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Lumières anciennes et nouvelles sur Saint-Bénigne de Dijon

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Academic year: 2021

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Dijon

Carol Heitz

To cite this version:

Carol Heitz. Lumières anciennes et nouvelles sur Saint-Bénigne de Dijon. Cahiers du CRATHMA

(Centre de recherche sur l’Antiquité tardive et le haut Moyen Âge), Université de Paris X-Nanterre,

1977, Du VIIIe au XIe siècle : édifices monastiques et culte en Lorraine et en Bourgogne, II (11).

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(2)

LU M IE R E S A N C IE N N E S ET N O U V E L LE S sur S A IN T -B E N IG N E DE D IJO N .

A juste titre , l ’église abbatiale de Saint-Bénigne de D ijo n passe pour être l ’un des monu- ments-clefs les plus remarquables de notre art roman. Plusieurs circonstances concourent à lui valoir cette place enviable. D ’abord la personnalité séduisante de son bâtisseur, mais aussi la date de sa construc­ tio n . G uillaum e de \6 lp ia n o venait d ’ Italie, par l ’ interm édiaire de C lu n y, et sut, to u t au long d ’une exis­ tence féconde, m aintenir le lien avec sa Lom bardie natale. Malgré les avatars de to u t ordre, la construc­ tio n fu t menée à bien en m oins de vingt ans, parallèlem ent à celle de F ru ttu a ria (1004-1014), monas­ tère consacré par G uillaum e peu avant l ’achèvement de Saint-Bénigne. A D ijo n , les travaux débutèrent juste après l’an m il —la prem ière pierre fu t posée le 16 des Kalendes de mars 1001 (1)— et la ou p lu tô t les consécrations eurent lieu le 30 octobre 1017 pour l ’église majeure (par Lam bert, évêque de Langres) et le 13 mai de l ’année suivante pour l ’o ra to ire de Sainte-Marie. Ce q u i rend l ’église Saint-Bénigne par­ ticulièrem ent chère aux historiens de l ’art, c ’est précisément la fameuse ro to n d e orientale vouée à la Vierge. D étruite à la R évolution, ressuscitée partiellem ent cinquante ans plus tard, elle constitue le ty p e même de ces rotondes de chevets, axiales, d o n t la form e et la fo n c tio n o n t ta n t stim ulé la curiosité des savants (2).

* *

*

A u jo u rd ’hui, plus de tro is quarts de siècle se sont écoulés depuis la p a ru tio n de la mono­ graphie de l’abbé C h o m to n (3). C ette étude qui consacre a u ta n t d ’a tte n tio n à l ’histoire de l ’abbaye q u ’à son archéologie et qui ne néglige pas la raison d ’être de to u te église, c ’est-à-dire sa vie litu rg iq u e , demeure un grand ouvrage. Q u ’ il a it pu être contesté sur quelques points —notam m ent sur certaines re stitu tio n s architecturales marquées par la mode d ’alors qu i a llia it le g o û t pour l ’hypothèse à une hyperprécision du d é ta il— n ’entame en rien sa valeur. En parcourant, avec C h o m to n , les siècles d ’é vo lu tio n , depuis le temps du premier christianism e à D ijo n ju sq u ’au X IX e siècle, on réalise avec clarté le chem inem ent de l ’insigne édifice : l’érection de la modeste église mérovingienne, commencée par une cryp te en 511, consacrée d ’après le témoignage de Grégoire de lo u r s en 535 ; la co n stru ctio n , tro is siècles plus tard (871), d ’une abbaye carolingienne par Isaac, évêque de Langres ; enfin la reconstruction, pratiquem ent à neuf, du monastère par G uillaum e de V o lp ia n o , délégué à D ijo n le 2 4 novembre 989 par Mayeul, abbé de C luny.

N ’é ta it-il pas naturel que l ’abbé C hom ton a it consacré à cette période, et notam m ent à l’embellissement du tom beau du saint patron de l ’abbaye, les pages les plus senties de sa monographie ? Le reste de l ’histoire de Saint-Bénigne n ’en p â tit pas pour autant : la reconstruction de l ’abbaye après l ’ incendie q u i ravagea D ijo n le 28 ju in 1137, la consécration en 1147 de l ’église restaurée par le pape Eugène III en présence du ro i Louis V II ; la nouvelle catastrophe du 14 février 1272 q u i imposa la re­ co nstruction com plète de la basilique sous la form e d ’une haute église gothique, enfin les changements mineurs du X V Ie et du X V IIe siècle q u i vit l ’ installation à Saint-Bénigne des bénédictins de la Congré­ gation de Saint-M aur (1651 ).

La R évolution su rp rit l ’abbaye en pleine détresse. Devenue, le 6 mai 1792, le siège de l ’évêché co n stitu tio n n e l, l ’ancienne abbatiale subit des remaniements profonds. La de stru ctio n de la rotonde, jugée d ’une a rchitecture «bizarre et sauvage», fu t perpétrée cette même année sous le regard angoissé de quelques D ijonnais épris du p atrim oine de leur cité : c ’est là le chapitre le plus ém ouvant de l’étude de l ’abbé C ho m to n . Les décennies q u i suivirent o n t presque été vécues par l ’auteur : du moins sont-elles étayées par de nom breux témoignages directs. La redécouverte de la ro to n d e en 1 8 4 2/43 —d o n t quelques octogénaires avaient gardé le souvenir—, la visite de V io lle t-le -D u c en 1853, à la suite du Congrès archéologique tenu à D ijo n en 1852, et la progressive, mais néanmoins tro p lente restauration de la «crypte» (elle dura de 1858 à 1888) mènent le lecteur au seuil du X X e siècle qui v it la p a rution du livre de Dom C hom ton.

(1 ) En fa it le 14 février 1002, selon notre co m p u t grégorien. (2) Cf. plus haut p. 32.

(3) CHO M TO N (L'abbé L.) H isto ire de Saint-Bénigne de D ijo n , D ijo n , 1900. Du même auteur : Saint-

(3)

Au-delà de nos frontières, plusieurs historiens d ’art o n t marqué un v if intérêt scientifique p o u r notre m onum ent. Dans son ouvrage A b r ie f com m entary on early mediaeval church architecture, paru à Baltim ore en 1942, Kenneth John Conant, alors professeur à l ’Université de Harvard, avait déjà consacré quelques pages lucides à la tra n sitio n du carolingien au rom an en Bourgogne et au rôle tenu par Saint-Bénigne dans cette é vo lu tion . Son élève Mme A lice Sunderland-W ethey consacra sa thèse (sou­ tenue à Harvard en 1946, mais non publiée) à l ’abbaye dijonnaise (4). Ses conclusions o n t partiellem ent inspiré l ’im p o rta n t chapitre (p. 84-87) que K.J. Conant accorde à Saint-Bénigne dans son Carolingian

and Romanesque A rch ite ctu re 800-1200 (The Pelican H is to ry o f A r t, 1959). Les re constitutions p opu­

larisées par cet ouvrage sont a u jo u rd ’hui encore les plus fréquem m ent utilisées.

Depuis, certaines thèses de K.J. Conant ont été contestées. L ’essai c ritiq u e le plus incisif vient d ’un collègue brita n n iq u e : A ndrew M artindale fonde son in te rp ré ta tio n du m onum ent sur une lecture m inutieuse du te xte de la C hronique de Saint-Bénigne, publiée plus loin. Il s’agit de l ’article in titu lé «The Romanesque Church o f S. Bénigne at D ijo n and Ms 591 in the B ib lio th è q u e M unicipale» publié dans le

jo u r n a l o f the B ritis h A rchaelogical A ssociation, Tom e X X V (1962).

Plus récemment, l'ancienne abbatiale a retenu l ’a tte n tio n d ’un médiéviste allemand, H elm ut S chlink, m aître de conférences à l ’Université de Hambourg, qui procède dans sa thèse d ’h a b ilita tio n à une ré in te rp ré ta tio n de l ’architecture bourguignonne du X le siècle (5). Ses conclusions, qui s’appuient au dem eurant sur un co n trô le sérieux des sources écrites, rejoignent deux intéressantes interventions faites à Berkeley en 1968 et à N ew -Y ork en 1971 par un jeune professeur américain, Mme C arolyn Malone, qui enseigne actuellem ent à Harvard (6). Avec l ’autorisation du d ire cte u r de la C irco n scrip tio n archéologique, elle a pu même effectuer l ’an dernier (en août et en septembre 1976) un sondage assez p rofond sur le flanc nord extérieur de la basilique actuelle. Le b u t en était de retrouver les fon d a tio n s de l ’h yp o thétique transept de G uillaum e, q u i, contrairem ent aux re stitu tio n s de K.J. Conant, se serait trouvé largement en avant, vers l ’Est, o uvrant ainsi directem ent sur l ’abside à la manière des transepts romains. Ces fouilles d o ive nt, à notre connaissance, se poursuivre cet été ; peut-être perm ettront-elles d 'é c la ircir au moins ce p o in t im p o rta n t pour la connaissance de l ’édifice de G uillaum e ? E videm m ent, la so lu tio n idéale eût été une fo u ille générale, approfondie. Une telle enquête —d iffic ile à organiser dans les circonstances présentes en raison de son c o û t— p e rm e ttra it de retrouver to u te l ’église basse établie en fo rm e de cro ix —p lu tô t d ’un T — sous le chœur de l’actuel édifice gothique ; elle a b o u tira it également au dégagement des substructions carolingiennes de l ’église d ’ Isaac. Cette église de la seconde m o itié du IX e siècle n ’a pas pu disparaître to ta le m e n t ; les traces de cet im p o rta n t m onum ent, d o n t subsiste encore une partie dans Vaugmentum o rie n ta l de la rotonde, sont sûrement encore décelables, même s’ il est admis que G uillaum e f i t reconstruire son abbatiale a fundam entis.

* *

*

(4) A . S U N D E R L A N D , The early romanesque church o f St. Benignus o f D ijo n , Harvard U niversity, 1946. Du même auteur : «The legend o f the alternate system at St. Bénigne o f D ijo n » , jo u r n a l o f th e Society

o f A rc h ite c tu ra l Historians, vol. X V II (1958), p. 2-9.

(5) Un résumé du travail de H. S C H L IN K in titu lé , «K irchliche A rc h ite k tu r des Abendlandes ums Jahr 1000» figure dans Univ. Hansestadt Hamburg Forschung No 8, 1976 [K u ltu rg e sch ich ie u n d K u ltu rk u n d e ), p. 146-151.

(6) C f. C. M A LO N E «A new evaluation o f the eleventh century church o f St. Benigne at D ijon», confé­ rence prononcée à N ew -Y ork en janvier 1971 et un dossier d ’une quarantaine de pages, présenté au Sé­ m inaire du professeur Bony à l ’Université de Berkeley en 1968.

(4)

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D ijo n , Saint-Bénigne, re c o n stitu tio n du plan de l ’abbatiale romane et de l ’aile orientale du clo ître , par K.J. C O N A N T (A rchaeo/ogia, vol. X C IX , 1 9 6 5 ).

Cette re s titu tio n est la seule à m o n tre r la «Galiléeoccidentale d o n t la form e, calquée sur celle de l ’abbatiale contem poraine de R om ainm ôtier, reste évidem m ent hyp o th é tiq u e . — Les deux c ro ix dans l ’abside principale fig u re n t les autels de saint Raphaël (au Sud), de saint Marc (au N ord). Nous les voyons cependant en po sitio n plus latérale, même surélevée (cf. plan II). Le rapprochem ent n ’est pas in te rd it avec la situation à C lu n y III où la chapelle de l ’archange Raphaël se tro u ve logée au prem ier étage d ’une to u r carrée adossée au m ur ouest du grand transept. — L ’aile orientale du c lo ftre com prenait au rez-de-chaussée la salle du chapitre et le parloir, et à l ’étage le d o rto ir.

(5)

En présentant plus loin quatre textes, nous ne visons pas l ’ inédit, mais uniquem ent un renouvellem ent de l ’ in fo rm a tio n. La pu b lica tio n avec tra d u ctio n de ces textes perm ettra une actualisa­ tio n o p p o rtu n e du m onum ent presque entièrem ent disparu, tro p souvent interrogé et com m enté sur le vu des seules re stitu tio n s récentes.

Le prem ier des textes, celui de la C hronique de Saint-Bénigne datant du troisièm e quart du X le siècle, se révèle très fécond, malgré certains passages d iffic ile s à transposer et malgré une certaine stéréotypie, la Vulgate se p ro fila n t parfois à l ’arrière-plan avec des passages descriptifs em pruntés au Livre de Salomon ou à la prophétie d ’Ezéchiel. Mais une comparaison avec des textes d ’une teneur plus poétique, comme la Carmen Purchardis, écrite à la Reichenau vers l ’an m il (7), ou avec la description de

VOId M inster de Winchester par W ulfstan (également fin du Xe siècle) (8) m ontre à quel p oint l ’auteur

de la C hronique a su appréhender la réalité architecturale de son église. Les dimensions indiquées se sont révélées exactes, même si la coudée b ib liq u e vient supplanter la mesure plus tra d itio n n e lle du pied. Le nom bre des supports, celui des fenêtres permet des restitu tio n s plausibles.

La position des autels —cette donnée capitale dans une église, d o n t l ’étude est tro p souvent négligée— se trouve pour une fois indiquée avec une parfaite m inutie. Le deuxièm e texte, tiré d ’un coutu- mier, ne fa it que co n firm e r les renseignements fo u rn is par la C hronique. Datant des alentours de 1100, à la rigueur du début du X Ile siècle, il com plète adm irablem ent la titu la tu re des autels.

Le troisièm e texte décrit les m odalités liturgiques organisées autour des foyers com m ém o­ ra tifs que sont les autels. Même si, à force de détails parfois minimes, sa lecture peut paraître lassante, il donne une image très fidèle des soins d o n t on e n to u ra it la fête de chaque saint et, à plus fo rte raison les grandes fêtes de l ’année liturgique.

Le dernier des quatre textes, le chapitre 50 de l ’ancien coutum ier dans lequel Dom Lanthenas puisa en 1697 à la demande de Dom M abillon, m ontre un o rd o processionnel. Le rôle litu rg iq u e p rim o r­ dial de la ro to n d e comme élément focalisant se manifeste avec éclat. Avec non moins de clarté apparais­ sent les habitudes rigoureuses, ascétiques même, auxquelles G uillaum e avait soumis sa com m unauté de D ijon. Celle de L ru ttu a ria en Lom bardie p ra tiq u a it d ’ailleurs une ascèse semblable en bien des points.

En dernier lieu, des processions comme celle des h a cu ii (bâtons) qu i amenait le couvent to u t entier à so rtir de ses murs et à pérégriner nu-pieds à travers la cité, je tte n t une lumière significative sur la ferveur et le zèle de ces moines du X le siècle. Le départ de cette procession (attestée également en Norm andie, à Bayeux) de la Galilée —d ’un porche semblable sans doute à celui de C lu n y II ou de Tournus— nous vaut la découverte d ’un autre élément d ’architecture im p o rta n t, attesté nulle part a il­ leurs.

Place aux textes m aintenant q u i in tro d u iro n t le lecteur directem ent dans l ’église de G uillaum e et dans la pratique liturgique du monastère, deux générations à peine après la d isp a ritio n du grand abbé.

(7) Cf. P urchardi Gesta Witigowonis, Mon. Germ. H ist., Script. IV , 621 e.s. (Purchardi Carmen de gestis

W itigowonis abbatis). Une tra d u ctio n en allemand de ce poème de 552 vers, rédigé en 995, figure dans

L. RLISSER. D ie frühe Baugeschichte des Münsters zu Reichenau. Forschungen z u r deutschen Kunst-

geschichte 37, Berlin, 1960, p. 108-119. Mme M. M athieu m et actuellem ent au p o in t la tra d u ctio n en

français du poème de Purchard.

(8) Cf. W ulfstani Cantoris N arratio m etrica de sancto S w ith u n o , ed. A. C A M P B E LL, Thesaurus Mundi,

Bibl. script, lat., Z u rich . Il s’agit d ’une «lettre» en vers adressée par W ulfstan vers 992-994 à saint Alphège,

évêque de Winchester de 984 à 1006, successeur de saint A ethelw old q u i avait occupé cette même chaire de 963 à 984.

(6)

DESCRIPTIO N DE L ’ÉG LISE A B B A T IA L E DANS L A C H R O N IQ U E DE S A IN T -B É N IG N E .

Le te xte q u i suit est donné d ’après le m anuscrit 591 (anciennem ent 348) de la B ib lio th è ­ que m unicipale de D ijo n , fo l. 41 à 43. Le manuscrit c o n tie n t la C hronique de Saint-Bénigne suivie du cartulaire de l’abbaye.

La C hro n iq u e a été rédigée entre 1055 et 1075 environ (1). Citée au X le siècle à Saint-Bénigne (cf. L. C h o m to n , p. 136-137), retrouvée au X V Ile siècle à A u tu n , rachetée illic o par les responsables mauristes de l’abbaye, la C hronique com porte un passage très e xp lic ite sur l’architecture et le m o b ilie r litu rg iq u e , notam m ent la po sitio n des autels dans l’église de G uillaum e de V olp ia n o .

Dans sa monographie sur Saint-Bénigne, l ’abbé C h o m to n a publié ce passage en note, avec deux im portantes lacunes cependant (2). C’est ce texte que V ic to r M o rte t a repris dans son Recueil de Textes relatifs à l ’histoire de l’architecture en France aux X le et X Ile siècles (3). L ’é d itio n com plète de la C hronique, faite en 1875 par E. Bougaud et J. Garnier, est plus précise (4). Elle a su rto u t l ’avantage d ’être complète.

La seule é d itio n vraim ent to u t à fa it fid è le est assez récente (5). On la d o it à M. Andrew M artindale q u i a re p ro d u it le m anuscrit original avec un soin m éticuleux respectant même la p o nctuation du scribe, parfois bien fantaisiste. C’est ce te xte que nous avons choisi de présenter. Sa version originale est d ’un seul tenant, mais M. M artindale, afin d ’en fa c ilite r la lecture, a préféré le décou­ per en paragraphes.

Nous l’accompagnons d ’ une tra d u ctio n q u i s’appuie sur celle de l ’abbé C h o m to n . T o u te ­ fois, quelques termes o n t été changés et su rto u t les passages éludés ^placés entre crochetsj o n t été tra ­ duits.

Le texte du m anuscrit 591 de D ijo n est de loin le plus précieux pour une bonne in te lli­ gence de l’édifice commencé en 1001. Non seulement il propose les dimensions exactes de chaque partie de l’église à l’aide d ’une mesure u n ita ire —la coudée— mais il indique également le nom bre des portes, fenêtres, supports et arcades q u i ry th m e n t l’égiise aux d iffé re n ts niveaux. D ’autre part, la p o sitio n des autels est rapportée avec précision et seulement pour deux d ’entre eux l’ hésitation est permise quant à la localisation exacte.

On comparera d ’ailleurs la description fo u rn ie par la C hro n iq u e avec un autre m anuscrit plus bref, mais aussi plus précis sur certains points de détail, notam m ent la titu la tu re com plète des autels. Il s’agit d ’un docum ent d o n t la substance rem onte aux alentours de 1100, conservé par une copie de la fin du X V IIe siècle dans la C o lle ctio n de Bourgogne à la B ib lio th è q u e N ationale de Paris (6).

(1) L ’auteur de la C hronicon S ancti B enigni D ivionensis raconte la m o rt en 1052 de l’abbé Halinard qui avait succédé à G uillaum e de V o lp ia n o à la tête de l’abbaye (1031-1052) et é ta it également archevêque de L yon depuis 1046. Le chro n iq u e u r d it aussi le relâchement q u i s’é ta it emparé de l’abbaye et les embar­ ras éprouvés en dehors, sous l’abbatiat d ’A dalbéron (1056-1077).

(2) Cf. L. C HO M TO N , H isto ire de l'église Saint-Bénigne de D ijo n , D ijo n 1900, p. 96, note 2 —p. 99.

(3) V. M O R TET, R ecueil de textes re la tifs à l ’h is to ire de l ’a rch ite ctu re e t à la c o n d itio n des architec­ tes en France au M oyen Age, X ie e t X lle siècles, Paris 1911, N. V I, p. 26-32.

(4) E. B O U G A U D et J. G A R N IE R , C hronique de Saint-Bénigne de D ijo n , suivie de la C hronique de

Saint-Pierre de Bèze, dans A na le cta Divionensia, D ijo n 1875, p. 137-148.

Cf. également la notice de G .H . PER TZ, dans A rc h iv der Gesellschaft fü r âitere deutsche Geschichtskunde, V II (1839), p. 443-444 qui insiste sur les caractéristiques m ilieu X le siècle de l ’é critu re du m anuscrit.

(5) Cf. A. M A R T IN D A L E , «The romanesque church o f S. Bénigne at D ijo n and ms 591 in the B ib lio ­ thèque m unicipale», dans Jo u rn a l o f th e B ritish A rchaeological A s s o c ia tio n , 3 rd. Ser. X X V (1962), p. 47-50.

(7)

B ibliothèque m unicipale de D ijo n , ms. 591, C hronique de Saint-Bénigne, fo l. 41 -43.

(Haec abbatia... ab honorando praesuie Brunone et WHieimo) venerabiH abbate non solum m odo in ai iis rebus, verum etiam in nova aecciesiae fabrica est renovata. In cuius basiiicae m iro opere. dom nus praesul expensas trib u e n d o et columnas marmoreas ac lap ideas undecum que adducendo. e t reve- rendus abbas magistros conducendo et ipsum opus dictando insudantes. d ignum d ivin o c u ltu i tem pium construxerunt. Cuius a rtific io s i operis fo rm a e t su b tilita s non in a n ite r quibusque m inus edoctis o s te n d itu r p e r iitteras. quoniam m u ita in eo vid e n tu r m istico sensu facta, que magis divinae inspiratione quam aii- cuius d e p u ta ri debent periciae m agistri (1).

F u ndatum est autem hoc tem pium anno dom inicae inca rn a tio n is M .i. in d ictio n n e X l l l l . X V I aiendas m a rtii ; cujus io n g itu d o ducentorum ferm e cu b ito ru m . ia titu d o autem. L .ta l l l um e xistit. A ititu d o vero. in sequentibus oportu n e dicetur.

in fe rio r itaque dom us ora tio n is in qua sacratissimum corpus sancti Benigni m a rtiris vene- ra t ur. eundem pene m o d u m habens quantitatis. fu ic itu r centum q u a ttu o r colum nis. Haec in figuram . T. iitte ra e facta, q u a ttu o r ordines coium narum duodeno dispositas num éro e q u a ii e x te n d itu r in io ngitune et ia titu d in e . x. vero c u b itis e rig itu r in aititudine. sécréta ex utraque p a rte habens vestibuia. Q uinque sane in ea c o n tin e n tu r altaria. P rim um in honore ipsius sancti B enigni est consecratum. secundum in me- m oria sancti N icholai. e t o m n iu m confessorum. Tercium in veneratione sanctae Paschasiae virginis quae ibidem quescit e t o m n iu m virginum . Q uartum in sancti H ire n e i et o m n iu m m a rtiru m . Q u in tu m sub no- m in ib u s sanctorum confessorum e t abbatum Johann is e t Sequani. atque sancti E ustadii p re sb ite ri ibidem quiescentis. in hac ergo sanctorum corpora quiescentia sepedicti testis c h ris ti beata a m b iu n t membra, q u o ru m in p rin c ip io huius iib r i n om ina sunt adnotata. S anctorum vero confessorum et episcoporum U rbani e t G regorii corpora, in aecclesia sancti Johannis baptistae p rim itu s fu e ru n t tum uiata. p o s t longa vero tem pora inde eievata. sancti quidem G regorii medietas corp o ris in ecclesia sancti B enigni est recondi- ta. tem pore q u o p ro p te r m etum paganorum eiusdem sancti m a rtiris effossum corpus deiatum f u it ad civ ita te m iingonas. e t tu n c alia medietas corporis p ra e fa ti confessons iilic est retenta. S ancti denique Urbani corpus levatum e t in lo c u lo positum . m u ltis m ira cu lo ru m signis p e r eum dom inus ie tific a v it corda fam ulo- ru m suorum in hoc loco degentium . Venerabilis vero Isaac a n tis titis corpus cum exigente te m p li e d ificio tra n s fe rre tu r alio a quibusda sacerdotibus. m axim a ex p a rte integrum s im u l cum capite clericalem adhuc praeferente h a b itu m fe r tu r inventum . S im ilite r e t d o m n i A rg rim i p o n t i f id s ac m o n a chi sacerdotalia cum cu cu llo necnon in te rio re c ilic io vestimenta. in te stim o n iu m ipsius sanctim oniae in c o rru p ta sunt reperta. A b hoc h aud longe reperta est sancta Radegundis. habens ad ca p u t titu lu m su i n o m in is in la m m in a p lu m - bea. cuius ossa cerato in v o lu ta lin te o su n t inventa in capsa Hgnea in terra recondita. Ceterorum praeterea sanctorum q u o ru m corpora hie n o scu n tu r tum uiata. beatus Gregorius tu ro n o ru m episcopus m entionem fa c it eorum quaedam describens miracula. Benigni videlicet m a rtiris n o s tri specialis p a tro n i. T ra n q u illi quoque confessons, necnon H Uarii senatoris et eius coniugis. sanctae F loridae sanctimonialis. atque pas­ chasiae virginis e t m artiris. Haec a sancto Benigno edocta e t baptizata. p o s t eius m a rtiriu m . sevitia paga­ n o ru m rapta est ad supplicium . Cumque im m o b ilis in fid e c h ris ti persisteret. p rim o carceris a fflic ta squalore. sostea p ro con fessione d e ita tif sententia f u it m u lta ta capitali. u t quedam vitrea a n tiq u itu s facta, e t usque ad nostra perdurans tem pora eleganti praem onstrabat p ic tu ra . Tantorum ergo venerandis corpo- ribus sanctorum, h o n o ra b ilite r hec de qua m odo a g itu r aeedesia n on m e d io c rite r est ditata. exceptis a lio ru m re iiq u is sanctorum quos enumerare v id e tu r superfluum .

H u ic pau lo superius descriptae in fe rio ri criptae c o n ju n g itu r o ra to riu m ad solis o rtu m ro tu n d o scemate factum , senarumque in iu s tra tu r spiendore fenestrarum . X X X V II. cubitos habens in diam etro, decern in alto. H oc sane o ra to rlu rn terno coium narum ord in e insem et regirato. X L videlicet atque V III. g e o m e tricali dispositione am bitur. H uius desuper culm en ceiso erectum fastigio X X I II I. coium narum ac X X X . d u o ru m arcuum trip a rtita com paris n u m e ri m achina divisione, eleganti transvolu- tu n est opere. Hoc sane o ra to riu m sancti lohannis baptistae sacratum est honore, cuius altare iiiustra- tu r triu m fenestrarum lu m i ne.

A d hac aecclesia sunt p e r cocleam de xtra levaque X X X V II. gradus. crebris s u ffic ie n te r illu s tra ti fenestris. p e r quos inoffenso ascenditur tra m ite ad basilicam sanctae d e i g e n itric is Mariae. Ipsa vero aecclesia. L X V III. subnixa est colum n is. eundem fere habens m o dum et fo rm a m in diam etro sive in a ititu d in e quern e t in fe rio r, undenisque irra d ia tu r vitreis. A d altare autem eiusdem perpetuae virginis m arm oreum . p e r q u a ttu o r trip a rtito s ascenditur gradus. iu x ta quos h in c et inde sunt altaria. ad dexteram quidem Johannis evangelistae. ac Ja co b i fra tris eius sanctique Thomae apostoli. ad ievam vero sancti Mathei. Ja co b i et P h ilip p i apostolorum .

(1) Une main du X V e siècle a ajouté ici, sur le manuscrit original de la C hronique, un titr e ainsi libellé : «Segvitur fo rm a Ecclesiae antiquae hujus m onasterii D ivi Benigni». Ce titr e a passé dans toutes les copies, et de celles-ci, dans l ’éd itio n d ’A chéry (cf. note de Bougaud et G am ier, p. 139).

(8)

H in c ite ru m concordantes et satis lu c id i u trin q u e p e r cocleam ad aecdesiam sanctae et individuae trin ita tis X X X . gradus c o n tin u a tu m praestant ascensum. Haec in m odum coronae constructa. trig in ta quoque et sex in n ix a coium nis. fenestris undique ac desuper p a tu io coelo lum en in fu n d e n tib u s m ica t exim ia d a rita te . A m p iitu d in e in fe rio ri d o m u i consim ilis. sed X X . cu b ito ru m a ititu d in is . A lta re sanctae trin ita tis ita est positum . u t undecumque ingredientibus ac ubicum que p e r aecdesiam consisten- tib u s s it perspicuum.

Inde p e r quadrigeminas scalas aitrinsecus fadas, ad supprema p a te t ascensus. quorum duae e quali m odo positae p e r quindecim gradus sancti M ichaelis p ro te n d u n tu r o ra to riu m . habens in iongitudine cubitos. X X X I Ii. in a ltitu d in e .X. v iii facta scematae. fenestras habet VU. aliae vero duae p e r ^ u ln quaginta gradus sursum d irig u n t gressum.

A d im a autem harum scalarum bina super m u ru m deam bulatoria su n t facta, quae equali spacio ab o rie n ta li parte usque ad occidentalem e t in fra tem plum p e r arcus deam bulatorios. e t supra tectum dom us m u ro a ititu d in is ferme triu m c u b ito rum . circum quaque pergentium a ru in a p ro te g u n t incessum. Haec tam en ad dexterqm sinistramve pa rte m te m p ii incipientes. interius. e t subtus alas eius gressum p e r quosdam o ccultos aa'itus ad suprema te c ti dirigeâtes, pia n o u t d ic tu m est calle d e d u cu n t introrsus undique donec superiim inare occidentaiium p o rta ru m adtingentes p e r pariles scalas X X . graduum in p o rtic u s aec- clesiae m aioris deponunt.

Quae ad in sta r crucis edificata. habet in io n g itu d in e cubitos centum v ig in ti octo. in la titu - dine sic u t praescriptum est quinquaginta très, in a ltitu d in e quaquaversum perm axim os trig in ta et unum cubitos. in m edio autem quadraginta. In lu m in a tu r septuaginta vitreis. fu lc itu rq u e centum v ig in ti et una coiumnis. quorum nonnullae iu x ta capita fo rtissim a ru m quae sunt X L . p ila ru m quadrangulatim statutae. una quasi s im u l co ro n a ri v id e n tu r corona, quam vis n o n unius s it m agnitudinis o m n iu m form a. H abet h in c e t inde geminas p o rtic u s d u p iic ite r transvolutas. in q u ib us bis bina, c o n tin e n tu r altaria. A p a rte quidem a q u ilo n is u n u m in honore sanctorum a p ostolorum P é tri et A n d reae, alterum in hon o re sancti Bartholom ei. atque Simonis e t Taddei apostolorum . S ancti vero P auli altare est in superiori aecclesia ante aram Sanctae T rinitatis. e t q u o d ipse raptus ad tercium caelum v id it sécréta dei. A m eridie su n t altaria. u num in honore sanctorum apostolorum M athiae e t Barnabae. ac Lucae evangelistae. a liu d in honore sanctorum rn a rtiru m Stephani. Laurentii. atque Vincentii. E st a liu d altare ad occidentalem plagam aecclesiae. in eodem latere m eridiano. in honore sanctorum Mammetis. Desiderii. Leodegarii. Sebastiani. G e n g u lfi rn a rtiru m . E t ex p a rte altera sanctorum rn a rtiru m P olicarpi. A n d o ch ii. Tirsi. A n deoli. S im foriani. Georgii. C h risto fo ri. e t sanctorum confessorum U rbani e t Gregorii. q u o ru m corp o rib u s adorn a tu r praesens domus. Principale altare est sacratum in honore sanctorum M a u ric ii atque Benigni. sim ulque o m n iu m sanctorum . A lta re ad dexteram eius in honore sancti Raphaelis archangeli. e t o m n iu m beatorum sp iritu u m . ad levam vero in hon o re sancti M a rci evangelistae. A tq u e in m edio ipsius aecclesiae altare sanctae crucis om nium que sanctorum. A n te h o c altare trip le x constat in tro itu s criptae. et in X V . gradibus ascenditur ab ipsa ad superiorem aecdesiam.

Sepulcrum vero sancti e t g lo rio s i m a rtiris ita est constructum . E st tu m b a ex quadris e d ifi­ cata lapidibus. quae o cto cubitos in iongum quin qu e autem te n e t in latum , cuius cacumen lapideum q u a ttu o r s u stin e tu r suffragio colum narum . Desuper autem q u a ttu o r columnae marmoreae locatae erant a n tiq u itu s o lim super lapideos arcus quos continebant. apsidam ferebant iigneam. sex c u b ito ru m longi- tu d in is e t triu m la titu d in is . septemque ac semis a ititu d in is . Quae undique auro et argento vestita. h istoriam dom inicae n a tiv ita tis et passionis praem onstrabat. anagiipho p ro m in e n te m opere. p ic tu ra satis optim a. Verum hoc decentissim um de quo lo q u im u r ornam entum . ob recreationem pauperum tem pore fam is f u it dissipatum a d om no abbate W illelmo. e t cum capsa aurea m irific e gemm is exornata. p a rite rq u e trib u s tabulis ac duobus tu rib u iis argenteis crubibusque ac om ne ornam entum in auro et argento venum datum est. A n te hec vero tem pora. insignia ornam enta videlicet gemmae, p a llia preciosa. capsae. tabulae, coronae. vasa quoque aecclesiastica seu candelabra, ex a u ri argentique m étallo fabricata. cum imagine salvatoris d o m in i n o s tri ex auro fu s ili opere facta, ia tro n u m fraude in ipsius sancti fe stivita te occisis custodibus fu r to fu e ru n t asportata. Haec ornam enta a g untranno et ceteris regibus hu ic loco p ro veneratione e t honore d e i sanctique B enigni m a rtiris a n tiq u itu s conlata. sed priscis tem poribus sacrlega pessim orum m anu sublata, nu/lus postea e x titit p rin c ip u m q u i ta n tu m potuisset recuperare thesaurum. Haec ad n o tifica n d a m divionensis lo c i a n tiq u ita te m et g lo ria m paucis d ic ta sint.

Illu d in fin e n o tific a n d u m est. in tempU istius e d ific io esse columnas trecentas septuaginta e t . I. except is illis que in tu rrib u s e t altaribus sunt. Fenestrae clausae vel daudende vitro , centum viginti.

Turres octo. p o rte très (2). ostia X X . f/ l l l l . o r

(2) Au lieu de «porte très» on avait d ’abord é crit «porte q u a ttu o r» , et c ’est après un grattage que le m ot «très» a été substitué à « q u a ttu o r» , mais l ’écriture p araît être de la même main.

De même, au com m encem ent du texte, dans la description de l ’oratoire de Saint-Jean-Baptiste, deux phra­ ses com m encent ainsi : «Hoc sane o ra to riu m » . Pour la première, le m o t « oratorium » se lit en surcharge, mais de la même main. Cela prouve —comme C hom ton le constate p e rtinem m ent— que le copiste a reconnu lui-même des fautes dans son texte, mais il ne les a pas toutes corrigées.

(9)

T R A D U C T IO N

[C ette église abbatiale a été non seulement rénovée dans certaines parties, mais véritablem ent rebâtie de fond en comble par le digne cvêque Brunon et le vénérable abbé G uillaum e. Pour cette basilique si excellem m ent construite, Tévêque fo u rn it les moyens et f i t venir, de to u te part, des colonnes en marbre et en pierre. Et le vénérable abbé dirigea lui-même les maîtres, d ic ta n t leur tâche à ceux qu i n ’épargnèrent p o in t leur peine pour construire un tem ple digne du culte divin. Cela vaut bien la peine de retenir par é crit, pour ceux qu i sont moins instruits, la form e et la s u b tilité de cet édifice d ’ une grande com plexité artistiq u e car il semble que beaucoup de choses en lui aient été accomplies par un sens m ystique et de­ vraient être attribuées à l’ inspiration divine p lu tô t q u 'à l ’expérience d ’un quelconque m a ître d'œuvre!] «La nouvelle basilique a été fondée Tan de l ’ Incarnation m il un, in d ic tio n quatorze, le seize des calendes de mars (14 février). Sa longueur est d ’environ deux cents coudées, et sa largeur de cinquante-trois (1 ). La hauteur sera indiquée dans la suite, selon l ’o p p o rtu n ité .

« L ’église basse où Ton vénère les ossements sacrés de saint Bénigne m a rtyr, a presque la même étendue (que l’église haute). Cent quatre colonnes en soutiennent la voûte. Elle présente la form e de la lettre T (2). Les colonnes sont sur quatre rangs et distribuées par douzaines. La longueur (sens de la nef) égale la largeur (sens du transept). La hauteur (sous voûte) est de d ix coudées. Il y a de chaque côté des vestibules isolés. Cette église basse co n tie n t cinq autels. Le prem ier est consacré en l’ honneur de saint Bénigne ; le second, en l’honneur de saint Nicolas et de tous les confesseurs ; le troisième, en l ’honneur de sainte Paschasie vierge, d o n t le corps repose au même lieu, et de toutes les vierges ; le qua­ trièm e, en l’ honneur de saint Irénée et de tous les m artyrs ; le cinquième sous les noms de saint )ean et de saint Seine confesseurs et abbés, et de saint Eustade prêtre, d o n t le corps repose au même lieu. Dans cette même église, les corps des saints d o n t les noms sont cités au comm encement de ce livre, reposent au to u r de celui du bienheureux m a rty r du Christ. [Les corps des saints confesseurs et évêques Urbain et Grégoire o n t d'abord été ensevelis dans l ’église Saint-J ean-Baptiste, puis, longtemps après, o n t été exhumés. En vérité, la m oitié du corps de saint G régoire a été dissimulée dans l’église Saint-Bénigne, à l’ époque oü, par crainte des païens, après avoir été exhumé, le corps du saint m a rty r (de saint Bénigne) avait été confié à la cité de Langres et l ’autre m o itié au confesseur gardé là (à D ijo n ). E n fin le corps de saint Urbain a été exhumé et placé dans un «loculus» (réceptacle d ’ un autel) et le Seigneur, grâce à lui, par m aint signe m iraculeux réconforta le cœur de ses serviteurs qui passaient leur vie dans ce lieu. Quant au corps du vénérable prêtre Isaac (3) alors q u ’ il é ta it transporté ailleurs par quelques prêtres —la construc­ tio n du te m p te l’exigeant— fu t retrouvé, ra pporte-t-on,à peu près totalem ent intact, avec sa tête q u i p o rta it encore la co iffe de prêtre. De même, les habits sacerdotaux de Dom A rgrim us prêtre et moine avec son capuchon et son cilice fu re n t retrouvés intacts ce qu i prouve sa sainteté. Non loin de lui fu t retrouvée sainte Radegonde (4) qu i avait, à côté de sa tête, une plaque p o rta n t son nom fa ite d ’ une fe u ille de plom b

(1 ) Quelle est la dim ension exacte de la coudée m entionnée par la C hronique de Saint-Bénigne ?

La coudée était chez les Romains de 1 pied 1/2. Q uant au pied, il est d iffic ile de d é fin ir au plus juste sa longueur. En Occident, celle-ci oscille entre 0,2915m (un des pieds conservés au Musée de Naples) ou de 0 ,292m (pied de Maulevrier près de Caudebec) à 0,34m (le pes drusianus utilisé en Allemagne rhé­ nane). La différence entre les extrêmes varie de près de 0,05m pour un seul pied, ce q u i est considérable et peut fausser to u te la mensuration d ’un édifice.

L ’abbé C ho m to n , en s’appuyant sur le diam ètre de la rotonde, évalue la coudée —au sens de l’auteur de la C hronique— à 0,50m . Cette mesure demande cependant à être a ff innée (cf. note 6).

(2) Le T (tau) étant l’ancienne image de la cro ix, les basiliques de l ’époque constantinienne en avaient reçu la form e.

La remarque sur le nombre des colonnes apparente ce passage à celui, de près de cent ans plus jeune, de l’abbé Suger de Saint-Denis (De consecratione ecdesiae S ancti D y o n is ii. paragr. 5) :

«M edium quippe duodecim columpne duodenarium apostolorum exponentes num erum , secundario vero to tid e m alarum columnae prophetarum numerum s ig n ifia n te s , altum repente subrigebant aedificium ». L ’on vo it que la sym bolique des nombres (primaires) est encore aussi vivace, aux X le et X 11e siècles, q u ’à l ’époque carolingienne, particulièrem ent éprise de ces combinaisons chiffrées.

(3) Il s’agit des reliques d ’ Isaac, évêque de Langres dans la seconde m o itié du IXe siècle, qu i fu t le véritable fon d a te u r de l’abbaye Saint-Bénigne. Cette fo n d a tio n , qu i se f it sous la p ro te ctio n de Charles le Chauve, eut lieu en 871 et c ’est de la campagne de construction qui s’ensuivit que d a ta it l’abbatiale précédant l’église de Guillaum e. C’est également Isaac qui érigea la chapelle qui devint par la suite l'augm ertum oriental de la rotonde Sainte-Marie. Les jo in ts du raccordement opéré au début du X le siècle sont encore parfaitem ent visibles de nos jours, su rto u t du côté N ord.

(4) Le propos ne concerne pas le corps entier de sainte Radegonde, l’épouse de C lotaire 1er, qu i fonda en 565 le monastère de Sainte-Croix à Poitiers, mais quelques reliques insignes de la reine-abbesse.

(10)

et d o n t les ossements, enveloppés dans une to ile de lin enduite de cire, o n t été retrouvés cachés dans la terre, dans une châsse de bois. En o u tre , saint Grégoire évêque de T ours m entionne les autres saints d o n t on sait que les corps o n t été ensevelis à cet e ndroit, décrivant certains des miracles q u ’ ils o n t accomplis, notam m ent saint Bénigne m a rtyr, notre patron «spécial». Il nomme également le confesseur saint T ra n ­ q u ille et le sénateur H ilaire et sa fem m e, la religieuse sainte Floride et Paschasie sainte et m artyre. Celle- ci avait été in stru ite et baptisée par saint Bénigne et, après le m a rty r de ce dernier, elle avait été enlevée par la fu re u r des païens pour être suppliciée. Comme elle n’a b ju ra it pas sa croyance au C hrist, d ’abord on lui infligea la p u n itio n d ’un cachot m alpropre. Ensuite elle fu t condamnée à la peine capitale pour avoir persisté à confesser sa croyance en Dieu, comme le m o n tra it un tableau très ancien, réalisé avec grâce sur un v itra il et q u i subsiste encore de nos jours (5). D onc c’est des corps vénérables de tous ces saints que cette église, d o n t il est question à l’ instant, é ta it dotée généreusement, sans com pter les re­

liques des autres saints q u ’ il p a ra ît in u tile de n o m m e r]

« A tte n a n t à l’église basse ou cryp te q ui vie n t d ’être décrite, il y a, du côté du levant, un ora ­ to ire bâti en form e de ro tonde. S ix fenêtres l’éclairent. Cet o ra to ire a trente-sept coudées de diam ètre (6), et d ix coudées de hauteur. O n y com pte quarante-huit colonnes distribuées géom étriquem ent sur tro is rangs circulaires. (A u miliei) est une jo lie voûte d o n t le fa îte s’élève à une grande hauteur, p orté par vingt- quatre colonnes réparties en tro is étages (et surmontées de h u it pilastres), le to u t fo rm a n t trente-deux ar­ cades. Ce lieu est dédié en l’ honneur de saint Jean-Baptiste, et la chapelle du saint (située dans Vaugmen-

tu m o rie n ta l de ia rotonde) est éclairée par tro is fenêtres.

«De l’église dédiée à saint Jean-Baptiste (= la ro to n d e inférieure), deux escaliers tournants, construits à d ro ite et à gauche, ayant chacun trente-sept marches, bien ajourés, conduisent aisément à l’église Sainte-Marie-Mère-de-Dieu. S o ixa n te -h u it colonnes soutiennent la voûte de cette deuxièm e ro to n ­ de. Elle a à peu près la même ordonnance, le même diam ètre et la même élévation que celle d ’en bas. La lum ière y entre par onze fenêtres. Pour pénétrer dans la chapelle, décorée de marbre, où est érigé l’autel de la sainte Vierge (dans Yaugmentum o rie n ta l), on m onte un escalier de quatre marches placé sous un péristyle q u i le divise en tro is parties. De chaque côté du péristyle (dans la ro to n d e ), il y a un autel : à d ro ite (côté de l ’é p ître ), l’autel de saint Jean évangéliste, de saint Jacques son frère et de saint Thomas apôtre , à gauche, l’autel de saint M athieu, de saint Jacques (le M ineur) et de saint Philippe, apôtres.

«En c o n tin u a n t à m onter, dans l’ un ou l’autre escalier to u rn a n t, tre n te marches, bien éclairées, on parvient à l’ église de la sainte et indivisible T rin ité . Elle est co n stru ite en fo rm e de couron­ ne ; trente-six colonnes en soutiennent la voûte ; il s’y répand une vive lum ière par des fenêtres percées to u t au to u r et par un oculus ouvert au centre de la voûte et non v itré (7). Le diam ètre est le même que dans les deux rotondes inférieures, mais la hauteur est de vingt coudées. L ’autel de la sainte T rin ité est placé de telle manière que n’ im p o rte de quel côté l’on entre dans l’église, n ’ im p o rte où l ’on s’ y tienne, il puisse être aperçu.

(5) V o ic i un bien précieux renseignement pour l’ histoire de l’art q u i m ontre que l’art du v itra il peint a des racines fo r t lointaines. La manière d o n t le chroniqueur du X le s. parle de cette peinture prouve q u ’ il la

situe chronologiquem ent en am ont de l’église de G uillaum e, à une époque q u i « re m o n ta it au moins au comm encement du Xe siècle» (Lasteyrie, H is to ire de ia p e in tu re s u r verre, 1838, t. I, p. 12-13). La ré­ cente découverte par M. Chami, à la Basse-Oeuvre de Beauvais, d ’ un fragm ent de v itra il carolingien, peint d ’une belle couleur jaune-or, donne encore davantage de re lie f à cet intéressant passage.

(6) Dans sa remarquable étude «Saint-Bénigne at D ijo n and the rom an fo o t» (parue en 1957 dans Jou rn a l

o f the S o cie ty o f A rc h ite c tu ra l H istorians. X V I, 3, p. 12-15), Mme A lic e Sunderland-W ethey se penche

sur le problème des mesures dans l ’église de G uillaum e. C om parant les données de la C hronique avec l’échel­ le de mesures adoptée par D om Plancher e t l’a u te u rd u plande 1791, elle arrive aux constatations suivantes : le cubitus (coudée) du chro n iq u e u r du X le siècle équivaut à 0,4 4 2 2 m et non à 0,5 0 , comme l ’a proposé l’abbé C hom ton. Les 37 coudées de la C hronique équivalent donc à un diam ètre de 16,36m . Le pied u t ili­ sé pour la co n stru ctio n romane é ta it donc de 0,2948m . C ’est cette mesure q u i sera encore tardivem ent re­ prise par le dessinateur du plan dressé sur ordre du D ire cto ire en 1791.

Q uant à Dom Plancher, il a utilisé pour ses plans le pied royal f= 0,3 2 4 m ). De ce fa it, le diam ètre de la rotonde n’est que de 50 ’ 5 (- 1 6 ,3 6 2 m ) au lieu des 5 3 ’ du docum ent de la R évolution.

(7) La lumière venait donc également d ’ un jo u r central. Cet opaion a été inspiré à G uillaum e très vrai­ semblablement par le Panthéon de Rome, devenu église mariale au dé b u t du V ile siècle. Tous ceux cependant q u i tie n n e n t aussi à une comparaison avec VAnastasis, la rotonde du Saint-Sépulcre, n ’o u ­ b lie ro n t pas que celle-ci é ta it également éclairée par un grand oculus central, tel q u ’ il apparaît, par exemple, sur la mosaïque absidiale de Sainte-Pudentienne de Rome.

(11)

«Partant de ce troisième étage, quatre escaliers distribués à d ro ite et à gauche, conduisent au fa îte de l’édifice. Deux d ’entre eux, placés sym étriquem ent, fo rm e n t une d ouble rampe de quinze mar­ ches allant jusqu’au seuil de l ’o ra to ire de S aint-M ichel (situé au niveau 3 de Yaugmentum). Cet o ra to ire a tre n te -tro is coudées de longueur, et d ix de hauteur ; le style en est fo r t simple ; il a sept fenêtres. Les deux autres escaliers ( = la c o n tin u a tio n des rampes cylindriques q u i pa rte n t de l’église souterraine) o n t chacun cinquante marches, et parviennent aux combles. Au pied de l’ un et de l’autre com m encent, sur le m ur, deux galeries qu i mènent de plain-pied du levant au couchant, à un double niveau, fo rm a n t ainsi un « trifo riu m » à l’ in té rie u r de l’église, et une terrasse ou chemin de ronde extérieur sur le to it : un parapet haut d ’environ tro is coudées empêche de to m b e r ceux qu i fo n t le to u r de l’édifice. Ces galeries, ménagées de chaque côté, partent donc de l’ intérieur, puis, arrivées sous les ailes, débouchent sur l’escalierdérobé du chemin de ronde ; conduisent de plain-pied, comme on l’a d it, dans to u t l’étage du « trifo riu m » , atteignent enfin le dessus des portes du couchant, et com m uniquent alors avec deux escaliers symétriques de vingt marches, par lesquels on descend dans les bas-côtés de la grande église (8).

«Cette grande église, construite en form e de cro ix, a v in g t-h u it coudées de long (9), et, comme il a déjà été d it, cinquante-trois de large. La hauteur est de trente et une coudées bien comptées, en tous sens, sauf au m ilieu où elle a tte in t le c h iffre de quarante (10). S o ixante-dix fenêtres y versent la lum ière et cent vingt et une colonnes la soutiennent. Quelques-unes de ces colonnes sont posées aux quatre angles des plus fo rts d ’entre les piliers, —d o n t le nom bre to ta l est de quarante,— dans la partie haute du massif (1 1). Or, bien q u ’elles n’aient pas toutes un fû t de même grandeur, elles paraissent p o rte r toutes ensemble un seul et même couronnem ent. Sur chaque fla n c de l’église règne un collatéral à double voûte ce qu i donne deux autels de chaque côté du chœur. Du côté N o rd , un des autels est dédié en l’ honneur de saint Barthélém y, de saint Sim on et de saint Thadée,apôtres. Q uant à l’autel de saint Paul, il est dans la rotonde haute, en face de l’autel de la sainte T rin ité , parce que cet apôtre a été ravi au troisièm e ciel et q u ’ il y a vu les secrets de Dieu. Du côté du m id i, un des autels est dédié en l’ honneur des saints apôtres

(8) Ces galeries o n t donné du fil à retordre aux d iffé re n ts monographes.Suivant L. C hom ton, K.J. Conant (dans E a rly mediaeval Church A rch ite ctu re , 1942, et dans Benedictine C o n trib u tio n to Church A rc h ite c tu re , 1947, d ’abord — plus tard, en 1959, dans sa grande H istoire de l’architecture carolingienne et romane 800-1200) c o n clu t à l’existence de tribunes, établies de part et d ’autre du vaisseau central, sur l’allée intérieure du bas-côté double.

C ette thèse se fonde en partie sur le grand nombre de colonnes —121 en to u t— signalé par le chroniqueur. C elui-ci n’ in c lu t-il pas, to u te fo is, dans ce c h iffre les colonettes d ’angle des piliers quadrangulaires et ne prend-il pas la précaution de dire que tous les fû ts n’avaient pas la même ta ille ?

D ’autres archéologues comme A. M artindale [Jo u rn a l o f the B ritis h archaeological association, 1962), et plus récem ment Mme C. Malone e xprim ent de sérieux doutes non seulement sur l’existence de trib u ­ nes, mais même de bas-côtés doubles.

A m i-chem in entre ces deux thèses contrastées, ne pou rra it-o n pas conclure à une analogie avec la situa­ tio n à Bernay, abbatiale fondée également par G uillaum e de V o lp ia n o ? Une galerie presque dérobée y accompagne nef et transept, au-dessus des grandes arcades du rez-de-chaussée. M. C onant lui-même y a pensé (« C lu n y II and S. Bénigne at D ijon», Archaeoiogia, X C IX , 1965, p. 178 e. s.). C ette hypothèse aurait l’avantage de suivre de près le texte du chroniqueur, très e x p licite en fa it, et corroboré par le plan que Dom Plancher a donné du niveau le plus élevé de la rotonde q u ’ il avait encore devant les yeux.

Même le problème des 20 marches par lesquelles on descendait dans l’église, au b o u t W de la basilique, s’en tro u v e ra it résolu, si l’on veut bien considérer que les collatéraux pouvaient être surélevés à cet endroit. C ’est là que se tro u va ie n t sans doute, disposés en symétrie, les autels de saint Polycarpe au N ord, de saint Mammès au Sud.

(9) La grande église, c’est-à-dire la basilique sans la rotonde, é ta it longue de 128 coudées ou de 192 pieds, ce q u i représente, selon Mme A. Sunderland-W ethey 56,57m . La mesure de «200 coudées environ» (exac­ tem ent 198 coudées) a tra it à l’ensemble des édifices, rotonde et augmentum o riental inclus. C ette dis­ tance équivalait à 87,52m . La rotonde mariale y participe pour 16,36m (= 37 coudées), l’avancée o rie n ­ tale pour 14,59m ( 33 coudées). Le décalage par ra p p o rt aux mesures proposées par l’abbé C hom ton est donc considérable : de -1 1 ,4 4 p o u r la longueur to ta le ; de - 7,40 pour la seule basilique.

(10) Sans do u te à la croisée, sous la tour-lanterne.

(11) C f. note 3 et su rto u t l’étude de L. G rodecki sur«Les débuts de la sculpture romane en N orm andie» (,B u lle tin m o n u m e nta l 108, 1950, page 24) : «La pile composée à quatre demi-colonnes apparaît en France peu après l’an m ille : à Saint-Germain-des-Prês de Paris (avant 1021), très probablem ent à

(12)

Mathias et Barnabe et de saint Luc évangéliste, l’autre en l’ honneur des saints m artyrs Etienne, Laurent et V in ce n t. Il y a encore un autre autel, en ce même côté du m id i, mais dans la partie occidentale de l’église : il est dédié en l’ honneur des saints Mammès, D idier, Léger, Sébastien, Gengoul, m artyrs. De même, il y a de l’autre côté l ’autel des saints m artyrs Polycarpe, A ndoche, Thyrse, Andéole, S ym phorien, Georges, C hristophe, et des saints confesseurs Urbain et Grégoire, d o n t les précieuses reliques sont ici. Le m aître- autel est consacré en l’ honneur des saints m artyrs M aurice et Bénigne et de tous les saints. A d ro ite est un autel en l ’honneur de saint Raphaël archange et de tous les esprits bienheureux. A gauche est l ’autel de saint Marc évangéliste (12). Au m ilieu de l’église se trouve l ’autel dédié à la sainte C ro ix et à tous les saints.

«Devant cet autel s’o uvrent tro is entrées pour descendre à la crypte. Quinze marches per­ m e tte n t de rejoindre depuis celle-ci l ’église supérieure (13). «Le sépulcre du saint et g lo rie u x m a rty r Bénigne est ici érigé. C’est un tom beau bâti en pierres de ta ille , q u i a h u it coudées de long sur cinq de large, et d o n t la partie supérieure, to u te en pierre, est soutenue par quatre colonnes (14). Sur ce tom beau avaient été posées à i’origine quatre colonnes en marbre. A u m ilieu d ’elles, un cadre orné d ’arcatures p o r­ ta it une abside en bois longue de six coudées, large de trois, haute de sept et demie. Cette abside était entièrem ent revêtue de plaques d ’o r et d ’argent, où étaient f o r t bien représentés en ciselure les tableaux de la N a tivité et de la Passion de notre Seigneur.[Mais ce bel ouvrage d o n t nous parlons, pour soulager les pauvres lors d ’une fam ine, a été d é tru it par le m a ître abbé G uillaum e et vendu avec une châsse en or, m agnifi­ quem ent ornée de pierres précieuses, avec tro is tables et deux encensoirs en argent et des c ro ix fu re n t vendues toutes serties d ’ornem ent en o r et en argent. O r avant cette époque, des ornem ents remarquables, je veux dire des pierres précieuses, des vêtements précieux, des châsses, des tables, des couronnes, des vases liturgiques et des candélabres fabriqués en o r et en argent, avec l ’ image de notre Sauveur réalisée à p a rtir d ’o r fo n d u , avaient été volés et emportés par la ruse des brigands, précisément lors de la fête du saint, après q u ’ ils eurent tué les gardiens. Ces ornem ents avaient été amassés autrefois dans ce lieu p a rG o n tra n (15) et les autres rois pour vénérer et honorer Dieu et le m a rty r saint Bénigne, mais, dans des temps anciens, ils avaient été enlevés par la main sacrilège des bandits et par la suite, il n’y eut aucun prince qui aurait pu récupérer un tel trésor. Que to u t cela soit d it brièvem ent pour faire connaître que la gloire de ce lieu de D ijo n date de loin.J

« Il fa u t conclure par cette dernière note : la basilique c o n tie n t en somme tro is cent soixante et onze colonnes (16) horm is celles qui se tro u v e n t dans les tours et aux autels ; elle est éclairée par cent vingt fenêtres vitrées ou à v itre r ; elle a h u it tours, tro is grandes portes et vingt-quatre petites».

(12) Dans sa re s titu tio n dessinée de l’église de G uilla u m e (docum ent in é d it - Université de Berkeley, 1968), Mme Malone place ces deux autels dans deux tourelles latérales, situées dans l ’angle que la nef form e avec le transept. C ette idée a pu lui être suggérée par la po sitio n très voisine des autels archangéliques de l’abba­ tiale de C lu n y III, logés eux aussi dans des tourelles accolées au (grand) transept.

(13) K.J. C onant (dans «C luny II and S. Bénigne at D ijo n » ) évalue la hauteur de ces escaliers à 3,81m , chaque marche mesurant selon ses calculs 25,4cm . En revanche, il estime d iffé re n te la hauteur des mar­ ches dans les cocleae, les tourelles d ’escalier accolées à la rotonde. Elles n’auraient eu que 12cm de haut, mesure très vraisemblable car nous savons que 37 marches perm ettaient d ’accéder, depuis la crypte, au rez-de-chaussée de la rotonde ; et 30 autres à l’étage de celle-ci.

(14) On com prendra m ieux cette description du tom beau de saint Bénigne en la rapprochant de celle que Grégoire de T ours fa it du tombeau du prince des apôtres à Rome. Ce tombeau é ta it placé sous l’autel, l’alta te majus de l ’église supérieure ;«celui qu i veut prier au tom beau de saint Pierre ouvre la g rille qui l’entoure, s’approche au-dessus du lom be au -accedit super sepulcrum — et, passant sa tête par une petite fenêtre qu i s’y trouve, demande ce d o n t il a besoin Il y a au-dessus du tombeau quatre colonnes d ’ une admirable élégance et blanches comme la neige, qu i soutiennent le cib o riu m » . (De GlorM artyr., cap. X X V I11). A Saint-Bénigne —Bougaud et Gamier o n t raison de tenter le rapprochem ent— la disposition é ta it pratique­ m ent identique. (Cf. également C hom ton, p. 117 e. s. de sa m onographie).

(15) G ontran, fils de C lotaire 1er, fu t roi de Bourgogne de 561 à 593. La fo n d a tio n de l’évêché de Saint-Jean-de-Maurienne lui est due ainsi que la reconstruction de nombreuses églises, entre autres de

l’abbatiale de S aint-M aurice d ’Agaune.

(13)

Introduction aux trois textes suivants.

Les trois textes qui suivent appartiennent à un ensemble homogène occupant les fo lio s 83 r ° à 100 v° du onzième volume de la C o lle ctio n de Bourgogne au Cabinet des manuscrits de la B i­ b lio th èq u e N ationale de Paris.

Ce sont des chapitres tirés d ’un co u tu m ie r du monastère de Saint-Bénigne de D ijo n , com po­ sés par Dom Thomas Le Roy, à la demande de D om Hugues Lanthenas, et expédiés à M abillon (1). Dom Martène a utilisé certains de ces passages, en ordre dispersé, notam m ent dans le volum e IV [De Mona-

chorum R itib u s ) de son De A n tiq u is Ecclesiae R itib u s (2).

V o ic i le tableau intégral de ces textes :

* fo I. 83 r ° v ° : Caput 11 —De Ecdesia sanctae Mariae caeterisque m em bris ecclesiae (3)

* f o l. 84 r°-8 7 r ° : Caput 5 —De Sanctorum solem nitatibus quomodo agantur

fo l. 87 v ° : resté vierge

fo l. 88 r°-9 0 v ° : Caput 34 — De opera m anum

fo l. 91 r°-9 4 r° : Caput 35 - De coquina q u o m o d o sit facienda fo l. 9 4 r° v° : C aput 36 — De m andato pauperum q u o tid ia n o fo l. 9 4 v° : Caput 37 — De hebdomadario (mensae iectore)

chapitre non recopié fo l. 95 r°-9 6 v ° : C aput 38 — De cellerario

fo l. 97 r°-9 9 r ° : C aput 49 — De armario

* fo l. 99 r°-1 0 ü v ° : Caput 50 — De Processionibus quae fiu n t post m atutinas vei vesperas A la fin de ce te xte , le chap. 51 De d iscip lina est annoncé, mais n ’a pas été recopié.

Ces titre s correspondent exactem ent aux titre s des chapitres des coutum es de Saint-Bénigne de D ijo n dans leur recension du douzièm e siècle, relevée par Dom C hom ton dans sa m onographie de 1900, p. 346-347.

Ce texte rem onte à une première rédaction effectuée d u ra n t la seconde m o itié du X le siècle, d ’ inspiration nettem ent clunisienne. Cette rédaction subit des retouches au tem ps de l ’abbé Jarenton (1077-1113), contem porain de Hugues le Grand. Il utilisa dans ce b u t i ’expérience d ’un m oine venu de V erdun, Laurent, q u i semble s’être appuyé sur un coutum ier clunisien, œuvre du moine Bernard (4).

(1) Au fo lio 147 du volum e X II de la C ollection de Bourgogne à la B.N. figure un « E x tra ic td e l ’histoire ms. du monastère de Saint-Bénigne de D ijo n » , é crit de la même main et ayant pour expéditeur et destina­ ta ire les mêmes personnalités.

(2) Cf. par ex. la procession des bâtons, relatée plus loin, qui a bénéficié d ’une de scrip tio n de 35 lignes environ : Dom M A R T E N E , De A n tiq u is Ecclesiae R itib u s, IV (1738), col. 443 E-444 A : «Baculi ad proces- siones, quae nudis pedibus fiu n t, delati».

(3) Ce te xte fig u re également au fo lio 171 r° v° du même tom e X L — F olio 172 r ° , u n a d d itif d ’une demi-page relatant la procession dom inicale après matines com plète le chapitre 5, De Sanctorum solem ni­

ta tib u s q uom odo agantur.

(4) Après Bernard, U dalric, un autre clunisien, rédigea —à la demande de G uillaum e, abbé de Hirsau en Allemagne (m o rt en 1091)— un coutum ier plus b re f et légèrement d iffé re n t. C f. J.P. M IG N E , Patr. Lat., t. 149, col. 634 e. s. Selon C hom ton, la rédaction d ’U dalric a sans doute été mise aussi à c o n trib u tio n pour la dernière au moins des recensions des coutum es de Saint-Bénigne, d o n t le contenu rem onte au X II le s. (cf. note suivante).

(14)

Soit donc à la fin de l’abbatiat de Jarenton, soit plus tard, au X Ile siècle, s’accom plit la deuxièm e recen­ sion des coutumes de Saint-Bénigne d o n t proviennent les fragments ci-dessus cités (5).

Nous avons choisi d ’en publier trois ; ils sont marqués d ’un astérisque.

Le prem ier te xte m o n tre la position exacte des autels et donne leur titu la tu re complète. Le second illustre le soin m éticuleux entourant la célébration des saints, qui o b é it à une hiérarchie très particulière. Elle dem anderait à être confrontée avec d ’autres coutumes contem poraines, par ex. celles de l ’abbaye de chanoines réguliers de Saint-Pierre d ’A irv a u It en Poitou (6).

Le troisièm e texte donne un panorama des processions habituelles, enrichi de détails pra­ tiques du plus haut intérêt.

*

L ’aide ne m ’a p o in t manqué pour la cla rifica tio n de ces textes.

M. le Doyen Jean Schneider, Mmes Laroche et V idal de P oitiers, M M . Favreau et M ic h a u d

du C.E.S.C.M. de Poitiers m ’o n t aidé à transcrire les textes q u i, rédigés par la m ain alerte de Dom Le Roy, ne sont pas to u jo u rs de lecture facile.

Dans mes séminaires de 1969 à 1971, au C.E.S.C.M. de Poitiers, nous avons élaboré la première hâtive tra d u ctio n des chapitre 5 et 50. Mme M arguerite M athieu, latiniste à l ’Université de Paris X- Nanterre, a bien voulu procéder à leur mise au p o in t m inutieuse et à leur tra d u c tio n .

Que tous veuillent bien tro u ve r ici l ’assurance de ma très vive reconnaissance.

Une reconnaissance posthum e, par-delà les siècles mais non m oins vive s’adresse à Dom Plancher pour les pages publiées sur la Saint-Bénigne de G uillaum e de V o lp ia n o dans son H isto ire géné­

rale et p a rtic u liè re de Bourgogne (7). Les plans des tro is niveaux ainsi que le dessin de l’extérieur de la

rotonde restent les docum ents les plus éloquents pour la connaissance exacte de l ’église dédiée à Sainte Marie. Ils o n t évidem m ent servi de base à l ’établissement de nos tro is plans, redessinés par François H éber-Suffrin.

(5) Une autre recension des mêmes coutum es date du X U Ie siècle. Le m anuscrit qui la renferm e est aux A rchives départementales de la C ô te -d ’Or sous le N ° 119 . Il ne s’agit malheureusement que d ’une copie des X Ve ou X V Ie siècle, mais le texte concerne encore l ’église ro/77C7/7e qu i tom ba en 1272. Cette recension figure intégralement chez L. C h o m to n : p. 348-350. Table des 9 6 chapitres ; p. 351 -441 T exte.

(6) Cf. G. M A R T IN , O rdinaire de l'abbaye de Saint-Pierre d ’A ir v a u lt, p u b lié d ’après le m anuscrit la tin 983

(X lV - X V Ie s.) de la B ib lio th è q u e N ationale, Paris, 1911. Malgré la date assez récente du texte, il est à peu

près certain que cet ordinaire re p ro d u it les prescriptions adoptées lors de l ’in tro d u c tio n de la vie régulière à l ’abbaye, à la fin du X le siècle.

Par ailleurs, B. A LBE R S donne dans le volum e IV de ses Consuetudines m onasticae, Mont-Cassin, 1911, p. 263-271, une liste des monastères réform és par D ijo n et F ru ttu a ria . Cf. aussi Ph. S C H M ITZ , H istoire

de l'o rd re de saint B e n o ît, 2e éd. Maredsous, 1948 : le tom e 1 tra ite aux pages 415, 417 et 418 de la ré­

form e de D ijo n -F ru ttu a ria et de son rayonnem ent.

(7) C f. tom e I, D ijo n , 1739, Dissertation IV , p. 476-499. Les tro is plans en question fig u re n t p. 458, 489 et 491.

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