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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Musée et histoire des techniques

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Academic year: 2021

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Musée et histoire des techniques

Bruno Jacomy

Mon intervention se déroulera en trois temps

– un premier temps de sensibilisation, une sorte de tour d'horizon des principaux types de musées techniques ;

– dans un deuxième temps, je vous poserai et je me poserai la question : « un musée des techniques, à quoi ça ser t » ?

– et enfin, en troisième point, on essaiera d'esquisser ce que serait un musée des techniques idéal.

1. Petite typologie des musées techniques

• Le premier type, c'est le musée technique de la technique, le musée où l'on a plein de boutons : on saute d'un bouton à l'autre, on manipule, on voit des tas de choses. Voici une image d'un musée américain puis, en deuxième exemple, la salle consacrée à la téléphonie au Science Museum.

• Deuxième type, le musée-joconde ; c'est le musée dans lequel on vous présente de superbes objets, comme par exemple le Musée de l'automobile de Mulhouse. On y voit des objets uniques, en l'occurrence une série de Bugattis… Un autre exemple, la machine à calculer de Pascal qui est au Musée national des techniques ; c'est aussi une espèce de Joconde, un objet unique qu'on vient voir.

• Troisième type, le musée-livre ; c'est-à-dire le musée dans lequel on a des panneaux, beaucoup de photos, des graphiques, du texte, un peu comme un livre devant lequel on se trouve, et qu'on regarde, qu'on lit. Un exemple comme un autre, c'est le Musée du fer de Nancy, très beau musée où l'on montre des reproductions de tableaux de la Renaissance, sur lesquels on peut lire l'histoire des techniques. Ici, par exemple, on retrouve l'histoire de l'abattage du minerai. C'est à peu près la dimension un : ce que vous avez au mur pourrait être dans un livre.

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• Le quatrième type, le musée-réserve, c'est le musée dans lequel on met tout ; un exemple : le Musée de la machine agricole et de la machine à vapeur qui se trouve à Ambert, dans lequel tous les objets sont présentés, sans sélection. Autre exemple de musée-réserve, le Musée du chemin de fer de Mulhouse.

• Autre type : le musée-bijou ; j'ai repris encore une photo du Musée du chemin de fer de Mulhouse. Je dis musée-bijou, parce qu'on y met les objets du quotidien, comme une locomotive, mais au lieu de voir cette locomotive comme vous l'avez vue dans votre enfance, crasseuse, noire, pleine de graisse, de poussière… vous la voyez superbe, bien briquée, avec des chromes qui brillent comme un bijou ; qui peut en voir une comme ça dans la réalité ? Il y a là une rupture ; cette rupture est-elle volontaire ? que veutelle dire ?

• Autre type de musée : le musée-miroir ; je ne sais pas si vous y êtes déjà allés, c'est le Musée de la mine de Lewarde, près de Douai. C'est l'un de ces musées, ou écomusées, dans lesquels le lieu de travail, l'usine, est lui-même musée, c'est-à-dire qu'on a laissé les choses en l'état, et c'est un musée-miroir (ou mémoire), parce que le principe en est que les gens viennent pour se retrouver, y trouver leur propre mémoire, c'est un miroir de leur propre réalité, de leur vie, c'est le contraire du musée-bijou : on se salit en passant partout et, d'une certaine manière, on revit ce qu'était la vie des ouvriers, des mineurs qui y travaillaient.

• Autre type de musée, le musée-show. C'est le Jorvik Viking Center, à York, en Angleterre ; vous entrez, vous vous promenez dans ce musée, vous vous asseyez dans un petit chariot, et ce chariot remonte le temps. Vous vous retrouvez au milieu d'un village viking, reconstitué grandeur nature, et vous vous promenez au milieu des maisons. York est une ville viking fort intéressante au plan de l'histoire des techniques. Là, aucune explication ne vous est donnée au niveau technique, mais, devant un bateau viking, vous pouvez parfaitement voir le mode de construction, dit à clin, c'est-à-dire de planches clouées les unes sur les autres, à simple recouvrement, et beaucoup d'autres éléments techniques fort bien reconstitués.

• Et le dernier, le musée-usine, où l'on a reconstitué des machines qui fonctionnent, comme une grosse machine à vapeur. On se retrouve un peu dans l'ambiance d'une usine, avec là quand même des machines reluisantes, comme flambant neuves.

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2. Un musée des techniques, à quoi ça sert ?

Au risque de briser le rythme de l'exposé, j'aimerais bien que vous me donniez dès maintenant quelques réponses. Si l'on vous posait la question, un musée technique, à quoi ça sert, que diriezvous ?

conserver et montrer ;

comprendre la technique ; - démystifier la technique ;

faire rêver ;

je ne sais pas si on n'y va pas aussi pour s'amuser, plus que pour apprendre ou pour comprendre ;

produire des vocations.

Une partie des choses qui ont été dites jusqu'à présent seraient sans doute valables pour les musées en général. Spécifiquement pour la technique, il y a quand même l'idée, je pense, de valoriser une partie de la culture et du patrimoine qui a, jusqu'à présent, peut-être plus qu'une autre, à se situer par rapport à d'autres objets culturels plus traditionnellement valorisés. C'est la spécificité des techniques.

Après ce petit préambule, il ne serait pas inintéressant de savoir d'où viennent les musées techniques, les grands musées comme le CNAM, le Museo Leonardo da Vinci de Milan, mais aussi les petits musées spécialisés, tels que le musée d'Ambert. Je ferais remonter l'origine de ces musées au XVIIC siècle, notamment avec ce qu'on appelait les théâtres de machines. Les théâtres de machines n'étaient pas des théâtres, mais des livres, écrits par des Italiens des Français ou des Allemands. Dans ces sortes de livre d'images, contrairement aux traités techniques, les techniques sont mises en représentation. Dans la vue d'ensemble d'un atelier ou d'un moulin, tout est représenté en fonction du public qui lit, avec une bulle, des écorchés, des dispositions telles que le lecteur voie à peu près tout. Ces théâtres de machines naissent dans le courant des premiers cabinets de curiosités et cabinets de physique. Dans ces cabinets de curiosités, d'histoire naturelle, les explorateurs, les savants ramènent d'Afrique, d'Océanie, des objets extraordinaires, des coquillages, des girafes, qu'ils installent sur des étagères. On vient les voir, on les admire et on les montre. On a déjà en germe un peu de ce que sera le musée technique. On regarde ces objets,

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on les admire, mais on les manipule aussi, et l'on fait des démonstrations. Les cabinets ont déjà la triple vocation :

– expérimentation : on fait des expériences, c'est la partie destinée à une élite de spécialistes ;

– formation : c'est un lieu où l'on va former des gens : on apprend en montrant des expériences ; un apprentissage au geste et à la parole ;

– récréation : on fait venir, dans ces cabinets, les belles dames de la cour comme les gens de la rue… Et on regarde avec fascination, comme au spectacle. Ce plaisir, on le retrouvera au XIXe siècle, avec la « physique amusante ».

C'est dans ce contexte qu'est fondé le Conservatoire des Arts et Métiers. Si je parle du Conservatoire, c'est parce que, pour moi, il est un peu le grand-père de beaucoup de musées. Ses fonctions sont à peu près les mêmes que celles d'un cabinet de physique : expérimentation, formation, récréation. Mais avec un autre volet, tout à fait intéressant, qui est l'innovation. On va instituer une sorte de dépôt légal des machines. Comme on dépose un livre à la Bibliothèque Nationale, on va déposer, au Conservatoire des Arts et Métiers, un modèle de la machine ou une machine originale. Et cet objet aura notamment pour fonction de permettre l'innovation ; c'est-à-dire que les ingénieurs, les techniciens vont pouvoir regarder et dire « tiens, voilà une solution technique tout à fait intéressante : si on prend ça, etc. on peut reconstruire telle machine ».

À sa suite, au XIXe siècle, vont naître à droite et à gauche des musées industriels liés plus directement aux chambres patronales. Ils auront plus spécifiquement pour mission la transmission de savoir-faire et de savoirs techniques. Ces institutions vont prendre le nom de musées, mais ce terme ne recouvre pas autant le sens de patrimoine qu'aujourd'hui ; il a un sens d'actualité très clair, c'est-à-dire que l'on conserve le up to date pour pouvoir le transmettre.

On voit que cela a beaucoup changé : je dirais qu'au début de notre siècle, il se produit une sorte de crise des musées techniques, pourquoi ? Eh bien, parce qu' il y a une certaine « déconcrétisation » de la technique ; on passe de la mécanique à l'électricité, on va passer aux télécom, aux boîtes noires, pour lesquelles il ne suffira plus, pour comprendre comment ça marche, simplement d'un petit modèle qu'on pourra manipuler avec une manivelle, mais il va falloir expliquer ce qui se trouve à l'intérieur,

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difficile à mettre en musée, c'est le problème de l'informatique aujourd'hui.

Dans l'entre-deux guerres, on voit naître les « science-centers ». L'un des premiers, le plus spectaculaire en fait, a été créé pour l'exposition universelle de 1937 à Paris, c'est le Palais de la Découverte. Dans cette lignée verra le jour l'Exploratorium de San Francisco. Le dernier grand musée-show en date, c'est la Cité des Sciences et de l'Industrie.

Un élément à prendre en compte dans l'histoire des musées techniques, c'est le phénomène relativement récent des écomusées, dans la lignée des musées d'arts et traditions populaires et à côté des musées de plein air tels que le musée de la métallurgie en Angleterre (Ironbridge Gorge Museum). Dans ces musées, on va de plus en plus loin vers le réalisme, il faut qu'on retrouve la trace, les odeurs, l'ambiance, et on va donc reconstituer des ensembles, comme les ateliers présentés aux ATP. Mais ensuite, on se dit « tout cela est complètement froid, complètement mort », donc on va conserver in situ, on va y faire venir des gens, mais ce sera encore un petit peu mort, parce que on n'y fera plus rien. Alors on va refaire travailler des gens qu'on va payer : c'est le cas de la Maison des couteliers à Thiers, par exemple, où les gens travaillent à faire des couteaux devant le public qui regarde.

Voilà comment, finalement, on est passé du cabinet de physique à l'écomusée et, après cet aspect historique, j'en reviens à la question de tout à l'heure : « que demande-t-on à un musée des techniques » ?

Quand on regarde un objet, on se pose la question : à quoi sert cet objet ? On est obligé de le resituer dans un contexte technique, économique, social, culturel. On ne peut pas parler de la montre sans parler de l'horloge, de la mesure du temps, et si on voulait, du contexte de la naissance de ces horloges, du contexte des grandes découvertes…

Deuxième aspect important, comment c'est fait ? On va produire des éclatés, montrer des machines ouvertes. Quand on se pose la question « comment c'est fait ? », on entend aussi « quel est le processus de production ? Est-ce un produit artisanal ou un produit industriel ? Est-il fabriqué à l'unité, ou en très grande série » ? C'est important ; si l'on coupe l'objet de son procès de production, on casse quelque chose, on ne remplit pas notre mission.

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Enfin, troisième question : « comment ça marche » ? C'est la question immédiate que se posent les enfants quand ils viennent au musée. Comment ça marche ? Comment est la structure de la machine, de l'appareil, de l'objet technique ? Lorsque je faisais mes études, on m'a mis devant une boîte à vitesses de 403, à charge pour moi de la démonter, puis de la remonter en entier. Une fois que j'ai eu remonté ma boîte à vitesses, j'ai compris comment elle marchait parce que j'avais tout manipulé. Il y a donc l'aspect manipulation, démontage, remontage.

Le deuxième volet important du « comment ça marche », c'est le principe. Voilà qui nous amène beaucoup plus loin, au cour des phénomènes physiques mis en jeu. Prenez l'exemple du moteur à quatre temps. Si vous le présentez dans un musée technique, devez-vous aller jusqu'à l'explication thermodynamique de l'explosion, de la manière dont le gaz « s'enflamme » à l'intérieur de la chambre, comment se produit le phénomène de détente, etc… ?

Tout ceci nous éloigne de la technique pure pour entrer dans le domaine des sciences. Je me pose la question : est-ce qu'un musée des techniques doit aborder ces problèmes ? Cela dépend du contexte ; Dans les musées étrangers, comme à Londres ou à Munich, vous avez de grandes institutions où l'on vous explique à la fois la structure et les principes. En France, à Paris, le phénomène est un peu différent, car vous avez plusieurs centres spécialisés. Si vous voulez savoir comment circulent les électrons, le gaz etc…, vous allez au Palais de la Découverte, et là on vous fera des « manips »… Cela pose le problème important du rapport entre sciences et techniques. Et, pour faire référence à l'histoire des techniques, je vais bien prendre garde aussi à une idée reçue, couramment répandue encore aujourd'hui, qui veut que les techniques soient des sciences appliquées, c'est-à-dire que la technique est une application de la science. En un mot, les scientifiques, les « savants », travaillent, imaginent des choses extraordinaires et les techniciens les appliquent. La réalité est toute autre ; je citerai l'exemple bien connu de la machine à vapeur : Carnot vient après la machine à vapeur, la thermodynamique a découlé de la machine à vapeur et non l'inverse.

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3. Un musée des techniques idéal

Pour terminer, esquissons très rapidement un musée technique idéal.

Première question, à quel public s'adresse-t-on ? A priori, à tout public, donc il faut permettre plusieurs lectures. Pour les jeunes, c'est l'appréhension du « comment ça marche », par des modèles, mais aussi par la manipulation ; plus on a directement accès aux choses en trois dimensions, mieux c'est.

Dans le public d'adultes, on a deux types de publics. Pour des adultes non techniciens, il y a un aspect très important que vous avez évoqué tout à l'heure, c'est l'émotion. S'il est accroché par la beauté des choses, il peut aussi se l'approprier et aller voir plus loin.

Pour les adultes techniciens, le musée technique peut être à la fois un lieu où ils apprennent quelque chose de plus, où ils approchent l'histoire des objets techniques, mais ce peut être aussi un lieu – voir le musée-miroir dont on parlait tout à l'heure – où quand ils se retrouvent avec les leurs, ils leur montrent un élément de leur culture ; ils disent : « tiens, voilà comment ça marche, c'est fait comme ci, c'est fait comme ça ». Je dirais que le musée a un rôle social à jouer, notamment pour tout un public de techniciens.

Deuxième question : comment présenter les objets ? Les instruments scientifiques, est-ce qu'on les présente comme ils sont actuellement sur des étagères, ou est-ce qu'on les présente en situation ? Doivent-ils fonctionner, ne doivent-ils pas fonctionner ? Pour les transports, est-ce qu'on doit pouvoir monter dans les voitures et se promener avec ? Est-ce qu'on peut se pencher dessous ? Est-ce qu'on peut montrer un moteur en pièces détachées ou pas ? Je pose des questions, je n'apporte pas de réponses parce que je crois qu'en fonction des objets, la réponse est différente.

Autre question : faut-il présenter un objet représentatif des lanternes magiques du XIXe siècle, étant donné que le Musée en a quarante-cinq, ou est-ce qu'on présente toutes parce qu'elles sont toutes différentes et que cela nous permet de lire l'évolution génétique de ces objets techniques ?

Dernier point, que j'ai mis à la fin parce qu'il me semble vraiment très important, c'est appréhender la dynamique de l'évolution, voir le foisonnement des solutions techniques adoptées

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au cours du temps. On est obligé de se situer dans une dynamique d'objets techniques, de se situer dans l'axe du temps, mais aussi dans l'axe de la culture d'un pays.

Bibliographie

Références

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