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ARTheque - STEF - ENS Cachan | La vie sexuelle d'un corps X : interrogations interdisciplinaires sur le corps et le sexe à partir d'une exposition

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Texte intégral

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A. GIORDAN, J.-L. MARTINAND et D. RAICHVARG, Actes JIES XXVI, 2004

LA VIE SEXUELLE D’UN CORPS X :

INTERROGATIONS INTERDISCIPLINAIRES

SUR LE CORPS ET LE SEXE À PARTIR D’UNE EXPOSITION

Jacques IBANEZ BUENO

Université de Savoie, Laboratoire IREGE, Annecy

MOTS-CLÉS : SEXE – RÉSEAUX – INTERDISCIPLINE – EXPOSITION

RÉSUMÉ : À partir de l’exposition X Spéculations sur l’imaginaire et l’interdit du Musée d’Ethnographie de Neuchâtel (2003-2004), il s’agit de s’interroger sur des apports scientifiques croisés pour mieux appréhender de nouvelles pratiques relatives au corps et au sexe, en particulier les usages corporels à distance à partir des médias.

ABSTRACT : In the Museum of Ethnography (MEN - Neuchâtel in Switzerland) an exhibition X Spéculations sur l’imaginaire et l’interdit was presented in 2003-2004. This exhibition is an interesting material for understanding better the new practices about body and sex (with visual medias) by several approaches.

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1. INTRODUCTION

Le succès récent d’œuvres légitimées comme La vie sexuelle de Catherine M (2001) ou Baise-moi (2000), film dans un premier temps censuré en France, renforcent l’intérêt d’analyser la communication médiatisée sur la sexualité, qu’elle soit classée X par l’autorité administrative française ou non. En Suisse, le Musée d’Ethnographie de Neuchâtel (MEN), à travers une exposition X spéculations sur l’imaginaire et l’interdit présentée du 28 juin 2003 au 25 janvier 2004 et décliné aujourd’hui sur Internet (http://www.men.ch/04Exposi/41tempor/03x/ind8.htm) a interrogé « le processus consistant à désigner comme indécentes, dangereuses ou illégales certaines pratiques liées au sexe ou à sa représentation ». Le travail présenté ici n’est pas d’appliquer un regard muséographique mais de saisir des éléments offerts par cette entreprise périlleuse et réussie des trois commissaires, Marc-Olivier Gonseth, Jacques Hainard et Yann Laville : nourrir une réflexion interdisciplinaire sur la permanence de la communication sexuelle et corporelle et des usages médiatiques correspondants.

2. SEXUALITÉ ET SOCIÉTÉ

« Rien d’humain n’est tout à fait incorporel » a écrit Maurice Merleau-Ponty. La sexualité et le sexe dans les médias sont peu traités dans la recherche en communication, excepté pour des visées esthétiques ou pour dénoncer une certaine vision de la femme qualifiée de sexiste. Quant à la pornographie, l’enjeu d’une recherche « est bel et bien aussi de rendre compte du trivial et du commun. Il s’agit de se coltiner à la vie sociale, et de tenter d’en raconter les péripéties. » (Baudry, 1998).

Effectuer un détour par l’observation de sociétés plus anciennes et préservées d’une occidentalisation avancée demeure utile. À travers des activités quotidiennes, toute une population peut participer à un « braconnage amoureux » selon l’expression de Bronislaw Malinowski. Les groupes de femmes peuvent faire subir des violences orgiaques à des hommes, tel le viol collectif. À partir de descriptions ethnologiques, dans certaines sociétés, des réjouissances et jouissances sexuelles en groupe participent à l’équilibre sociétal comme les danses phalliques des Indiens de la Terre de Feu. Il existe de fait une certaine « banalité du sexe célébré en commun », sexe souvent présenté comme exceptionnel, avec ses interdits et le secret de pratiques contemporaines, du type de la séquence décisive du dernier film de Stanley Kubrick (la partouze masquée des puissants dans Eyes wide shut 1999). La traduction littérale de ce titre du film (grands yeux fermés), certainement

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À des périodes différentes et pour diverses sociétés, des « instruments » comme le godemiché sont utiles à l’insertion dans la communauté et à l’adhésion identitaire. L’exemple contemporain de « la bite au cirage », pratiquée entre jeunes garçons, relève du rite initiatique afin d’être définitivement admis dans un groupe de garçons. L’initiation est ainsi le pendant de la socialisation.

Les gadgets sadomasochistes présentés dans l’exposition du MEN ont une longue histoire. Ces « instruments » répondent à la nécessité d’inventer des simulacres. De tout temps, l’art et la littérature ont repris des instruments qui participent au plaisir sexuel. Parmi ces instruments, le godemiché représente la violence relative au sexe. Dans ses manifestations les plus extrêmes, cette violence peut aller jusqu’à la mutilation ou la mort comme dans le film Baise moi (2000) dont des extraits sont présentés dans l’exposition du Musée.

Les « perversités » et leurs plaisirs s’insèrent dans les fantasmes ou dans les pratiques sexuelles « réelles », et entraînent une réflexion sur une « utopie pornographique » qui abolit « les frontières entre pensées, sentiments et actions » (Baudry, 1998).

3. GENRE PORNOGRAPHIQUE

L’exposition de Neuchâtel n’insiste pas sur la présence précoce de la pornographie dans les médias iconiques, ce que montre un film de 2002, Polissons et Galipettes, qui reprend des films érotiques du début du cinéma muet. Les productions érotiques ou pornographiques étaient une réalité dès le début du cinéma, malgré les censures.

Bien que la consommation d’audiovisuel pornographique soit une consommation de masse, l’idée que la pornographie se développe par la création d’un besoin artificiel créé par l’industrie du sexe s’avère inexacte. Cependant de nombreuses questions restent posées au sujet du couple pornographie-médias. L’image se substitue à l’absence de l’autre (Barthes) par une « occupation corporelle de l’espace photographique ». Les médias iconiques sont au service du corps absent. Il en est de même pour le « X » (Ibanez Bueno, 2004).

Une comparaison élaborée par André Bazin (1954) montre la supériorité de la télévision sur le cinéma. En prenant en compte la pulsion scopique, le plaisir de voir une femme nue par un jeu de glace (l’exemple du dispositif peep-show repris à l’insu du visiteur de l’exposition du MEN) étendu au plaisir du direct ou du faux-direct télévisuel devient supérieur au plaisir porno-cinématographique. La supériorité de ce plaisir ne vient pas de l’image mais de la prise de conscience du dispositif et de la simultanéité d’une réalité sexuelle spectacularisée du moment présent, et non différé comme au cinéma (et de ses possibilités multiples d’essayer de nouveaux

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points de vue). La thèse ainsi formulée soutient que le téléspectateur est voyeur indépendamment du « contrat exhibitionniste »

4. PRATIQUER UNE ANALYSE DE CONTENU ?

Communément, on dit : « regarder un film », au cinéma ou à la télévision. On dit aussi : « visionner une cassette », classée X ou non. L’usage du magnétoscope (ou du lecteur DVD) permet cette magie que ne permet pas le cinéma en salle : faire des arrêts sur image, revenir en arrière si on a mal vu ou mal entendu, sélectionner la meilleure image, celle qui mérite de s’y attarder pour mieux voir. Quand on est un habitué du magnétoscope domestique, après une séquence dense où un dialogue a mal été saisi, qui n’a pas eu cette sensation curieuse de vouloir arrêter le film au défilement jugé trop rapide dans une salle de cinéma ? Ce qui entraîne indéniablement la supériorité de la vidéo pornographique sur le cinéma pornographique en salle, disparu à la fin du 20e siècle. Avec la télévision interactive et la vidéo à la demande (VOD) se joue en particulier cette capacité de ne plus être dépendant du flux d’images et de sons. Avec la télévision interactive, le téléspectateur fait son propre montage et devient acteur (Vernier, 1988).

La cassette « X » possède un autre avantage ; celui de lire le texte en accéléré, en accélérant des séquences et, même, d’offrir une lecture en remontant le temps, comme l’a provoqué l’artiste contemporain Pierre Huygues. Ce créateur a diffusé à l’envers le film Fenêtre sur cour d’Alfred Hitchcock dans une télévision éphémère Mobile TV. Le film « X » permet cette vision désordonnée, « ce hors sens ». Serait-ce une grande victoire du récepteur humain sur le défilement linéaire et chronologique bien avant les progrès du multimédia ?

Le film « X » se caractérise aussi par l’absence de fin. L’amateur peut regarder plusieurs films X de suite, visionnant chacun des programmes selon les modalités décrites plus haut. Les sex-shops avec cabines de visionnement ont mis en service un système qui répond à cette forme de visionnement. Non seulement le consommateur dans sa cabine profite d’une télécommande comparable à tous les magnétoscopes pour un film qu’il a spécifiquement demandé mais il a plus de soixante canaux (offre qui existait bien avant les bouquets de satellites) qui diffusent les films d’autres clients présents et choisis par les responsables du magasin. Il peut agir sur le déroulement de « son » film et zapper sur tous les films des voisins de cabine. Une offre démultipliée d’images lui donne cette capacité de construire son propre programme grâce au zapping. Se trouve dans les sex-shops et depuis des nombreuses années, une offre quantitative d’images exceptionnelle pour un même « genre audiovisuel ». Une image-fragment se construit pour son propre clip, son propre zapping :

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5. LE X QUI FAIT PEUR

La réception des cassettes et DVD pornographiques ne correspond plus à une image vieillotte des années 1970. Ce n’est plus le téléspectateur « mâle » esseulé qui visionne en cachette. La consommation se fait souvent en couple. Le « cul » n’est pas pris au sérieux mais à la rigolade. En se référant à Mac Luhan, l’audiovisuel pornographique (cassette vidéo, cinéma ou télévision avec par exemple le Journal du hard ou le « porno mensuel » sur Canal Plus) construit une socialisation féconde sans détachement ni adhésion (Baudry 1998). L’outrance pornographique incite au détournement de la sexualité dite sérieuse. Face à l’évolution de la consommation devenue de plus en plus collective et non mono-sexuelle, le répertoire évolue. Les films pornographiques avec des « supercanons » entrent en concurrence avec les films utilisant de très fortes femmes ou des femmes âgées. Apparaît un nouveau « genre » dans les années 1990 (avec parfois des corps avec déformations) : le « hard crade ». Il est évident, que, si l’analyste en reste à une analyse de contenu diachronique, il peut devenir « dépressif » par une projection apocalyptique parce qu’il aura perçu comme une explosion du mauvais goût. Le spectateur se trouve dans le registre de l’effrayant, voire de l’épouvante. Le parallèle avec le film « gore » (qui a ses « nuits spéciales gore » sur Canal Plus) est fait par des amateurs de ces films : le « voir baiser » perd de l’intérêt au profit du « c’est que ça foute la trouille ! ».

Sont mémorisées les sensations au même titre que les sensations des montagnes russes ou du train fantôme des attractions foraines, ou des parcs de loisirs récréatifs des multinationales du loisir de masse. Les déséquilibres sensoriels provoqués sont difficilement racontables par le spectateur.

6. CONCLUSION

Profiter de l’existence n’est pas une facilité face à un choix, mais plutôt une base à notre culture et qui nécessite une meilleure compréhension. Par rapport au développement de pratiques sportives ou d’hédonisme corporel, il ne faut pas voir dans la multiplication des salles de body building ou de gymnastique aquatique un développement du culte du corps et une progression de l’individualisme. « Bien au contraire, on peut dire que le corps, en tant que métaphore des sens, est un résumé du corps social » (Maffesoli). À l’image de la Grèce ancienne où la construction du corps propre était « un devoir d’État », « on réintègre le sensible dans le jeu social, le corps propre que l’on fait communauté » dans les salles actuelles dédiées au corps.

Les médias télévision ou télématique s’insèrent dans cette évolution. Les censeurs ne reconnaîtront pas dans « le vivace sentiment de l’amour en grappe comme garantie suprême du dynamisme de la

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socialité ». Par rapport aux limites des médias télévision et cinéma, les dernières possibilités technologiques des réseaux (Webcam) participent à ce mouvement de quête sensible.

Ainsi, l’exposition « met en lumière quelques évidences noyées sous le poids des habitudes et des conventions, en autres que le corps n’est pas un simple donné biologique mais que la société y inscrit des usages, des valeurs et, au bout du compte, des enjeux de pouvoir. »

BIBLIOGRAPHIE

BACQUE D. (2002). Mauvais genre(s) – Érotisme, pornographie et art contemporain. Paris : Éditions du Regard.

BAUDRY P. (1998). La pornographie et ses images. Paris : Colin.

BOUSTEAU F. (2004) (dirigé par). Sexes. Images, pratiques et pensées contemporaines. Paris : Beaux Arts Magazine.

FLEISCHER A. (2000). La pornographie une idée fixe de la pornographie. Pairs : La Musardine. FOUCAULT M. (1976 et 1984). Histoire de la sexualité 1 La volonté de savoir 2 L’usage des plaisirs. Paris : Gallimard.

GONSETH M.-O., HAINARD J. KAEHR R. (réunis et édités par), (2003). X spéculations sur l’imaginaire et l’interdit. Neuchâtel : Musée d’ethnographie.

IBANEZ BUENO J. (2004). Ouvertures phénoménologiques sur la télé-communication sexuelle électronique. Sexe et communication, MEI Médiation & Information, 20, 93-103.

MAFFESOLI M. (1993). La contemplation du monde Figures du style communautaire. Paris : Grasset.

MARION J.-L. (2003). Le phénomène érotique. Paris : Grasset.

MERLEAU-PONTY M. (1967). Phénoménologie de la perception. Paris : Gallimard. MILLET C. (2001.) La vie sexuelle de Catherine M.. Paris : Seuil.

OGIEN R. (2003). Penser la pornographie. Paris : PUF.

ONFRAY M. (1991). L’art de jouir. Pour un matérialisme hédoniste. Paris : Grasset.

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