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L’influence du lieu de résidence sur les aspirations scolaires des jeunes adolescents nés au Québec à la fin des années 1990

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© Camille Thériault-Marois, 2020

L’influence du lieu de résidence sur les aspirations

scolaires des jeunes adolescents nés au Québec à la fin

des années 1990

Mémoire

Camille Thériault-Marois

Maîtrise en sociologie - avec mémoire

Maître ès arts (M.A.)

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L’influence du lieu de résidence sur les aspirations

scolaires des jeunes adolescents nés au Québec à la

fin des années 1990

Mémoire

Camille Thériault-Marois

Sous la direction de :

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iii

Résumé

La démocratisation du système d’enseignement était au cœur des préoccupations des membres de la Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec menée de 1961 à 1966. Cette commission, mieux connue sous le nom de commission Parent, fut le point de départ d’une réforme en profondeur du système d’éducation québécois. Pour les commissaires, si, par le passé, le système d’enseignement avait toujours et partout favorisé une petite proportion de la population, accentuant du même coup les différences sociales et économiques préexistantes dans la société, la réforme proposée devait remédier à cette problématique.

Dans ce mémoire, je me suis intéressée plus spécifiquement à l’enjeu de la démocratisation géographique. Je me suis appuyée sur des données de la première édition de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec et sur des méthodes d’analyses descriptives et multivariées pour répondre à la question de recherche suivante : quelle est l’influence du lieu de résidence sur les aspirations scolaires des jeunes adolescents nés au Québec à la fin des années 1990 et comment se manifeste-t-elle?

Trois principaux constats sont ressortis de mes analyses. D’une part, le lieu de résidence a bel et bien eu une influence sur les aspirations scolaires de ces jeunes. Une différence d’aspirations scolaires selon la taille du secteur de résidence se maintient même lorsque l’on contrôle toute une série de facteurs liés aux aspirations scolaires des jeunes : facteurs sociodémographiques, facteurs de rendement et d’expérience scolaires et facteurs liés au rôle des parents. D’autre part, l’influence du lieu de résidence joue davantage sur les aspirations scolaires universitaires que sur les aspirations scolaires postsecondaires, ce qui s’explique sans doute par une plus grande démocratisation géographique de l’accessibilité à l’enseignement collégial qu’à l’enseignement universitaire. Enfin, le lieu de résidence affecte davantage les aspirations scolaires des garçons que celles des filles.

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Table des matières

Résumé ... iii

Table des matières ... iv

Liste des tableaux ... v

Liste des graphiques ... vi

Liste des abréviations ... vii

Remerciements ... ix

Avant-propos ... x

Introduction ... 1

Chapitre 1 : L’accessibilité aux études postsecondaires au Québec ... 4

1.1 La Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec ... 5

1.2 La démocratisation de l’accès depuis les années 1960 ... 7

1.2.1 Massification, démocratisation et accessibilité : des synonymes? ... 8

1.2.2 La situation au Québec : mobilisation scolaire et reproduction sociale ... 9

1.2.3 Les Cégeps : la porte d’entrée de l’enseignement postsecondaire ... 13

1.2.4 Réseau de l’Université du Québec ... 15

1.3 La démocratisation géographique ... 18

1.3.1 La délocalisation : au-delà du campus principal et à distance ... 25

Chapitre 2 : Les aspirations scolaires ... 31

2.1 La logique de la reproduction sociale vs l’individu comme acteur rationnel ... 33

2.2 Bernard Lahire et la transmission du capital culturel ... 39

2.4 Les facteurs de modulation des aspirations scolaires ... 42

Chapitre 3 : Méthodologie ... 54

3.1 Source de données : Je suis, Je serai ... 55

3.2 Question et hypothèses de recherche ... 56

3.3 Pondération, présentation des variables et des analyses ... 58

Chapitre 4 : Présentation des résultats ... 63

4.1 Analyses descriptives ... 63

4.1.1 Taille du secteur de résidence ... 65

4.1.2 Variables de contrôle ... 66

4.2 Analyses multivariées ... 77

4.2.1 Différences gars/filles ... 80

Chapitre 5 : Discussion ... 85

5.1 Première hypothèse : « l’effet région » ... 85

5.2 Deuxième hypothèse : aspirations scolaires postsecondaires et universitaires ... 86

5.3 Troisième hypothèse : poids différent selon le sexe ... 88

5.3.1 Ne pas tomber dans le piège du discours masculiniste ... 88

5.3.2 Éducation : genre et ruralité ... 89

5.4 Exemple de la région de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine ... 95

Conclusion ... 102

Bibliographie ... 105

Annexe ... 115

Annexe 1. Description des variables de contrôle... 115 Annexe 2. Liste des RMR et AR de la province de Québec – Recensement de 2016, Statistique Canada 126

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Liste des tableaux

Tableau 1. Taille du secteur de résidence

Tableau 2. Les aspirations scolaires des jeunes répondant de l’ELDEQ 1 à environ 15 ans

Tableau 3. Proportion de jeunes qui aspirent à des études postsecondaires et/ou universitaires selon certaines variables sociodémographiques

Tableau 4. Distribution des variables sociodémographiques selon la taille du secteur de résidence

Tableau 5. Proportion de jeunes qui aspirent à des études postsecondaires et/ou universitaires selon certaines variables de rendement et d’expérience scolaires

Tableau 6. Distribution des variables de rendement et d’expérience scolaires selon la taille du secteur de résidence

Tableau 7. Proportion de jeunes qui aspirent à des études postsecondaires et/ou universitaires selon certaines variables liées au rôle des parents

Tableau 8. Distribution des variables liées au rôle des parents selon la taille du secteur de résidence Tableau 9. Régressions logistiques : Probabilité d’aspirer à des études postsecondaires

Tableau 10. Régressions logistiques : Probabilité d’aspirer à des études universitaires

Tableau 11. Régressions logistiques : Probabilité d’aspirer à des études postsecondaires, selon certaines variables (filles uniquement)

Tableau 12. Régressions logistiques : Probabilité d’aspirer à des études universitaires, selon certaines variables (filles uniquement)

Tableau 13. Régressions logistiques : Probabilité d’aspirer à des études postsecondaires, selon certaines variables (garçons uniquement)

Tableau 14. Régressions logistiques : Probabilité d’aspirer à des études universitaires, selon certaines variables (garçons uniquement)

Tableau 15. Principales professions occupées par les hommes ayant touché un revenu d’emploi en 2015, GÎM Tableau 16. Principales professions occupées par les femmes ayant touché un revenu d’emploi en 2015, GÎM

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Liste des graphiques

Graphique 1. Taux d’accès au collège au Québec en fonction de l’appartenance à un groupe Graphique 2. Taux d’accès à l’université au Québec en fonction de l’appartenance à un groupe Graphique 3. Aspirations scolaires selon la langue et la résidence au Québec ou hors Québec Graphique 4. Aspirations scolaires selon la taille de la collectivité

Graphique 5. Aspiration à la réalisation d’études postsecondaires et/ou universitaires selon la taille du secteur de résidence

Graphique 6. Répartition (en %) par MRC des femmes de la région de la GÎM selon le plus haut certification, diplôme ou grade, 2016

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Liste des abréviations

AR Agglomération de recensement CSE Conseil supérieur de l’éducation DEC Diplôme d’études collégiales DEP Diplôme d’études professionnelles DES Diplôme d’études secondaires

EJET Enquête auprès des jeunes en transition

ELDEQ Étude longitudinale du développement des enfants du Québec EPA Enquête sur la population active

EPG Étudiants de première génération

EPGU Étudiants de première génération universitaire FEUQ Fédération étudiante universitaire du Québec GÎM Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine

ICOPE Indicateurs de conditions de poursuite des études ISQ Institut de la statistique du Québec

MEES Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur MELS Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport

MEQ Ministère de l’Éducation du Québec MRC Municipalité régionale de comté

NEPGU Non étudiants de première génération universitaire QAAM Questionnaire autoadministré à la mère

QELJ Questionnaire en ligne au jeune

QIRI Questionnaire informatisé rempli par l’intervieweuse RMR Région métropolitaine de recensement

TCGFGIM Table de concertation des groupes de femmes de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine

UQ Université du Québec

UQAC Université du Québec à Chicoutimi UQAM Université du Québec à Montréal UQAR Université du Québec à Rimouski

UQAT Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue UQO Université du Québec en Outaouais

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À mon petit voisin qui m’a demandé quand

j’allais enfin arrêter l’école.

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Remerciements

Je tiens, tout d’abord, à remercier mon directeur de recherche, Charles Fleury, qui a cru en moi dès le début de mon parcours à l’Université Laval, qui m’a encouragée à poursuivre mes études au 2e cycle et qui a été

d’une aide précieuse pour la réalisation de ce mémoire.

Je veux également remercier mes parents pour leur soutien. Si mes parents n’avaient pas eu de si hautes aspirations scolaires pour moi, je ne serais surement pas là, aujourd’hui, à rédiger ce mémoire.

Je désire aussi remercier mes collègues de classe et mes camarades d’association étudiante pour leurs encouragements et leur soutien. Je tiens également à souligner la compréhension de mon entourage, surtout celle de mon amoureux, pour mon horaire surchargé.

Finalement, la réalisation de ce mémoire fut possible grâce à l’appui financier des Fonds de recherche du Québec – Société et culture (FRQSC) ainsi que du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) et grâce aux données de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ).

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Avant-propos

Les analyses descriptives et multivariées réalisées dans ce mémoire prennent appui sur certaines données de la première édition de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ELDEQ 1) menée par l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) avec la collaboration de divers partenaires. Toutefois, le gouvernement du Québec n’est pas responsable de la compilation des données présentées dans ce mémoire ni de l’interprétation des résultats obtenus.

Les données de l’ELDEQ 1 – étude aussi connue sous le nom de « Je suis, Je serai » – sont accessibles aux chercheurs dans les locaux du Centre d’accès aux données de recherche de l’Institut de la statistique du Québec (CADRISQ) situés à Montréal et à Québec.

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1

Introduction

Au Québec, malgré les importantes ressources consacrées depuis déjà plusieurs années pour contrer le décrochage scolaire, de nombreux jeunes quittent le système sans diplôme ni qualification (MELS, 2009, p. 3). Pour 2020, l’objectif gouvernemental était d’atteindre un taux de diplomation ou de qualification1 de 80 % chez

les élèves de moins de 20 ans (MELS, 2009, p. 7). En 2009, lors du lancement du plan d’action contre le décrochage scolaire intitulé L’école, j’y tiens! : Tous ensemble pour la réussite scolaire, cet objectif semblait fort ambitieux puisque ce taux se chiffrait alors à 72,2 % (MELS, 2009). Or, le taux de diplomation et de qualification après 7 ans de la cohorte de 20092 a marqué l’atteinte de l’objectif bien avant 2020 : « Le taux de

80,1 %, après sept ans, de la cohorte de 2009 annonce l’atteinte de l’objectif national de 80 % de diplomation et qualification en 2020 et l’évolution des dernières cohortes laisse croire que ce dernier sera même dépassé » (MEES, 2017a, p. 10). Pour 2030, l’objectif de la Politique de réussite éducative : le plaisir d’apprendre, la chance de réussir (MEES, 2017b) est de porter à 90 % la proportion des élèves de moins de 20 ans qui obtiennent un premier diplôme ou une première qualification et de porter à 85 % la proportion de ces élèves titulaires d’un premier diplôme (DES et DEP). Le deuxième objectif de cette politique est de réduire de moitié les écarts de réussite entre les différents groupes d’élèves d’ici 2030 :

Le taux de diplomation et de qualification selon le type de sanction et les cohortes d’élèves donne une perspective globale de la réussite scolaire. Toutefois, il masque des différences importantes chez différents groupes d’élèves plus vulnérables et pour lesquels les chances de réussite sont moindres en raison de différents facteurs. Les principes d’équité et d’égalité des chances exigent de prendre en considération les écarts de réussite observés entre différents groupes d’élèves et de prendre les moyens pour les réduire le plus possible.

Les groupes d’élèves où on observe un écart de réussite plus significatif sont les garçons, les élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage, les élèves de milieux défavorisés et les élèves immigrants de première génération. L’objectif est de réduire de moitié les écarts entre eux et les autres élèves dans l’obtention d’un premier diplôme ou qualification, avant l’âge de 20 ans. (MEES, 2017b, p. 33)

1 Les diplômes et les qualifications considérés sont les suivants : le diplôme d’études secondaires (DES); le diplôme

d’études professionnelles (DEP); l’attestation de spécialisation professionnelle (ASP); l’attestation d’études professionnelles (AEP); l’attestation de formation professionnelle (AFP); l’insertion sociale et professionnelle des jeunes (ISPJ); le certificat de formation en entreprise et récupération (CFER); le certificat de formation préparatoire au travail (CFPT); le certificat de formation à un métier semi-spécialisé (CFMS); le certificat d’équivalence d’études secondaires (CEES); le certificat de formation en insertion socioprofessionnelle des adultes (CFISA) et l’attestation de compétences (ADC).

2 Au Québec, la plupart des enfants vont commencer leurs études secondaires à l’âge de 12 ans. Les résultats obtenus

avec la méthode basée sur le calcul du taux de diplomation et de qualification par cohorte de nouveaux inscrits au secondaire après 7 ans et les résultats obtenus avec la méthode fondée sur le calcul du taux d’obtention d’un premier diplôme ou d’une première qualification du secondaire avant l’âge de 20 ans dans la population sont donc similaires.

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2

En plus des écarts de réussite entre les différents groupes d’élèves soulignés dans la politique de réussite éducative, des écarts de réussite peuvent également être observés entre les différentes régions administratives3. Par exemple, selon les données du MEES (2019a), pour la cohorte de 2011 (suivie jusqu’en

2017-2018), le Bas-Saint-Laurent, Montréal, la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, Chaudière-Appalaches, Laval et les Laurentides sont des régions administratives avec des taux de diplomation et qualification après 7 ans de 80 % ou plus. En comparaison, d’autres régions administratives font moins bonne figure. Par exemple, le Nord-du-Québec (36,9 %), la Côte-Nord (74,6 %) et la région de Lanaudière (75,2 %) sont les trois régions qui ont les plus bas taux. Notons toutefois que des écarts importants peuvent exister entre les taux obtenus par les commissions scolaires au sein même des régions administratives. Par exemple, dans Lanaudière, les deux commissions scolaires de la région ont une différence de pourcentage de plus de 15 points (65,7 % versus 80,8 %).

Lorsque l’on s’attarde spécifiquement au niveau de scolarité de la population québécoise âgée de 25 à 64 ans – « soit celle regroupant les personnes qui ont généralement terminé leur formation initiale et qui forment le principal contingent de la population active » (ISQ, 2019b, p. 23) – on constate également que le profil scolaire de cette tranche de la population varie d’une région administrative à l’autre. Grâce aux données tirées de l’Enquête sur la population active (EPA) de Statistique Canada, nous savons que la différence entre les régions administratives était visible en 2018 surtout au niveau de la scolarité universitaire : « Les régions regroupant les principaux centres urbains affichent de fortes proportions de population ayant obtenu un certificat, un diplôme ou un grade universitaire » (ISQ, 2019b, p. 23). La région de Montréal se distingue des autres régions de manière importante en ayant la moitié de sa population âgée de 25 à 64 ans qui déclare détenir un certificat ou un diplôme universitaire (50,6 %). Selon l’Institut de la statistique du Québec (ISQ, 2019b, p. 23-24), la forte présence de personnes immigrantes4, la structure économique de la région et la

présence de nombreuses institutions d’enseignement supérieur sont des facteurs ayant une incidence positive sur le niveau de scolarité de la population montréalaise âgée de 25 à 64 ans. C’est à Montréal que l’on observe également le plus faible pourcentage de personnes déclarant ne pas détenir de diplôme d’études secondaires (7,7 %). La région de la Capitale-Nationale suit de très près avec un pourcentage de 7,8 %. À l’opposé, les régions de la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine (19,0 %), de l’Abitibi-Témiscamingue (18,2 %) et du

3 Le taux de diplomation et de qualification par cohorte pour l’ensemble du Québec inclut les élèves des commissions

scolaires, des établissements d’enseignement privés et des écoles gouvernementales. Or, pour le taux de diplomation et de qualification par cohorte d’une région administrative, ces deux derniers groupes d’élèves sont exclus. En outre, la commission scolaire d’un élève ne correspond pas à l’endroit où il a obtenu son premier diplôme ou sa première qualification, mais à l’endroit où il a été inscrit pour la première fois en 1re secondaire. Par ailleurs, dans le cas des

commissions scolaires anglophones, c’est la région où se trouve le siège social qui est prise en considération, même si certaines écoles peuvent se situer en dehors de cette région.

4 Les personnes immigrantes de 25 à 64 ans vivant au Québec ont globalement un profil plus scolarisé que les

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Centre-du-Québec (18,2 %) présentent les proportions les plus élevées de personnes déclarant ne pas détenir de diplôme d’études secondaires.

Les aspirations scolaires sont « l’un des facteurs majeurs de la compréhension de l’accès et de la persévérance aux études » (Marcoux-Moisan et al., 2010, p. v). Si des disparités régionales existent en matière de diplomation ou de qualification, on peut donc envisager l’idée que des disparités sur le plan des aspirations scolaires existent également. C’est cette hypothèse qui guidera la rédaction de ce mémoire de maîtrise. Plus précisément, ma recherche porte sur l’influence du lieu résidence sur les aspirations scolaires des jeunes adolescents nés au Québec à la fin des années 1990 et mes analyses prennent appui sur les données de la première édition de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ELDEQ 1)5. Cette étude, aussi connue sous le nom de « Je suis, Je serai », est conduite par l’Institut de la

statistique du Québec (ISQ) avec la collaboration de nombreux partenaires depuis 1998. Forte de son caractère multidisciplinaire, elle offre aux chercheurs des données permettant de répondre à de nombreux objectifs de recherche en lien avec le développement des enfants et des jeunes.

Dans le premier chapitre de ce mémoire, je réaliserai un détour sociohistorique afin d’aborder la question de la massification et de la démocratisation de l’enseignement supérieur québécois, tant au niveau collégial qu'au niveau universitaire, depuis les années 1960. Dans le deuxième chapitre, j’aborderai la notion d’aspirations scolaires. Les travaux de Raymond Boudon sur les choix scolaires seront présentés dans ce chapitre, puisque la notion d’aspirations scolaires a fait ses débuts en sociologie grâce aux travaux de cet auteur (Allouch, 2017, p. 29). Dans le deuxième chapitre, les travaux de Jean-Claude Passeron et Pierre Bourdieu et de Bernard Lahire seront également présentés ainsi que des recherches canadiennes récentes sur les aspirations scolaires des jeunes. La méthodologie de recherche sera présentée dans le troisième chapitre. Finalement, les résultats des analyses seront exposés dans le quatrième chapitre et une discussion suivra au chapitre cinq.

5 La deuxième édition de l’ELDEQ, Grandir au Québec, s’intéresse au développement des enfants nés au Québec à

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4

Chapitre 1 : L’accessibilité aux études

postsecondaires au Québec

Étudier la question de l’accessibilité aux études postsecondaires au Québec implique de combiner deux logiques qui peuvent nous paraitre contradictoires à priori : la logique de la reproduction sociale et la logique de la mobilisation scolaire (Bastien et al., 2013; Chenard et Doray, 2013a; Doray et Guindon, 2016; Laplante et al., 2016). Le concept de reproduction sociale en sociologie de l’éducation est étroitement associé aux travaux de Pierre Bourdieu (Laplante et al., 2016, p. 315). Selon Bourdieu, l’une des stratégies de reproduction utilisées par les classes sociales les plus favorisées consiste à convertir son capital culturel en capital scolaire pour conserver et légitimer sa position dominante dans la structure sociale (Jourdain et Naulin, 2011, p. 53). Toutefois, si la reproduction sociale est avant tout considérée comme un enjeu de classes, d’autres dimensions se doivent également d’être prises en considération. Au Québec, Dandurand (1986, p. 76) indiquait dans ses travaux que « […] les rapports sociaux sont multidimensionnels et qu’en conséquence, il faille situer les agents sociaux dans un champ de forces comprenant les grands axes des rapports de pouvoir, c’est-à-dire, dans une société comme celle du Québec, un champ de force impliquant des rapports de classe, de sexe et d’ethnie ». L’accessibilité ne serait donc pas seulement modulée par les rapports de classe, mais également par « les différents ancrages sociaux qui façonnent les individus » (Chenard et Doray, 2013a, p. 51). La logique de la mobilisation scolaire implique, pour sa part, l’accroissement de la population étudiante dans les cégeps et les universités et des « investissements scolaires de familles de catégories sociales dont la présence dans l’enseignement postsecondaire était improbable » (Chenard et Doray, 2013a : 51). Le réchauffement des aspirations scolaires est un indice tangible de la mise en œuvre de cette logique (Doray et Guindon, 2016, p. 82).

La logique de la reproduction sociale nous permet de comprendre comment l’éducation est utilisée par les classes sociales les plus favorisées pour maintenir et transmettre leurs positions sociales (Laplante et al., 2016, p. 316) et la logique de mobilisation scolaire est nécessaire pour comprendre l’évolution de l’accès à l’enseignement postsecondaire et la diversification de la population étudiante depuis la Révolution tranquille (Bastien et al., 2013, p. 30). Dans ce chapitre, les concepts de mobilisation et de reproduction seront mobilisés afin d’aborder la question de la démocratisation du système d’enseignement depuis les années 1960. Toutefois, remontons, tout d’abord, un peu plus tôt dans l’histoire afin de comprendre ce qui, à cette époque, a engendré ce désir de démocratisation de notre système d’éducation.

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1.1 La

Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la

province de Québec

À la mort de Maurice Duplessis en 1959, Paul Sauvé, son successeur à la tête de l’Union nationale, enclenche une réforme de l’éducation au Québec. Il désire accroître l’accessibilité aux études secondaires et postsecondaires. Le Parti libéral qui remporte les élections en 1960 poursuit dans cette voie en mettant en place, entre autres, une commission royale d’enquête, présidée par Mgr Alphonse-Marie Parent (Proulx et al.,

2018, p. 59). Cette commission permet au gouvernement libéral de respecter un engagement pris à l’occasion des élections de juin 1960, mais également de mettre en œuvre une idée déjà murement réfléchie au cours de la décennie précédente (Corbo, 2013, p. 90) : « Il existe, à ce moment, un large consensus dans la population et chez les élites sur la pertinence, voire la nécessité, d’une réforme du système d’enseignement » (CSE, 1988, p. 15). Le contexte est donc favorable à la mise en place de ce chantier d’envergure (Corbo, 2016). Entre 1961 et 1966 fut tenue la Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec. Cette commission, qui avait pour but de mener une étude impartiale et complète de la situation de l’enseignement dans la province, s’inscrivait dans la lignée d'un mouvement international (Rocher, 2004). Pendant la période de prospérité économique suivant la fin de la Seconde Guerre mondiale, plusieurs pays et certaines provinces canadiennes ont effectivement tenu des comités et des commissions sur leur système d’éducation et ont procédé à une réforme de celui-ci (Corbo, 2016, p. 13). Selon Guy Rocher (2004), la Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec fut toutefois la commission qui s’est vue confier le mandat le plus étendu. En effet, dans les autres pays et provinces canadiennes, les comités et commissions avaient un mandat limité. L’objectif était d'étudier un aspect ou un niveau spécifique du système d'enseignement. De plus, selon Claude Corbo (2016), la Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec fut tenue dans des circonstances et pour des raisons qui lui sont propres, car cinq grands problèmes touchant le système d’éducation au milieu du XXe siècle rendaient les réformes de l’époque de plus en plus incontournables.

Premièrement, le système d’éducation souffrait d’un manque d’encadrement politique, car depuis 18756,

aucun ministère n’assurait la coordination et la cohérence du système dans son ensemble : « Il en résulte qu’une multitude d’autorités indépendantes les unes des autres gèrent isolément des parties du système, sans qu'aucune réponde de la cohérence et de la cohésion de l’ensemble » (Corbo, 2016, p. 14). Deuxièmement, le système d’éducation se divisait en trois sous-systèmes, en raison de l’émiettement des filières de formation. Chez les anglophones protestants, le système était simple et universel. Après le primaire et la high school secondaire, les jeunes pouvaient entrer sur le marché du travail, à la formation professionnelle supérieure ou à

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6

l’université. Chez les francophones catholiques, c’était plus complexe. Tout d’abord, il y avait une ségrégation selon le sexe. Les filles et les garçons n’étaient pas dans les mêmes classes. Au secondaire, certains programmes étaient réservés aux filles, soit les programmes des « écoles ménagères » ou des « instituts familiaux ». C’était une ségrégation des cheminements scolaires. De plus, les différents programmes d'études secondaires étaient offerts dans des établissements gérés par des autorités différentes, ce qui rendait difficile la réorientation au sein du système. Finalement, seul le cours classique permettait l’admission dans l’ensemble des facultés universitaires. Les autres programmes n’offraient pas la possibilité de faire des études postsecondaires ou requéraient des études supplémentaires afin d’accéder à certaines facultés universitaires ou certains programmes professionnels. Troisièmement, le système était globalement sous-financé, et cela à tous les niveaux. En outre, les moyens des divers établissements étaient fort inégaux. Par exemple, les commissions scolaires finançaient principalement l’enseignement élémentaire et secondaire public par l’entremise d’un impôt foncier et, puisque la richesse de l’assiette fiscale était très inégale entre les commissions scolaires, de grandes disparités existaient entre elles. Quatrièmement, la formation du corps enseignant était fortement disparate et les conditions de travail étaient médiocres. Finalement, les francophones catholiques étaient sous-scolarisés par rapport aux autres groupes et cela à tous les niveaux d’enseignement (Corbo, 2016, p. 15) :

Par exemple, en 1958, 13 % des franco-catholiques atteignent la 11e année contre 36 % chez

les anglo-protestants. À la même époque, chez les 20-24 ans, le taux de fréquentation universitaire s’établit à 11 % chez les anglophones et à 3 % chez les francophones. Au milieu des années 1950, les franco-catholiques inscrits au cours classique représentent environ 12 % du groupe d’âge admissible. Les disparités sont également marquées selon l’origine socio-économique chez les franco-catholiques : les familles des professionnels et d’administrateurs sont très nettement sur-représentées dans les collèges classiques et séminaires diocésains, ce qui conduit évidemment à une comparable sur-représentation aux études universitaires. (Corbo, 2013, p. 88)

Selon Pierre Roberge et Pierre W. Bélanger (1980), il est possible d’identifier trois objectifs poursuivis par les réformes de système scolaire québécois dans les années 1960. Premièrement, l’objectif était de favoriser l’accessibilité aux études postsecondaires à un plus grand nombre afin de relever le niveau culturel de la population et augmenter la main-d’œuvre qualifiée disponible sur le marché de l’emploi. Deuxièmement, conscients de l’impact de l’origine sociale sur le destin scolaire, les réformateurs des années 1960 avaient le désir de contribuer à la réduction de l’influence des inégalités sociales sur la scolarité des individus. Finalement, les réformes devaient conduire à un rattrapage des francophones par rapport aux anglophones, afin de diminuer l’écart entre le niveau collectif de scolarisation des deux groupes linguistiques.

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7

La Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec œuvre pendant cinq ans et reçoit plus de trois cents mémoires, consulte des spécialistes, examine des systèmes d’éducation à l’international, fait ses propres études et organise des audiences publiques à travers tout le Québec. Ses membres se réunissent entre eux plus de quatre cents fois. Il résulte de cette commission un rapport de cinq volumes incluant 576 recommandations : le rapport Parent (Corbo, 2016, p. 17). Ce rapport fut le point de départ d’une réforme en profondeur du système d’éducation québécois. C’est dans celui-ci que l’on retrouve les origines, la conceptualisation et les justifications des grandes caractéristiques du système d’éducation québécois actuel : la volonté de démocratisation, l’accessibilité, la polyvalence, le découpage en ordres d’enseignement (élémentaire, secondaire, collégial et universitaire), l’existence des Cégeps, etc. (Corbo, 2013, p. 84). Le rapport Parent est l’un des documents les plus importants de l’histoire québécoise du XXe siècle, car les grandes lignes directrices du système imaginé, structuré et justifié par les commissaires demeurent encore aujourd’hui, après plus d’un demi-siècle (Corbo, 2016, p. 23). De plus, ce rapport est un symbole fort de la « Révolution tranquille ».

Selon Guy Rocher (2004), c’est l’intention de démocratisation de tout le système d’enseignement qui fut prioritaire dans l’esprit des membres de la Commission lors de la rédaction de ce rapport. Selon lui, le projet de démocratisation présenté dans le Rapport Parent prenait quatre formes – qui n’ont guère connu le même sort depuis – : la démocratisation de l’accès à tous les niveaux de l’enseignement, la démocratisation du pouvoir politique par la création du ministère de l’Éducation, la démocratisation des administrations locales, responsables de la gestion de l’enseignement primaire et secondaire public et, finalement, la démocratisation du financement des institutions. Dans le cadre de ce mémoire, seule la première forme sera abordée. C'est celle qui a entraîné et justifié toutes les autres (Rocher, 2004). Pour Guy Rocher (2004, p. 8-9), si bien des obstacles ont été levés depuis la publication du rapport Parent afin d’assurer le droit à chacun et à chacune à la meilleure éducation possible, il y a encore beaucoup de chemin à faire pour réaliser cet « idéal ».

1.2 La démocratisation de l’accès depuis les années 1960

Pour les commissaires, si, par le passé, le système d’enseignement avait toujours et partout favorisé une petite proportion de la population, accentuant du même coup les différences sociales et économiques préexistantes dans la société, la réforme proposée devait remédier à ce problème. Les commissaires étaient convaincus du droit de tous à la meilleure éducation possible. Au-delà du niveau élémentaire, tous devaient pouvoir bénéficier d’un enseignement correspondant à ses aptitudes et à ses intérêts (Corbo, 2002, p. 84). Or, bien que le niveau de scolarisation de la population québécoise ait considérablement augmenté depuis les années 1960, on peut se questionner sur la réelle démocratisation du système d’enseignement québécois. La massification de celui-ci implique-t-elle également sa démocratisation? Puisqu’il n’existe pas qu’une seule

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définition du concept de la démocratisation de l’enseignement (Merle, 2017), il est nécessaire, dans un premier temps, de présenter celle utilisée dans le cadre de ce mémoire.

1.2.1 Massification, démocratisation et accessibilité : des synonymes?

Il est important de différencier les concepts de massification et de démocratisation. Tandis que le concept de massification permet de décrire l’augmentation ou la croissance massive des effectifs scolaires, le second concept permet de préciser les différentes formes d’égalisation des chances (Kamanzi et Doray, 2015, p. 43). En France, Antoine Prost (1992) fut l’un des premiers à proposer une typologie des formes de démocratisation en distinguant un aspect quantitatif, qui implique que l’enseignement comme tout autre bien de consommation se répand dans la société, et un aspect qualitatif, qui est centré sur la diminution des inégalités scolaires. Cette distinction lui permit de mettre en lumière l’idée que l’élévation des taux de scolarisation par âge n’a pas supprimé les différences, elle les a seulement déplacées :

Pour prendre un exemple, si les ouvriers possèdent désormais des automobiles, ce ne sont pas les mêmes que les cadres supérieurs et ils ne les utilisent pas de la même façon. Achetée souvent d’occasion, presque toujours française, leur voiture leur sert le dimanche en famille plutôt que chaque jour pour se rendre à leur travail. Il en va de même pour l’enseignement : la démocratisation quantitative est incontestable et les jeunes Français des années quatre-vingt ont une scolarité moyenne plus longue de trois années que leurs prédécesseurs des années cinquante ; mais les ouvriers et les cadres ne bénéficient pas de scolarités identiques. (Prost, 1992, p. 12)

Toutefois, pour Pierre Merle (2000), ce constat ne peut pas être généralisé; s’il convient peut-être à la région orléanaise où Prost a réalisé ses travaux, il faut retravailler cette définition de la démocratisation afin de prendre en considération les situations scolaires dans lesquelles l’accroissement des taux de scolarisation se combine avec la diminution ou l’augmentation des inégalités sociales. La définition retenue se doit de dépasser la connaissance historique d’une situation donnée et se doit de considérer que la démocratisation « quantitative » ne s’oppose pas forcément à la démocratisation « qualitative ». Afin de dépasser l’analyse de Prost et de préciser la notion de démocratisation, Merle a proposé une nouvelle typologie du concept de démocratisation. Cette typologie comprend trois formes de démocratisation en fonction de l’importance accordée à l’équité sociale dans le système d’enseignement que l’on désire étudier : la démocratisation égalisatrice, la démocratisation ségrégative et la démocratisation uniforme.

La démocratisation égalisatrice implique l’augmentation générale des taux de scolarisation par âge à tous les niveaux d’enseignement et dans toutes les filières. La réduction des écarts entre les taux d’accès des différentes catégories sociales résulte de mesures qui sont mises en place pour favoriser l’augmentation et la représentativité des jeunes issus des catégories sociales défavorisées à des niveaux de scolarité plus élevés. Le second type, la démocratisation ségrégative, implique une croissance des taux de scolarité par âge, mais

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également une croissance des inégalités, car ce sont seulement certains programmes ou filières qui s’ouvrent davantage à la nouvelle « clientèle ». C’est une discrimination cachée à l’intérieur même du système. Finalement, la démocratisation uniforme représente un entre-deux. Il y a une augmentation de l’accès, mais les écarts persistent, car tous connaissent une progression. Cela correspond alors à une situation de statu quo dans laquelle les positions de chaque catégorie sociale sont conservées.

Pour terminer, soulignons que les termes accessibilité et démocratisation n’ont pas non plus la même signification. Une plus grande accessibilité aux études signifie simplement qu’il y a une augmentation des places au sein du système d’enseignement. On ne se préoccupe pas de savoir qui en profite (Dandurand, 1991, p. 438).

1.2.2 La situation au Québec : mobilisation scolaire et reproduction sociale

Selon Pierre Chenard et Pierre Doray (2013a), les logiques de mobilisation scolaire et de reproduction sociale ont façonné l’accès aux études postsecondaires depuis les années 1960. La logique de mobilisation scolaire, collective et individuelle, a permis une augmentation globale de l’accès aux études pour plusieurs catégories sociales, telles les francophones, les femmes et les adultes. Toutefois, la logique de la reproduction sociale n’a pas disparu pour autant depuis : « Nous avons assisté à des stratégies de reconversion du capital économique en capital scolaire, et au positionnement de l’école et de la scolarité comme outils d’insertion sociale » (Chenard et Doray, 2013a, p. 67). Selon Chenard et Doray (2013a, p. 67), si l’accès s’est élargi pour certains jeunes venant des classes populaires et ouvrières, surtout dans le cas de ceux ayant de bons résultats scolaires, l’accès reste toutefois différencié, particulièrement à l’université où « la fortune et la culture se combinent avec l’expérience scolaire au secondaire pour produire des inégalités d’accès ».

Lors de la réforme du système d’éducation québécois à la fin des années 1960, la réorganisation du système d’enseignement et son extension, notamment par la création des cégeps et de l’Université du Québec, ont permis d’augmenter sa capacité d’accueil. Cette plus grande accessibilité a également été accompagnée d’un réchauffement des aspirations scolaires : « Contrairement à la fonction d’éteignoir que remplit celui-ci [le junior college américain], notamment, le cégep contribue à hausser les aspirations scolaires et à réorienter vers les universités plusieurs étudiants d’options professionnelles terminales » (Bélanger, 1986, p. 365). Ces deux éléments ont provoqué une croissance des effectifs au niveau collégial et universitaire. Des mesures d’aide, telles que le programme de prêts et bourses, furent également mises en place. De plus, il y a eu un assouplissement des modes d’accueil et des possibilités de retour aux études (Chenard et Doray, 2013a, p. 52).

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Pour Chenard et Doray (2013a, p. 56), la création du certificat a eu un impact important sur le niveau de scolarité des francophones. En 1984-1985, le poids des certificats était nettement plus important chez les francophones (35,8 %) que chez les anglophones (7,9 %) et, en 2006, ce diplôme jouait toujours un rôle important dans l’accès aux études chez les francophones : « les inscriptions dans les programmes conduisant à ce diplôme représentaient 20 % des inscriptions des universités francophones. Dans les trois universités anglophones, cette proportion était de 3 % » (Chenard et Doray, 2013a, p. 56). Selon Chenard et Doray (2013a, p. 57), les deux groupes linguistiques n’ont pas le même mode de fréquentation de l’université ou les mêmes stratégies de fréquentation. Si les anglophones cherchent à obtenir leur baccalauréat, les francophones eux déploient une double stratégie; tandis que les plus jeunes s’inscrivent au baccalauréat, les adultes eux retournent aux études en s’inscrivant au certificat. Puisque les individus des deux groupes linguistiques ne poursuivent pas le même type d’études, on ne peut parler d’une démocratisation égalisatrice. Selon Chenard et Doray (2013a, p. 67), il serait préférable de parler de démocratisation uniforme : « La situation par rapport à la langue relèverait davantage de la démocratisation uniforme, au sens où les francophones ont un accès élargi aux ressources éducatives postsecondaires, mais que dans l’ensemble leur situation relative par rapport aux non-francophones est toujours minorisée ».

Ensuite, pour Chenard et Doray (2013a, p. 57), la mobilisation féminine et féministe qui s’est produite lors de la Révolution tranquille a permis la démocratisation en ce qui a trait à l’accès des femmes à l’enseignement postsecondaire. Au niveau de l’enseignement collégial, le taux d’accès des filles a rapidement dépassé celui des garçons dans les années qui ont suivi la création des cégeps (CSE, 2019a, p. 48). De plus, si les filles accèdent actuellement à ce niveau en plus grande proportion que les garçons, elles obtiennent leur diplôme également en plus grande proportion (CSE, 2019a, p. 54). Toutefois, le choix du programme d’études demeurerait genré tant en formation préuniversitaire qu’en formation technique (CSE, 2019a, p. 50). À la formation préuniversitaire, les filles seraient proportionnellement moins nombreuses en sciences de la nature et plus nombreuses en arts et lettres. Dans l’enseignement technique, les techniques physiques7

accueilleraient une faible proportion de filles contrairement aux techniques biologiques, humaines et des arts où elles sont majoritaires (Doray, 2018). À l’université, les femmes, longtemps minoritaires, sont devenues aussi nombreuses que les hommes en 1982 et sont depuis nettement majoritaires (Chenard et Doray, 2013b, p. 184). En outre, si les femmes sont plus présentes à l’entrée dans le système universitaire, elles sont également proportionnellement plus nombreuses à accéder au diplôme de premier cycle (Chenard et Doray, 2013b, p. 184). Toutefois, comme au collégial, les femmes ne sont pas également représentées dans l’ensemble des champs d’études, car il existe toujours des programmes dits « masculins » et des programmes

7 Les techniques physiques regroupent des programmes tels qu’électronique ou mécanique. Dans ces techniques, les

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dits « féminins » : « Ainsi, en 2007, elles sont très largement représentées dans les domaines des sciences de la santé (85 %) et de l’éducation (76 %), mais demeurent sous-représentées dans les domaines des sciences pures (42 %) et des sciences appliquées (24 %), en particulier en génie, où elles représentent moins de 20 % des effectifs » (Chenard et Doray, 2013b, p. 185). Cela implique une démocratisation ségrégative, puisque tous les domaines d’études ne s’ouvrent pas également à cette nouvelle « clientèle ». Selon Chenard et Doray (2013b, p. 185-186), trois hypothèses peuvent être avancées pour expliquer cette situation. Tout d’abord, cela s’explique peut-être par une socialisation différenciée des hommes et des femmes. Si cette socialisation est bénéfique pour les filles, car elle fait de celles-ci de « meilleures élèves » qui ont plus de chances d’entrer dans les établissements d’études postsecondaires dans une logique méritocratique, elle les conduit toutefois dans certains domaines d’études et moins dans d’autres. La seconde hypothèse implique de considérer ces choix comme des choix raisonnés et raisonnables. Les filles font ces choix en anticipant leur future position sociale. Elles réalisent ces choix selon la place qui leur sera socialement assignée dans leur future famille et sur le marché du travail. Finalement, la troisième hypothèse, mise de l’avant par les auteurs, consiste à s’attarder au cas des étudiantes qui s’inscrivent dans des domaines dits « masculins ». Le choix de ces jeunes femmes prouve la capacité de certaines à transgresser la norme en raison de leur origine sociale ou de leur parcours scolaire antérieur. Cette hypothèse nous appelle à réfléchir aux conditions scolaires qui transforment les choix improbables en choix possibles pour certaines.

Une autre transformation importante, depuis la réforme des années 1960, est l’importance de la catégorie « adulte »8 au sein de l’effectif étudiant. Par exemple, entre 1973 et 1989, soit en un peu plus de 15 ans, la

part des adultes aurait plus que doublé dans les universités et les adultes auraient alors constitué plus de 57 % de l’effectif universitaire (Chenard et Doray, 2013a, p. 59). Depuis, le dégel des frais de scolarité à l’université aurait toutefois fait réduire leur poids au sein de l’effectif étudiant. Ainsi, le nombre et la proportion d’adultes dans les universités québécoises n’auraient jamais rattrapé le sommet de 1992. Il reste que les 25 ans et plus représentent, aujourd’hui, environ la moitié des effectifs universitaires. Au cégep, la situation est différente. Si, en 1990-1991, les adultes représentaient 34 % de l’effectif étudiant, cette proportion n’a pas cessé de diminuer depuis. Cette baisse s’expliquerait, entre autres, par l’imposition de frais de scolarité, au début des années 1990, pour les études collégiales à temps partiel (Chenard et Doray, 2013a, p. 59).

Par la suite, saisir l’évolution de la présence des étudiants en fonction de leur origine sociale est plus difficile en raison de l’absence d’informations sur ce sujet dans les bases de données ministérielles (Chenard et Doray, 2013a, p. 52). Toutefois, quelques études ont abordé la question. Par exemple, Dandurand soulignait au milieu des années 1980 que « l'origine sociale [constituait] encore pour plusieurs jeunes un obstacle important à leur accès aux études universitaires » (Dandurand, 1991, p. 445). Pour Chenard et Doray (2013a,

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p. 63), la démocratisation de l’accès à l’enseignement postsecondaire au Québec en fonction des différences de classes est une démocratisation uniforme. Il y a eu une augmentation de l’accès pour des jeunes des milieux populaires et des catégories ouvrières, mais cet accès demeure inégal en comparaison avec l’accès des groupes plus favorisés économiquement ou culturellement.

En bref, pour Chenard et Doray (2013a, p. 67), puisque des inégalités d’accès persistent dans notre système, il faut conclure à une démocratisation inachevée, tout comme le constatait Dandurand (1991) à la fin des années 1980. Celui-ci soutenait que l’accessibilité à l’enseignement supérieur avait considérablement progressé, mais que la démocratisation n’avait été que partiellement réalisée, car l’origine sociale constituait encore pour plusieurs un obstacle à la réalisation d’études universitaires et parce que les femmes et les francophones n’avaient toujours pas terminé leur travail de rattrapage (Dandurand, 1991, p. 445).

Finalement, lorsque l’on s’intéresse aux degrés d’« ouverture » du système d’enseignement, il ne faut pas seulement indiquer dans quelles proportions les différents groupes y sont représentés. Selon Dandurand, Fournier et Bernier (1980, p. 121), il faut également fournir des indications sur les lieux et les secteurs d’études occupés par ces groupes, car loin d’être homogène, le système d’enseignement est fortement structuré et stratifié. Les individus issus des classes populaires et les femmes – principalement celles qui proviennent de ces milieux – vivent diverses formes de relégation. Par exemple, Dandurand notait, au milieu des années 1980, une hiérarchisation des établissements universitaires. L’Université de Sherbrooke et les diverses constituantes de l’Université du Québec accueillaient peu d’étudiants d’origine sociale supérieure comparativement aux autres établissements de la province. En outre, les classes supérieures francophones s’inscrivaient à McGill dans une logique de distinction de classe. Il soulignait également que le choix du domaine d’études était influencé par la position sociale, l’origine ethnoculturelle et le sexe des étudiants (Dandurand, 1991). Pour Dandurand, Fournier et Bernier (1980, p. 124), pendant la vingtaine d’années suivant la réforme, la représentation des classes populaires n’a que faiblement augmenté au sein des universités québécoises francophones et les jeunes de ces milieux ont obtenu les places inférieures au sein du champ universitaire : « tout se passe comme si celui-ci parvenait à satisfaire simultanément à des exigences contradictoires c’est-à-dire à assurer la reproduction des classes sociales supérieures tout en permettant à des jeunes des classes populaires d’acquérir un savoir spécialisé et de connaître une ascension sociale ». La mise sur pied du réseau de l’Université du Québec a assuré une plus grande accessibilité aux études à un nombre important de jeunes issus des classes populaires et des régions rurales ou semi-urbaines, mais cela a contribué également à stratifier plus fortement l’ensemble du système d’enseignement universitaire (Dandurand et al., 1980, p. 130). Toutefois, soulignons que la complexification et la stratification plus importante du réseau francophone ont contribué à une certaine érosion de la dominance des universités anglophones.

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1.2.3 Les Cégeps : la porte d’entrée de l’enseignement postsecondaire

Avant les réformes des années 1960, le système d’enseignement « collégial » regroupait : « une centaine de collèges classiques, quelque 60 écoles normales et une cinquantaine d’autres établissements disparates, écoles, instituts, appartenant à des intérêts privés, souvent religieux, ou rattachés à différents ministères ou à des hôpitaux » (Savard, 2016, p. 113-114). Lors de la Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec, l'idée proposée fut de remplacer le tout par un nouvel ordre d’enseignement qui s’appuierait sur un réseau d’« instituts »9 (Bélanger, 1986, p. 367). Les commissaires fixèrent l’accès à ce

nouveau niveau à 45 % des jeunes d’une cohorte pour l'année 1980 : 28 % à l’enseignement technique et 17 % à l’enseignement préuniversitaire10 (Savard, 2016, p. 115). Il s’agissait d’un objectif ambitieux à

atteindre, car, en 1961, le taux de scolarisation des 17-19 ans, à un niveau d’études « comparable » au niveau collégial, était de seulement 16,2 % (CSE, 1975, p. 22). Les commissaires avaient prévu que la formation technique accueillerait la majorité de l’effectif étudiant. Or, le « réchauffement » des aspirations a conduit une proportion semblable d’individus dans les deux types de formation (Doray et Guindon, 2016, p. 74). La cible de 45 % fut atteinte et elle fut largement dépassée par la suite. En 1986-1987, le réseau a atteint pour la première fois la barre du 60 % (Savard, 2016, p. 121). En 2015-2016, le taux d’accès à l’enseignement collégial était de 65,8 % (CSE, 2019a, p. 37) : « Cela signifie que près des deux tiers de la population québécoise accèdent aujourd’hui à l’enseignement collégial. Les cégeps ont donc contribué à leur mesure au rehaussement de la scolarisation de la population du Québec […] ».

Le « réchauffement » des aspirations a été possible, entre autres, par la présence des cégeps dans différentes villes de moyenne importance. Leur présence a permis à certains jeunes d’envisager la réalisation d’études collégiales et même universitaires (Chenard et Doray, 2013b, p. 182-183; Doray et Guindon, 2016, p. 76). Selon Pierre W. Bélanger (1986, p. 370), c’est le caractère régional, mais aussi le caractère public, polyvalent et de courte durée de la formation collégiale qui incitent les jeunes de condition modeste à poursuivre à ce niveau. Pour Bélanger (1986, p. 366), la création des cégeps est la « pièce maîtresse » de la réforme scolaire des années 1960. C’est la clé du succès de cette réforme. C’est la « solution originale du Québec » quant aux problèmes d’équité et d’excellence. Contrairement aux junior colleges, les cégeps contribuent à un rehaussement des aspirations scolaires, selon Bélanger (1986); on assiste à un phénomène

9 Ce n’est qu’au moment de leur implantation par le ministère de l’Éducation que ces établissements d’enseignement

prendront le nom de collèges d’enseignement général et professionnel. Mais, c’est finalement l’acronyme cégep qui sera rapidement adopté. (CSE, 2019a, p. 5)

10 Ces prévisions sont réalisées à partir de la distribution « normale » des Q.I. dans la population. On estime qu’il faut un

Q.I. d’au moins x pour fréquenter un niveau d’études x. À partir d’une « courbe normale » de la population, on peut estimer le pourcentage de la population apte à fréquenter ce niveau x. Même si les commissaires utilisent cette méthode pour faire leurs prévisions, le caractère douteux du fondement scientifique de la méthode est souligné dans le rapport. (Bélanger, 1986, p. 365-384)

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de « warming up » plutôt qu’à un phénomène de « cooling out », tel que décrit par Clark (1960)11 (Bélanger,

1986, p. 377-380). Certains étudiants du secteur technique prendraient conscience, en cours de route, de leurs aptitudes, leurs capacités et leur volonté de poursuivre à l’université. Il y aurait alors un rehaussement de leurs aspirations par rapport à leurs aspirations scolaires antérieures. Contrairement aux junior colleges qui joueraient un rôle d’« éteignoir », les cégeps « activeraient » les aspirations scolaires et professionnelles de certains jeunes qui initialement n’envisageaient pas les études universitaires en raison d’« aspirations scolaires limitées par choix ou héritées de leur milieu familial ou scolaire » (Bélanger, 1986, p. 379). Ce phénomène de « warming up » illustre, notamment, selon Bélanger (1986, p. 380), « le caractère arbitraire et restrictif d’une politique d’accès reposant sur la distribution normale des Q.I. ». C’est un effet positif de la polyvalence des cégeps qui n’avait pas été prévu lors de la création de ces établissements.

Ce phénomène de « warming up » permet surement d’expliquer, en partie, la popularité des DEC-BAC, ces passerelles mises sur pied par les cégeps et les universités afin de faciliter la poursuite des études universitaires après la réalisation d’une formation technique au niveau collégial. Selon la Fédération des cégeps (2012, p. 6), quelques milliers d’étudiants – « qui optent pour une approche différente ou qui ne projetaient pas nécessaire de faire des études universitaires à la fin du secondaire » – profitent, chaque année, de ces ententes afin d’accéder à l’université. Pour le Conseil supérieur de l’éducation (2019a, p. 76), cette possibilité de passer de la formation technique à la formation universitaire est une force du système d’enseignement collégial québécois.

Notons, toutefois, que certains programmes techniques n’offrent qu’un nombre limité de places. Chaque année, un pourcentage non négligeable de candidats se voit refuser l’accès à leur premier choix de programme, au premier tour des inscriptions, faute de place, et cela même lorsqu’ils ont les préalables nécessaires (CSE, 2016, p. 34).

Selon Dandurand (1990, p. 42), si le moment clé de la sélection scolaire était la jonction entre l’élémentaire et le secondaire dans les années 1940 et 1950, c’est le passage entre le secondaire et le collégial qui est déterminant dans les années 1980. S’appuyant sur cette idée, Eckert (2010) s’est intéressé à la transition entre le secondaire et le collégial dans le contexte des années 2000 et il en a conclu que les cégeps n’accueillent pas tous les titulaires du diplôme d’études secondaires de manière uniforme. Son bilan n’est guère bien différent que celui dressé par Dandurand à la fin des années 1980 :

11 Aux États-Unis, dans les junior colleges, des agents de counseling s’efforçaient d’amener les étudiantes et les

étudiants à se rendre compte de leurs limites et à sélectionner un programme d’études « professionnel » et terminal. Ces mécanismes, les moins visibles possible, permettaient de calmer les aspirations scolaires des jeunes « à leur juste mesure ».

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Si l’origine linguistique joue moins sur l’accès au cégep, les deux autres caractéristiques individuelles qu’il prenait en compte, le sexe et l’origine socioculturelle, continuent de déformer les flux qui circulent entre les deux niveaux scolaires, au point d’induire une certaine inquiétude à propos de la possibilité de voir progresser une démocratisation qualitative du système de formation depuis sa réforme. (Eckert, 2010, p. 159)

Toutefois, selon Eckert, si les inégalités liées à l’origine se réduisent peu lors du passage entre le secondaire et le collégial, le cégep diminue, en revanche, les différences liées à l’origine sociale entre celles et ceux qui y étudient. En effet, « 54 % des jeunes issus des milieux les moins favorisés améliorent leur rendement scolaire, contre seulement 40 % de ceux issus des milieux les plus favorisés » (Eckert, 2010, p. 162). Le cégep permettrait une correction des inégalités de réussite scolaire entretenues par l’école aux niveaux scolaires antérieurs. Le cégep ramènerait donc le système d’éducation à un fonctionnement plus égalitaire.

1.2.4 Réseau de l’Université du Québec

Avant la création de l’Université du Québec en 1986, six universités existaient déjà au Québec : l’Université McGill (fondé en 182112), l’Université Laval (1852), l’Université Bishop’s (1853), l’Université de Montréal

(192213), l’Université Sir George Williams (192614) et l’Université de Sherbrooke (1954) (Bernatchez, 2016, p.

128). Or, dans les années 1960, ces universités ne répondaient plus aux besoins de formation de la population en plein boum démographique. Les commissaires de la Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec recommandèrent alors la création d’universités à charte limitée et de centres d’études universitaires afin de répondre à la demande et favoriser la décentralisation des études supérieures (Proulx et al., 2018, p. 284-285).

De cette recommandation naîtra l’Université du Québec en décembre 1968. C’est la première université publique et laïque de la province. Elle ne correspond pas en tout point au modèle proposé par les commissaires, mais s’inspire largement de leurs propositions. Elle veut, tout d’abord, répondre aux besoins des régions en rendant accessible la formation universitaire à travers la province, tout particulièrement la formation des enseignants. À Montréal, l’Université du Québec permet aussi une meilleure accessibilité aux études universitaires aux femmes, aux étudiants de première génération (EPG), aux francophones et aux

12 L’Université fut créée en 1821, mais un délai fut nécessaire le temps que se règlent les problèmes de succession de

James McGill, homme d’affaire d’origine écossaise ayant fait fortune dans la traite de fourrure et ayant légué terrain et dotation importante à la création de l’établissement. L’Université n'ouvrit ses portes qu’en 1829. (Proulx et al., 2018, p. 280-281)

13 Constituée en 1878 à titre de succursale de l’Université Laval à Montréal, elle obtient en 1889 une certaine autonomie,

mais ce n’est qu’en 1922, après une querelle de quelques décennies, que l’Université devient indépendante. (Proulx et

al., 2018, p. 281-282)

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adultes. Dès septembre 1969, l’Université du Québec à Montréal (UQAM)15, l’Université du Québec à

Chicoutimi (UQAC) et l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) ouvrent leurs portes. Ensuite, s’ajouteront l’Université du Québec à Rimouski (UQAR) en 1973, l’Université du Québec à Hull16 en 1980 et

l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT) en 1981. Le réseau de l’Université du Québec (UQ) inclut également des institutions plus spécialisées : l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), l’École nationale d’administration publique (ENA), la TÉLUQ17 et l’École de technologie supérieure (ETS)

(Proulx et al., 2018, p. 286-287).

La création du réseau de l’Université du Québec (UQ) a permis une augmentation importante du nombre d’établissements universitaires dans la province. Dès sa création en 1969, le réseau de l’UQ, principalement grâce à l’UQAM, a permis l’ajout de 11 500 places dans le système d’enseignement universitaire (Chenard et Doray, 2013b, p. 180). Cela représentait déjà 25 % de l’offre totale dans les universités francophones. En 2006, soit quarante ans plus tard, le réseau de l’UQ recevait 41 % du total des inscriptions dans les universités francophones québécoises. Ces chiffres nous montrent le poids que joue le réseau de l’UQ sur le plan de l’accessibilité aux études universitaires (Chenard et Doray, 2013b, p. 180).

Une autre façon d'illustrer l'impact du réseau de l’UQ est d’utiliser le concept d’étudiant de première génération (EPG) (Chenard et Doray, 2013b). Le concept d’EPG est un indicateur de l’origine sociale qui a une forte parenté avec celui de capital culturel. Or, le concept d’EPG permet d’examiner un aspect spécifique du capital culturel : l’effet du capital scolaire des parents. Son usage s’inscrit donc dans la mouvance théorique des théories de la reproduction sociale et ne constitue pas une rupture théorique ou méthodologique. Le concept d’EPG fut d’abord un concept administratif forgé aux États-Unis face à la diversification de la population étudiante dans les établissements postsecondaires. Le concept a, par la suite, été repris en recherche. Deux définitions ont accompagné l’usage de celui-ci. La première définition permet d’identifier comme EPG les étudiants dont les parents n’ont pas obtenu de diplôme d’études postsecondaires. La seconde définition, plus restrictive, identifie seulement comme EPG les étudiants dont les parents n’ont jamais fréquenté un établissement d’enseignement postsecondaire. Les chercheurs qui utilisent cette deuxième définition justifient ce choix en soulignant que les acquis que les parents ont pu réaliser lors de leurs études, avec ou sans diplôme, facilitent la participation de leurs enfants à ce niveau d'études. (Groleau et al., 2010)

C’est cette deuxième définition qui est utilisée dans le cadre de l’enquête ICOPE (Indicateur de conditions de poursuite des études) réalisée aux cinq ans au sein du réseau de l’UQ. Avec cette enquête, il est possible

15 En raison de son importance, l’UQAM a un statut particulier au sein de l’UQ depuis 1989. Elle est une université

associée et non plus une constituante du réseau.

16 L’Université du Québec à Hull est devenue depuis l’Université du Québec en Outaouais (UQO). 17 La TÉLUQ est anciennement connue sous le nom de Télé-université.

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d’évaluer le nombre d’étudiants de première génération universitaire (EPGU) au sein du réseau, soit les étudiants donc les parents n’ont jamais fréquenté un établissement universitaire. Selon Pierre Chenard et Pierre Doray (2013b, p. 190), le nombre d’EPGU au sein du réseau de l’UQ illustre l’énorme impact de celui-ci dans le processus de démocratisation de l’accessibilité aux études universitaires au Québec. Notons, toutefois, qu’un rehaussement de la scolarité des parents a été observé entre l’enquête de 2011 et l’enquête de 2016 :

En 2011, les parents des étudiants de premier cycle avaient fait majoritairement des études de niveau secondaire, alors que les études universitaires représentent aujourd’hui la catégorie dominante (environ le tiers des répondants). Aux cycles supérieurs, les études universitaires obtiennent une plus forte proportion qu’en 2011 et constituent également la formation la plus fréquemment mentionnée pour les deux parents. En combinant la scolarité du père et de la mère, on obtient un indicateur d’étudiant de première génération universitaire (EPGU). L’EPGU est celui dont ni le père ni la mère n’a fait d’études universitaires. L’UQ accueille maintenant 50 % d’étudiants dans cette situation, soit une baisse de 8 points de pourcentage de l’indicateur relativement à 2011. (Bonin et Girard, 2017, p. 4)

Thérèse Bouffard, Simon Grégoire et Carole Vezeau (2012) se sont intéressés aux déterminants de l'adaptation et à la persévérance des EPGU. Plus précisément, ils ont réalisé leur étude à l’UQAM auprès d’étudiants débutant un programme de premier cycle et ont réalisé une comparaison entre ceux dont les parents n’avaient, à aucun moment, fréquenté un établissement universitaire, soit les EPGU, et les autres, les NEPGU (les non étudiants de première génération universitaire). Ils ont mis en évidence un certain nombre de difficultés vécues par les EPGU. Premièrement, ils disent s’inquiéter davantage de leur endettement et se disent plus préoccupés par leur situation financière que les NEPGU. En outre, ceux-ci perçoivent moins d’avantages financiers et non financiers à la poursuite de leurs études universitaires : ils « […] sont moins certains que faire des études universitaires a une valeur ajoutée aux plans financier et non financier » (Bouffard et al., 2012, p. 6). De plus, les EPGU sont plus nombreux à occuper un emploi durant la session et à travailler plus de 20 heures par semaine. Bouffard, Grégoire et Vezeau (2012, p. 9) présument que les EPGU proviennent de famille moins à l’aise financièrement et donc moins en mesure de contribuer financièrement à la scolarisation de leurs enfants. Certains EPGU pourraient également avoir des parents qui valorisent moins les études et qui seraient ainsi moins enclins à soutenir financièrement leurs enfants. Les EPGU craignent aussi que leur choix scolaire provoque des tensions avec leur entourage pour qui la poursuite au niveau universitaire n’est pas nécessairement un choix valorisé. Les EPGU jugent que leurs parents peuvent moins les guider dans leurs décisions et cela provoque une insécurité chez plusieurs. Les EPGU jugent également bénéficier de moins de soutien de leur entourage. Un sentiment de déloyauté envers la famille se développe aussi chez plusieurs EPGU qui vivent un choc culturel découlant d’un décalage plus ou moins important entre les valeurs, les attitudes et les façons de faire de leur milieu d’origine et celles adoptées dans leur nouveau milieu. Les EPGU jugent avoir plus de difficulté à développer des relations amicales avec leurs collègues

Figure

graphique 1) qu’au niveau universitaire (voir graphique 2).
Graphique 2. Taux d’accès à l’université au Québec en fonction de l’appartenance à un groupe
Graphique 3. Aspirations scolaires selon la langue et la résidence au Québec ou hors Québec
Graphique 4. Aspirations scolaires selon la taille de la collectivité
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