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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Pratiques de référence, transposition didactique et savoir professionnels en sciences et techniques

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Pratiques de référence, transposition

didactique et savoirs professionnels en

sciences et techniques

Jean-Louis Martinand

La communication qui suit ne rapporte pas les résultats d'une recherche1. Elle vise à poser en termes opérationnels un problème de formation d'enseignants, ou plutôt de conception d'une formation, d'après les réflexions suscitées par une tentative récente.

Cette tentative a consisté à la mise au point de plusieurs stages de quatre mois destinés à rendre les professeurs d'école normale primaire de physique et de travaux manuels capables de former des élèves-maîtres pour l'éducation technologique. En effet, la forte imprégnation en nouvelles technologies des nouveaux programmes français de science et technologie à l'école primaire (électronique, automatique, informatique) rend nécessaire une action systématique et approfondie de formation continue pour mettre en œuvre la rénovation des contenus. Dans ce but, l'appel à l'aide du didacticien se justifie parce qu'il peut seul exercer sa responsabilité vis-à-vis de la construction et du choix des contenus et conduire un travail qui est une sorte d'ingénierie de formation.

Je me permettrai d'insister ici sur le problème posé par les contenus : peut-on efficacement les aborder avec les cadres conceptuels et problématiques habituellement développés en pédagogie expérimentale et en sciences de l'éducation ? Par exemple, avec les dichotomies :

– formation académique/formation pratique plus ou moins bien théorisée ;

– formation professionnelle/formation personnelle.

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Contrairement à ce qu'on pourrait croire, ces cadres conceptuels sont bien partagés : les différences, les oppositions, portent avant tout sur l'importance à donner à chaque terme.

Mais avec ces cadres, il est impossible de sortir de l'impasse à laquelle on est acculé pour la formation académique : combien d'années seraient nécessaires pour que des professeurs d'éducation manuelle et technique (formés à la cuisine, la couture, le cartonnage…), ou même des professeurs de physique et de chimie, absorbent ne serait-ce que les premiers niveaux des spécialités techniques touchées par le programme : génie électrique, génie mécanique, informatique, économie et gestion, etc… Le problème est de réduire, mais où, comment, jusqu'où ?

L'obstacle vient de l'idée implicite qu'un enseignant physicien est d'abord un physicien qui enseigne : qu'il connaît la physique parce qu'il a participé à de la recherche en physique. Or, cette représentation, qui a longtemps été à la base de la formation des professeurs de lycée, ne correspond plus à la réalité actuelle, même pour les agrégés de physique. Il en est d'ailleurs de même pour les mathématiques, la chimie, la biologie. Il importe alors de réfléchir beaucoup plus en amont sur les bases de la formation des professeurs de sciences et technologie, dans sa relation aux contenus.

Dans cette perspective de reprise des questions d'accrochage aux contenus, deux concepts ont été développés par la didactique des sciences pendant la dernière décennie : ceux de pratique de référence et de transposition pratique.

1. Pratique de référence : dans de nombreuses disciplines, en tous

cas en sciences et technologie, les activités scolaires veulent être des images d'activités sociales réelles. Il y a certes des différences obligatoires, mais la référence est nécessaire. J'ai rappelé plus haut la représentation de la science à l'école comme référée à l'activité scientifique de recherche (connaissance, démarches, attitudes).

Au fond, c'est par rapport à toutes les composantes d'une pratique que doit se poser la question de la référence :

– objets de travail ;

– instruments matériels et intellectuels ; – problèmes ;

– savoirs ; – attitudes ; – rôles sociaux ;

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On peut alors considérer par exemple qu'une fabrication collective en classe de petite série va permettre une lecture d'une situation correspondante en entreprise et réaliser ainsi la vocation culturelle de telles activités scolaires.

L'apport de la notion de pratique de référence est donc :

– d'attirer l'attention sur la vision réductrice qui ne s'intéresse qu'au savoir ou aux situations d'apprentissage alors que ce sont tous les éléments de pratiques sociales qui sont en jeu ;

– de poser les problèmes de la référence :

• écarts à analyser entre pratiques de référence possibles et acti-vités scolaires (tâche de la didactique) ;

• choix (politiques) à effectuer entre diverses pratiques de réfé-rences, choix dont la didactique doit éclairer les significations ; • cohérence à assurer entre les buts et les moyens une fois les

choix faits (fonction critique et constructive de la didactique).

2 . Le rapport entre pratique de référence et activité scolaire

correspondante est justement ce qu'on peut appeler correspondance

didactique, en un sens élargi par rapport à la proposition initiale d'Yves Chevallard.

En effet, Chevallard s'intéressait avant tout au rapport de déformation (voire de dégradation) « savoir savant/savoir enseigné » ; Cette problématique qui se limite au seul savoir, qui ne questionne pas beaucoup le savoir savant dans sa nature, son fonctionnement, sa fonction sociale, et qui tend à faire de la transposition didactique un « habillage du savoir dans une situation scolaire », où le jeu du contexte explique les variations, paraît beaucoup trop réductrice, voir négatrice de certaines spécificités, pour les sciences et techniques. Il importe de garder l'idée de transposition mais en lui conférant un sens fort portant sur la construction, l'invention même d'activités scolaires en relation à des pratiques de référence. II s'agit en effet d'ouvrir des possibles et non seulement de mieux « habiller » ou de critiquer un mauvais habillage.

Les deux concepts qui viennent d'être esquissés permettent de renouveler le problème initial de formation des enseignants de sciences et technologies. L'enseignement apparaît ici comme un métier de double compétence : dans la pratique de référence, et dans la transposition didactique. La maîtrise de la transposition va en effet rentrer dans les savoir-faire professionnels d'enseignements qui comportent en particulier :

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– des connaissances et savoir-faire systématiques sur les objectifs et contenus des programmes (le maître formé est celui qui a exploré tous les problèmes possibles liés au contenu, au niveau de la classe) ;

– une compétence dans les démarches pédagogiques (conduite des problèmes et projets, organisation et instruments, style d'intervention et de relation), la préparation et la maintenance des outils. C'est pour poser et analyser la question de la cohérence de tous ces aspects que la didactique des sciences a proposé la notion de mode d'activité didactique.

À ce stade, il n'est pas encore possible de donner des réponses opératoires au problème de la formation des enseignants, mais un espace est tracé pour la question : quelle(s) trajectoires(s) de formation ?

En formation initiale, ce qui se fait majoritairement en France est un parcours du type I.

Pratique(s) de référence Savoirs professionnels

I

Encore peut-on s'interroger sur la réalité de la constitution des savoirs professionnels, et l'on a vu que la compétence dans les pratiques de référence était moins évidente que les discours ne le laissent entendre. Il est clair qu'une formation équilibrée devrait mener de pair l'approfondissement dans les deux domaines. Contrairement à ce qui est souvent proposé comme une solution d'avenir (tronc commun non spécialisé, puis « spécialisation »), on peut même penser que ce qui vaudrait mieux pour les enseignants, puisqu'il s'agit d'« ancrer » la référence, sont des éléments opérationnels de pratiques de référence (y compris des stages…) repris ultérieurement pour en expliciter la signification fondamentale, en parallèle avec la constitution de savoirs professionnels pour l'enseignement2.

2 Le métier d'ingénieur comporte de plus en plus de fonctions de formation

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En formation continue, l'immense majorité des opérations réalisées concerne une « mise à jour » dans les pratiques de référence, débouchant éventuellement sur des « recettes professionnelles ». On peut admettre que ces formations sont adaptées, ou peuvent l'être, pour un développement des « capacités de lecture des pratiques de référence en évolution ».

Mais s'il s'agit d'un changement de compétences professionnelles, et en particulier d'un déplacement de celles-ci pour enseigner de nouveaux contenus, il est indispensable de concevoir une formation articulant extension des savoir-faire et déplacement des références : s'adressant à des professeurs en activité, donc disposant d'une base de savoir-faire professionnels, le but est d'abord d'étendre ceux-ci pour prendre en charge d'autres pratiques de référence, pour lesquels des capacités de lecture suffisantes doivent être atteintes. Le parcours est donc du type II.

Pratique(s) de référence Savoirs professionnels

II

C'est un tel parcours, du type II, qui a présidé à la conception de la formation pour l'éducation technologique des professeurs d'école normale. Les principes de base sont donc :

priorité à l'extension des compétences pour la mise en œuvre des nouveaux contenus et à la formation des capacités de lecture des

pratiques sociotechniques de référence choisies : construction

mécanique et automatismes ;

– subordination de la formation « scientifique et technologique concentrée sur ce qui est nécessaire à la lecture des pratiques de référence, à la préparation et à la maintenance du matériel.

enseignant leur seraient donc fort utiles dès le début. Il faudrait alors imaginer des formations universitaires technologiques plurivalentes, à condition de les fonder sur des éléments de technicité fortement liés aux métiers d'enseignant ou d'ingénieur, et non sur un tronc commun académique « asexué ».

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Parler ici de formation « scientifique et technologique » tend à reprendre le langage habituel de la formation « académique ». C'est nécessaire car cette partie doit être sous-traitée et la communication ne peut se faire qu'à cette condition. Mais le cadre a été fixé, le niveau, l'ampleur et la signification peuvent en être mieux contrôlés.

Sur ces bases, la formation de quatre mois prévue pour les professeurs de travaux manuels et de physique a pu être répartie ainsi :

– apport d'expériences par les stagiaires (2 semaines) ;

– visites d'entreprises, documentation historique, visite de laboratoires (de l'ordre de trois semaines) et « compléments de formation scientifique et technologique » sans niveau défini (2, S mois) ;

– préparation des activités en école normale (2 semaines).

Pour aller plus loin dans l'orientation des « compléments de formation scientifique et technologique » en réduisant les risques de dérapage, les orientation suivantes ont été posées :

– place centrale aux automatismes et à l'automatisation et donc à l'électronique digitale (les problèmes de conception, de fabrication, d'économie occupant une place périphérique) ;

– centration de l'électronique sur les travaux pratiques, pour essayer de rompre un développement lié à la théorie où trop de stagiaires risquent d'être perdus ou rebutés sans espoir de se raccrocher ;

– centration de la construction mécanique sur l'intégration du processus de la conception telle que la pratiquent les « designers » actuels.

On constate ainsi qu'une voie a été ouverte pour concevoir une formation continue réalisable et répondant aux besoins de la rénovation des contenus. Les décisions de détail, leurs conditions et conséquences, peuvent être discutées dans un cadre d'ensemble.

Deux stages ont eu lieu en 86-87. On a vu précédemment que les notions de pratique de référence et de transposition didactique ont effectivement fourni des lignes directrices pour aborder de manière nouvelle la conception d'ensemble et de détail de la formation. Les mêmes notions permettent aussi de mettre en forme la réflexion avec les stagiaires sur leur propre enseignement à l'école normale. L'innovation est donc soutenue par ces concepts.

Au contraire, les difficultés rencontrées renvoient aux stéréotypes rappelés au début, en particulier la distinction formelle

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formation académique/formation professionnelle, ainsi qu'aux représentations inadéquates sur le métier, les études, la recherche, conduisant à des conceptions de formation irréalistes dans leur mise en œuvre et inadaptées à leur but.

La conception même des stages a été longue, en particulier pour définir les contenus des « compléments de formation scientifiques et technologique ». La partie électronique pose encore de redoutables problèmes, car elle reste structurée fondamentalement par la logique d'un exposé théorique. On touche ici à une difficulté essentielle de l'éducation scientifique, à la base de nombreux échecs, et qui réclame de gros efforts à tous les niveaux : la théorie se présente comme un chemin unique obligatoire et non comme un terrain à explorer, susceptible de différentes approches, à différents niveaux, et avec différentes structurations.

Mais les mêmes difficultés se sont rencontrées du côté des stagiaires, en particulier pour le second stage. L'expression de leurs demandes, pensées avec les stéréotypes habituels, les avaient conduits à imaginer un stage très différent, avec des buts et des niveaux totalement irréalistes, mais en fonction desquels ils ont cherché à interpréter ce qui se faisait. Ils sont ainsi passés à côté de la conception nouvelle, détournant la progression vers la capacité à concevoir et à mettre en œuvre eux-mêmes leur nouvel enseignement à l'école normale, au profit d'une quête insatiable de « savoirs ».

On peut donc conclure qu'un enjeu fondamental de formation des enseignants de science et technologie est bien localisé ici, enjeu que les concepts de pratique de référence et de transposition didactique permettent au moins de penser.

Bibliographie

MARTINAND J.-L. (1986), Connaître et transformer la matière. Des

objectifs pour l'initiation aux sciences et techniques, Berne, Peter

Lang.

CHEVALLARD Y. (1985), La Transposition didactique, Grenoble, La Pensée Sauvage.

Références

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