Disponibleenlignesur
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www.sciencedirect.comDONNÉES
FONDAMENTALES
Diagnostic,
pronostic
et
traitements
des
troubles
de
la
conscience
Diagnosis,
prognosis
and
treatment
in
disorders
of
consciousness
H.
Cassol
∗,
C.
Aubinet ,
A.
Thibaut
1,
S.
Wannez ,
C.
Martial ,
G.
Martens ,
S.
Laureys
ComaScienceGroup,GIGA-ConsciousnessandNeurologyDepartment,Universityand UniversityHospitalofLiège,Liège,Belgique
DisponiblesurInternetle3juin2017
MOTSCLÉS Conscience; Lésioncérébrale; Diagnostic; Pronostic; Traitement; Étatsdeconscience altérée; Coma; Étatvégétatif;
Résumé Lesprogrèsdelamédecineetdessoinsintensifsontconduitàuneaugmentationdu nombredepatientssurvivantàunelésioncérébralesévère.Bienquecertainspatients récu-pèrentrapidement,d’autresdemeurentdansunétatdeconsciencealtérée(ECA).Cesderniers peuventévoluerducomaversunétatvégétatif/syndromed’éveilnonrépondant(EV/ENR),puis versunétatdeconscienceminimale(ECM).Danscetterevue,nousproposonstoutd’abordde décrirelesdifférentesméthodes,comportementaleset deneuro-imagerie,utiliséesdansle diagnosticdespatientsenECA.Nousdécrironsensuitelesfacteurssusceptiblesd’influencerle pronosticetlarécupérationdecespatients,ainsiquelestraitementsetlapriseenchargequi
∗Auteurcorrespondant.GIGA(ULg)B34,11,avenuedel’Hôpital,4000Liège,Belgique.
Adressee-mail:hcassol@ulg.ac.be(H.Cassol).
1 AuroreThibautasuperviséetguidélarédactiondecetterevue.
https://doi.org/10.1016/j.npg.2017.04.001
Éveilnonrépondant; Étatdeconscience minimale; Locked-insyndrome; Neuro-imagerie; Tomographiepar émissiondepositons; ComaRecovery Scale-Revised; Imageriepar résonance magnétique; Électroencéphalogra-phie; Stimulation magnétique transcrânienne
peuventêtreproposésdanslebutd’améliorerleurétatdeconscience.Enfin,nousclôturerons cetterevueavecuneréflexionsurlesconsidérationséthiquesetlesquestionsdefindevie. ©2017ElsevierMassonSAS.Tousdroitsr´eserv´es.
KEYWORDS Consciousness; Braininjury; Diagnosis; Prognosis; Treatment; Alteredstatesof consciousness; Coma; Vegetativestate; Unresponsive wakefulness syndrome; Minimallyconscious state; Locked-insyndrome; Neuroimaging; positronemission tomography; ComaRecovery Scale-Revised; Magneticresonance; Electroencephalogra-phy; Transcranial magneticstimulation
Summary Advancesinmedicineandintensivecarehaveledtoanincreaseinthenumberof patientssurvivingaseverebraininjury.Althoughsomepatientsrecoverquickly,othersremain inastateofalteredconsciousness.Thesepatientscanprogressfromacomatoavegetative stateorunresponsivewakefulnesssyndrome(VS/UWS)andlatertoaminimallyconsciousstate (MCS).Inthisreview,wefirstdescribethedifferentbehavioralandneuroimagingmethodsused inthediagnosisofpatientsinanalteredstateofconsciousness.Wethendescribethefactors thatcaninfluencetheprognosisandrecoveryofthesepatients,aswellasthetreatmentand therapeuticmanagementthatcanbeproposedinordertoimprovetheirstateofconsciousness. Finally,weconcludethisreviewbyhighlightingethicalconsiderationsandend-of-lifeissues. ©2017ElsevierMassonSAS.Allrightsreserved.
Introduction
les
états
de
conscience
altérées
(ECA)—définitions
Laconsciencedel’individuréfèreàl’émergencesimultanée
dedeuxcomposantesparticulières(Fig.1):
• leniveaud’éveil;
• lecontenu de la conscience, qui lui-même se caracté-rise par deux sous-composantes, la conscience de soi (conscienceinterne)etdesonenvironnement(conscience externe)[1,2].
L’éveil, oula vigilance, est principalement caractérisé par une ouverture des yeux alors que le contenu de la conscience est cliniquement objectivé par la présence d’interactions avec l’environnement et de réponses à la commande. Cescomposantessontévidentes chezun indi-viduéveilléetpleinementconscientmaisellesdécroissent lorsqu’il s’endort : plus il est endormi, moins il est à la fois vigilant et réceptif [1]. Lorsque des patients sont anesthésiés,cesdeuxcomposantesdeconsciencesontalors absentesouminimales[3].Lepatientrécupèreensuiteun
Figure1. Représentationduniveaud’éveiletducontenudeconsciencepourlesdifférentsétatsdeconscience(adaptéde[5]).
niveaudeconsciencenormal.Lesdeuxcomposantesdela
consciencesontégalementabsenteschezdespatientsdans
le coma;ils n’ouvrentpaslesyeuxetnesont conscients
ni d’eux-mêmes, ni de leur environnement. Ces patients
peuventrécupérercomplètementoupasserpardifférents
stades que l’on nomme « états de conscience altérée »
(ECA).
Les patients en ECA ont été particulièrement étudiés
durant les dernières décennies [4]. Après un coma, ils
peuvent récupérer complètement, évoluer versune mort cérébraleouversunétatvégétatifditd’«éveilnon répon-dant»(EV/ENR)[5,6].
Lamortcérébrale(oumortencéphalique)estdéfiniepar lescritèressuivants:
• laprésenced’uncomaprofondetirréversible;
• l’exclusion de facteurs susceptibles d’entraîner un tableau clinique identique, mais réversible, tels que l’hypothermie;
• l’abolitiondetouteslesfonctionsdutronccérébral; • l’absencederéponsesmotrices;
• l’apnée. Une évaluation répétée à 6heures (période considéréecommearbitraire)d’intervalleestconseillée. Les tests de laboratoire confirmatoires ne sont néces-sairesquelorsquedescomposantesspécifiquesdestests cliniquesnepeuventêtreévaluéesdemanièrefiable[7]. L’EV/ENRestquantàluicaractériséparuneimportante dissociation entre les composantesd’éveil et de contenu de conscience. En effet, dans cet état pathologique, les patientsprésentent unhaut niveaud’éveil (ouverturedes yeux spontanée ou à la suite d’une stimulation audi-tive,tactileounociceptive),maisaucuneinteractionavec leurenvironnementniaucuncomportementvolontaire[8].
Lorsqu’ilsrécupèrentdavantage,certainspatientspeuvent montrer des signes de conscience tels que la poursuite visuelle,unemanipulationd’objetsouunelocalisationdela douleur,etcedefac¸onreproductiblemaiségalement fluc-tuante(unsignepeutêtreobservélematinetêtreabsent lorsquelepatientestréévaluéquelquesheuresplustard). Cespatients sontdits en«état deconscienceminimale» (ECM)[9]. Ce trouble de la conscience a été récemment diviséenECMplus etECMmoins, respectivementselonla présenceoul’absence deréponsesà la commande (récu-pération du réseau du langage—[10]). Enfin, un patient émergedel’ECMlorsqu’ilmontreunecommunication fonc-tionnelle(verbale ounon)ouune utilisationfonctionnelle d’objets[9].Lepatientn’estdèslorsplusconsidérécomme étant en ECA. Notons qu’un diagnostic différentiel doit égalementêtre établi par rapportau syndrome« locked-in»,quiconcernedespatientspleinementconscients,mais dépourvus decontrôle moteur,typiquementà l’exception demouvementsoculaires.
Plusieurstypes d’étiologiespeuventmenerlespatients àunEV/ENRouàunECM.SelonLeonardietal.[11],une majoritéd’entreeuxa subiunaccidentnontraumatique. Eneffet, parmi leur échantillon de 564 patients adultes, 171 ont subi une hypoxie, 165 une hémorragie cérébrale et 38 un infarctus cérébral, contre 148 patients présen-tantuneétiologietraumatique.L’âgedespatientsinfluence cetteétiologie,lesindividusâgésétantdavantageexposés auxrisquescardiovasculaires,pouvantmeneràunaccident vasculairecérébral ouàune hypoxiecérébrale post-arrêt cardiaque, alors que les patients plus jeunes sont plus à risqued’êtrevictimed’unaccidenttraumatique.
Lesétats pathologiquesde consciencealtéréepeuvent donc survenir à tout âge et renvoient à des situations
familiales,humaines etéthiques particulièrement
drama-tiques.Grâceàl’étudedecesECA,desdécouvertessurles
réseauxdelaconscienceontpuémerger.Par exemple,le
niveaude conscience a longtemps été défini comme une
propriété émergente de l’activité cérébrale en général.
Il a pourtant été démontré que lorsque des patients en
ECArecouvrentunniveaudeconsciencenormale, celle-ci
n’est pas accompagnée d’une augmentation significative
du métabolisme cérébral global [5]. Cette découverte a
constitué un premier indice indiquant que l’émergence de la conscience serait sous-tendue par un large réseau comprenantdesrégionscorticalesspécifiques.
Lepremierobjectifdecetterevuedelalittératureest depréciserlesdifférentesméthodesd’évaluationdesECA, combinantdeséchellescomportementalesetdiverses tech-niquesde neuro-imagerie. Notre second objectif consiste ensuiteàfairelepointsurlepronosticqu’imposentcesECA. Enfin,nousdiscuteronsde laprise enchargedes patients enECA, que ce soit au niveau pharmacologique oude la revalidationclinique.
Outils
diagnostiques
Échelles
comportementales
Lesévaluationscomportementalessontlepremieroutilque
leclinicienpeututiliserlorsqu’ils’agitdediagnostiquerun
patientenECA.Ilestimportantd’utiliseruneéchelle
stan-dardisée,sensible et validée,car undiagnostic posé sans
seservirdetelsoutilspeutmeneràunhauttauxd’erreurs
diagnostiques[12,13].Cediagnosticestessentiel puisqu’il
vainfluencerlapriseenchargedespatientsenECAetpeut doncavoirunimpactimportantsurleurpronostic.
L’échelle clinique la plus connue et utilisée est sans conteste la GlasgowComa Scale [14]. Si celle-ciest par-ticulièrementutilepourévaluerunpatientenphaseaiguë, ellen’esttoutefoispaslamieuxadaptéepourdifférencier lespatientspost-comaquis’éveillentetentrent progressi-vementenEV/ENRouenECM[15].
Selon de récentes recommandations [16], l’échelle comportementalelaplusadaptéeetlaplussensibleestla Coma Recovery Scale-Revised (CRS-R) [17], composée de 23 items hiérarchisés, du réflexe aux comportement cog-nitifsplus élevés,répartisdansdifférentessous-échelles: auditive,visuelle,motrice,oromotrice/verbale, communi-cationetéveil.Alorsquelesitemslesplusbasreprésentent desréflexes,lesplushautsindiquentlaprésenced’unECM oudel’émergencedel’ECM.LaCRS-Rpermetdecalculer unscoretotalentre0et23,enadditionnantlesmeilleurs scoresdechaquesous-échelle.Lescoretotalpeutêtreutile pourquantifier l’évolutiond’un patient.Récemment, une étudeamontréquedespatientsinconscientsetconscients peuvent être diagnostiqués correctement dans 94 % des cas si un score seuil de 8 est utilisé [18]. Cependant, le score total ne peut pas être utilisé comme seul outil diagnostique. L’analyse qualitative des comportements montrésparlepatientrestedoncindispensablepourposer un diagnostic correct. Certaines sous-échelles semblent plus sensibles que d’autres pour détecter un signe de conscienceetdoncposerle diagnosticd’ECM. Ainsi, chez plusde80% despatients enECM,lasous-échellevisuelle
détecteunsignedeconscience[19,20].Cettesous-échelle contiententreautreslapoursuitevisuelle,quiestobservée chez 55 à 70 % des patients en ECM et qui est un des premierssignesdeconscienceàêtre récupéré[21,22].De plus, l’implémentationdecetteéchelle doitsefaireavec des outils appropriés. Par exemple, la poursuite visuelle sera significativement plus souvent observée si elle est testéeavecunmiroiretlepatientlocaliseradavantageun son s’il est appelé par sonprénom [21—24]. Une récente étude a également montré que certains items étaient plus fréquemment observés chezlespatients en ECM: la réponse àla commande, lapoursuitevisuelle,la fixation, lescomportementsmoteursautomatiquesetlalocalisation àladouleur.Lesclinicienspourraientdoncconcentrerleurs effortssurces itemslorsqu’ilsmanquentdetempsouque lespatientssonttropfatigués[25].
Lesrésultatsdesévaluationscomportementalespeuvent dépendre de plusieurs paramètres comme l’expertise de l’évaluateur [26]. La durée de l’évaluation peut égale-mentinfluencerlediagnostic:étantdonnéquelespatients peuventfluctuer,uneaugmentationdutempspasséauprès d’euxaugmenteégalementleschancesdedétecterunsigne deconscience[27]. Laprésencede lafamille peut égale-mentinfluencerlediagnostic[28].Or,undiagnosticcorrect estimportantpourdiversesraisonséthiquesetmédicales: d’unepart,lepronosticdupatientdépendnonseulementde l’étiologie,maisaussidecediagnostic[29];d’autrepart, ilestsusceptibled’influencerdiversesdécisionsmédicales tellesqueletraitementantalgiqueetuneéventuellefinde vie[30,31].Notonsque,bienquelaCRS-Rsoitl’outilleplus sensiblepourdiagnostiquerlesECA,32%despatients consi-déréscommeinconscientscomportementalementmontrent une activité cérébralecompatible avec un ECM lorsqu’ils sontévaluésavecdesoutilsdeneuro-imagerie[13].Dansce contexte, une approche multidisciplinaire apparaît essen-tielleafindeposerlediagnosticleplusprécispossible.
Neuro-imagerie
Lestechniquesdeneuro-imageriepermettentdecomparer
l’aspect structurel et fonctionnel du cerveau de patients
avec celui de sujets sains afin de contribuer au
juge-mentclinique,notammentlorsquelessignesdeconscience
comportementaux sont insuffisants ou ambigus [32].
Cer-tainspatientspeuventeneffetsouffrirdelésionsmotrices qui les empêchent d’exprimer un signe comportemen-tal de conscience, alors qu’ils sont cognitivement aptes à comprendre certaines commandes. En effet, la neuro-imagerie apporte des informations quant aux atteintes cérébralesstructurellesetfonctionnelles.Lesréseaux fonc-tionnelsrésiduels peuventêtreétudiés lorsquelecerveau est engagé dans une tâche (paradigme actif) oulorsqu’il est au repos. L’inconvénient du paradigme actif est qu’il exige la préservation du langage et la collaboration du patientalorsquelaprésenced’uneaphasiede compréhen-sionestprobablechezdenombreuxpatientsenECA[33]. Lesparadigmespassifs,quantàeux,nenécessitentpasla participationactivedupatient.Lesoutilsdeneuro-imagerie sont toujours utilisés en complément de l’évaluation cli-nique et le diagnostic du patient se base sur l’entièreté des examens effectués. Ainsi, jusqu’à 30 % des patients nemontrentcliniquementaucunsignedeconscience,mais
présententuneactivitécérébralecompatibleavecune
cons-ciencerésiduelle[13].CespatientssontconsidérésenECM
noncomportemental[23].À l’inverse,simalgréles diffé-rentsexamens aucune activité cérébralecompatibleavec uneconsciencerésiduellen’estdétectée,celaexclutla pos-sibilitéd’unECMnoncomportementaletplaideenfaveur d’unENRoud’uncoma(enfonctiondesilepatientouvreles yeuxounon,respectivement).Lesoutilsdeneuro-imagerie sont utiles pourcompléterle diagnostic clinique,maisne peuvents’ysubstituer[13].
Tomographie
par
émission
de
positons
(TEP)
Enmesurantlemétabolismeetenévaluantledébitsanguin
cérébral,latomographieparémissiondepositons(TEP)
per-metdecomplémenterlediagnosticposéàl’aided’échelles
comportementalescommelaCRS-Rendétectantdessignes
deconscience.LaTEPpermetd’étudierlefonctionnement
cérébralrégionalsanslaparticipationactivedes patients,
grâce à l’injection de radio-isotopes utilisés comme
tra-ceurs (Fig. 2). Les marqueurs ayant le plus souvent été
utilisésdans l’explorationdesaltérationsdelaconscience sont le fluorodésoxyglucose (18FDG), qui évalue le
méta-bolisme cérébral au repos, et l’eaumarquée à l’oxygène 15(H2O15),pourl’enregistrementenréponseàunstimulus
spécifique(régions(dés)activéesenréponse àunstimulus auditif,visuelounociceptif)[34].
Récemment,Stenderetal.[35]ontcomparéle métabo-lismecérébralaureposdesujetstémoinsàceluidepatients sévèrementcérébrolésés,etontmisenévidenceundéclin globaldumétabolismecérébralchezcesderniers.L’activité métaboliqueglobaleétaitsignificativementplusélevéechez les patients en ECM (55 % de la normale) en comparai-son avec les patients en EV/ENR (42 % de la normale). Cependant,il semble que lamesure du métabolisme glo-balnesoitpassystématiquementreprésentativeduniveau deconscience.Eneffet,certainssujetstémoinsprésentent unmétabolismecérébralcomparableauxpatientsEV/ENR
[1],desurcroît, l’évolutionfavorable del’étatde consci-encedecesderniersn’estpastoujoursaccompagnéed’une augmentationdumétabolismecérébralglobal.Cesrésultats suggèrentque certainesrégions corticalessont davantage impliquées dans l’émergence de la conscience [1,36]. En effet,lespatientsenEV/ENRmontrentuneactivitéréduite danstouteslesrégionscorticalesavec,néanmoins,undéclin plusimportantauseindescortexsensorielsetmoteurs,du réseaufrontopariétaletduthalamus[5,35].Parailleurs,ces patientsprésententunmétabolismedutronccérébral rela-tivementpréservé,cequiconcordeaveclapréservationde leurniveaud’éveiletdesfonctionsautonomestellesquela respirationoulathermorégulation[37].Parailleurs,la récu-pérationdelaconsciencesembleassociéeaurétablissement del’activitécérébraleauseind’unlargeréseau frontoparié-tal,ainsiqu’àlarestaurationdesconnexionsfonctionnelles àlongue distanceau sein deceréseauetentrecertaines airescorticalesassociativesetlethalamus[36].Plus préci-sément,leréseaufrontopariétalestlui-mêmecomposéde deuxréseauxdistincts:
• le réseau du mode par défaut (le cortex cingu-laire postérieur/précunéus, le cortex cingulaire anté-rieur/mésiofrontal et certaines zones de la jonction
temporopariétale), impliqué dans lesprocessus de per-ceptioninterneetdanslaconsciencedesoi;
• le réseau externe et de contrôle exécutif (réseau frontopariétallatéral),quantàluiimpliquédansles pro-cessus de perception externeet dans la consciencede l’environnement[38].
Imagerie
par
résonance
magnétique
(IRM)
IRMstructurelle
Certainesétudesd’IRMontétéréaliséeschezlespatients
enECAafind’estimerlesdommagesstructurelsdeleur
cer-veau.Guldenmundetal.[2016]ontparexemplerécemment
utilisélamorphométriebaséesurlesvoxels(technique
per-mettantd’évaluerl’intégritéstructurelledechaquevoxel)
etontmontréunecorrélationpositiveentrel’atteinte
struc-turelle et le niveau de conscience. En outre, une durée
plus importante du trouble était associée à une atteinte
structurelleplusétendue.Comparativementauxnon
trau-matiques, les étiologies traumatiques étaient liées à des
dommagesplusimportantsauniveaudutronccérébral,du
mésencéphale,duthalamus,del’hypothalamus,du
prosen-céphalebasal,du cerveletetducorps calleuxpostérieur.
Des différences structurelles ont égalementété mises en
évidenceentrel’EV/ENRet l’ECM,montrant uneatteinte
moinssévèreducortexpréfrontalventro-médialetdu
pré-cuneus/cortex cingulaire postérieur chez les patients en
ECM [39]. Une autre technique permettant d’objectiver l’atteintedesconnectionsauniveaudelamatièreblanche estl’imageriepartenseurdediffusion(«diffusionweighted imaging»).L’importancedesconnectionsthalamocorticales auniveauduprofilcomportementaletduniveaude consci-encedespatientsenECAaainsidernièrementétémiseen évidence[40].
IRMfonctionnelle
Lorsqu’aucuneréponseàlacommandenepeutêtre obser-vée grâce aux échelles comportementales, à cause de lésionsmotricesextensivesparexemple,unparadigmeactif d’IRMpeutpermettred’étudiercecomportementchez cer-tainspatientsenECA. Ce paradigmeconsisteà demander aupatientdes’imaginerentraindejouerautennisouen traind’arpentersamaison.Ilaétéchoisicarilactivedes régionsbiendistinctesducerveau.Danslepremiercas,les sujetstémoinsactiventl’airemotricesupplémentaire;dans le second, il s’agit du cortex prémoteur latéral, du lobe pariétalpostérieuretdugyrusparahippocampique[41].Si unpatientenECAprésenteuneactivationdanscesrégions cérébralestypiquementassociéesavecunedecestâches, celasuggère quele patienta comprisetexécuté la com-mande, et donc que son réseau du langage est préservé (Fig.3).Ilest alorsimportantdeprendre celaencompte lorsdelapriseenchargefuturedupatient.Dansuneétude utilisantceparadigme[41],cescommandesontété présen-téesoralementà54patients.Parmiceux-ci,5ontmontré unetelleréponse,dont2étaientincapablesderépondreàla commandeendehorsduscanner.Cetteétudeaégalement prouvéqu’ilestpossibledetenterdecommuniquerviaun code«oui/non»surbasedecedispositif.Eneffet,celui-ci apermisàunpatientderépondre«oui»àunequestionen pensantqu’iljouaitautennisetd’yrépondrepar«non»en s’imaginantarpentersamaison.
Figure2. Métabolismecérébralglobalchezdessujetstémoinsetchezdespatientsenétatdeconsciencealtéréemesuréàl’aidedu
18FDG-TEP.Lesrégionsenrougeindiquentuneconsommationenglucoseimportante,lesrégionsenbleuindiquentuneconsommationen
glucosefaible.
Auvudel’absencedecollaborationdespatientsenECA,
certainesrecherchesd’IRMfonctionnellesesontbaséessur
unparadigmeactifévénementiel.Parexemple,Schiffetal.
[42]ontétudiélesréponsescorticalesdepatientsenECM lorsdeblocsdestimulationslangagièresettactiles.Ilsont concluquecespatientsprésentaientuneactivationdes sys-tèmes corticaux diffus susceptibles de soutenir certaines fonctionscognitivesetsensorielles,etcemalgréleur inca-pacitéàsuivredesinstructionssimplesouàcommuniquer fonctionnellement.D’autresauteursontrécemment investi-guél’impactdelamusiquesurlaconnectivitéfonctionnelle cérébralechezdespatientsenECAencomparantune condi-tion«musiquepréférée»àuneconditioncontrôle(bruitde l’IRM)[43].Àl’écoute dela musiquepréférée, la connec-tivitéfonctionnelleétaitsignificativementplusimportante auniveauduréseauauditif(impliquédanslaperceptiondu rythmeetdelamusique),maisaussiauniveaudela jonc-tiontemporopariétale du réseauexterne (enlien avecla mémoireautobiographique).
Leparadigme aurepos,fondésurlesvariations sponta-nées de la quantitéd’oxygène dans le sang,a également étébeaucouputilisédanscechampderecherche.Plusieurs étudesontnotammentmontréquelaconnectivité fonction-nelleduréseaudumodepardéfautdiminueplusleniveau de conscience est bas (conscient > ECM>EV/ENR>coma)
[38,44,45].
Électroencéphalographie
(EEG)
Bienquelestechniquesdeneuro-imagerieTEPetIRMsoient
desoutilstrèsprécieuxdansladétectiondesignesde
cons-cience,l’électroencéphalogramme(EEG)présenteplusieurs
avantagesnon négligeablesdanscette démarche:ilpeut
s’utiliser directement au chevet des patients, il est plus
facilementaccessiblecliniquementetmoinsonéreux,etil
offre une résolution temporelle plus élevée. Cette haute
Figure3. Enhaut:régionactivée—enjaune—lorsdelatâche«Imaginezjouerautennis»(airemotricesupplémentaire)et—envert—lors delatâche«Imaginezvisitervotremaison»(gyrusparahippocampique)chezunsujetsain.Enbas:patientnedémontrantpasdesignede conscienceauchevet,maisprésentantuneactivationcérébralesimilaireauxsujetstémoinspourlatâche«Imaginezjouerautennis».
unrôledéterminantdansl’étudedétailléeetrigoureusede
l’activiténeuronaleassociéeàlaconscience.
Demanièregénérale,l’électrogenèsedespatients
diag-nostiqués en ECA est caractérisée par un ralentissement
global constitué d’une augmentation des ondes lentes de
type delta [46,47]. Certains chercheurs ont également
mis en évidence une puissance delta plus élevée chez les patients en EV/ENR, comparativement aux patients en ECM [47]. De fac¸on plus générale, il semble qu’une dominance des fréquences lentes, telles que delta, cor-rèlent avec de mauvais résultats cliniques, alors que les fréquences plus rapides, telles que alpha, corrèlent avec de bons résultats [48]. Une étude récente obser-vant la connectivité cérébrale entre les différents sites d’électrodessuggèreégalementquelespatientsenEV/ENR sont marqués par des réseaux moins bien connectés que les patients en ECM [47]. En somme, le niveau de connectivité semble lié à la sévérité du trouble de la conscience [49]. Dans le cas des patients atteints d’un
syndromelocked-in, lesrésultats del’électrogenèse corti-caleobservéssontplushétérogènes,traduisantparailleurs l’incertitudeet l’ambiguïté actuelles liées à la classifica-tiondeleurétatfonctionnel[50].Aujourd’hui,unnombre croissantdechercheursutilisentl’EEGpourmieux compren-dreles troubles dela conscience etplusieurs paradigmes actifs, moyennant différentes composantes de l’activité électrique,ontétédéveloppésafin d’aider àladétection designesdeconscience[51—53].
En outre, certaines études ont mis en évidence la présenced’unrythmedusommeilcomportemental (c’est-à-direlaprésenced’unepériodeprolongéedefermeturedes yeuxetd’inactivitémusculaire)chezlespatientsenEV/ENR ainsique chez les patients en ECM. Néanmoins, seulsles patientsenECMsemblentprésenteruntracé électrophysio-logiquecorrespondant au cycle du sommeil (similaireaux tracésobservéschezdessujetssains)[54].
Enfin, Piarulli et al. [55] ont montré que les patients enECMprésentent uneentropiespectraleplusimportante
ainsiqu’uneplusgrandevariabilitétemporelle
comparati-vementauxpatientsenEV/ENR.D’une manièregénérale,
auniveauEEG,unfaibleniveaudeconscienceest
caracté-risépardessignauxstéréotypésdonnantlieuàuneentropie
spectralebasse.Acontrario,lessignauxassociésàla
consci-enceprésententundegrédecomplexitéélevéeet,defacto,
uneentropiespectraleplusimportante.Contrairementaux
patientsenEV/ENRchezlesquelsaucunepériodicité
signi-ficative n’a été observée, les patients en ECM montrent
des fluctuations de l’entropie spectrale avec des
pério-dicités de 70minutes. Ces auteurs suggèrent que cette
périodicité,semblableàcelledécritechezdessujetssains
éveillés,pourrait être liée aux fluctuations des capacités
attentionnellesetdelavigilancechezlespatientsenECM.
Parailleurs,ladécouverted’unepériodicitéde70minutes
dans l’entropie spectrale offreaux cliniciens une fenêtre
temporelle intéressante pour l’évaluation clinique de la
conscience[55].
Stimulation
magnétique
transcrânienne
(SMT)
couplée
à
l’EEG
D’autresméthodesnerequérantpasdupatientqu’il
com-prenne ou suive des instructions ont été développées et
sontdésormaisutiliséesafind’établirundiagnosticprécis.
Employéeencliniquedepuisprèsde30ans,lastimulation
magnétiquetranscrânienne(SMT;enanglais:«
transcra-nialmagneticstimulation»ouTMS)estunoutilnoninvasif
permettantdestimulerdesrégionsspécifiquesducerveau
afind’étudierleurintégritéoudemodulerleursfonctions.
Cettetechniqueconsisteàappliqueruneimpulsion
magné-tiquebrèvequivainduireuncourantélectrique.Celui-civa
dépolariserlesneuronessetrouvant sous larégion
stimu-lée.Enmodulantlesdifférents paramètresdestimulation
(parexemplel’intensité,lafréquenceetladuréedela
sti-mulation), cet outil peut permettre d’activer, inhiber ou
induire des changements d’activité à plus ou moins long
terme dans une région corticale cible [56]. En outre, la
SMTpeut être couplée à l‘EEG afind’observer la réponse corticale suite aux stimulations déclenchées par la SMT (au lieu d’observer l’activité musculaire ou les réponses comportementales).
Depuisquelques années,unnombrecroissant d’études utilisantla SMTcouplée àl’EEG sontmenées surunlarge éventailde troubles afin demieux comprendre les méca-nismesneurophysiologiquesducerveauhumainsainoulésé. Grâceàcettetechniquedeneuro-imagerie,deschercheurs ontrécemmentdéveloppéunindicedecomplexité pertur-bationnelle(«PerturbationalComplexityIndex»enanglais ouPCI;pouvantvarierde0à1)permettantdequantifierle niveaudeconscience[57].Ilapparaîtquecetindicepermet, defac¸onfiable,dedifférencierlespatientsenEV/ENReten ECM.CetindiceestélevéchezlespatientsenECM(demême quechezlesindividussainséveillésetlespatientsavecun syndromelocked-in) etfaiblechezlespatientsenEV/ENR (demêmequechezlespatientssousanesthésiegénérale),le seuildeconscienceétantdéfinicommeunindicesupérieurà 0,3.Defac¸ongénérale,bienqued’autresrecherchessoient nécessairespourconfirmeretapprofondircesobservations, lesrésultats présentssuggèrentquelatechniqueSMT-EEG permetdedifférencieràunniveauindividuellespatientsen EV/ERNetenECM.D’unpointdevueclinique,lestechniques
d’EEG et deSMT, ainsique le couplage des deux, consti-tuent des méthodes intéressantes et prometteuses dans l’établissementd’undiagnosticetdansladétectiondes cor-rélatsneuronauxdelaconscienceauprèsdepatientschez quilacommunicationestinexistante.
Pronostic
Lepronosticetlarécupérationdespatientssouffrantd’un
ECAsontgénéralementconsidérésselontroisdimensions:
• lamortalité;
• larécupérationdelaconscience;
• larécupérationfonctionnelle.
Larécupération dela conscience correspond à la
pré-sence de signes clairs de conscience de soi et/ou de
l’environnement.Plus précisément, ces signes peuventse
traduire par des réponses volontaires fluctuantes à une
demande orale et/ou écrite, une poursuite visuelle ou
encoredes réponsesémotionnellescontextualisées[9].La
récupérationfonctionnelleestquantàellecaractériséepar l’émergence d’une communication fonctionnelleet/ou de l’utilisationfonctionnelled’objets,ainsiqueparlacapacité àapprendre,àaccomplirdenouvellestâchesetàparticiper àdesactivitéspersonnelles,professionnellesourécréatives
[8,9].
Le pronostic et la récupération des patients souffrant d’un ECA sont influencés par l’étiologie, la gravité de la lésion,laduréeducoma,laduréedel’EV/ENRetl’âgedu patient[8].Eneffet,leschancesderécupérerune consci-encenormaledeviennentextrêmementfaiblesaprès3mois danslecasd’unelésioncérébraled’originenontraumatique etaprès1an dans lecas d’unelésion cérébraled’origine traumatique.Plusprécisément,approximativement35%des patientsdiagnostiquésenEV/ENRà3moisaprèsunelésion traumatiqueaurontrécupéréleurconscience1anaprèsla lésion.Danslecasd’unelésionnontraumatique,ce pour-centagen’estplusquede5%.Lespatientsdiagnostiquésen EV/ENRà6moissuiteàunelésiontraumatiqueprésentent toujours15 %dechancesderécupérerlaconscience1an aprèslalésion,tandisqueceschancessontnulleschezles patientsenEV/ENRdontlalésionestd’originenon trauma-tique[8].
Néanmoins, depuis l’étude menée par la Multi-Society Task Force en 1994, nous avons assisté, d’une part à l’améliorationdessoins médicauxetdelapriseencharge de patients en ECA, et d’autre part à l’introduction du diagnosticd’ECM dans lalittérature [9].Conséquemment, Giacino et al. [58] ont suggéré une révision des données relativesaupronosticderécupérationchezcespatients.Les résultatsd’étudesrécentes,prenantencomptela distinc-tion entreEV/ENRet ECM,ont notamment révéléqu’une minorité de patients ayant été diagnostiqués en EV/ENR ou en ECM à 1 an démontre une amélioration continue jusqu’à 5 ans après l’accident [59,60]. Par ailleurs, les patients souffrant d’un ECM d’origine traumatique pré-sentent un pronostic de récupération plus favorable et montrent une moindre incapacité fonctionnelle compara-tivement aux patients enEV/ENR etaux patients enECM d’originenontraumatique[61].
Prise
en
charge
thérapeutique
Lapriseenchargequotidiennedelapopulationdepatients
enEV/ENRouenECMestundéfipourtouslesacteursdela
santéauvudeladépendancecomplèteconcernantles
acti-vitésdelaviequotidienne.Letempsdesoinjournalierest
eneffet estimé entre4,5 et7heures (toilette,habillage,
alimentation, soins infirmiers, séances de kinésithérapie,
ergothérapie, orthophonie,...) [62]. Cette charge de
tra-vail pour l’équipe soignante,et particulièrement pour le personnelinfirmier,està-mêmed’engendreruntauxde sur-menagenonnégligeable(18%)[63].Outrecettelourdeurde soins,lesrecommandationsthérapeutiquesconcernantles patientsenECAsontrelativementpauvres.Iln’ya,àl’heure actuelle,aucune recommandation factuelleconcernantle traitement de ces patients [64,65]. Cependant, certaines études récentes ont démontré lespotentiels effets béné-fiquesdeplusieursinterventions.
Traitements
pharmacologiques
Ilexistedifférentesoptionsmédicamenteusespour tenter
d’améliorerl’état deconscience despatients sévèrement
cérébrolésés.
L’amantadine, un agent antiviral et dopaminergique,
est le seul médicament dont l’efficacité a été
prou-vée dans un essai clinique randomisé et contrôlé chez
184patientstraumatiquesaustadesubaigu(4à16semaines
aprèsl’accident). Danscetteétude,legroupe depatients
recevantletraitementréelmontraitunerécupération
signi-ficativementplusrapideparrapportaugrouperecevantle
traitementplacebo,mesuréeparlaDisabilityRatingScale
[66] etla CRS-R [67]. Cette améliorationclinique induite parl’amantadinesembleêtreliée àuneaugmentation du métabolismeauniveaudesréseauxfrontopariétauxinterne etlatéral,réseauximpliquésdanslesprocessusde récupé-rationdelaconscience[68].
D’autrestraitementssemblentaméliorerl’étatde cons-cience de certains patients alors que leur indication premièreesttouteautre.Lezolpidem,parexemple,estun agentnon benzodiazépine àcourte duréed’action, géné-ralement utilisé en tant que sédatif pour lutter contre l’insomnie. Paradoxalement, il a déjà montré des effets spectaculaires sur les capacités cognitives de patients en EV/ENR (récupération de réponse à la commande et de communication fonctionnelle par exemple), mais ces effets disparaissent entièrement quelques heures après l’administration deladose etnécessitentune administra-tionquotidienneafind’êtremaintenus[69].Bienqueparfois décrit commeun« médicamentmiracle »,l’efficacité du zolpidem est très limitée puisque 5 à 10 % des patients répondentpositivementàcetraitement[70].
Un autre exemple est le baclofène, un agoniste des récepteursGABAB,quiestprescritdanslescasdespasticité
sévère car il permet d’augmenter l’inhibition présynap-tique au niveauspinal, et dès lors de réduire l’intensité descontractionsmusculairesréflexes[71].Une augmenta-tiondes scores totaux àla CRS-R apu étéobservée chez 5patientsenEV/ENRchroniqueàpartirde2semainesaprès l’administration de baclofène par voie intrathécale [72]. Ilest intéressant denoter qu’il nes’agit pas uniquement d’une augmentation au niveaude la sous-échelle motrice
pardiminutionéventuelledelaspasticité,maiségalement auniveaudessous-échellesquiconcernentl’éveil,la fonc-tionoromotrice etlacommunication. Eneffet,une autre étudeainvestiguéleseffetsdelapompeàbaclofènechez 6 patients en ECM ou en EV/ENR (en moyenne, 37 mois s’étaientécoulésentrelalésioncérébraleetlaposedela pompeà baclofène) et 2 parmiceux-ci ont remplipar la suitelescritèresd’émergencedel’ECM[73].Cetteméthode estcependanthautementinvasiveets’appliqueuniquement auxpatientsprésentantunespasticitésévèreetne répon-dant pas aux traitements antispastiques oraux habituels. Notonségalementquecesétudesn’ontpasdecomparateur placebo.Ilestdoncencoredifficilededifférencierl’effet réeldubaclofènedel’évolutionnaturelledupatient.Des étudescontrôléessurunepluslargepopulationdepatients doiventencoreconfirmerlepotentielthérapeutiquedece médicamentsurl’évolution cognitiveet fonctionnelledes patientsenECA.
Cesoptionspharmacologiquessontrégulièrement exploi-tées en phase aiguë (jusqu’à 3 mois après l’incident). Lorsque celles-ci sont épuisées, d’autres alternatives de traitementpeuventêtreenvisagées.
Revalidation
clinique
Cestraitementsvontsebasersurlepotentieldeplasticité
cérébralerésiduelleaprèslalésioncérébrale.Eneffet,le
cerveauadultepossèdeunecertainecapacitéde
réorgani-sation synaptique permettant de compenser les fonctions
atteintes [74]. Un moyen d’exploiter cette capacité est
d’enrichirlesstimulienvironnementauxau niveauauditif, tactileetolfactif[75].Denombreuxprogrammesde stimu-lationsensorielleoudemusicothérapiesontutilisésdansles centresderééducation,maislemanquedestandardisation de ces interventions couplé à la faible taille des échan-tillonsétudiésnepermetpasencored’attribuerclairement deseffetsbénéfiquesliésuniquementàcetteapproche.Les avancéesrécentesenIRMfonctionnelleetenEEGdevraient permettredepallierpartiellementcemanqued’objectivité
[76].
Un autre champ detraitement en plein essorpour les patientsenECA est lastimulation cérébraleinvasive (sti-mulationcérébraleprofonde) etnon invasive(stimulation transcrânienne).
Lastimulationcérébraleprofonde(ouDBSpour «deep brain stimulation ») est une technique neurochirurgicale consistantàimplanterdesélectrodesauniveauderégions cérébrales profondes. Cette méthode était initialement principalement utilisée pour traiter la maladie de Parkin-son[77],maissesapplicationssesontdiversifiées(dystonie, douleur chronique et troubles obsessionnels compulsifs)
[78]. Pour les patients enECA, le thalamus est une cible de choix de cette technique étant donné qu’il a un rôle clé dans l’éveil et les fonctions cognitives élémentaires demémoire de travail et deplanification du mouvement
[79].Cettestructureestd’ailleursparticulièrementatteinte chezlespatientsprésentantdestroublesdelaconscience après une lésion cérébrale sévère [80]. La DBS est une technique hautement invasive, mais qui montre certains résultats prometteurs. À la suite d’une DBS au niveaude laformationréticulée,parexemple,8patientsenEV/ENR chroniquesur21ontrécupéréuneréponseàlacommande
et4patientsenECMsur5ontrécupéréunecommunication
fonctionnelle [81]. Cependant, cette étude ne comporte
pas decomparateur placebo. Une autre étude, contrôlée cettefois,concernelecasd’unpatientenECMchronique depuis 6 ans qui a rec¸u des sessions de DBS au niveau desnoyauxintralaminairesetaimmédiatementmontrédes verbalisationsetuneutilisationfonctionnelled’objets,puis desréponses àla commande etunecommunication fonc-tionnelle[82].L’utilisationdelaDBSrestenéanmoinspeu accessible/peuutilisée/rarementpratiquée.
La stimulation électrique transcrânienne à courant continu(outDCSpour«transcranialdirectcurrent stimu-lation»)représenteunealternative noninvasiveetmoins lourdeàdéployer.Cetteméthodedeneuromodulation uti-liseun courant continu de faibleintensité (de l’ordre du milliampère) appliqué directement sur le scalpau moyen d’électrodes,etceafind’augmenterl’excitabilitécorticale delarégionstimuléeenabaissantleseuildedéclenchement despotentielsd’action neuronaux[83]. Une étude rando-misée,contrôléeendoubleinsusur55patientsenECA,a montréuneaugmentationsignificativeduscoreàlaCRS-R aprèsuneseulesessiondetDCSqu’onneretrouvepasaprès unestimulationplacebo[84].Danscetéchantillon,le sous-groupe de patients en ECM montre une augmentation du scoreproportionnellementplusimportantequelespatients enEV/ENR.Cependant,leseffetsnesontque transitoires etnécessitentdes stimulations répétéesquotidiennement afind’êtremaintenus.Cettetechniqueneprésentantaucun effetsecondairesévèreetétantfacileà intégrerdans les programmesderééducationparsasimplicitéd’utilisation, ellereprésenteunexcellentcandidatdansl’arsenal théra-peutiquepourlespatientsenECA.
Soins
de
confort
Parallèlementàcestraitementsactifs,lessoinsdeconfort
nesont certainement pas à négligerchez lespatients en
ECA,d’autantplus queceux-ci nesontque trèsrarement
à-mêmed’exprimerleursmaux.Deplus,ilaétédémontré
quelespatientsenECMpeuventressentirdeladouleur[85].
Cliniquement,ilestdifficiled’adapterdemanière adé-quateuntraitement chezlespatients noncommunicants, puisqu’ilestimpossibled’obtenirunfeed-backdeleurpart sur leur ressenti. Des études ont montré que la « Noci-ceptionComaScale-Revised»(NCS-R),évaluantladouleur et la nociception des patients en ECA, est un outil adé-quat permettant d’apprécier les réponses des patients à des stimuli douloureux [86,87]. La NCS-R comprend trois sous-échelles évaluant les réponses motrices, verbales et facialesdupatient.Ellepeutêtreappliquéelorsd’unsoin potentiellementdouloureux.Unseuilde4ouplussuggère laprésencededouleurs.Une étudeutilisant lePET-scana montréunecorrélationpositiveentrelesscores totauxde laNCS-Retlemétabolismecérébraldelapartiepostérieure ducortexcingulaireantérieur,unerégionconnuepourson implicationdanslesprocessuscognitifsetaffectifsdela ges-tiondeladouleur[88].Cesrésultatsconfirmentl’hypothèse selon laquelle laNCS-R est liée au traitement corticalde ladouleur.Cette échellepourraitainsiconstituer unoutil comportementalapproprié pour le contrôle de ladouleur chezlespatientsnoncommunicants.
Laparticularitédecettepopulationdepatients,enplus del’incapacitéàcommuniquer,estl’étenduedeslésionsau niveaudusystèmenerveuxcentralquimène,dans89%des cas [89], à l’apparition dela spasticité. Plusieurs options permettentdeluttercontrecettespasticité:
• chirurgieorthopédique(ténotomie,DREZotomie, neuro-tomie);
• médication(baclofèneoralouintrathécal);
• kinésithérapie(étirements,postures,mobilisations); • traitementspassifs(plâtres,orthèses,attelles).
L’approche pluridisciplinaire est généralement privilé-giée. Un adjuvant à cette approche pour le membre supérieurestl’utilisationd’attellessouplesenmousse pla-cées au creux de la main. Ces attelles permettent une ouverture de main prolongée tout enévitant lestroubles circulatoires et les plaies généralement observés après l’utilisationd’attellesrigides.Uneétudeamontréune dimi-nution significativedelaspasticité(mesuréeparl’échelle d’Ashworth)auniveaudesmusclesdelamaindansun échan-tillon de17 patients spastiques à la suite duport deces attelles[90].
Cessoins deconfort peuvent permettre au patient de montrercertainssignesdeconscienceparfoisoccultéspar laspasticitéouladouleuretjouentdoncégalementunrôle essentiel dansle diagnostic.Labalanceentretraitements actifs etpassifsest àdétermineraucas parcas,en fonc-tiondustadedelalésion,descapacitésdupatientetdes éventuellesattentesdecelui-cietdesesproches.
Éthique
et
fin
de
vie
La prise en charge de patients présentant une altération
de la conscience demeure un véritable défi. Néanmoins,
le développement des techniques de neuro-imagerienous
permet désormais d’affiner leur diagnostic. Une fois ce
diagnostic correctement posé, différentes questions
sur-giront inévitablement quant à la qualité de vie de ces
patients : combien de temps faudra-t-il attendre afin
qu’il/ellerécupèreuneconscience?Qu’est-cequ’une
récu-pération significative ? L’émergence et le développement
des connaissances sur les différents états de conscience
vont,d’unepart,accroîtrelesattentesdecertainesfamilles
et, d’autre part, apporter une déception sans précédent
à d’autres [91]. Comme le soulignent à juste titre Fins
etal.[91],lestroublesdelaconscienceontunimpactnon négligeablesurl’entouragedes patientssévèrement céré-brolésésquiserainévitablementimpliquédanslesdécisions deprisesenchargeetdefindevie.
L’établissementd’unpronostic,laconceptiond’unplan desoinadaptéetlajustessedesinformationsdispenséesau personnelsoignantdépendrontdelaprécisiondudiagnostic établi.Malheureusement,commecelaaétéévoquépar Gia-cino et al. [58], une erreur diagnostique peut entraîner une gestion médicale inappropriée, comme la négligence desymptômesdouloureux,ouencoreunretraitprématuré dessoinsdemaintiendesfonctionsvitales[64].Or,ilaété démontréque30à40%despatientsayantétédiagnostiqués enEV/ENRprésententenfaitdessignesdeconscience[12].
Conclusion
Certains patients sont susceptibles de demeurer dans un
ECAdurantdenombreusesannées.Danscetteperspective,
l’amélioration des diversestechniques d’évaluationet de
prises en charge des troubles de la conscience apparaît
essentielle.Danscetterevue,nousavonsdécritdifférentes
méthodesdediagnostic,del’échelleCRS-Rauxtechniques
d’imagerie médicale comprenant l’IRM, la TEP ouencore
laSMT-EEG.Enfonctiondudiagnosticétabli, ainsique de
l’étiologie, un certain pronostic peut être avancé.
Celui-cirevêtuneimportanceéthiquecapitale,particulièrement
lorsquelafindevied’unpatientdoitêtreévoquée.Dansle
cascontraire,lapriseenchargepharmacologiqueetla
reva-lidationclinique,via différentesstimulationsbaséessurla
plasticitécérébralerésiduelle,peuventêtreenvisagées.Si
l’objectifprincipaldecetterevueétaitderendrecompte
del’avancement de larecherche dans ce domaine
relati-vementrécent,denombreusestechniquesdiagnostiqueset
thérapeutiquesserontencoredéveloppéesdanslefutur.
Remerciements
Ceprojetaétéfinancéparl’universitéetl’hôpital
univer-sitairedeLiège,leFondsbelgedelarecherchescientifique
(FRS-FNRS),la Commissioneuropéenne,Luminous, Human
BrainProject,Center-TBI,laJamesMcDonnellFoundation,
laEuropean Space Agency,Belspo,la Fondazione Europea
di Ricerca Biomedica, la BIAL Foundation, le programme
Actions de recherche concertées (ARC) de la Fédération
Wallonie-Bruxelles,ainsiquelaMindScienceFoundation.
Déclaration
de
liens
d’intérêts
Lesauteursdéclarentnepasavoirdeliensd’intérêts.
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