• Aucun résultat trouvé

Les conceptions des fonctions éducatives de l'ordre d'enseignement collégial chez les principaux groupes du patronat organisé

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Les conceptions des fonctions éducatives de l'ordre d'enseignement collégial chez les principaux groupes du patronat organisé"

Copied!
204
0
0

Texte intégral

(1)

LES CONCEPTIONS DES FONCTIONS ÉDUCATIVES DE L'ORDRE D'ENSEIGNEMENT COLLÉGIAL.

CHEZ LES PRINCIPAUX GROUPES DU PATRONAT ORGANISÉ.

SERGE COTÉ

Mémoire présenté pour l'obtention

du grade de maître ès arts (M A.)

ÉCOLE DES GRADUÉS UNIVERSITÉ LAVAL

MARS 1090

(2)

T1 tre: Les conceptions des fonctions éducatives de Tordre d’enseignement collégial, chez les principaux groupes du patronat organisé.

Les recherches politiques en sciences de l’éducation permettent difficilement une lecture des conceptions spécifiques des groupes sociaux qui s'affrontent au coeur des luttes idéologiques. A cela s’ajoute le peu d'études faites sur l'ordre d’enseignement collégial.

Après avoir relié la carence d’analyse de la dynamique des luttes idéologiques au cadre théorique généralement utilisé, nous en élaborons un différent basé sur la pensée politique de Antonio Gramsci. Nous avons retenu comme principaux concepts : une définition de l’idéologie, de l'intellectuel organique et de l’autonomie relative des instances idéologique, politique et économique.

Nous tirons de ce cadre une grille d'analyse et l’appliquons au discours officiel des quatre principaux groupes du patronat organisé avec objectif de combler l'absence de connaissances sur les conceptions des fonctions éducatives de l'ordre d’enseignement collégial, de mettre en lumière les points de convergence et de divergence de ces conceptions et leur évolution de 1961 à

(3)

La création, quelque soit son mode d’expression, ne peut être le fruit d'un travail solitaire; elle rassemble nos expériences et celles de l'humain en lutte pour sa survie. Ce n’est qu’avec un certain recul que l'on constate les solidarités essentielles qui nous ont supportés tout au long de notre cheminement. C'est peut-être ce qui explique l’émotion qui m’habite au moment d’écrire ces derniers mots.

S’il est de tradition d'exprimer des remerciements, c’est avant tout la reconnaissance, l’amitié et l’amour qui engendrent ces quelques lignes. J'ai souvenance de Fritz Eboko dont l'intervention m'a empêché de décrocher à nouveau... Lucie et nos dîners-causeries pour supporter et partager nos solitudes universitaires.

A Raymond Laliberté, l’intellectuel organique, je veux témoigner mon amitié. Nos "brèves rencontres de 10 minutes" qui duraient tout l’avant-midi me manquent énormément. L'humour, la chaleur humaine et l’honnêteté intellectuelle mis au service de l’émancipation de l’humain ont rarement eu meilleur protagoniste.

A monsieur Bélanger, merci de la promptitude dont vous avez fait preuve; elle manifeste la qualité du pédagogue soucieux de la personne.

(4)

A Susanne, ma patiente complice qui a su rendre lisibles textes et tableaux, qui cent fois sur le clavier a déplacé paragraphes et virgules, j’offre mon affection reconnaissante.

A Genevlère et Diane, les amours de ma vie qui ont eu droit à Gramscl du café du matin à la tisane du soir pendant de longs mois, j’affirme que je n'aurais pu défier le stress quotidien sans l’accueil et la tendresse de leur écoute.

Finalement, je dédie très humblement cette recherche à celles et ceux qui, comme mes parents, ont lutté et luttent pour un système d’éducation public et gratuit, parce qu’ils y voient un moyen essentiel d'émancipation des classes populaires et laborieuses. Je suis conscient de ce que je vous dois.

(5)

TABLE DES MATIERES

RÉSUMÉ... I

AVANT PROPOS...Il

TABLE DES MATIERES...IV

LISTE DES TABLEAUX... IX

INTRODUCTION... 1

PREMIERE PARTIE: UNE QUESTION SPÉCIFIQUE AU COEUR DES LUTTES IDÉOLOGIQUES... A Chapitre 1: Le système d'éducation est l’enjeu de luttes idéologiques... 5

IJ: Définition du champ des luttes idéolo­ giques... 7

1.2: Les forces en présence et leur rapport à l’idéologie... 9

1.3: Les enjeux de cesluttes... 11

Chapitre 2: Un aperçu des connaissances actuelles... 13

2.1: Le champ idéologique, malgré tout, un parent pauvre de l'analyse sociale de l'éducation... 13

2.1.1 : Quelques causes à ces carences... 16

2.2: Des conséquences à ces carences... 18

2.2.1 : Au plan théorique... 18

(6)

3.1: Objectif de la recherche... 20

3.2: Les limites de la recherche... 22

3.3: Pertinence de la recherche... 23

3.3.1 : Au plan théorique... 23

3.3.2 : Au plan social... 23

DEUXIEME PARTIE: PLAN DE LA RECHERCHE... 24

Chapitre 1: Le cadre théorique... 25

1.1: Les principaux conceptsretenus... 26

1.1.1: Prémisses ducadre théorique... 26

1.1.2: Le champ idéologique et les luttes idéologiques... 28

1.1.3: Les intellectuels organiques et leurs rôles... 30

1.2: D'un cadre théorique à notre problématique... 32

Chapitre 2: Le cadre d’analyse... 34

2.1: Les fonctions éducatives... une définition... 34

2.2: Une classification ou les dimensions observées... 35

2.3: Les dimensions observées, définitions et rapports aux fonctions éducatives... 35

2.4: La grille d'analyse... 38

2.4.1: La qualification de la force de travail... 39

2.4.2: La socialisation... 41

2.4.3: La formation aux fonctions politiques et les rapports aux autorités... 43

(7)

3.1: La méthodologie... 48

3.2: Le choix des organisations patronales... 53

3.2.1: L'Association des manufacturiers canadiens (CMA)... 55

3.2.2: Le Conseil du patronat du Québec (CPQ).... 57

3.2.3: La Chambre de commerce de la province de Québec (CCQ)... 59

3.2.4: Le Centre des dirigeants d'Entreprise (CDE)... 61

3.3: Le choix du corpus... 64

3.3.1 : La sélection des textes... 65

3.3.2: L'organisation du corpus... 67

3.4 Les séquences événementielles... 68

3.4.1 : La commission Parent... 69

3.4.2: Le rapport Nadeau... 72

3.4.3: Le livre blanc sur l'enseignement collégial... 78

3.4.4: Les consultations gouvernementales sur la formation professionnelle... 81

3.4.5: Le cegep de demain... 83

3.4.6: Les textes résiduels... 88

TROISIEME PARTIE : L’ANALYSE... 90

Chapitre 1: Synthèse des données... 92

1.1: Commentaires généraux... 92

1.2; Dimension économique... 99

1.2.1: La transmission du savoir technique... 101

1.2.2: La transmission du savoir techno­ économique... 106

(8)

1.3: Dimension idéologique... 112

1.3.1: La socialisation à une certaine idéologie... 114

1.3.2: La socialisation aux demandes et contraintes du travail... 117

1.4 Dimension politique... 119

1.41: Le développement des fonctions politiques... 122

1.42: La transmission du savoir obéir et du savoir commander... . 125

Chapitre 2: Analyse de la dimension économique... 127

2.1: Les besoins quantitatifs et qualificatifs en main-d'oeuvre... 129

2.2: Le contenu de la formation... 133

Chapitre 3: Analyse de la dimension idéologique... 146

3.1: Le rôle des collèges... 147

3.2: Une certaine conception des valeurs... 150

3.3: Certaines attitudes et certains comportements... 155

Chapitre 4 Analyse de la dimension politique... 159

41: Les fonctions politiques... 159

(9)

Chapitre 5: Retour sur l'analyse... 167

5.1: Convergences et divergences... 167

5.2: Retour sur les séquences... 173

CONCLUSIONS... 176

BIBLIOGRAPHIE... 187

(10)

Liste des tableaux

Tableau Titre Page

I Schéma de la grille d'analyse... 46 et 47 II Synthèse des organisations patronales... 63

III Répartition des données selon les

séquences et les dimensions observées... 94 IV Répartition des données selon les

organisations patronales et les séquences... 96 V Répartition des données selon les

organisations patronales et les dimensions

observées... 98 VI Synthèse des données économiques

organisations/séquences... 100 VII Synthèse des données idéologiques

organisations/séquences... 113 VIII Synthèse des données politiques

organisations/séquences... 121 IX Répartition des données selon les

organisations patronales et les dimensions

(11)

Introduction.

Il reste encore aux gens de notre génération des échos de la révolution tranquille. Nous avons vécu réforme après réforme dans le monde scolaire; cru au "qui s’instruit s’enrichit"; débuté une formation mais emboîté le pas au phénomène du décrochage des années 70. Le "cegep milieu de vie", ouvert 24 heures sur 24 où l’on pouvait faire et refaire le monde à volonté n’a pas été qu’un passage, une illusion, pour quelques uns d'entre nous il fut le véritable momentum d’une prise de conscience en faveur d’une analyse sociale de l'éducation.

Dans une conjoncture où les débats entourant l’éducation sont presqu’exclusivement centrés sur la rationalisation budgétaire et la qualité du français, il nous apparaît primordial de mettre l’accent sur l’analyse des fondements sociaux de l'éducation. Alors que par le passé, la société québécoise s’est employée à définir et à développer des projets éducatifs dans un large débat, ouvert aux différentes composantes sociales, comment expliquer l’apparent silence actuel ? Quelles en sont les conséquences ? Loin d’être la nostalgie d’un certain passé, c’est la préocupation du futur qui devrait nous motiver à revaloriser l’analyse sociale de l’éducation. C'est précisément pourquoi nous avons choisi ce champ d'étude. Nous ne pouvons qu'acquiescer à l'affirmation suivante, "Une réflexion et une pratique psychologique ou psycho-pédagogique n’ont de sens et de portée véritables, ne sont complètes et achevées que dans la mesure où elles prennent racine et reposent sur les acquis du domaine des

(12)

sciences sociales appliquées à l'éducation.” (1)

Dans le cadre de l'analyse sociale de l’éducation» différentes approches sont possibles; on les résume généralement sous les concepts d'approches fonctionnaliste et conflictualiste. C’est cette dernière que nous utiliserons puisqu’elle repose sur un ensemble de paradigmes correspondant à notre lecture de la réalité. Cependant, bien que s’inscrivant dans ce cadre théorique, notre démarche se veut aussi critique de cette approche.

L’intérêt que nous portons au système d’éducation tient avant tout à ses fonctions de socialisation. Partant, c’est à sa dimension Idéologique que nous nous sommes intéressé. Une revue des écrits nous a permis de constater que la forte majorité des recherches nous conduit aux fonctions de reproduction idéologique et sociale du rôle de l’école. Le cadre théorique sous-jacent à ces concepts ne s’est pas non plus montré satisfaisant pour comprendre l’articulation des luttes idéologiques et, par conséquent, ne permettait pas l’émergence et la reconstitution des conceptions d’une groupe social spécifique.

C’est suite à ces constats que nous avons abordé la lecture de la pensée politique de Antonio Gramscl. Nous y avons puisé la source d’une rupture avec une certaine lecture marxiste qui, croyons-nous, nous a permis de mener à terme cette recherche.

(I) Cloutier, Molsset et al, Analyse sociale de l'éducation. Boréal Express. Montréal, 1983, p. 33

(13)

Le plan de la recherche comprend quatre parties. Dans une première, nous définirons notre problématique spécifique au coeur des luttes idéologiques. Nous y examinerons ce que l'on entend par le "champ des luttes Idéologiques", les forces qui s’y opposent et les enjeux de ces luttes. Nous dresserons un bref tableau des connaissances actuelles dans ce domaine pour, ensuite, préciser nos objectifs de recherche.

La deuxième partie traitera du plan de la recherche: de son cadre théorique issu de la pensée gramscienne. Nous élaborerons à partir de ce cadre une grille d’analyse, après avoir précisé et défini les dimensions à observer. Nous énoncerons par la suite nos principes méthodologiques, justifierons le choix des organisations patronales et présenterons le corpus et les critères de sélection et d'organisation.

La troisième partie constitue l’analyse du discours patronal. Un premier chapitre présente une synthèse des données recueillies pour chaque dimension observée. Il sera suivi de trois chapitres où seront analysées, à tour de rôle, la dimension économique, celle Idéologique et, finalement, celle politique. Un cinquième chapitre considérera les convergences et divergences dans le discours des quatre organisations patronales retenues. Enfin, nous examinerons l'évolution de ce discours lors de la période historique couverte soit de 1961 à 1984

En conclusion, nous ferons un bref retour sur notre travail de recherche; nous y considérerons les résultats de notre démarche tant au plan théorique que de

(14)

PREMIERE PARTIE:

UNE QUESTION SPECIFIQUE,

(15)

Chapitre 1. Le système d’éducation est l’enjeu de luttes Idéologiques.

Avec le développement de notre mode de production l'école, prise au sens large, a vu l'importance de son rôle s’accroître. Les besoins en main-d'oeuvre plus spécialisée et la nécessité d’une socialisation plus ouverte à l’ensemble sociétal ont amené la mise en place d’une structure et d’un contenu éducatifs de plus en plus complexes. L'Etat a pris en charge ce système.

Mais, dans notre lecture de la réalité, le maintien et le développement d'un mode de production ne vont pas sans heurts, ne suivent pas une trajectoire historique linéaire. Ils se réalisent à travers les conflits de la dynamique sociale où s'opposent les intérêts politiques, économiques et idéologiques des composantes de sa formation sociale. L'école est aussi l'enjeu de conflits sociaux et ce sont les intérêts idéologiques au coeur de ces conflits qui sont la trame de fond de la problématique de cette recherche.

L'ensemble du système d’éducation est l’enjeu de luttes idéologiques. Elles sont parfois évidentes, par exemple lors de grands débats d’orientation. Ce fut le cas lors de la création du ministère de l'Education ou du défunt projet de loi no 40. Elles sont parfois plus difficilement perceptibles, comme celles qui se mènent localement sur la conception des programmes de formation dans les différentes facultés, ou les objectifs des "projets éducatifs". Il faut dès lors établir une première distinction. Même si nous considérons les derniers exemples

(16)

cités comme partie intégrante du champ des luttes idéologiques, l’intérêt de cette recherche portera exclusivement sur les débats touchant l’ensemble du système éducatif ou un de ses ordres d'enseignement et non les "conflits locaux". Nous postulons, cependant, que ces derniers sont en lien avec les grands intérêts en jeu dans l'ensemble du système.

Au coeur des luttes Idéologiques s’affrontent, en fonction de leurs intérêts, les classes possédantes et dirigeantes d'une part et d'autre part, les classes populaires et laborieuses. A celà, 11 faut ajouter les contradictions Internes à chaque groupe, ce qui peut amener aussi des conflits d’intérêts.

Ce premier point vise donc à circonscrire le champ des luttes idéologiques puisqu’il n'est pas question de réduire l’ensemble des conflits à des enjeux Idéologiques. Par conséquent, nous donnerons une définition de ce que nous entendons par "champ de luttes idéologiques ’’. Deuxièmement, nous aborderons les forces en présence dans ces luttes. Un troisième point tentera d'en cerner certains enjeux.

Une mise au point s’impose: les définitions présentes dans cette partie, et celles subséquentes, n'ont pas la prétention d’englober toutes les facettes des concepts socio-politiques utilisés. Elles ont avant tout une valeur utilitaire. Leur intérêt est essentiellement de permettre de situer la problématique.

(17)

1.1 Définition du champ des luttes idéologiques.

Les différentes interprétations des théories marxistes reconnaissent l’existence de trois sphères, trois Instances sociales qui interagissent entre elles: l’instance économique, la politique et l’idéologique. Là où s'affrontent cependant les tendances, c'est sur la prédominance et l’importance relative de ces instances. L'objet de cette recherche n'est pas d'entrer dans cette controverse, bien que la critique de l'approche conf1ictualiste et l'utilisation des thèses de Gramsci indiquent, à tout le moins, une orientation. Nous nous contenterons donc d’affirmer l'existence de ces trois Instances, leur interaction et leur autonomie relative, sans toutefois qualifier cette relativité.

Brièvement, dans une lecture politique Inspirée des travaux de R. Laliberté, (1) on situe le champ couvert par l'économique comme une certaine façon de concevoir et d'organiser la propriété juridique et / ou économique des entreprises de production, de transformation, de distribution et de service, tant privées que publiques. Ce champ réfère aussi à la gestion des moyens de production et à la structure des relations entre ceux qui contrôlent et ceux qui exécutent le travail de production.

(1) Laliberté R, Analyse sociale de l'éducation. Boréal Express, Montréal, 1983, p. 261 et Aperçu du fonctionnement global de

(18)

Le champ couvert par le politique Inclut le processus conflictuel de définition, puis d’adoption d'orientations générales posées comme communes à tous les membres de la société, de même que la mise en place et le maintien du support d'autorité apte à traduire ces orientations générales en objectifs, en politiques, en actions et en décisions. Finalement, ce qui est une caractéristique unique à l’étatique, le pouvoir d'imposer le tout comme obligatoire aussitôt décrété par la gouverne instituée.

Quant à l'instance idéologique, elle concerne les diverses représentations ou conceptions du monde. Comme le dit Pfotte, "l’idéologie est donc le sens vécu des différents rapports qu'entretient l’homme avec la nature et les autres hommes ", (2)

Martha Harnecker identifie deux domaines propres à l'idéologie: un premier constitué de l'ensemble des habitudes, des moeurs et des tendances à réagir d'une manière déterminée, ce qu'elle nomme les "systèmes d'attitudes- comportements” (3); un deuxième qu'elle qualifie de "systèmes d ’idées-représentations sociales " (4). Ces idées se présentent "sous la forme de diverses représentations du monde" (5). Le champ idéologique, c'est donc le champ des divers "attitudes-comportements ", représentations ou conceptions du monde "qui se manifestent implicitement dans l’art, dans le droit, dans l'activité

(2) Piotte Jean-Marc,La pensée politique de Gramsci, Paris, Antropos, 1977, p. 196.

(3) Harnecker Martha, Les concepts élémentaires du matérialisme historique, Bruxelles, Contradictions, 1974, p. 87.

(4) Idem, p. 86. (5) Idem.

(19)

de ces différentes représentations ou conceptions.

Rien d’étonnant à ce que le système d’éducation, qui est aujourd’hui un agent de socialisation et de transmission des valeurs parmi les plus puissants, se retrouve au coeur des luttes. C’est sans doute ce qui fait dire à A. Petitat que "l’invention et la transformation des structures scolaires font Immanquablement l’objet de conflits". Il ajoute que l’étatisation du système d'éducation..."amène une centralisation des conflits, une globalisation des problèmes, une dramatisation de la création, une publicité des débats, fournissant aux instances parlementaires un de leurs thèmes favoris de dispute, appelant des prises de position opposées des partis, syndicats et groupes de pression"(7).

1.2 Les forces en présence et leur rapport à l'idéologie.

Qui sont les porteurs de ces "prises de positions opposées"? Précisons au départ que notre conception de l’idéologie n'a rien à voir avec une quelconque volonté machiavélique d’un groupe ou d’une classe de mystifier ses opposants. Les

idéologies procèdent de la "nature structurelle de la société, qui produit l’idéologie comme un de ses effets organiques " (8). A cette affirmation, valable

(6) Piotte Jean-Marc, opus cité, p. 196.

(7) Petitat André, Production de l’école-Productlon de la société, Genève, Droz, 1982, p. 335.

(20)

même dans l’hypothèse d'une société sans classe, 11 faut ajouter que “ dans une société de classes, l’idéologie est toujours une Idéologie de classe, déterminée dans son contenu par la lutte des classes.“(9) Pour être vraiment clair, 11 faut toutefois ajouter, à l’instar de M. Harnecker concernant l’utilisation possible des effets de déformation de l’idéologie, que “ceci ne revient pas à nier que les classes dominantes puissent utiliser consciemment ces effets de déformation afin de fortifier leur position de domination. ” (10)

C'est donc parce que nous vivons dans une société de classes que les affrontements idéologiques, les oppositions entre les différentes représentations ou conceptions du monde, sont des affrontements entre classes sociales et certaines des fractions de ces classes.

Il nous paraît suffisant, pour les besoins de la recherche, de définir la formation sociale de notre mode de production dans une structure de classes, c'est-à-dire selon une articulation dynamique de leurs rapports, comprenant les classes possédantes et dirigeantes versus les classes populaires et laborieuses. Il est Important, cependant, de considérer que dans une conjoncture socio-politique ou économique donnée, les Intérêts des divers sous-groupes d'une même classe peuvent être différents, ce qui peut amener ces fractions de classe à défendre des points de vue divergents voire opposés. De plus, " il existe des groupes sociaux qui ne peuvent être définis comme classes sociales, soit qu'ils représentent des classes Intermédiaires entre les deux classes antagonistes,

(9) Harnecker Martha, opus cité, p. 94 (10) Idem, p. 95.

(21)

soit qu’ils ne participent pas directement à la production. Ces groupes ne constituent pas des classes proprement dites, mais ils tendent à adopter des positions qui favorisent l’une ou l'autre des classes antagoniques.” (11) Tous ces groupes sociaux sont des acteurs potentiels qui, avec des moyens fort différents, tentent, en fonction de leurs intérêts, de rendre hégémonique leur conception de l'éducation, ou de se lier à une tendance hégémonique. (12)

1.3 Les enjeux de ces luttes.

On retrouve les enjeux fondamentaux de ces luttes dans les fonctions sociales Intrinsèques de l'éducation. Dans le volume Analyse sociale de l'éducation. R. Lallberté rappelle que de toutes les " agences de socialisation politique.... il en est deux seulement qui rejoignent à un moment ou l’autre...

l’ensemble des membres de la société : ce sont la famille et l'école...; il en est une seule ... dont on peut directement orienter les objectifs, les projets, les décisions et les actions, c'est évidemment l'école en tant que réseau institutionnel de formation, ce que l'on appelle le système d’éducation. " (13)

(11) Harnecker Martha, opus cité, p. 172.

(12) Sans entrer à fond dans les éléments théoriques, il importe de clarifier dès maintenant ce que nous entendons par "hégémonie” ou "contrôle de direction". Il faut lui donner ici le sens de direction par la persuasion, la recherche du consensus, en opposition au concept de domination par la coercition. Ces concepts, inspirés de Gramsci, seront précisés ultérieurement, dans le cadre théorique de la recherche.

(13) Cloutier, Moisset, Ouellet et al, Analyse sociale de l'éducation. Boréal Express, Montréal, 1983, p. 264

(22)

Ainsi, nous définissons l'école ( prise au sens large, i.e. incluant les différents ordres d’enseignement ) comme la principale agence de socialisation, d’inculcation idéologique, de production et reproduction de la force et des moyens de travail. Rien d'étonnant dans ce cas à ce que les différents groupes sociaux s’affrontent sur le terrain des luttes Idéologiques pour exercer un contrôle de direction sur cette agence.

Cette hégémonie est nécessaire à la satisfaction de leurs intérêts politiques, économiques et idéologiques.

(23)

Chapitre 2: Un aperçu des connaissances actuelles.

2.1 Le champ Idéologique: malgré tout,_un parent pauvre.de l'analyse sociale de l'éducation,

Il serait faux de prétendre que le champ de l'idéologie n'a pas été abordé en analyse sociale de l’éducation dans le cadre de l'approche conflictualiste. Ce que nous questionnons cependant, c'est le cadre théorique où il fut abordé. A. Petltat (14) résume en quelques pages les différentes tendances conflictualistes; il les aborde ” en examinant les conceptions marxistes de Baudelot-Establet et de Bowles-G1ntis...( poursuit ) ensuite en analysant la théorie de Bourdieu -Passeron ...( et ) ... les contributions... d'un courant que l'on peut nommer anti-bureaucratique." (15) Nous ne referons pas l'analyse de ces tendances, mais tenterons d'en dégager certains concepts clés et de faire un bref inventaire des connaissances qui en découlent.

L’élément central, sur lequel d’ailleurs nous reviendrons dans le point suivant, c'est la conception de l'école comme " appareil idéologique d’Etat " (AIE ). On retrouve chez Baudelot et Establet une position claire sur le sujet:

"L'école est un appareil Idéologique d'Etat, selon la formulation avancée par L. Althusser : celà signifie que l’école

(14) Opus cité, chapitre premier, première partie, p. 7. (15) Idem, p. 37.

(24)

est un appareil de lutte au service de la bourgeoisie, un instrument de la dictature de la bourgeoisie. Sans prendre cette Idée comme fil directeur, c'est-à-dire sans mettre en rapport les phénomènes scolaires et la théorie léniniste de l’Etat...on ne saurait apercevoir que le processus d'inculcation Idéologique... domine la fonction officielle de transmission des savoirs." (16)

C’est ce même concept d’appareil idéologique d’Etat (AIE) qui est "le fil directeur " de plusieurs productions de la Centrale de l'enseignement du Québec (CEQ ) dont : L’école au service de la classe dominante et Ecole et luttes & classes au Québec, (17) Ce cadre théorique limitait le champ idéologique, au sein du système d'éducation, à la transmission de valeurs, de culture, etc, aptes à assurer la domination de la classe sociale dominante.

Concrètement, cela s'est traduit par une analyse du contenu des manuels scolaires et des programmes permettant d'identifier, dans la pratique quotidienne, des manifestations particulières de la culture dominante comme par exemple les stéréotypes racistes et sexistes. A cela s’ajoute l'analyse des structures, de l’organisation scolaire comme soutien à l’inculcation idéologique mais, surtout, comme facteurs de reproduction des classes sociales aux plans politique, économique et Idéologique. Ce deuxième concept de ’’ reproduction " revêt aussi une très grande Importance. Il fut au coeur de nombreuses recherches sur la mobilité sociale, certaines le tenant comme " effet pervers ’’, d'autres comme inhérent au rôle de l'école.

(16) Beaudelot C. et Establet R., L'école capitaliste en France, Paris, Maspero, 1971, p. 172.

(17) L’école au service de la classe dominante, CEQ, Juin 72., Ecole et luttes de classes au Québec, CEQ. octobre 1974.

(25)

On conviendra facilement qu’avec ces postulats de AIE et de reproduction, comme nous le verrons subséquemment en tentant d’en expliquer quelques causes, 11 était Inévitable que le champ Idéologique ne soit abordé que dans une dimension presqu'excluslvement descriptive, statique et non dans son aspect dynamique de luttes, à l’exception peut-être de ce que Beaudelot et Establet appellent une certaine forme de “résistance, d’instinct de classe dans l’appareil scolaire.’’ (18)

Pour être complet, on ne saurait passer sous silence l’émergence de nouvelles thèses qui se démarquent des précédentes. Non qu’elles nient l’aspect conflictualiste dans lequel se développent les différents systèmes d'éducation, et c'est pourquoi il en est tenu compte, mais elles limitent et nuancent le déterminisme structurel présent dans la conception des AIE d'une part et d'autre part développent l'aspect ” production ’’ en contrepartie de l’exclusivité du concept de ” reproduction". C’est le cas du volume d’André Petitat. Production de l’école - production de la société, et de certains passages de l’Education comparée de Le Thành Khôl. ( 19)

Pour résumer ce point, on pourait dire que le champ idéologique n'a été qu'effleuré jusqu'ici. Qui plus est, la majorité des études n'abordent pas l’aspect "luttes idéologiques ’’ et, par conséquent, on ne retrouve pas le ou les contenus des conceptions des différents groupes sociaux présents dans ces luttes.

(18) Opus cité, p. 179.

(19) Lê Thành Khôl, L'éducation comparée, Paris, Armand Colin, 1981, chapitre 4, p. 113 à 142.

(26)

2.1.1 Quelques causes à ces carences,

Ce n'est pas tout de mettre en évidence les carences en matière de connaissance dans le champ des luttes idéologiques; il faut être à même d'en comprendre les causes, puisqu'en ce qui nous concerne cette absence n'est pas le fruit du hasard, mais découle directement du cadre théorique utilisé. Il apparaît, dès lors, essentiel d’en avoir une compréhension suffisante permettant de développer un autre cadre théorique, évitant ainsi de retomber dans le même schéma d’analyse. En utilisant à nouveau les concepts d'AIE et de reproduction, nous dégagerons, sommairement, quelques causes des carences soulignées.

Comme on l'a vu précédemment, les différentes Interprétations des théories marxistes reconnaissent l'existence de trois sphères, trois instances sociales qui interragissent entre elles : l'Economique, le Politique et l'idéologique. Là où s’affrontent cependant les tendances, c’est sur la prédominance et l’autonomie relative de ces Instances. Dans les faits cependant, l'instance Idéologique n'a pas vraiment été approfondie; pas plus par Marx, qui en soutient pourtant l'importance, que par les autres penseurs en général qui ont tenté de prolonger son oeuvre. Au contraire, l’idéologie fut souvent considérée non comme un lieu de luttes en sol, mais comme le simple reflet des luttes politiques et économiques.

La démarche ne s'est pas avérée différente en éducation. Les luttes dans le champ Idéologique ont été abordées principalement dans leurs rapports aux fonctions politiques et économiques de l’éducation. C'est ce qui mena à conclure que l'école reproduisait les classes sociales et la force de travail.

(27)

Deuxièmement, revenons au concept des AIE. Revoyons la citation de Baudelot-Establet: après avoir identifié l’école comme un AIE, Ils précisent que "cela signifie que l’école est un appareil de lutte au service de la bourgeoisie, un instrument de la dictature de la bourgeoisie. Sans prendre cette Idée comme fil directeur, c’est-à-dire mettre en rapport les phénomènes scolaires et la théorie léniniste de l’Etat ,... on ne saurait apercevoir que le processus d’inculcation idéologique.... domine la fonction officielle de transmission des savoirs. “ (20)

Ce type d’analyse met en évidence le déterminisme structurel qui caractérisait à cette époque un certain courant marxiste.

Ce qu’il faut ici retenir, c’est la théorie léniniste de l'Etat et la fonction des appareils d’Etat dans ce cadre théorique. L'Interprétation qui en est généralement faite Implique que l’Etat est l'instrument direct d'une classe, que les appareils d’Etat sont au service unique de cette classe; on utilise généralement l’expression ’’ courroie de transmission " pour spécifier le lien entre l’Etat et ces appareils. Il eût été étonnant que, dans ce cadre théorique où l'école n’est autre chose que le reflet, " la courroie de transmission ”, ’’ l’instrument de dictature ” d'une classe, on s’arrête aux luttes que se livrent les différents groupes sociaux au plan idéologique, puisque ces luttes ne sont aucunement déterminantes des fonctions des appareils d’Etat.

(28)

Le concept de reproduction est, en partie, tributaire de ce cadre théorique. (Mentionnons à nouveau que nous ne remettons pas en question cette fonction de l'école, mais le fait que celle-ci ne soit que reproductrice). En effet, dans l'optique où l'on considère l'école comme un AIE au sens où l'on vient de le définir, on peut difficilement interpréter son contenu et sa production autrement que comme un ensemble de conditions permettant à la classe dominante de maintenir et de recréer les conditions générales de sa domination.

Ce qui fait problème dans ces raisonnements, c'est l'utilisation que l'on fait de la théorie léniniste de l'Etat, qui le place dans une relation de dépendance complète et exclusive vis-à-vis la classe dominante. Dans cette forme de déterminisme structurel, il n'y a pas de place faite à l'autonomie relative de l'institution scolaire, pas plus qu'aux contradictions du processus d'inculcation lui-même.

2.2 Des conséquences à ces carences.

2.2.1 Au plan théorique

Il ne faudrait pas déduire des points précédents un rejet des connaissances issues des différents travaux basés sur ces analyses. Nous considérons cependant que l'absence d'études approfondies du champ des luttes idéologiques entraîne des conséquences Importantes. Sans être exhaustif, mentionnons l'absence de grille d’analyse permettant de comprendre l’articulation des luttes idéologiques dans le domaine scolaire. Exception faite du volume de

(29)

Petitat, soulignons la presque méconnaissance du concept de production de l’école en opposition à celui de reproduction. Finalement, on peut, à tout le moins, se questionner si cette approche n’a pas été un carcan à la pleine compréhension des fonctions de l’ensemble du système éducatif et de chacun de ses ordres d’enseignement.

2.2.2 Au plan social

Résumons, simplement, certaines des conséquences de cette option au plan social c'est-à-dire, concrètement, dans la pratique : on ne connaît pas systématiquement les attentes des différentes forces en présence, leurs conceptions respectives des fonctions spécifiques du système d'éducation. Comment, alors, élaborer une stratégie cohérente pour contrer ou renforcer l'hégémonie de ces conceptions ? Avec qui s'allier conjoncturellement ?

Il n'est pas si loin, et peut-être encore présent, le temps où s'impliquer dans une réforme scolaire, un débat pédagogique, signifiait dans une "lecture marxiste étroite " : faire le Jeu du pouvoir, puisque l’école ne pouvait être qu'au service exclusif de la classe dominante.

(30)

Chapitre 3. Un problème spécifique...

3.1 Objectif de la recherche

Comme on l'a vu précédemment, l'absence d'analyse du terrain des luttes idéologiques dans le domaine de l'éducation, a créé une zone d'ombre relativement importante. Nous avons vu aussi que cela était dû en bonne partie au cadre théorique des analyses. Nous soulignions, entre autres conséquences, la méconnaissance des conceptions des fonctions éducatives du système propres aux différents groupes sociaux.

Le but de la recherche est donc de combler, à tout le moins en partie, cette absence d'information sur ces différentes conceptions. Plus précisément, parmi les différents groupes sociaux concernés, il en est un pour qui, de la zone d'ombre évoquée antérieurement, on passe à l’obscurité quasi totale, c’est le patronat organisé. (21) Compte tenu des nombreuses études visant à démontrer que l'école est au service de la classe dominante, considérant aussi que ce groupe fait partie des classes possédantes et dirigeantes, cela peut sembler paradoxal mais n'en n’est pas moins réel. En extrapolant, on peut y voir à nouveau un effet des postulats utilisés dans le cadre théorique critiqué antérieurement : peut-être n'était-il pas nécessaire d'étudier les attentes provenant des classes dirigeantes et possédantes puisque, de toute façon, on en retrouvait l’intégral dans l’AIE qu'est l’école. Cette hypothétique interprétation n’explique que partiellement

(21) On retrouvera au niveau du cadre théorique la Justification de ce choix.

(31)

SI le patronat organisé constitue notre choix parmi les groupes sociaux, 11 faut, de même, circonscrire un ordre d'enseignement dans l'ensemble du système éducatif. Il ne saurait être question, en effet, de traiter de tous les ordres d’enseignement. Pareille étude serait d’une ampleur considérable et dépasserait largement le cadre d’une recherche de maîtrise, du moins dans le cadre théorique prévu et considérant les données que nous voulons recueillir pour l’analyse. Le choix, donc, s’est porté sur l’ordre collégial.

Ce choix se justifie entre autre par le peu d'études faites sur cet ordre. Cette recherche pourrait donc être un apport. Ce sont aussi certaines caractéristiques qui lui sont propres qui ont été déterminantes, dont particulièrement sa " double vocation " de formation pré-universitaire et terminale c'est-à-dire, menant au marché du travail.

En ce qui concerne précisément cette ” double vocation ”, 11 nous a semblé intéressant d’avoir, dans la même recherche, des éléments concernant une formation du type général, ne menant pas directement au marché du travail, et une autre que l'on pourrait qualifier de " pointue " conduisant au marché du travail

immédiatement après la sortie. Ceci pourrait mettre en lumière des variations s'il en est relativement aux conceptions du patronat organisé.

(32)

Compte tenu de ce qui précède, nous formulons les questions de recherche suivantes : Quelles sont les conceptions des fonctions éducatives de l’ordre collégial chez les principaux groupes du patronat organisé ? Quels en sont les points de convergence et de divergence ? Quelle est l'évolution de ces conceptions de 1961 à 1984, à travers leurs discours officiels ?

3.2 Les limites de la recherche.

Premièrement, en ce qui concerne le patronat organisé, nous considérons ce groupe social comme faisant partie des classes dirigeantes et possédantes. Toutefois, il est clair que l'analyse des données recueillies ne pourra être considérée comme étant la conception de l'ensemble des classes dirigeantes et possédantes, mais bien celle d'un groupe social spécifique composant cet ensemble.

Deuxièmement, malgré la " double vocation " attribuable au cegep, on ne peut considérer cet ordre d'enseignement comme représentatif de la totalité du système éducatif. C’est pourquoi on ne pourra étendre à l'ensemble du système les fonctions éducatives spécifiques que la recherche aura permis de découvrir.

(33)

3.3 Rertinence de la recherche,

3.3.1 Au plan théorique

Même si ce n’est qu’à titre instrumental, cette recherche permettra d'élaborer et de vérifier, par son application, une grille d’analyse différente du cadre théorique critiqué précédemment permettant peut-être ainsi de sortir des concepts d*AIE et de reproduction.

Malgré les limites citées antérieurement , les conclusions de la recherche pourraient permettre d’émettre des hypothèses conduisant à une recherche ultérieure sur la différenciation des fonctions spécifiques des différents ordres d’enseignement du système éducatif.

Enfin, faut-il le souligner à nouveau, elle comblera en partie l’absence de connaissances sur l’ordre d’enseignement collégial.

3.3.2 Au plan social

Les résultats de la recherche permettront de connaître concrètement la ou les conceptions du groupe social concerné, leurs points de convergence et de divergence, de mieux cerner leurs attentes.

De plus, nous considérons que les résultats recueillis pourraient être utilisés par un groupe social dans le cadre des luttes idéologiques dans le domaine de l’éducation.

(34)

DEUXIEME PARTIE:

(35)

Chapitre 1. Cadre théorique.

A plusieurs reprises nous sommes intervenu, dans les parties précédentes, pour critiquer le cadre théorique utilisé dans certaines recherches antérieures. Nous avons identifié ce cadre théorique comme responsable en partie de l'absence d’études portant sur les luttes idéologiques; c'est pourquoi il est important de développer, pour les fins de cette recherche, un cadre théorique différent. Il faut cependant préciser que ce n’est qu’à titre Instrumental, pour des fins d'analyse des données que nous élaborerons ce cadre; par conséquent, on ne pourra y voir le développement d'une théorie complète permettant d'analyser toutes les facettes des luttes idéologiques.

Pour définir le cadre théorique, nous utiliserons différents concepts puisés dans la pensée politique de Antonio Gramsci. Ces concepts sont tirés de l’interprétation qui est faite de la pensée gramscienne, puisque Gramsci, compte tenu de sa détention dans les prisons Italiennes et du manque de matériel de recherche et de production, ’’ n'a pas pu produire une pensée articulée, développée avec cohérence. "(1) Ceci n’enlève rien à la richesse, la profondeur et

l'originalité de l’auteur, mais comporte tout de même certaines conséquences que l’auteur du principal ouvrage consulté énonce de la façon suivante:

(36)

" Tout ce que l’interprète peut faire est de produire une pensée articulée en s'appuyant sur les analyses partielles de Gramsci et tenter de mener à terme

la recherche entreprise par l'auteur sur tel ou tel problème/ (2)

Alors pourquoi avoir choisi cet auteur ? Parce qu'il est un des rares "penseurs" à avoir voulu poursuivre l'oeuvre de Marx sur la dimension idéologique. Parce que sa pensée permet une rupture avec les théories de la reproduction et des AIE, l’ouverture de nouvelles voies, compte tenu de notre insatisfaction des précédentes. Parce que plus qu’une simple curiosité intellectuelle, la lecture de

ses oeuvres permet d'envisager de nouvelles stratégies pour agir.

1.1 Les principaux concepts retenus.

1.1.1 Prémisses du cadre théorique.

Il importe, dès maintenant, d'établir les prémisses du cadre théorique. En opposition au déterminisme structurel du courant des années 70, cette recherche, s'appuyant sur les thèses de Gramsci, postule l'autonomie relative des trois instances sociales.

” La prétention de présenter et d'exposer toute fluctuation de la politique et de l’idéologie comme une expression de la structure (entendre économique), doit être combattue théoriquement

(37)

comme un Infantilisme primitif, et pratiquement doit être combattue avec le témoignage authentique de Marx...” (3)

Piotte relate que Gramsci tire des oeuvres de Marx trois remarques méthodologiques fondamentales : premièrement, " en économie on ne peut parler que des tendances du développement de la structure (4). Aussi est-il impossible d'analyser une phase structurale avant qu’elle ne soit parvenue au terme de son processus de transformation.... La politique, qui doit pour être efficace, se fonder sur les tendances de la structure, révèle donc ainsi son caractère de [ risque calculé ] ( souligné dans le texte). Deuxièmement, les dirigeants peuvent commettre une erreur... et poser un acte politique qui entraîne une série de crises parlementaires par lesquelles, précisément, l’erreur sera peu à peu corrigée et surmontée. Le disciple du [ matérialisme mécaniste ].( souligné dans le texte) (5) cherchera tout de suite l'explication économique de ces crises alors qu'elles sont, au contraire , l'indice de l'autonomie de la superstructure (6) par rapport à la base (7), Troisièmement, beaucoup d’actes politiques répondent à des nécessités strictement politiques... La cause de ces actes se trouve au niveau de la superstructure même, et non au niveau de l'économie. ’’ (8)

A ce plaidoyer sur l'autonomie relative des instances, Gramsci ajoute les concepts de " réciprocité ” et de " rapports dialectiques ”. Dans un chapitre

(3) Piotte J.M.,opus cité, p.201 (4) Entendre économique.

(5) Nous aurions dit "déterminisme structurel". (6) Entendre politique et idéologique.

(7) Entendre économique.

(38)

traitant des rapports entre la " société civile ", lieu où s’exerce l'hégémonie par la persuasion, et la " société politique ", prise au sens strict de l'Etat coercitif, Piotte précise que ” ces deux structures sont complémentaires. Entre la force et le consentement s'établit un équilibre qui peut varier à l'intérieur de certaines limites... Mais nous aurions tort de limiter cette réciprocité à un jeu de balance dans lequel l'efficacité de l'un serait fonction de l'autre et vlce-versa;... la réciprocité ne se réduit pas à l'interaction de deux structures purement extérieures. La dialectique entre la " société civile " et la " société politique " est telle que le fonctionnement de chacune d'elles a des effets qui s'inscrivent directement au sein de l'autre. Chaque structure dans son fonctionnement même,

implique l'autre." (9)

Concrètement, cela se traduit par la possibilité d'étudier, au niveau de chacune des instances, sa fonction principale et ses rapports aux fonctions des autres instances.

1.1.2 Le champ Idéologique et les luttes idéologiques.

Nous avons déjà abordé ces concepts dans la première partie du texte. Rappelons simplement ce que Gramsci en dit:

(39)

C’est ’’ une conception du monde qui se manifeste implicitement dans l’art, dans le droit, dans l'activité économique, dans toutes les manifestations de la vie individuelle et collective.” (10)

A cela, Piotte ajoute :

"L’idéologie est donc le sens vécu des différents rapports qu’entretient l'homme avec la nature et les autres hommes. Tout comportement, toute activité humaine implique alors une vision du monde et, inversement, toute conception, en tant qu'elle exprime une classe sociale, tend à se manifester dans tous les types de comportements des membres de cette classe." (11)

Gramsci considère donc que l’idéologie, au sens le plus intégral, se retrouve dans tous les domaines de la société; il faut en déduire la présence aussi dans le domaine de l’éducation. Si l'on essaie de restreindre ce concept général de " vision du monde ” dans un sens plus étroit, l'idéologie "définira chaque conception particulière qu’un groupe secrète face à des problèmes Immédiats et précis." (12) Mais il n’y a pas nécessairement convergence en ce qui concerne ces "conceptions particulières " entre les différents groupes sociaux; de là naîtra une lutte dont l'objectif est l’hégémonie de l’une ou l'autre de ces conceptions. C'est là le champ des luttes idéologiques.

(10) Piotte, J.M., opus cité, p. 196. (11) Idem.

(40)

"Pour devenir dirigeante, une classe doit... diffuser sa conception de la vie, ses valeurs,... de telle sorte que l'ensemble des groupes sociaux y adhèrent ou, du moins, ne les rejettent pas globalement. Elle doit convaincre : elle ne peut imposer à une classe sociale de penser comme elle. ” (13)

Ainsi, en cherchant à découvrir la conception du patronat organisé concernant les fonctions spécifiques de l’ordre collégial, nous entrons de plein pied dans le champ idéologique. En considérant que ce groupe occupe une place et une fonction précises au sein de la structure sociale, que cette place et cette fonction lui confèrent des intérêts spécifiques et que, par conséquent, il tentera d'amener une adhésion aux conceptions qui lui permettent de protéger le mieux possible ses intérêts, nous pénétrons le champ des luttes idéologiques.

1.1.3 Les intellectuels organiques et leurs rôles.

Il faut avant tout préciser le concept d'intellectuel chez Gramsci. Gramsci ne définit pas l’intellectuel dans le cadre dichotomique habituel “travail manuel versus travail intellectuel". Voyons ce qu’en dit Piotte.

"L'aspect manuel et l'aspect intellectuel étant communs, dans des proportions variées, à tout travail, une définition de l’intellectuel fondée sur cette prétendue dichotomie ne peut donc nous aider à trouver ce qu’il y a de spécifique, d’irréductible à toutes autres catégories, dans celle d'intellectuel." (14)

(13) Idem, p. 225.

(41)

Ce qui définira l’intellectuel chez Gramsci, c'est la place et la fonction qu'il occupe dans les rapports sociaux de production.

"Chaque groupe social, naissant sur le terrain originel d’une fonction essentielle (15) dans le mode de production économique, crée en même temps que lui, organiquement, une ou plusieurs couches d'intellectuels qui lui donnent son homogénéité et la conscience de sa propre fonction, non seulement dans le domaine économique, mais aussi dans le domaine politique et social." (16)

L'intellectuel chez Gramsci, c’est donc celui ou celle qui donne à sa classe une homogénéité, la conscience de sa propre fonction.

Plotte relève quatre fonctions sociales de ces intellectuels : la fonction économique, c'est-à-dire la défense des intérêts économico-corporatifs; deuxièmement la fonction hégémonique, qui consiste à assurer, par la persuasion, la domination de la classe à laquelle l’intellectuel est relié; la fonction d'organisateur de la domination par la force, ou fonction de coercition, par

l’intermédiaire de l’Etat; finalement, la fonction d’homogénéisation, c'est-à-dire "homogénéiser la conception du monde de la classe à laquelle 11 est organiquement relié, soit positivement, de faire correspondre cette

(15) Plotte citant Gramsci, explique que “chaque groupe social naissant sur le terrain originel d’une fonction essentielle" signifie "classe sociale".

(42)

conception à la fonction objective de cette classe dans une situation historique déterminée ou, négativement, de la rendre autonome en expurgeant de cette conception tout ce qui lui est étranger. (17) Et chose très Importante : l’intellectuel n’est pas le reflet d’une classe sociale; 11 Joue un rôle positif pour rendre plus homogène la conception naturellement hétéroclite de cette classe.

Ces différentes fonctions sociales que remplissent les Intellectuels reliés à une classe, Gramsci les attribue aussi à des organisations. Piotte, en citant Togliatti, parlera du parti communiste comme de "l'intellectuel collectif’’. (18) Bien que ce "concept d’intellectuel collectif" n’ait pas fait l’objet d’études approfondies, nous croyons que nous pouvons en prolonger la définition à d’autres groupes qui exercent une ou plusieurs des fonctions sociales de l’intellectuel organique.

C’est à titre d’ "Intellectuel collectif" jouant un rôle en regard des classes dirigeantes et possédantes que nous avons retenu différents groupes du patronat organisé.

1.2 D’un cadre théorique à notre problématique.

En opposition au déterminisme structurel, nous avons présenté la pensée de Gramsci sur l’autonomie relative des Instances économique, politique et Idéologique. Nous avons complété avec les concepts de "réciprocité " et de "rapports dialectiques ". Ceci nous permet de centrer notre étude sur une

(17) Opus cité, p. 25. (18) Idem, p. 70.

(43)

instance, l'idéologique, sans présumer de sa subordination en regard des autres instances et particulièrement de l’économique. Ainsi, nous rompons avec l’analyse classique des concepts de “reproduction " et d’" appareil Idéologique d'Etat. "

Nous avons aussi reconnu que pour devenir ou demeurer dirigeante, une classe doit diffuser ses conceptions, ses valeurs. Ainsi, dans une structure sociale où s'opposent les classes possédantes et dirigeantes d'une part et d'autre part, les classes populaires et laborieuses, naissent des luttes pour l'hégémonie des conceptions de l'une ou l'autre de ces classes. C'est ce que nous avons appelé le champ des luttes idéologiques.

Pour diffuser sa conception, convaincre, chaque classe produit organiquement une ou plusieurs couches d'intellectuels qui occupent une place et une fonction dans les rapports sociaux de production. Par analogie aux fonctions de ces intellectuels organiques, nous avons étendu ce concept à des groupes. Comme Togliati le faisait pour le “Parti", nous avons qualifié ces groupes d"’lntellectuels collectifs ". C’est donc à titre d’intellectuel collectif lié aux classes possédantes et dirigeantes que nous avons choisi le patronat organisé.

Nous avons maintenant mis en place le cadre théorique où s’articulera, sous réserve des limites citées de la recherche, l’analyse des conceptions des fonctions éducatives spécifiques de l'ordre d'enseignement collégial chez le patronat organisé. Reste à bâtir l'instrument, la grille d’analyse, qui nous permettra d'aborder les différentes dimensions observées.

(44)

Chapitre 2. Le cadre d’analyse.

Reprenons d’abord les objectifs de la recherche, qui sont de mettre en lumière les conceptions des fonctions éducatives spécifiques à l'ordre d’enseignement collégial chez le patronat organisé; d’établir les convergences et/ou les divergences entre les organisations patronales que l’on aura choisies chez le patronat organisé et, finalement, de situer l'évolution des conceptions.

Il nous faudra d’abord définir ce que l’on entend par "fonctions éducatives’’ avant d’en chercher les conceptions, puis, déterminer une classification qui nous permette de couvrir l’ensemble de ces conceptions.

Enfin, nous élaborerons une grille d’analyse pour interroger le discours patronal.

2.1 Les fonctions éducatives ... une définition.

Pour les fins de notre recherche, nous définissons ce concept comme représentant un ensemble d’actes pédagogiques qui vise à réaliser chez l'étudiant l'acquisition et le développement de certaines connaissances et habiletés; transmettre des normes, des valeurs, un système d’idées et de jugements ou tout autre élément de la culture; enfin, développer chez l'étudiant un certain rapport aux autorités et à la hiérarchie dans l’exercice de ses fonctions de travail.

(45)

2.2 Une classification ou les dimensions observées .

Pour couvrir l'ensemble des conceptions patronales sur les fonctions éducatives, nous avons adopté trois catégories, trois dimensions : les dimensions économique, idéologique et politique. Nous nous sommes inspiré des trois instances sociales définies antérieurement.

Le lecteur voudra bien prendre note d'une précision importante: même si nous utilisons les mêmes vocables de politique, économique et idéologique pour nos trois dimensions, Ils ne constituent dans les faits qu'une représentation, une vision pour construire un cadre analytique. Ces "dimensions" se distinguent ainsi des trois instances portant le même nom. Concrètement, cela signifie que nous analyserons les dimensions politique, idéologique et économique de l'instance idéologique, tout comme nous aurions pu analyser les instances économique et politique en appliquant les mêmes dimensions de notre classification.

Comme ces trois instances nous permettent, du moins dans notre lecture personnelle, d'aborder dans tous ses aspects l'analyse de la réalité sociale, nous croyons que les dimensions énoncées sauront faire émerger sous toutes leurs facettes les conceptions recherchées.

2.3 Les dimensions observées: définitions et rapports aux fonctions éducatives,

La dimension économique traite des conceptions des relations entre les rapports de production et les forces productives. Au niveau des fonctions éducatives, cela réfère, d'une part, à la qualification de la force de travail par la

(46)

transmission de certaines connaissances et le développement de certaines habiletés/19) C'est le domaine de la formation des forces productives. D’autre part, relativement aux rapports de production, il peut y avoir production “d'outils” ou de "connaissances” ( le "know-how" des Américains, le "software” des informaticiens) permettant de transformer les rapports entre la force de travail et l’objet de travail; par exemple, le développement de nouvelles technologies pour l’amélioration de la production. C’est la référence au concept de “ moyen de travail Les fonctions éducatives de l'enseignement collégial, sous leur dimension économique, sont donc: la qualification de la force de travail et la production au moins en partie des moyens de travail.

La dimension idéologique renvoie à la conception de diverses représentations ou visions du monde, de même qu'à des systèmes "d'attitudes-comportements". Cela s'actualise dans une autre fonction de l'école: la transmission des normes, des valeurs, d’un système d’idées et de jugements ou de tout autre élément pertinent de la culture bref, ce qu’il est convenu d’appeler la socialisation. La socialisation constitue donc la fonction éducative principale de l’ordre d'enseignement collégial dans la dimension idéologique.

(19) Le terme "qualification" prend ici un sens restrictif. Il fait référence aux exigences reconnues, généralement sanctionnées par un diplôme, en terme d’habiletés, d'aptitudes ou de connaissances, etc. pour l'exercice d'une fonction de travail.

(47)

La dimension politique est abordée en référence au sens large du terme de l’instance et non à celui strict d’Etat. Pour les besoins de notre recherche, nous retiendrons le volet suivant de la définition de l'instance politique: “la mise en place et le maintien d'un support d'autorité apte à traduire des orientations générales en objectifs, en décisions et en actions." Nous appliquerons ce volet en regard des conceptions patronales des besoins en "fonctions de travail " pour assurer son contrôle sur l'organisation du travail.

Selon Jean-Paul Gaudemar, (20) ce concept de contrôle est central dans toute organisation du travail. Cette approche rejoint aussi R. Laliberté en ce sens où ce contrôle est essentiel aux "grands contrôleurs de l’économie d'une société (qui) chercheront à maintenir les avantages qu'ils retirent de ce régime particulier". (21) L'articulation fonctionnelle de ce contrôle nécessite la formation d'individus aptes à occuper une "fonction politique" dans la division du travail, par exemple de contremaître, de gérant, de manoeuvre, etc. Nous qualifions ces fonctions de "politiques" au sens où Céline Saint-Pierre les définit comme "contribuant directement à maintenir les rapports sociaux propres à l'entreprise capitaliste". (22) Elles se définissent donc en référence à la place qu'occupent les agents de la production dans la gestion du travail concret et, partant, en référence à la formation pertinente que l'on attendra du réseau

(20) Gaudemar, J.P., L'ordre et la production, naissance et formes de la discipline d'usine, Paris, Dunod, 1982.

(21) Laliberté R.,in Analyse Sociale de l'éducation. Boréal Express, Montréal, 1983, p. 261.

(22) Salnt-Plerre,C., De Eanalvse marxiste des classes sociales dans le mode de production capitaliste, in Socialisme Québécois, no, 24, 1974

(48)

Institué de scolarisation.

Un deuxième volet vient compléter cette dimension politique: le rapport aux autorités. Il concerne l’apprentissage du "savoir obéir" et du "savoir commander" non pas en termes d’attitudes personnelles, mais dans une dynamique essentiellement liée à l'exercice d’une fonction de travail.

Les fonctions éducatives dans la dimension politique, sont donc d'assurer la formation aux fonctions politiques nécessaires à la hiérarchie de l’organisation du travail et de développer, chez l’étudiant, futur travailleur, l’apprentissage des rapports aux autorités dans l’exercice de sa tâche.

2.4 Grille d'analyse.

Nous nous sommes inspiré du cadre théorique et du cadre d'analyse d’une recherche publiée par le "Labraps" (23) et d’une première lecture du corpus.

Nous avons défini les fonctions éducatives propres â chaque dimension. Voyons, maintenant, comment elles se concrétisent. Quels en sont les principaux domaines d’intervention, la définition de leurs concepts, leurs indicateurs. Précisons toutefois que les concepts et leurs indicateurs ont avant tout une

(23) Cournoyer, M. et al., La formation professionnelle "longue" au secondaire: attentes du milieu scolaire et du milieu du travail. Série Etudes et recherche, vol. 2, numéro 1 ,PUL, Québec, 1985.

(49)

fonction analytique pour cette recherche et ne rencontrent pas nécessairement une définition "universelle". En ce qui concerne les Indicateurs, ils sont issus principalement du corpus et constituent ce que l’on pourrait qualifier de "grandes idées synthèses" auxquelles on pourra rattacher les données. Ces "grandes Idées synthèses" seront qualifiées de "familles d’indicateurs”; on y ajoutera des "mots clés” servant de points de repère pour les familles. On trouvera un tableau synthèse de la grille d’analyse suite à sa présentation.

2.41 La qualification de la force de travail.

Rappelons d'abord le sens restrictif du concept de "qualification" qui fait référence aux aptitudes, habiletés, connaissances, etc, généralement sanctionnées par l’obtention d'un diplôme, menant à l'exercice d'une fonction de travail. La qualification de la force de travail s’effectue par la transmission d'un ensemble de connaissances... bref, de "savoirs" que nous subdivisons en trois champs: le "savoir technique", le "savoir techno-économique” et le "savoir fondamental".

Le concept de "savoir technique" renvoie à l'ensemble des habiletés manuelles et/ou intellectuelles de même qu’aux connaissances théoriques permettant l’exécution d'une tâche précise dans la division technique du travail.

Ses familles d’indicateurs sont:

- "Les types de spécialisation à développer" - "Les habiletés techniques"

(50)

Le concept de " savoir techno-économique” tient à la fois de la technique et de l’économique. De la technique, au sens où il fait référence aux moyens de travail définis précédemment ("outils” et ” connaissances"); de l'économique, au sens où il contribue au développement du capital par une transformation ou une amélioration des rapports de production. Concrètement, par exemple, cela fait référence tant aux exigences de polyvalence et de mobilité entraînées par la réorganisation du travail, qu'au développement même de nouvelles technologies.

Ses familles d’indicateurs sont:

-"Les exigences actuelles du marché de l'emploi" -"L’adaptation aux changements"

-"La culture scientifique"

Le "savoir fondamental" se définit en opposition au "savoir technique". Du Livre blanc sur renseignement collégial (24) nous retiendrons les apprentissages d’ordre intellectuel concernant la maîtrise des langages humains, la rigueur de pensée, la capacité d'analyse critique; ceux d'ordre affectif et social relatifs à la capacité de communiquer, à la conscience sociale; enfin, ceux d'ordre physique: l'hygiène, la condition physique et le respect du corps.

(24) Livre blanc sur l’enseignement collégial, Ministère de l'Education, Gouvernement du Québec, 1978, p. 39.

(51)

Ses familles d’indicateurs sont:

-"Le développement intégral de la personne" -"La maîtrise des langages humains"

-"L'exploration des fondements de l’être humain"

Pour résumer cette partie de la grille d’analyse, le questionnement adressé au corpus sera: quelles sont les conceptions des différents groupes du patronat organisé sur la qualification de la force de travail et les moyens de travail à produire ? Comme sous-questions: Quels sont les savoirs techniques, techno-économiques et fondamentaux à transmettre en conséquence.

2.42La socialisation

La socialisation constitue la principale fonction éducative de la dimension idéologique. Elle renvoie à la transmission des normes, des valeurs, d'un système d'idées et de jugements ou de tout autre élément pertinent de la culture. On considérera deux champs de socialisation : la "socialisation à une certaine Idéologie" et la "socialisation aux demandes et contraintes du travail".

Rappelons que le concept de "socialisation à une certaine idéologie" emprunte sa définition à Piotte et Gramsci. Piotte définit l’idéologie comme "le sens vécu des différents rapports qu'entretient l'homme avec la nature et les

(52)

autres hommes". (25) Quant à Gramsci, 11 l’explique comme "une conception du monde qui se manifeste implicitement... dans toutes les manifestations individuelles et collectives." (26) La "socialisation à une certaine Idéologie", ce sera donc le champ de la conception, des "idées-représentations" de notre monde, de notre société au sens global et des valeurs qui y ont cours. Ce sera aussi les rapports à entretenir avec la nature et les hommes, à l'exception de ceux compris dans les rapports au travail.

Les familles d’indicateurs sont:

-"Formuler un bon Jugement" -"Etre un bon citoyen".

En ce qui concerne la "socialisation aux demandes et contraintes du travail", M. Cournoyer écrit: "on peut constater que les attitudes que la formation devrait transmettre sont celles d'une acceptation des exigences et contraintes du travail... Au-delà de ces attitudes à inculquer chez les Jeunes se trouve l'idée que l’employé doit épouser les objectifs de l’entreprise, qu’il doit y voir son intérêt et qu’il peut éprouver par rapport à elle un sentiment d’appartenance. Ces attentes rejoignent... une certaine vision productiviste..."(27) On définira donc ce type de socialisation comme la transmission d’attitudes, de valeurs et de comportements favorisant la productivité au travail.

(25) Opus cité, p. 196. (26) Idem.

(53)

Les familles d’indicateurs sont:

-"La conception du travail" -"Les attitudes au travail" -"L’éthique au travail"

Considérant ce qui précède, on pourrait résumer ainsi le questionnement adressé au corpus: Quelles sont les conceptions des différents groupes du patronat organisé sur la socialisation des étudiants de l'ordre d'enseignement collégial? Quelles sont-elles en regard de la socialisation à une certaine idéologie et aux demandes et contraintes du travail?

2.4.3Formation aux fonctions politiques et rapports aux autorités.

Les fonctions éducatives de la dimension politique renvoient à la structure nécessaire au contrôle de la production, ce que nous avons appelé la formation aux fonctions politiques. Elles concernent aussi le développement de rapports aux autorités. Nous considérerons donc deux domaines d’intervention: le développement des fonctions politiques de la production et la transmission du savoir obéir et du savoir commander.

Le développement des fonctions politiques fait référence à la conception que se fait le patronat organisé des fonctions de travail qui sont nécessaires à son contrôle dans l'opérationnalisation du procès de production. Il ne s'agira donc pas d'une division technique du travail au sens des qualifications nécessaires à la réalisation d'une tâche mais d'une division politique en termes de répartition ou

(54)

de partage du pouvoir, des responsabilités entre des groupes exerçant des tâches souvent associées à un statut dans l'entreprise. Ainsi, on ne considérera donc

l'individu qu'en rapport avec la fonction du groupe où il s'insère et de la place qu'occupe ce groupe dans la réalisation du processus de production.

Ceci nous amène à nous arrêter aux statuts, corps d’emplois et aux responsabilités qui y sont rattachées. Nous prendrons aussi en considération la relative autonomie au travail liée à ces fonctions dans la gestion du travail concret.

Ses familles d'indicateurs sont:

-"Les statuts dans l'entreprise" -"Les corps d’emploi"

-"Les responsabilités de gestion" -"Les tâches"

Le deuxième volet de la dimension politique donnait comme fonction éducative le développement des rapports aux autorités. Concrètement, cette fonction réfère aux apprentissages du "savoir obéir" et du "savoir commander" non dans le sens d'une attitude personnelle, mais dans une dynamique essentiellement liée à l'exercice d'une fonction de travail. C'est d’une certaine façon l’intériorisation de la discipline découlant d'un mode de délégation du pouvoir.

(55)

Les familles d'indicateurs sont:

-"L'exercice de l'autorité" -"Le respect des autorités"

Nous adresserons donc le questionnement suivant au corpus: quelles sont les conceptions du patronat organisé sur la formation aux fonctions politiques et l'apprentissage des rapports aux autorités? Quelles sont ses conceptions du développement des fonctions politiques et de la transmission du savoir obéir et du savoir commander ?

(56)

D IM E N S IO N S FONCTIONS EDUCATIVES DOMAINES DES FONCTIONS EDUCATIVES FAMILLES DES INDICATEURS INDICATEURS CLES -qualification • -Types de spécialisation -spécialisation

à développer -tâches aeffectuer

Transmission -préparation utile

du savoir technique - Habiletés techniques -formation pointue -formation techni-que -sa voir-faire QUALIFICATION -habiletés

manuel-les

DE LA FORCE

- Les exigences issues des -emplois

LU DE TRAVAIL

besoins en main-d’oeu- -employabilité vre

«J

O ET -univers

techno-E - Exigences actuelles logique

O PRODUCTION du marchéde l'emploi -nouvelles

tech-Z

O Transmission nologies

U

LU DES MOYENS

dusavoir - Adaptationaux ’ - polyvalence

- mobilité DE TRAVAIL techno-économique changements -adaptabilité ’ -formationde base - Culture -formationlarge

scientifique -formation

tech-nologique - Développement -se réaliser

Transmission intégral de la

personne

-se comprendre

dusavoir - Maîtrise des langages -culture générale

fondamental humains -français

- Explorationdes fon- -économie

dements de l'être -histoire humain

Figure

Tableau Titre  Page
TABLEAU SYNTHESE DES ORGANISATIONS  PATRONALES RETENUES GROUPE SECTEUR  ECONOMIQUE FONCTION TYPE COMPOSITION DU MEMBERSHIP CHAMPS  D'INTERVENTION POINTS D'INTERETS • < E •  (J Secondaire Pression Propriétaires-Gérants de petites entre­prises Législation

Références

Documents relatifs

[r]

Stream functions exist for gênerai three-dimen- sional flows of a non-diffusive fluid except un- steady flows of a compressible fluid, Along a streamline, thèse functions are

Or, en solution, et sous certaines conditions (pour les sp´ ecialistes, ce sont les conditions « th´ eta » de Flory[5]), la distance bout ` a bout moyenne de cette chaˆıne polym` ere

Une fonction f de X vers Y est bijective si et seulement si tout élément de Y possède exactement un antécédent dans X (ce qui équivaut à dire que f est à la fois injective

Le fonctionnement de l’appareil génital mâle démarre à la puberté avec, entre autres, une sécrétion de testostérone.. Cette hormone est synthétisée par les

La matière de ce numéro est constituée principalement par les contributions de l'IREDU et de l'AFSE (Association française de science économique) à l'occasion d'un colloque consacré

Madame BEVIERE rappelle que le compte-rendu a été envoyé précédemment par mail, puis revient sur le point principal à l’ordre du jour de ce Comité,

• 2) si un corps froid peu dense est placé devant une source plus chaude, des raies en absorption apparaissent sur le spectre continu du corps chaud.. • 3) le corps