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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Au-delà d'un travail d'acculturation. Réflexions sur la médiation scientifique humaine à la Cité des Sciences

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A. GIORDAN, J.-L. MARTINAND et D. RAICHVARG, Actes JIES XXV, 2003

AU-DELA D’UN TRAVAIL D’ACCULTURATION.

REFLEXIONS SUR LA MEDIATION SCIENTIFIQUE HUMAINE

A LA CITE DES SCIENCES

Florence BELAËN

Cité des sciences et de l’industrie, Paris - Laboratoire CRCMD, Dijon

MOTS-CLES : MEDIATION – VULGARISATION – MUSEE – EXPERIENCE – USAGE

RESUME : Des études de public ont montré que les visiteurs étaient attentifs au propos des médiateurs mais également au mode de médiation instauré lors d’une séance d’animation. La médiation humaine jouerait le rôle de catalyseur pour une socialisation de la visite ; ainsi deviendrait-elle primordiale dans un musée comme la Cité des sciences connu pour la mise en œuvre de dispositifs interactifs.

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1. INTRODUCTION

La Cité des sciences dispose d’un département Action Culturelle composé d’une cinquantaine de médiateurs scientifiques. Par des ateliers, des démonstrations et des visites, ces derniers ont pour fonction d’accompagner les visiteurs dans leurs appropriations du savoir scientifique et technique médiatisé dans les expositions. Cet article rapporte un travail de réflexion sur une pratique qui rencontre depuis sa création des difficultés à être formalisée (Caillet, 1994 ; Rasse, 2000), parce que, entre autres, ce type d’offre reste éphémère et volatil et qu’il change à chaque fois en fonction du médiateur d’une part et en fonction du public d’autre part. L’absence de trace matérielle ainsi qu’un non-recours systématique à des évaluations ne favorisent pas non plus la compréhension de cette expérience particulière qu’est la médiation humaine scientifique. L’intégration d’un poste en charge de l’évaluation et de la capitalisation au sein de ce département de la Cité des sciences témoigne d’un souci d’une plus grande formalisation.

2. AU NIVEAU DES CONCEPTIONS

Pour comprendre le cadre dans lequel s’inscrit le programme d’animation, il faut rapidement rappeler les missions de la Cité des Sciences. Le décret de 1986 stipule que ce plus grand musée d’Europe doit “rendre accessible à tous les publics le développement des sciences, des techniques et du savoir-faire industriel”. La Cité des Sciences et de l’Industrie a marqué le paysage de la vulgarisation scientifique par son style de présentation innovant à son ouverture. En effet, en complément des musées de collection comme le Musée des Arts et Métiers ou encore des lieux de démonstrations comme l’avait inauguré le Palais de la découverte en 1937, la Cité des Sciences s’est donné pour signature l’interactivité. Ce parti pris donne lieu à des expositions qui proposent des approches thématiques du champ scientifique. Une série de modules autonomes illustrent différents aspects du sujet exposé. Le principe de l’interactivité est de solliciter l’implication mentale du visiteur dans la présentation d’un contenu. La participation du visiteur dans la construction de sens dans ce qui est donné à voir témoigne d’une nouveau mode de pédagogie (Guichard, Martinand, 2000).

Si la nature de ces expositions a contribué largement au succès de la Cité des sciences à son ouverture, l’usage en a toutefois montré les limites. Les expositions thématiques où le principe de l’interactivité a rapidement été assimilé au dispositif informatique, ont à leur début attiré de nombreux visiteurs avides de pouvoir toucher et de déambuler librement. Toutefois, l’intrusion de l’informatique dans les foyers a eu un effet de banalisation sur ce type de présentation. Certains

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visiteurs interrogés à leur sortie ont qualifié les expositions de média “froid” et quelque peu déshumanisé. Ils ont laissé entendre un sentiment d’isolement dans ces immenses salles remplies de machine. Leurs comportements se réduisent rapidement à une attitude de zapping : les visiteurs vont d’un élément à un autre sans toujours faire le lien conceptuel qui les unit. Pour augmenter l’efficacité de ces dispositifs expographiques, une présence humaine a été mise en place dans les expositions. Ces “facilitateurs” avaient pour mission de répondre aux questions des visiteurs, de les aider à faire fonctionner les manipulations, voire d’éveiller leur appétit de découverte. La réponse temporaire au souhait d’avoir des dispositifs plus humains avec la présence de personnes dans les expositions a au final davantage souligné le souhait de se sentir moins “seul”, et “encadré”, que le réel besoin d’avoir “quelqu’un à proximité pour répondre aux questions”. Ainsi, petit à petit, l’offre de médiation humaine s’est “éloignée” du média exposition en gardant certes la thématique mais en quittant le dispositif matériel de l’exposition. Cette évolution a donné naissance à de véritables productions médiatiques autonomes et complémentaires de l’offre expographique.

Les produits d’animation donnent forme à des ateliers, des démonstrations, des jeux et même des spectacles. L’idée au départ est, comme pour une exposition, la présentation d’un phénomène, d’une découverte ou d’une réalisation scientifique et technique. Une spécificité de ce type d’offre qui représente un avantage éprouvé est la réactivité et l’adaptabilité. Ces deux qualités jouent à deux niveaux. Dans un premier temps, elles s’appliquent à la mise à jour des contenus. En effet, le médiateur peut facilement rapporter la dernière découverte ou encore l’ultime controverse. Sans négliger le temps de conception d’une animation qui présente des savoirs scientifiques, donc pointus et complexes, la réalisation pourrait s’apparenter à un traitement journalistique de l’information qui opère perpétuellement des ajustements en fonction de l’actualité scientifique. Mais l’adaptabilité n’opère pas seulement dans la mise à jour des contenus scientifiques. Elle a également lieu dans l’autre sens, à savoir au niveau des visiteurs. Parce que la situation d’animation repose sur la rencontre (physique) entre des représentants de l’institution avec les visiteurs, ces derniers profitent de cette opportunité pour faire part des interrogations qui les préoccupent, des événements personnels qui leur sont arrivés, des ignorances qui parfois les “habitent”. A la différence des réalisations finies, comme les expositions ou les films, qui sont construits sur un panel de représentations préalables repérées, le médiateur a davantage les moyens de prendre en considération la diversité des attentes et des niveaux des visiteurs. Notons que seule une expérience confirmée de la pratique d’animation permet de “sentir” en quelques minutes la nature et la demande de son public. Ces interrogations peuvent être de nature personnelle car faisant référence à une situation intime (maladie, expériences, vécus, etc.) ou sont une conséquence du “bruit” des médias qui focalisent un temps l’attention des citoyens sur une question particulière, occultant parfois la complexité de la situation ou d’autres préoccupations majeures. Les exemples de la

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canicule de l’été 2003 ou encore la maladie de la vache folle mettent l’accent sur le fonctionnement même d’une animation comparé à celui d’une exposition. L’animation n’a lieu qu’avec le public, le médiateur doit rentrer dans la “sphère” des visiteurs ; de manière opposée, l’exposition existe même si elle n’est pas visitée. Bien plus le parcours du visiteur doit être au plus “près” de celui du “visiteur modèle” (Davallon, 1999).

La forme même d’une réalisation de médiation humaine témoigne également d’une autre façon de prendre en considération les questions et les ignorances des visiteurs sur un sujet délimité. Les produits d’animation proposent un discours construit dont l’énonciation donne les clefs de lecture. En effet, au cours de son intervention, le médiateur explicite les différents liens logiques qui organisent son exposé. Dans une exposition, le visiteur est invité à décoder seul la logique sous-jacente à la construction du dispositif. Aussi des effets formels (scénographie, architecture…) rendent parfois le message incompréhensible pour les non-initiés du langage muséographique. En dévoilant les différents liens conceptuels, la médiation humaine est une forme médiatique qui “va au devant de l’ignorance”.

3. AU NIVEAU DES PRATIQUES D’USAGE

Il est intéressant d’observer à présent du côté des usages. Cet article prend appui sur différentes études d’évaluation menées à la Cité des sciences et de l’industrie (Belaën, 2002, Tiévant, 1997). Les études de réception ont mis en avant plusieurs intérêts suggérés par les visiteurs pour les produits d’animation : un fil directeur, un discours plus proche des visiteurs, le partage d’une passion et enfin la convivialité. Ces différentes pratiques ne sont pas exclusives les unes des autres. Leur énumération suggère le glissement d’un intérêt pour la nature du contenu exposé à la forme d’expérience que ce type d’offres culturelles propose.

Comme le principe de conception le présuppose, les offres de médiation humaine proposent aux visiteurs un fil conducteur qui évite la dispersion et le zapping. La forme orale invite à un ciblage mental sur un sujet précis, avec une plus grande focalisation de l’attention. Le propos du médiateur donne un sens, une logique et dépanne “quand on est bloqué”. Pour certains visiteurs cette offre est très efficace car elle permet de comprendre “un maximum de choses en un minimum de temps”. Ce mode de médiation facilite aussi la compréhension parce qu’elle fait appel à des formules rhétoriques et dramaturgiques. En effet les explications données sont souvent construites sur des métaphores, des analogies ; la mise en scène apporte des images. Bien plus, les médiateurs n’hésitent pas à raconter des anecdotes ou des expériences vécues qui permettent d’ancrer le propos

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dans une dynamique et qui aide à son appropriation. La forme narrative implique plus facilement le visiteur.

Une autre dimension qui ressort des études d’évaluation et qui participe à un travail d’acculturation bien qu’elle dépasse la nature du contenu, est celle qui surgit de la relation qui s’instaure entre le médiateur et son public. Les propos des visiteurs lors des entretiens témoignent d’une forme de complicité, voire de fusion empathique. Les visiteurs accordent dans la plupart des cas leur confiance au médiateur qui se dévoile être un expert sans un pouvoir d’autorité qui, dans certains cas (conférences etc.), peut intimider. Les visiteurs se montrent très attentifs au mode de médiation instauré, à sa “couleur” ainsi qu’à l’énergie que le médiateur investit. Ce dernier parvient même parfois à produire un effet de transfert d’émotion, voire de passion.

Une dernière dimension rappelle que les visiteurs des musées des sciences sont dans leur majorité dans une logique de loisir culturel. Les visiteurs apprécient les animations parce qu’elles leur permettent tout simplement de “passer un bon moment”. Les objectifs didactiques qui ont longtemps prédominé dans les musées paraissent alors réducteurs. Les expériences que les moments d’animation procurent sont perçues comme positives parce qu’elles reposent sur un mode convivial et humoristique et permettent de “joindre l’utile à l’agréable”. Écouter une histoire est d’autant plus appréciée que le médiateur se montre “disponible”, “sympa” ou encore “accueillant”. Des qualificatifs qui reviennent souvent et qu’il serait intéressant d’analyser. Ce dispositif plaît également parce qu’il favorise la sociabilité. Rappelons que les interactions sociales sont fructueuses pour dépasser le questionnement.

4. CONCLUSION

L’analyse de la médiation humaine à la Cité des sciences offre l’avantage de voir que certaines productions, qui au départ adoptent une logique de contenu, rentrent au niveau de l’usage dans une logique d’expérience globale. Ce déplacement rappelle que l’aspect cognitif fonctionne avec d’autres dimensions qu’une approche centrée sur les acquis de connaissance selon l’approche behavioriste occulte. Des méthodes issues de l’ethnographie, l’étude des cadres de l’expérience (Goffman, 1974) des observations sur la communication interpersonnelle permettraient de mieux saisir comment les savoirs, les questionnements et les ignorances cohabitent dans une expérience globale car humaine.

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BIBLIOGRAPHIE

BELAËN F. (2002). Étude d’évaluation sur les animations. Eté 2002 et Toussaint 2002. Rapport Cité des Sciences et de l'Industrie.

CAILLET E. (1994). L’ambiguïté de la médiation culturelle : entre savoir et présence. Publics & musées, 3.

DAVALLON J. (1999). L’exposition à l’œuvre. Paris : Éd. L’Harmattan (coll. “Communication”). GOFFMAN E. (1991). Les Cadres de l’expérience. Trad. de l’américain par I. Joseph avec M. Dartevelle et P. Joseph [Frame Analysis : An Essay on the Organization of Experience. New York : Harper ad Row, 1974] Paris : Éd. de Minuit.

GUICHARD J., MARTINAND J.-L. (2000). Médiatiques des sciences. Paris : Éd. Presses Universitaires de France (coll. “Education et formation”).

RASSE P. (2000). La médiation : entre idéal théorique et application pratique. Recherches en communication, 13.

TIEVANT S. (1997). Analyse de la réception des produits d’animation. Rapport Cité des Sciences et de l'Industrie.

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