones, n'appartenant pas à l'Union Africaine des Distributeurs d'Eau ou n'ayant pas répondu au questionnaire, mais chaque groupe forme un échantillon représentatif de la zone concernée

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chapitre I / page 21 tableau 1.2 D I E P A : MONTANT DES PROJETS DE RESEAUX D'EAU POTABLE ET ORIGINE DES FINANCEMENTS EXTERIEURS ( e n M i l l i a r d s d e F r s CFA - 1 9 8 5 )

z o n e EQUATORIALE

MEDITERRANEENNE SAHELIENNE TROPICALE

m o n t a n t d e s p r o j e t s 1981-1984 1 3 6 , 0 8, 6 66, 15 32, 9 é t a t s ou organismes f i n a n c i e r s montant des p r o j e t s 1985-1990 é t a t s ou organismes f i n a n c i e r s population (1985-BIRD KFW BAD FED KOWEIT ARAB.SAOUD. 20 M i l l i o n s d ' h a b i t a n t s ) t o t a l e d e s s e r v i e abonnée 1 2 4 , 5 BIRD KFW BAD % i n d é t e r m . 50% 2 8 14 1 , 7 KFW CCCE FED BOAD 2 9 , 6 KFW FAD BIRD CCCE BOAD DANIDA i n d é t e r m . 2 6 3 , 8 0 , 1 5 BIRD KFW CCCE BAD INDE 1 5 8 , 2 BIRD FED KFW BAD/BOAD CCCE 22% i n d é t e r m 1 2 4 7 1 , 9 BIRD BAD FAD CCCE BELGIQUE 1 2 0 , 3 BIRD/KFW FED/CCCE B E I / J A P O N BAD/FAD DANIDA I T A L I E CANADA 4 8 1 0 , 5 0 , 4

Ces chiffres sont également à rapprocher de ceux de l'OMS pour 85: avec respectivement 78 et 25% des populations urbaine et rurale desservies (contre 77 et 42 respectivement pour l'ensemble des P.E.D.), l'Afrique apparaît comme le continent le plus défavorisé; 3 habitants sur 5 n'y ont aucun accès à l'eau potable contre 2 sur 5 dans l'ensemble des autres pays

en développement1.

A mi-parcours de la Décennie, il s'agit donc d'une région du globe encore particulièrement en retard dans son niveau

1 calculs effectués à partir du tableau figurant dans

(33)

chapitre I / page 22

d'équipement en ré.; -ux d'AEP. Ainsi peut-on expliquer l'augmentation très sensible des projets prévus et soumis à financement en 85 pour la seconde moitié de la Décennie. Le montant total de ces projets est multiplié par 3,5 environ pour les zones sahélienne et équatoriale, et par 2,5 environ pour la zone tropicale, où il atteint le plus haut niveau des 3 zones, tant pour la première moitié de la Décennie que pour la seconde. Il faut observer que c'est précisément cette zone tropicale qui souffre du taux de desserte le plus bas.

La corrélation s'arrête là: en regard des besoins, on relève par exemple un niveau d'investissements (effectués en 81/84 ou prévus en 85/90) très faible pour la zone sahélienne et, a contrario, très fort pour la zone méditerranéenne.

L'endettement élevé - voire l'absence de devises - de certains Etats n'incite guère les bailleurs de fonds, en effet, à

accroître sensiblement leurs interventions1.

Si l'on procède au regroupement, non plus en fonction de leur destination mais de leur origine, de l'ensemble des prêts utilisés de 1981 à 1984 pour les réseaux d'AEP, on obtient, toutes zones confondues et selon les principaux organismes de financement, le tableau 1.3 ci-dessous.

tableau 1.3 TRAVAUX DE RESEAUX D'AEP 1981-1984: ORIGINE DES

PRETS (en milliards de Frs CFA) BIRD BAD FED Prêts bilatéraux 42, 9 14,5 8,5 47,5

En procédant à un autre regroupement, on constate que l'ensemble des prêts et financements européens atteint le montant de 46,6 milliards de Frs CFA, soit 47% du total sur

l'échantillon étudié par l'UADE.

1 Rappelons à cet égard que la zone sahélienne rassemble

(34)

chapitre I / page 23

Les enseignements qui ont pu être tirés de l'enquête UADE sur le degré d'autofinancement des projets d'AEP sont plus lacunaires.

Les quelques éléments qu'elle a pu extraire sont les suivants: - il y a peu d'autofinancement pour les fournitures de canalisations;

en revanche, les Etats réservent leurs capacités d'autofinancement pour les dépenses locales, donc pour la pose.

globalement, le pourcentage d'autofinancement est d'environ 50% pour la zone méditerranéenne, 10% pour la

zone tropicale, et 25% pour la zone équatoriale1. Ces

écarts reflètent en partie les écarts de PNB/habitant moyen sur ces zones.

- il a été également constaté des extrêmes de 0% pour des projets importants et de 100% pour des projets de faible ampleur.

Les domaines d'intervention en faveur du développement sont nombreux et tout aussi importants les uns que les autres. Ils absorbent une grande part des aides fournies par les organismes financiers internationaux.

Des arbitrages doivent donc intervenir et le domaine spécifique de l'eau potable en pâtit au même titre que tous les autres domaines.

Dans les réponses à son questionnaire, l'UADE relève d'ailleurs un montant non négligeable de projets correspondants à des besoins réels mais n'ayant pas encore de financement assuré.

Le Livre Blanc de l'UADE note, d'après l'analyse des projets mis en appel d'offre dans la première moitié de la Décennie, qu'un laps de temps très variable, d'environ 5 ans en moyenne, s'écoule entre la recherche du financement et la concrétisation effective du projet par la livraison des

canalisations et l'ouverture du chantier correspondant2.

Il remarque par ailleurs que la longueur de ce délai, inhérent - entre autres raisons - au processus de financement, au mode de passation des marchés et au respect des règlements de

1 Pour la zone sahélienne: chiffre non significatif

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chapitre I / page 24

chaque Etat, n'a aucune raison d'être modifiée de façon significative dans le futur.

L'existence d'un tel délai mérite d'être soulignée car elle ne sera pas sans conséquence sur la planification des projeti, et en particulier sur l'étude du phasage optimal que nous aborderons dans la dernière section.

C. LES PRINCIPALES CONTRAINTES

Nous entendons décrire ici la nature et l'ampleur des principales contraintes auxquelles se sont heurtés jusqu'ici les programmes et projets initiés dans le cadre de la DIEPA. Au terme de la Décennie, ces contraintes demeurent pour l'essentiel et nous verrons que toute tentative d'amélioration du secteur s'y trouvera encore confronté à court et à moyen terme.

Ces contraintes portent sur:

(1) une demande en forte croissance dans les zones urbanisées; (2) la disponibilité des ressources en eau et leurs coûts de mobilisation croissants;

(3) les ressources financières nécessaires à la satisfaction de la demande, et

(4) l'adéquation des institutions du secteur, y compris du point de vue de la gestion opérationnelle et de la maintenance des équipements existants.

Les données chiffrées qui sont avancées dans ce chapitre sont extraites pour l'essentiel d'un rapport du Département des Infrastructures et du Développement Urbain de la Banque

Mondiale1.

1. Croissance démographique et couverture des besoins

Les données et projections effectuées par les Nations Unies et la Banque Mondiale ne prévoient pas de ralentissement net

1 POULIQUEN Y. Major Issues in the Water and Sanitation

Sector; Banque Mondiale; Infrastructure and Urban Development Department; Décembre 1988; 6 p.

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chapitre I / page 25

de la croissance démographique d'ici à l'an 2000. Aux 3,4 milliards d'hommes peuplant les pays en développement en 1980 se sont ajoutés 600 millions d'individus au cours de la décennie qui s'achève. La prochaine décennie verra 800 millions d'hommes supplémentaires les peupler. Malgré un très

faible fléchissement prévu pour le taux d'accroissement démographique des villes du Tiers Monde, la tendance à l'urbanisation continuera au cours des années 90, faisant passer la population urbaine des PED de 1,4 milliard en 90 à 2,1 milliards en l'an 2000 (contre 1 milliard en 1980) et sa part de la population totale de 35% à 43% (contre 29% en

1980) . c -0 « * c « H 3 rH Û •* 0 B n, — 5 4 P O P . " 3 P O P . • P O P . U 0 • O T * ^ ^ ^ IUXÀL2 , — ____^— " » " T » r a •—• " 1 1 9 8 0 1 9 9 C 2 0 0 0

figure 1.1 LA POPULATION DES PAYS EN DEVELOPPEMENT DE 1980

A L'AN 2000 (source: Banque Mondiale, 1988)

Le retard pris dans les équipements, une démographie en expansion et une très forte immigation intérieure vers les villes imposaient la programmation d'investissements énormes, à la fois pour faire face aux besoins des nouveaux habitants et pour résorber ce retard.

Comme nous 1' développement

avons vu plus haut, la n'ont pas pu faire

plupart des pays en progresser de façon

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chapitre I / page 26

significative le taux de couverture des besoins en eau potable entre 1980 et 1985.

Globalement, 200 millions de personnes demeuraient en 1985 comme en 1980 sans accès à l'eau potable.

Bien gue les taux de desserte atteints en cette fin de Décennie ne soient pas encore connus, tout porte à croire qu'ils seront bien inférieurs à ceux que l'on escomptait. Rappelons que l'objectif initial de la DIEPA était de 100% de ménages desservis en milieu urbain, que l'objectif réactualisé à mi-parcours (85) était de 88%. En 1988, la Banque Mondiale estimait que ce taux n'atteindrait guère que 68% en 1990 et 75% en 2000. Il semble donc jusqu'à plus ample information, que la situation s'est en fait dégradée puisque nous en serions revenus aux taux de desserte de 1972.

En milieu rural, le constat est à peine moins pessimiste. Les dernières estimations de la Banque Mondiale (1988) indiquent des taux de desserte prévisionnels de 42% en 1990 et de 50% en 2000. Là, la situation ne s'est pas améliorée depuis 1985

(42%) et les objectifs de la DIEPA font rétrospectivement figure d'utopie (100% de desserte prévue initialement, 61% après actualisation à mi-parcours).

Ainsi ramenées à des niveaux considérablement plus modestes, les taux de desserte annoncées par la Banque Mondiale pour l'horizon 2000 imposent malgré tout de mobiliser d'énormes quantités d'eau additionnelles, dont il n'est pas inintéressant de donner l'ordre de grandeur.

Compte-tenu des consommations moyennes par tête enregistrées par l'Organisation Mondiale de la Santé dans son rapport à mi-parcours de la DIEPA, ces volumes supplémentaires peuvent être évalués à 49 milliards de mètres cubes par an d'ici 2000 pour

la consommation et à 75 milliards de m3 par an pour la

production1. De plus, il est probable que la poursuite de

l'urbanisation s'accompagnera d'une industrialisation et donc d'un accroissement de la demande d'origine industrielle. Si l'on fait l'hypothèse que la croissance des demandes domestique et industrielle en PED tendra vers leurs parts actuelles de la demande totale en eau dans le monde, les besoins industriels supplémentaires à pourvoir en PED

représenteront un volume approximatif de 250 milliards de m3

par an d'ici à l'an 2000.

A titre de comparaison, cela signifie que les besoins domestiques et industriels des seuls PED exigeront en l'an 2000 des prélèvements d'eau additionnels équivalents aux

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chapitre I / page 27

volumes totaux prélevés en 1980 pour tous les usages principaux par l'Europe entière et le Japon réunis.

2. Les contraintes sur la ressource

La possibilité d'étendre la desserte pour répondre à cette demande immense dépend bien sûr fortement des coûts de mobilisation et de distribution de l'eau. Ces coûts, à leur tour, dépendent de la disponibilité et de la qualité des ressources en eau.

Même si, globalement, il n'y a pas de pénurie, les ressources utilisables ne sont pas distribuées géographiquement de façon égale ou proportionnelle aux besoins. Il existe ainsi, dans toutes les régions du globe, des situations localisées de pénurie grave. La Banque Mondiale observe que le problème de la croissance des coûts de mobilisation des ressources se pose virtuellement dans toutes les grandes villes des pays emprunteurs. Ces villes ont logiquement utilisé d'abord les ressources en eau les plus immédiatement disponibles à moindre coût. Au fur et à mesure que la demande en eau augmentait, la qualité de ces ressources s'est dégradée et il est devenu nécessaire d'entreprendre ou d'envisager des traitements additionnels ou des projets de prélèvement à des distances plus éloignées de la demande.

Des problèmes analogues affectent souvent les villes plus petites ainsi que les zones rurales relativement denses. De plus, peu de pays ont vraiment exploré les possibilités de réutilisation ou de recyclage des eaux usées qui permettraient de diminuer la pollution des ressources et de faire face à moindre coût à l'augmentation des besoins, pour l'irrigation notamment.

Le problème de l'augmentation des coûts marginaux à long-terme qui résulte de cette situation préoccupe depuis longtemps les responsables du secteur. Les cas les plus frappants sont ceux des grandes villes à croissance rapide. Mexico par exemple où l'eau doit être refoulée sur une hauteur de plus de 1000 mètres; Lima où la pollution des eaux a provoqué une hausse d'environ 30% des coûts de traitement; Shangaï, où les sources de prélèvement ont du être déplacées à plus de 40 kilomètres en amont pour un coût de 300 millions de dollars et où de nouveaux sites d'exhaure sont déjà projetés à des distances plus grandes encore; Amman où les travaux les plus récents visent à refouler l'eau sur plus de 1200 mètres à partir d'un site localisé à 40 kilomètres de la ville; à Ouagadougou, où il est envisagé de faire face à l'augmentation des besoins par la construction d'un barrage situé à 50 km.

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chapitre I / page 28

Les exemples pourraient être multipliés. Il est clair que tous ces projets, qui provoqueront une hausse importante des coûts d'exploitation, ne pourront voir le jour qu'au prix d'une augmentation substancielle des charges supportées par 1'usager.

Un problème connexe est celui de l'arbitrage entre les demandes concurrentes en eau de part et d'autre des frontières nationales et entre les différents usagers à 1' intérieur même d'un pays donné. Les principaux usages en concurrence sont ceux de la consommation domestique, agricole (irrigation) et industrielle. En termes de volumes, la demande agricole est normalement la plus importante: 73% en moyenne dans le monde. La demande industrielle vient ensuite avec 21% de la demande totale puis la demande domestique avec 6%. Ces ratios varient suivant les pays et les régions, de même qu'ils dépendent du niveau de développement.

Dans la plupart des cas, la gestion de ces usages concurrentiels se fonde sur une allocation complexe de droits d'usage qui tendent à inhiber toute tentative de réallocation lorsque les priorités changent ou lorsque l'eau disponible devient insuffisante pour satisfaire la demande de tous. Cette situation pose un problème classique de coordination et d'arbitrage entre les institutions publiques et privées et entre les multiples usagers qu'elles servent. Le plus souvent, ce manque de coordination se trouve exacerbé par l'absence de politique tarifaire économiquement fondée. Lorsqu'une politique tarifaire existe, elle est très souvent incohérente et ne se fonde pas nécessairement sur la demande, pas plus que sur les coûts de fourniture du service.

3. Les contraintes financières

Si l'on excepte quelques pays de la région du Sud-Est asiatique, la croissance économique demeure lente dans l'ensemble des pays et le revenu réel par tête stagne ou décroît. L'investissement public marque le pas un peu partout. De plus, la part du produit national brut disponible pour l'investissement décline.

Les efforts d'ajustement se sont concentrés sur le secteur des biens commercialisables et sur le contrôle des dépenses publiques. L'inflation demeure forte dans de nombreux pays et les taux d'intérêt réels et nominaux, volatiles. La diminution des revenus réduit la capacité des usagers à payer, tandis que l'augmentation des coûts et le rétrécissement des investissements réduisent la capacité des Etats à fournir des services.

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chapitre I / page 2 9

Ces contraintes d'ordre macro-économique sont particulièrement fortes en Afrique Noire et dans les pays lourdement endettés en Afrique (Côte d'Ivoire et Nigeria surtout) et ailleurs. Le graphique de la figure 1.2, établi par la Banque Mondiale en 1988, met en relief la gravité de la situation relative de l'Afrique sub-saharienne et sa dégradation progressive depuis 20 ans.

figure 1.2. TAUX DE CROISSANCE DE LA POPULATION ET DU PNB PAR

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chapitre I / page 30

La rigueur économigue pèse donc de façon très différente suivant les régions du monde en développement. De 1980 à 1987, la croissance annuelle moyenne du PNB par habitant a été faible dans les pays développés (0,8%), fortement positive en Asie (4,7%), mais s'est établie à des scores négatifs en Amérique Latine (-1,2%) et en Afrique sub-saharienne (-3,4%) . La figure 1.2 montre que l'Afrique Noire cumule le double handicap du plus fort taux d'accroissement démographique et du plus fort recul du PNB par tête depuis 20 ans parmi les régions en développement.

Ces indicateurs macro-économiques globaux ne pèseraient pas si lourd sur le développement du secteur de l'eau si les performances financières des institutions du secteur étaient bonnes. Malheureusement, leurs résultats financiers sont généralement faibles, voire mauvais, et le recouvrement des coûts décevant.

Cette faiblesse tient à plusieurs facteurs. Du côté de la demande: au ralentissement du rythme de raccordement et des ventes d'eau, auxquelles s'ajoute un fort pourcentage d'eau non facturée par rapport aux volumes produits. Du côté de des coûts: à l'incapacité de la plupart des distributeurs à maintenir les coûts d'exploitation dans les limites prévues.

4. Les problèmes de maintenance et de gestion

Les problèmes d'exploitation et de maintenance des réseaux d'eau et d'assainissement sont peu-à-peu apparus comme les obstacles les plus préoccupants au développement du secteur. On remarque que la priorité est surtout accordée à l'extension des réseaux ou à la réalisation de nouveaux équipements et non pas à la maintenance des réseaux et équipements existants. Cette dernière fait l'objet d'une gestion médiocre et ne reçoit que peu de financements.

Les conséquences de cette situation sont nombreuses: une durée de vie plus courte des équipements, un besoin de renouvellement accéléré, une réduction de leur rentabilité, une fourniture intermittente et dégradée du service, limitant ainsi les bénéfices a endus des projets.

Il existe en revanche _n large consensus pour reconnaître que la maintenance et l'entretien des installations doivent absolument être améliorés.

A titre d'illustration, on peut citer les résultats d'une étude de l'INWS. En 1988, cette étude estimait à 36% la

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chapitre I / page 31

proportion de l'eau produite qui n'est pas comptabilisée dans les ventes. Aux tarifs actuels, ceci représente une perte nette de revenus de 40% pour les sociétés distributrices. Autrement dit, il faudrait une augmentation moyenne des tarifs d'environ 57% pour compenser le manque à gagner représenté par l'eau produite non facturée, voire de 120% si l'on retient l'hypothèse d'une élasticité de -0,2 de la demande par rapport au prix.

CONCLUSION

Ce premier chapitre a brossé un rapide portrait des principales contraintes qui pèsent sur le développement du secteur de l'alimentation en eau potable et qui se sont progressivement dessinées avec davantage de netteté au cours de la DIEPA. Les investissements consentis dans le cadre de cette Décennie n'auront pas suffit à combler l'énorme inégalité des populations du "Nord" et du "Sud" dans le domaine de l'accès à l'eau potable, ni même à faire régresser de façon significative le nombre de personnes privés de ce service fondamental. "Nous sommes encore loin du compte" écrivait C. LEFROU dans 1'editorial d'HYDRO PLUS en novembre 89. Les contraintes macro-économiques -sur lesquelles nous avons tout particulièrement insisté- expliquent sans nul doute pour une grande part ces résultats décevants.

A New Delhi, une conférence mondiale organisée par le Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD) dressera fin 1990 un bilan approfondi de la DIEPA et définira de nouveaux objectifs, puis l'Assemblée Générale des Nations-Unies aura à débattre d'une résolution issue de ces travaux. Comme il y a tout lieu de s'attendre à une poursuite:

- de la pression de la demande;

- de la hausse des coûts de mobilisation des ressources naturelles;

- et de la pénurie des ressources financières,

on peut donc penser que les Nations-Unies mettront l'accent sur la nécessité d'une plus grande prudence dans la planification des investissements et d'une optimisation de

l'usage et de la gestion des réseaux existants. Ces dernières années, l'insistance avec laquelle les bailleurs de fonds ont, à chacune de leurs consultations annuelles, rappelé aux distributeurs toute l'importance qui doit être accordée au recouvrement des coûts montre à l'évidence que le recours aux

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chapitre I / page 32

prêts et aides extérieurs sera de plus en plus difficile et que le secteur devra davantage compter à l'avenir sur les revenus générés par ses activités pour financer ses investissements.

Les pays d'Afrique sub-saharienne risquent de ressentir plus cruellement que d'autres ce relatif désengagement des principaux bailleurs de fonds. Ce sont en effet ces pays qui, nous l'avons vu, cumulent les plus lourds handicaps, tant vis-à-vis de la croissance de la demande et du retard pris que vis-à-vis des conditions économiques globales.

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chapitre II. LES POLITIQUES SOCIALES DE L'EAU ET LEURS INSTRUMENTS

INTRODUCTION

A l'occasion de l'élaboration de schémas directeurs d'alimentation en eau potable sur leurs principaux centres urbains, nombreux sont les pays d'Afrique Noire ayant adopté ou mis à l'étude une politique "sociale" de l'eau destinée à faire bénéficier de raccordements individuels les ménages aux ressources modestes.

Avec l'extension et la densification des réseaux d'AEP autorisées par l'octroi de prêts importants, on a cru qu'il suffirait de quelques mesures incitatives -techniques, financières et tarifaires- pour permettre à tous les ménages de bénéficier rapidement d'un branchement à domicile.

Parmi ces mesures figurent notamment:

la poursuite de l'abandon des bornes-fontaines

gratuites;

l'aménagement de facilités de paiement pour

l'acquisition de branchements (branchements à crédit);

- des subventions de l'Etat et/ou des Communes permettant

la prise en charge partielle ou totale des raccordement des ménages aux revenus faibles et, parfois, des extensions destinées à les desservir;

- l'adoption de branchement s-types à faible coût;

- l'aménagement d'une structure tarifaire progressive

comportant une tranche de consommation faible, souvent

dénommée "tranche sociale", facturée à un prix inférieur au coût économique ou tarif moyen d'équilibre et, par conséquent, subventionnée par les ménages fortement consommateurs.

Dans le présent chapitre, nous allons exposer tour-à-tour le principe de ces différents instruments, le contexte et les modalités de leur application dans divers cas concrets.

L'exposé des politiques sociales de l'eau menées en Côte d'Ivoire et au Sénégal, notamment en matière de branchements subventionnés, sera quelque peu détaillé du fait de leur

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chapitre II / page 34

ancienneté dans ces deux pays, des ajustements qu'on a été amené à leur faire subir en fonction de leurs résultats, des enseignements, enfin, que l'on peut en tirer.

L'impact de ces politiques sur les pratiques d'approvisionnement en eau des ménages, c'est-à-dire aussi la mesure de leurs performances vis-à-vis de leurs objectifs, sera abordé dans le chapitre suivant.

A. LA POURSUITE DE L'ABANDON DES BORNES-FONTAINES "CLASSIQUES" ET L'ÉMERGENCE DE NOUVEAUX MODES D'EXPLOITATION

Nous entendons par "classiques" les bornes-fontaines installées depuis plusieurs dizaines d'années dans les pays étudiés, où l'eau est délivrée gratuitement aux usagers et dont la conception technique et les grands principes de gestion ont peu évolué jusqu'à leur remise en cause vers la fin des années 70.

1. Les bornes-fontaines "classiques"

Techniquement, ces bornes-fontaines relèvent toutes peu ou prou de l'un des quatre grands types suivants:

BF de type "standpipe": ce type est le plus

rudimentaire puisque le tuyau sort de terre, généralement soutenu par un tuteur quelconque. Ces bornes-fontaines sont évidemment fragiles et rapidement détériorées. Elles conviennent surtout pour un usage temporaire et provisoire;

- BF à corps de béton: le corps de béton, caractéristique

commune de ces BF, peut être plus ou moins important, comporter un nombre de robinets variable (entre 1 et 4 généralement). C'est le type le plus fréquemment rencontré. Il présente l'inconvénient principal de conduire à des gaspillages lorsqu'un fontainier n'est pas constamment présent pour s'assurer que le robinet est refermé après usage. Pour éviter ces gaspillages sont apparus deux types d'améliorations dans cette catégorie: des robinets de type PRESTO, ainsi que des BF à réservoir, flotteur et manivelle;

- BF de type "siphoïde" ou "à siphon": couramment

employée dès la fin des années 70, elle se caractérise par des tubes de prise plongeant dans l'eau maintenue à

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chapitre II / page 35

niveau constant à l'intérieur de la cuve par un système de flotteur. Chaque utilisateur, muni d'un mètre ou deux de tuyau en caoutchouc, branche celui-ci sur un des 4 tubes de prise et l'amorce par succion. Son récipient une fois plein, l'utilisateur débranche son tuyau. Bien qu'indéréglable et économique au fonctionnement, il a

l'inconvénient d'être coûteux à l'investissement et a souvent été dénoncé comme anti-hygiénique.

-

BF à corps de fonte et à volant ou bouton-poussoir:

fabriquées en Europe depuis très longtemps, de prix élevé et très fragiles, ces BF ont presque toutes disparues.

2. Un mode de gestion inadapté

En France comme dans la plupart des pays développés, il est de jurisprudence constante que la distribution d'eau aux bornes-fontaines est un service public que l'on ne saurait individualiser en faisant payer une taxe à leurs utilisateurs1. Aussi les dépenses d'eau servie aux bornes-fontaines relèvent-elles des dépenses générales de la Commune, payées sur ses ressources générales (centimes additionnels). Ce mode de gestion des bornes-fontaines a perduré dans les anciennes colonies françaises et s'est avéré un héritage lourd à assumer avec l'explosion urbaine des années 70.

Les contribuables ne font en effet pas toujours le lien entre les taxes communales qui leur sont imposées et l'objet de ces taxes. Cela provoque, ou du moins entretient, l'idée que l'eau est un bien gratuit et que sa distribution est un service lui-même gratuit.

Il s'y ajoute un second type de difficulté, plus spécifique aux pays en développement : le faible taux de recouvrement par les Municipalités de leurs taxes directes.

Le cas d'Ebolowa (Cameroun) est significatif.

Lors de la création du réseau en 1956 et de ses 16 bornes-fontaines, la Commune a opté pour ce mode de contribution directe. Les chefs de quartier étaient chargés de distribuer les tickets de taxes (et des autres impôts perçus sur rôle) et d'en récolter le produit, le tout sous contrôle du Sous-Préfet. Le principe semblait pertinent puiqu'il s'appuyait sur l'organisation traditionnelle du pouvoir dit coutumier. Mais

1 ROURE J. Les bornes-fontaines en milieu tropical africain. In Informations et Documents, BCEOM, n 10, 1973, pp. 15-26

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les chefs de quartier se sont vite montré réticents à collaborer, en invoquant deux arguments principaux. Le premier, souvent justifié dans les faits, était l'inexistence d'un réel service public de distribution d'eau; le second qu'ils ne touchaient aucune remise ni ristourne sur le produit de ces taxes.

Il en résulta que les prévisions de recettes n'étaient jamais atteintes. A titre d'exemple, les taxes effectivement perçues au cours de l'exercice 72/73 ne représentaient que 28% seulement des quelque 3 Millions de Frs CFA dépensés par la

Commune pour les BF et l'éclairage public1.

Avec l'afflux de ménages pauvres augmentant les volumes consommés aux BF, les Municipalités se sont progressivement trouvées confrontées à des difficultés de plus en plus aiguës pour s'acquitter de leurs factures d'eau. Les sociétés distributrices furent à leur tour placées en difficulté sous le double effet de la croissance rapide de ces créances, parfois irrécouvrables, et de la quasi-stagnation des abonnements domestiques.

La Commune d'Ebolowa, invoquant le gaspillage, finit par fermer 18 des 21 bornes-fontaines de la ville entre 78 et 80. Plus souvent, les sociétés distributrices choisirent délibérément de ne pas réparer celles qui tombaient en panne, malgré le faible coût d'entretien annuel de ces équipements

classiques2.

C'est ainsi que fut presque partout laissé peu à peu à l'abandon le parc parfois important des points d'eau collectifs hérités des systèmes coloniaux d'AEP.

3. L'abandon des bornes-fontaines "classiques"

A Lomé par exemple, seules 85 bornes-fontaines fonctionnaient encore en 1981 parmi les 156 implantées au total pendant le développement du réseau, et 26 avaient même totalement disparu.

1 MOREL A L'HUISSIER A. La gestion des équipements

collectifs à Ebolowa (Cameroun) Travail de Fin d'Etudes, Ecole Nationale des Travaux Publics de l'Etat, Paris, 1982, p. 89

2 entre 110 000 et 125 000 Frs CFA par an en moyenne

suivant les pays d'Afrique ayant répondu au questionnaire UADE/SEEG dans le cadre de l'élaboration du Livre Blanc Les bornes-fontaines en Afrique

Figure

tableau 1.1 TAUX DE DESSERTE/ OBJECTIFS DE LA DIEPA (source:
tableau 1.3 TRAVAUX DE RESEAUX D'AEP 1981-1984: ORIGINE DES
figure 1.1 LA POPULATION DES PAYS EN DEVELOPPEMENT DE 1980
figure 1.2. TAUX DE CROISSANCE DE LA POPULATION ET DU PNB PAR
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