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L'impact de la maltraitance sur l'attachement et le fonctionnement réflexif et implications pour la relation d'attachement mère-enfant

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Academic year: 2021

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L'IMPACT DE LA MALTRAITANCE SUR

L'ATTACHEMENT ET LE FONCTIONNEMENT

RÉFLEXIF ET IMPLICATIONS POUR LA

RELATION D'ATTACHEMENT MÈRE-ENFANT

Thèse présentée

à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval

dans le cadre du programme de doctorat en psychologie (orientation clinique) pour l'obtention du grade de Philosophiae Doctor (Ph.D.)

ECOLE DE PSYCHOLOGIE FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES

UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC

2010

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La théorie de l'attachement s'avère actuellement la théorie la plus communément adoptée et validée empiriquement du champ d'études de la psychologie développementale. Les expériences de relations abusives à l'enfance ont été le sujet de réflexions soutenues pour les théoriciens dans le domaine de l'attachement au cours des dernières années et occupent maintenant une place prépondérante dans les théories concernant l'attachement chez l'adulte et chez l'enfant. De récents travaux de recherche ont accordé un intérêt grandissant à la capacité de réfléchir aux relations d'attachement en termes d'états mentaux, soit le fonctionnement réflexif. Le fonctionnement réflexif des parents s'est notamment avéré prédire leur propre style d'attachement ainsi que celui de leur enfant. Des expériences relationnelles abusives ou négligentes en bas âge semblent toutefois entraver le bon développement du fonctionnement réflexif. Malgré la place centrale qu'occupent les expériences d'abus ou de négligence dans les théories de l'attachement et du fonctionnement réflexif, très peu de chercheurs se sont intéressés à la capacité des parents de réfléchir à ces expériences et à l'impact qu'ont celles-ci sur la relation d'attachement entre la mère et l'enfant. La présente thèse de doctorat vise à mieux cerner les conséquences d'expériences d'abus ou de négligence à l'enfance sur l'attachement et le fonctionnement réflexif, en s'intéressant à un échantillon de 100 mères présentant une histoire de maltraitance, dont 57 dyades mère-enfant. Les résultats démontrent notamment que l'abus et la négligence chez la mère augmentent le risque que la mère et son enfant aient un attachement insécurisé, que des mères réussissent à développer un attachement sécurisé et de bonnes capacités reflexives malgré l'expérience d'abus ou de négligence et que le fonctionnement réflexif des mères spécifique à l'abus est un facteur déterminant dans la prédiction de l'attachement désorganisé chez l'enfant, particulièrement lorsque l'enfant est un garçon.

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Le présent ouvrage n'aurait pu être réalisé sans la contribution de nombreux acteurs. Les lignes suivantes visent à souligner leur apport à ce projet ainsi qu'à mon cheminement académique, clinique et personnel. Bien évidemment, ces propos ne seront rendre justice à l'importance de l'influence que certaines de ces personnes ont eue sur moi, mais j'ose espérer que celles-ci sont malgré tout au fait de la reconnaissance et de la gratitude que j'entretiens à leur égard.

Dans un premier temps, je tiens à souligner la contribution financière du Centre de Recherche Interdisciplinaire sur les Problèmes de Couples et les Agressions Sexuelles (CRIPCAS) ainsi que des Fonds de Recherche sur la Société et la Culture du Québec (FQRSC) pour m'avoir permis de réaliser ces études de longue haleine.

Je tiens également à remercier l'ensemble des participantes de l'étude ainsi que Docteure Odette Bernazzani sans qui cette thèse n'aurait pas été possible. La recherche auprès de populations cliniques et d'échantillons à risques s'avère bien souvent exigeante pour celles qui acceptent d'y participer. Toutefois, les travaux de recherche et les avancées cliniques réalisés au cours des dernières années au sein du Groupe de Recherche sur l'Enfant et l'Adolescent de l'Université Laval démontrent bien que le jeu en vaut la chandelle puisque ces études donnent naissance à des retombées directes pour les personnes dans le besoin par le biais de traitements psychologiques et de méthodes d'évaluation de grande qualité.

Je souhaite maintenant remercier de tout cœur ma directrice de recherche, Karin Ensink. Karin, merci d'abord de la confiance que tu as démontrée à mon égard au cours des dernières années. D'être escorté par ton attitude bienveillante et chaleureuse, ton support et ton ardeur au travail au cours de ce périple m'a grandement facilité la tâche. Tu es une clinicienne et une chercheure hors pair et je suis convaincu que l'avenir nous réserve une longue et prolifique collaboration. Merci de m'avoir si bien accompagné à chacune des étapes de ce cheminement.

Merci également à ma codirectrice de thèse et superviseure clinique, Lina Normandin. Vous avez été un mentor au cours des sept dernières années et le resterez à tout jamais. Vous avez su me transmettre votre passion pour l'intervention clinique tout en me faisant

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apprécier la complexité et la subtilité de ce travail. L'ardeur que vous déployez dans votre travail se propage contagieusement autour de vous et anime l'ensemble de vos étudiants d'une détermination ahurissante. Merci de vous être présentée sur mon chemin et d'y avoir donné une nouvelle direction riche, stimulante et passionnante.

Je me dois également de remercier Jean-Pierre Rousseau qui, sans avoir contribué directement à cette thèse, a laissé une empreinte importante sur ce parcours. La qualité de ton travail clinique et de ton activité auprès des étudiants en formation est d'une valeur inestimable. Tu as une approche des gens et un aplomb unique qui ont des répercussions sur tous ceux qui ont le plaisir de te côtoyer.

Merci à Stéphane Sabourin et à Tamarha Pierce pour leur apport à la présente thèse et pour leurs précieux conseils. Vous avez été tous deux des acteurs importants dans ce parcours. Merci également à Ellen Moss et George Tarabulsy pour leur présence et commentaires lors de la soutenance.

Au-delà de la sphère académique, certaines personnes ont également eu un rôle essentiel que je me dois de souligner ici. Mes longues études en psychologie ont le mérite de m'avoir amené à rencontrer des gens formidables, parmi lesquels trônent notamment David Litalien et François Côté. Votre amitié a fait de ce parcours une partie de plaisir. Merci également à toute la gang du bacc pour les nombreux moments de pur bonheur que vous m'avez procurés.

Mon doctorat m'a amené à partager misères et bonheurs avec un groupe de filles extraordinaire. Merci d'abord à la doyenne de ce groupe, Roxanne Lemieux, pour ton apport à la présente thèse, mais particulièrement pour ton amitié au cours de toutes ces années. Merci à Julie Maheux et Véronik Tessier d'avoir égayé mes journées pratiquement depuis mes débuts au laboratoire et de partager avec moi votre passion et vos réflexions. Merci à Jacinthe Lampron pour ta présence et ton courage. Également un gros merci à Annie Leroux, pour ton aplomb et ta folie, à Marie-Ève Rousseau, à Éva Bérubé, à Simon L. Chrétien et à Louis-Alexandre Marcoux. Je vous souhaite la meilleure des chances dans la fin de votre doctorat et j'espère que l'amitié qui nous unit perdura bien au-delà de celui-ci.

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présence et appui au cours de ces dernières années. Merci également à Marie-Hélène, Maryse et Médéric pour votre support. Un merci spécial à Guillaume Grenier et Jennifer Brown qui se sont montrés particulièrement sensibles et aidant dans les moments de découragement.

Je tiens à remercier du fond du coeur ma fiancée, Christine Drouin-Maziade, pour sa présence, son support et son amour au cours des huit dernières années. Christine, tu es une personne hors du commun avec qui il est un bonheur de partager sa vie. En plus d'être une conjointe irréprochable, tu es une grande clinicienne et je suis extrêmement fier de toi. Merci d'avoir égayé ma vie d'étudiant et d'être la pierre angulaire de celle à venir. Ton support et ton accompagnement ont été très chers à mes yeux au cours de ce cheminement. Merci. Merci également aux parents de Christine, Diane Drouin et Michel Maziade pour leur support.

Je tiens également à exprimer toute ma gratitude à mes parents, Carolle et François. Votre support au cours de ces longues études s'est exprimé de mille différentes façons et je ne saurais trouver les mots appropriés pour vous en remercier. Vous êtes la source de cette détermination et de cette joie de vivre qui m'habitent. La réussite de mes études vous est en très grande partie attribuable. Merci sincèrement pour tout ce que vous avez fait pour moi au cours des vingt-huit dernières années.

Merci encore une fois à tous, Nicolas Berthelot

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Table des matières

Sommaire ii Table des matières vi

Liste des tableaux ix Liste des figures x Liste des abréviations xi

Introduction 12 L'attachement 12 Origines de la théorie de l'attachement 12

L'attachement chez l'enfant : La situation étrangère 16 L'attachement chez l'adulte : l'entrevue d'attachement adulte (AAI) 19

La désorganisation de l'attachement 22 La transmission de l'attachement 28 Les comportements et la sensibilité maternelle 28

La transmission de l'attachement désorganisé 29 Le vide théorique dans la transmission de l'attachement 34

Le fonctionnement réflexif 35 Définition du fonctionnement réflexif 35

Le développement du fonctionnement réflexif. 37 Le fonctionnement réflexif et l'attachement 39 Le fonctionnement réflexif et les traumatismes 41

Description des deux études de la thèse 44 Chapitre II - Attachment, Unresolved Trauma and Reflective Function in

Expecting Mothers with Childhood Histories of Abuse and Neglect 47

Résumé 48 Abstract 49

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Method 54 Participants and Procedure 54

Measures 56 Results 60

Characteristics of the sample in terms of experiences of abuse 60

Attachment distributions 61 Organized patterns of attachment and unresolved trauma 64

Reflective functioning and attachment 64

Discussion 65 Conclusion 71 References 72 Chapitre III - Reflective Function and Unresolved Trauma in Mothers with

Childhood Histories of Abuse and Neglect: Implications for Infant Attachment

Disorganisation and Security 81

Résumé 82 Abstract 83 Introduction 84 Method 91

Participants and procedure 91

Measures 93 Results 98

Preliminary analyses 98 Distribution of Maternal States of Mind and Infant Attachment Relationships 98

Gender 99 Reflective Function 100

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Discussion 102 Conclusion 106 References 107 Conclusion 121

Les abus non résolus chez les mères 121 La transmission de l'attachement désorganisé chez l'enfant 123

Pistes pour les études futures et limites de la thèse 125

Retombées cliniques de la thèse 129

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Étude 1 Attachment, unresolved trauma and reflective function in expecting mothers with childhood histories of abuse and neglect

Table 1. Logistic Regression for Experience Scale Scores Predicting

Attachment Security 71 Table 2. A ttachment Classification and Maltreatment Type 72

Table 3. Unresolved and Non-Unresolved Classifications as a Function

of Primary Attachment Classification 73 Table 4. Reflective Function as a Function of Attachment Classification 74

Etude 2 Reflective function and unresolved trauma in mothers with childhood histories of abuse and neglect: Implications for infant attachment disorganisation and security.

Table 1. Distribution of Mother-Infant Attachment Classification

According to Mothers' Maltreatment Type 105 Table 2. Cross-Tabulation of Categories of Maternal State of Mind

Regarding Attachment in the Adult Attachment Interview (AAI) with Categories of Attachment Relationships Assessed in the

Strange Situation 106 Table 3. Cross-Tabulation of Mothers ' Unresolved Classification

(Unresolved/Not Unresolved) and Infant Disorganization 107 Table 4. Logistic Regression Analysis for Infant Gender, Trauma RF

and Interaction Effect as Predictors of Infant Disorganisation

of Attachment 108 Table 5. Logistic Regression Analysis for Infant Gender, RF and

Interaction Effect as Predictors of Infant Security of

Attachment 109 Table 6. Sequential Regression Analysis for Variables Predicting Infant

Disorganized Attachment 110 Table 7. Sequential Regression Analysis for Variables Predicting Infant

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Etude 2 Reflective function and unresolved trauma in mothers with childhood histories of abuse and neglect: Implications for infant attachment disorganisation and security.

Figure 1. Frequency of Organized and Disorganized Mother-Infant Attachment Classification According to Mothers' Reflective

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AAI Entrevue d'attachement adulte (Adult Attachment Interview) ANOVA Analyse de variance B Attachement de l'enfant de type sécurisé C Attachement de l'enfant de type anxieux-ambivalent CC Attachement adulte de type non classifiable CECA Childhood Experience of Care and Abuse D Attachement de l'enfant de type désorganisé Ds Attachement adulte de type évitant E Attachement adulte de type préoccupé F Attachement adulte de type sécurisé FR (RF) Fonctionnement réflexif FR Trauma (Trauma RF) Fonctionnement réflexif spécifique à l'abus PBI Parental Bonding Instrument U Attachement adulte de type non résolu

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L'attachement

Origines de la théorie de l'attachement.

Les observations et idées mises de l'avant par John Bowlby, un psychanalyste anglais de l'école des relations d'objet, au cours des années cinquante, marquent le début d'une nouvelle ère dans notre façon de concevoir le développement de l'enfant. Bowlby fit une coupure marquée avec les grandes théories psychanalytiques de l'époque en proposant que la sécurité émotive provenant d'une relation parent-enfant favorable précède en importance la qualité des soins physiques prodigués à l'enfant (Bowlby, 1969). Malgré qu'il soit vrai que ce dernier s'est différencié en plusieurs points des grandes théories infantiles de l'époque, l'idée que les capacités d'un individu à former et maintenir des relations au cours de la vie prennent leurs origines dans la relation précoce de l'enfant aux parents confirme en grande partie les croyances de nombreux psychanalystes antérieurs.

Freud, dans plusieurs de ses écrits, maintenait la théorie de la pulsion secondaire voulant que l'importance de la mère pour l'enfant tienne en grande partie au fait qu'elle gratifie ses besoins physiologiques (Freud, 1905/1995). Vers la fin de sa vie, Freud s'est éloigné de cette idée en considérant davantage l'importance centrale du lien affectif et unique unissant l'enfant à sa mère (Freud, 1931/1961). Cependant, sa théorie des pulsions secondaires lui a davantage survécu au cours des années suivantes alors qu'Anna Freud a soutenu à son tour cette théorie. Néanmoins, elle fit également des observations l'amenant à décrire l'attachement précoce à la mère comme un besoin instinctuel important (Burlingham & Freud, 1944/1949). Malgré que plusieurs autres points de contact peuvent être établis entre les théories de l'attachement et les théories proposées par Sigmund et Anna Freud, ce que Bowlby reconnaissait sans équivoque (Bowlby, 1958), de nombreux points de divergences ont pendant longtemps limité l'intégration de ces idées et ont amené les psychanalystes de l'époque à réserver un accueil hostile aux écrits de Bowlby (Fonagy,

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Le processus de séparation-individuation décrit par Margaret Mahler comporte aussi plusieurs similitudes avec la théorie de l'attachement. Entre autres, la tendance de l'enfant à retourner vers sa mère pour une « recharge émotionnelle » correspond manifestement aux idées de Bowlby en ce qui a trait à une vision de la mère comme une base sécuritaire pour l'enfant. L'importance accordée à la nécessité d'interactions bien régulées par la mère, permettant par la suite une transition en douceur vers une plus grande autonomie de l'enfant, est aussi commune aux deux théories. Mahler invoquait que c'est uniquement au travers d'attributs sélectivement évoqués par la mère que le nourrisson établit une unité symbiotique, précédant la differentiation de soi et de l'autre (Mahler, Pine, & Bergman, 1975). Cette idée est un sujet de recherche contemporain dans le domaine de l'attachement, puisqu'il est actuellement suggéré que les représentations que les mères ont de leur enfant auraient un effet médiateur entre leurs propres représentations d'attachement et le style d'attachement que développe leur enfant.

Avec le développement des théories des relations d'objet, le fossé n'a cessé de diminuer entre la psychanalyse et la théorie de l'attachement. Même si les principaux thèmes de ses écrits tournent autour de l'oralité et de la nourriture, Mélanie Klein considérait qu'il y a quelque chose d'essentiel et de fondamental dans la relation de l'enfant à sa mère qui dépasse la simple satisfaction des besoins physiologiques. Malgré que Bowlby ait ouvertement rejeté son héritage kleinien, de nombreuses correspondances peuvent être établies entre la sécurité de l'attachement et le passage à une position dépressive, l'attachement insécurisé et la position paranoïde schizoïde, ainsi qu'entre l'identification projective et la désorganisation de l'attachement (Fonagy, 1999).

La théorie de Bowlby semble prendre principalement racine dans les écrits des psychanalystes anglais. Winnicott est probablement l'un des analystes de cette école dont les idées s'approchaient le plus de celles mises de l'avant peu après par Bowlby. Winnicott expliqua entre autres la construction du soi à partir de la relation qu'entretient le nourrisson avec sa mère. Selon Winnicott, les préoccupations primaires de la mère étant d'augmenter sa sensibilité par rapport à son propre soi, son corps et son enfant, le nourrisson entretient l'illusion que sa mère répond adéquatement à ses propres gestes puisque la mère est alors perçue comme étant une partie de lui. L'un des aspects de la théorie de Winnicott ayant été

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repris par les théoriciens de l'attachement et occupant toujours une place centrale dans ce qu'ils avancent consiste en l'importance de la sensibilité de la mère envers son enfant. Winnicott (1953) proposa que la mère se doit de prendre soin de l'enfant de manière sensible en se présentant comme une mère suffisamment bonne. Cette idée de suffisamment bonne implique que la mère, à certains moments, échouera à répondre de manière contingente et immédiate aux besoins de son enfant, ce qui est considéré comme dégageant une motivation chez l'enfant à grandir. Cette proposition est compatible avec les observations des chercheurs sur l'attachement qui supportent l'idée que des réponses constamment immédiates aux besoins de l'enfant sont moins bénéfiques au développement que la présence de frustrations modérées à certaines occasions (Malatesta, Culver, Tesman, & Shepard, 1989). Winnicott insiste sur le fait qu'à l'opposé, un manque de sensibilité important de la mère envers son enfant a des impacts encore plus dévastateurs, laissant l'enfant avec une grande confusion pouvant provoquer une désintégration du soi, une impression de désorientation, une tendance importante à se retirer et un sens d'annihilation, soit une impression de cesser d'exister. Ces idées sont congruentes avec ce qui est actuellement observé chez les enfants montrant une désorganisation de l'attachement. Un deuxième aspect proposé par Winnicott et occupant toujours une place importante dans la théorie de l'attachement consiste en la réaction de l'enfant relativement à un environnement inadéquat. Selon Winnicott (1965), un échec de l'environnement à se montrer supportant peut amener le développement de comportements agressifs et antisociaux chez l'enfant. Dans un second temps, l'internalisation d'un environnement inadéquat amène l'enfant à se développer un faux-soi fragile, vulnérable et qualitativement vide (Winnicott, 1965). Les idées de Winnicott comme quoi un enfant réagit et apprend d'un entourage sain et supportant comme d'un environnement inadéquat et que l'enfant internalise les relations significatives qu'il a vécues en jeune âge pour en venir à comprendre et à réagir à ce qu'il vit en fonction de ces figures internalisées sont prépondérantes dans la théorie de l'attachement.

Bowlby a élaboré la théorie de l'attachement en repensant les théories psychanalytiques décrites précédemment en fonction des récentes découvertes éthologiques de l'époque. Les recherches en éthologie suggéraient alors que pour la plupart des espèces, le lien unissant l'enfant à sa mère a comme fonction primaire la survie et l'évolution de

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l'espèce. Ce lien consisterait en une recherche constante de proximité à la mère à des fins de protection, ce qui serait géré par un système comportemental biologiquement prédéterminé. À la lumière de ces observations et hypothèses, Bowlby définit le lien unissant l'enfant à sa mère et le comportement d'attachement comme le fait de rechercher et de maintenir la proximité avec un autre individu afin que cet individu le protège, ce qui favorise ainsi ses chances de survie (Bowlby, 1969). Tant et aussi longtemps que l'enfant se sent à l'aise, la figure d'attachement joue alors le rôle d'une base sécuritaire dont la présence permet l'exploration, le jeu et d'autres comportements sociaux. Lorsque l'enfant se trouve dans une situation où il se perçoit comme menacé, les désirs d'exploration laissent alors rapidement place à un désir impétueux de se réfugier et de se faire rassurer par la figure d'attachement. Comme il sera décrit subséquemment, chez l'individu adulte, les mêmes enjeux se produisent, mais en se référant aux représentations d'attachement, soit à l'accessibilité supposée et à la réponse internalisée des figures d'attachement plutôt qu'à la recherche de proximité physique réelle.

Comparativement aux autres avancées de la théorie des relations d'objet alors prévalant, le but du système comportemental d'attachement n'est pas l'objet (la mère), mais la régulation d'un état physique, soit le maintient d'un degré de proximité physique désiré envers la mère. Ce but physiologique serait par la suite supplanté par un but davantage psychologique soit un sentiment de proximité et d'intimité avec la mère. Puisque, dans ce modèle, le but n'est pas l'objet, mais plutôt la recherche d'un état physique ou, par la suite, émotionnel, la réponse de la mère devrait influencer le système d'attachement, c'est-à-dire que si l'enfant perçoit ses buts comme étant comblés, cela devrait affecter son système comportemental (Fonagy & Target, 2003).

Dans le modèle proposé par Bowlby, l'enfant en vient à se construire graduellement un ensemble d'attentes en fonction de l'accessibilité et du degré de réponse des personnes significatives lors de ses expériences de détresse. L'accessibilité et les réponses de la mère, ou de la personne significative, en viennent à se consolider dans ce que Bowlby réfère en tant que « modèles internes d'attachement », comprenant des représentations de soi et de la figure d'attachement. Les représentations de soi reflètent la mesure à laquelle l'enfant se perçoit comme étant acceptable et valant des soins alors que les représentations de la figure

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d'attachement reflètent son accessibilité et son désir de prodiguer des soins, tels que perçus et ressentis par l'enfant. Par exemple, lorsqu'un enfant se sent aimé, protégé et perçoit son entourage comme compétent et souhaitant lui prodiguer des soins et de l'affection, ses représentations de soi et des figures d'attachement sont compatibles et concordantes. Par contre, lorsqu'un enfant ne se sent pas aimé ou non désiré et qu'il perçoit son entourage comme rejetant ou incapable de lui prodiguer des soins, son expérience peut résulter dans le développement de représentations multiples et conflictuelles de soi et des figures d'attachement puisque l'enfant se défend alors contre une évaluation négative et intolérable de soi et de l'autre. Ces représentations sont ensuite vues comme agissant à l'extérieur de la conscience, régulant, interprétant et prédisant les comportements, pensées et émotions liés à soi et aux autres figures relationnelles dans des contextes interpersonnels impliquant des enjeux d'attachement.

L'attachement chez l'enfant : La situation étrangère

Les premiers liens d'attachement chez le nourrisson sont normalement formés avant l'âge de 7 mois (Main, 1996, 2000). Pratiquement tous les enfants s'attachent à un nombre restreint d'individus (Main, 1996), constitué des personnes prenant régulièrement soin de l'enfant dans les premières années de vie, et au centre desquelles se trouve normalement la mère. Les différences observées dans le type de relation d'attachement qui s'établit entre la mère et son enfant ne sont pas d'ordres quantitatives, ce qui implique que nous ne pouvons pas prétexter qu'un enfant est « légèrement » ou « fortement » attaché à sa mère (Ainsworth, Blehar, Waters, & Wall, 1978). En effet, l'attachement se développe autant à partir d'interactions avec des parents qui se trouvent à être insensibles à l'enfant ou à le maltraiter qu'avec des individus sensibles aux besoins de l'enfant (Main, 1995, 1996). Ces différents contextes auront par contre un impact majeur sur les représentations de soi et des figures d'attachement que développera et internalisera l'enfant ainsi que sur les stratégies comportementales et affectives particulières qu'il mettra en place afin de répondre à ses besoins de proximité.

Les manifestations comportementales de l'attachement sont observables dans plusieurs contextes autant chez l'adulte que chez l'enfant. Ces manifestations sont particulièrement évidentes avec de jeunes enfants, lorsque l'on observe l'intense

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préoccupation qu'ils entretiennent face aux figures parentales dans des contextes non familiers. Au cours de cette période, l'attachement se manifeste par une insistance à maintenir la proximité par rapport à une ou très peu de personnes choisies, par la tendance à utiliser ces individus comme une base sécuritaire permettant l'exploration de nouveaux environnements et par un retour rapide à ces individus sécurisants en temps de détresse (Main, 2000)

Mary Ainsworth élabora une procédure de laboratoire permettant d'observer les réponses de l'enfant lors de phases courtes et distinctes de séparation et de réunion avec la mère (Ainsworth et coll., 1978). Cette procédure est particulièrement simple et fut mise sur pied à l'intérieur d'une seule heure par Ainsworth et son équipe. Son efficacité est, par contre, incontestable et tient du fait que chacune des composantes de la situation devrait, par elle-même, suffire à activer le système d'attachement : (a) une étrangère s'approche de l'enfant (b) dans un contexte non familier, ce qui provoque peu de temps après (c) le départ de la mère. L'analyse des réactions de l'enfant lors de la procédure, et particulièrement lors des deux phases de séparation et de réunion avec la mère, permis d'identifier trois types distincts d'organisation des comportements d'attachement de l'enfant au parent, soient les organisations sécurisée, évitante et anxieuse-ambivalente.

Organisation sécurisée (groupe B). Les enfants montrant des signes d'inconfort suite au départ de la mère, accueillant avec enthousiasme son retour et retournant jouer lorsque rassurés sont identifiés comme étant « sécurisés » puisqu'ils utilisent la mère comme une base rassurante et sécuritaire qui leur permet d'explorer avec confiance des environnements peu familiers (Main, 1996, 2000). Les comportements d'attachement sécurisé tels que perçus lors de la situation étrangère se sont avérés être reliés à un vaste ensemble d'issues positives (Ainsworth et coll., 1978; Richters & Waters, 1991). Lors d'observations en milieu familial, ces enfants montrent peu d'anxiété et ne sont pas enclins à pleurer lorsque leur mère se déplace d'une pièce à une autre (Ainsworth et coll., 1978). À l'âge scolaire, ces enfants entretiennent des relations positives avec leurs pairs, sont identifiés comme s'adaptant facilement à différents contextes et comme étant compétents socialement par leurs professeurs, sont portés à se comporter en chef et sont peu enclins à victimiser les autres enfants ou à se trouver victime des autres (Troy & Sroufe, 1987;

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Weinfield, Sroufe, Egeland, & Carlson, 1999). Lorsque ces enfants se font demander de dessiner leur famille, leurs dessins sont réalistes et correspondent au niveau d'habileté attendu chez ces enfants (Main, 2000).

Organisation évitante (groupe A). Les enfants identifiés comme évitants ont tendance, lors de la situation étrangère, à se concentrer sur les jouets, à ne pas montrer d'inconfort marqué lors des séparations et à ignorer ou éviter activement la mère lors des phases de réunion (Main, 1996, 2000). Quoique non apparent, ces enfants vivent de la détresse au même titre que les enfants sécurisés ou ambivalents, ce que démontrent des données physiologiques prises lors de situations étrangères (Sroufe & Waters, 1977; Spangler & Grossman, 1993). L'évitement peut alors être vu comme une défense contre l'anxiété et la rage, ces enfants réprimant toute expression de vulnérabilité et de dépendance. À l'âge scolaire, les enfants identifiés comme évitants lors de la situation étrangère sont reconnus comme agaçant et victimisant les autres enfants et ont plus tendance à être rejetés ou mis de côté par leurs professeurs (Troy & Sroufe, 1987). Leurs dessins représentant leur famille ont été dépeints comme démontrant une certaine invulnérabilité, étant fréquemment caractérisés par des personnages flottant dans l'air, largement séparés les uns des autres, peu différenciés, et affichant des sourires stéréotypés (Main, 2000).

Organisation anxieuse-ambivalente (groupe C). Les enfants identifiés comme étant résistants-préoccupés ou ambivalents dans leur relation d'attachement au parent se montrent préoccupés par le parent lors de la procédure, sont en colère ou agressifs envers la figure d'attachement, alternent entre des tentatives d'approche et d'éloignement, ne se montrent pas rassurés lors des réunions et ne sont pas en mesure de retourner jouer suite à celles-ci (Main, 1996, 2000). Contrairement aux enfants évitants qui tentent de réprimer tout affect de vulnérabilité ou de dépendance, les enfants préoccupés semblent être submergés par ces affects et démontrent une intense préoccupation par rapport à leur relation avec la figure d'attachement. À l'âge préscolaire, ces enfants ont tendance à être surprotégés par les éducateurs, ne se montrent pas autonomes et sont traités comme s'ils étaient plus jeunes qu'ils le sont en réalité (Sroufe & Fleeson, 1986). Face à leurs pairs, ils sont portés à être victimises. Leurs dessins de leur famille sont qualifiés comme « vulnérables » montrant des personnages beaucoup trop petits ou, au contraire, beaucoup

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trop gros. Les caractéristiques rassurantes ou vulnérables du corps des personnages sont souvent mises de l'avant et exagérées (Kaplan & Main, 1986).

Ces trois types distincts d'attachement au parent sont reconnus comme étant organisés puisque, pour chacune des catégories, les comportements de l'enfant et le type d'attention dirigé envers chacun des stimuli (les jouets, l'étrangère et la mère) sont consistants et représentent des stratégies adaptatives particulières face à des situations stressantes (Main, 1995). Cependant, les chercheurs dans le domaine se sont rapidement aperçus qu'un nombre non négligeable de situations étrangères restait non classifiable, particulièrement parmi les populations d'enfants maltraités. Main et Solomon (1990), suite à l'observation et l'étude de 200 situations étrangères non classifiables, ont proposé l'existence d'une quatrième catégorie d'enfants qui se démarquent par des comportements anormaux et conflictuels en présence de la figure d'attachement. Ces enfants, au contraire de ceux discutés précédemment, ne semblent pas disposer d'une stratégie constante pour faire face aux événements stressants ainsi que pour gérer la proximité et la protection de la figure d'attachement. Cette quatrième catégorie, l'attachement désorganisé (groupe D), sera discutée plus en détail subséquemment puisque cette étude s'intéresse à des dyades mère-enfant dont les mères ont vécu des traumatismes lors de l'enfance, ce qui fut associé à la désorganisation de l'attachement chez l'enfant (van Uzendoorn, Schuengel, & Bakermans-Kranenburg, 1999).

L'attachement chez l'adulte : l'entrevue d'attachement adulte (AAI)

Jusqu'au milieu des années '80, les recherches sur l'attachement portèrent presque exclusivement sur les manifestations comportementales de l'attachement telles que perçues à l'aide de la situation étrangère. Lorsque l'on se penche sur les fondements de la théorie de l'attachement énoncée par Bowlby, il est postulé que le système comportemental d'attachement devient progressivement guidé par les modèles internes d'attachement de l'individu. Les modèles internes peuvent être définis comme un ensemble de règles conscientes ou inconscientes permettant l'organisation d'informations en lien avec l'attachement. Ces règles ont pour but de faciliter ou de limiter l'accès à de l'information traitant d'expériences relationnelles significatives et aux émotions et intentions leurs étant associées (Main, Kaplan, & Cassidy, 1985). Ainsi, en plus déjouer un rôle actif dans la

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mise en place des comportements, les modèles internes semblent aussi prodiguer des balises orientant l'organisation de l'attention et de la mémoire en facilitant ou en limitant l'accès de l'individu à certaines formes de connaissances sur soi, sur la figure d'attachement et sur la relation entre l'individu et la figure d'attachement (Main et coll., 1985). En effectuant un retour à ces propositions, Mary Main et ses collaborateurs marquèrent un autre tournant dans les recherches sur l'attachement en se détachant des manifestations comportementales de l'attachement pour s'intéresser particulièrement aux représentations mentales. Selon ces chercheurs, en questionnant des individus sur leurs expériences précoces d'attachement, les règles régissant leurs modèles internes devraient se manifester hors de leur conscience au travers de l'organisation de leur pensée et de leur discours, puisque cette organisation est liée directement et indirectement à l'attachement (Main et coll., 1985).

Le protocole d'entrevue d'attachement adulte (AAI : Adult Attachment Interview : George, Kaplan, & Main, 1996) fut conçu afin d'avoir accès aux modèles internes d'individus d'âge adulte. Globalement, les questions du AAI portent sur la relation qu'avait l'individu avec ses parents lors de l'enfance, sur des souvenirs d'épisodes relationnels spécifiques avec les figures parentales, sur les comportements de l'enfant et des parents lorsque l'enfant était en détresse (l'enfant était contrarié, malade ou blessé), sur la perception qu'a l'individu des comportements de ses parents, sur les expériences de deuil et d'abus ainsi que sur la relation actuelle aux parents. Main et ses collaborateurs (Main, Goldwyn, & Hesse, 2002) développèrent un manuel de cotation accompagnant l'entrevue du AAI. Selon ce manuel, l'intérêt du AAI ne réside pas dans l'accès aux expériences de vie de l'individu avec les figures parentales, le rapport rétrospectif de ces expériences n'étant pas présumé comme véridique. La cotation se fait plutôt à partir de l'analyse de la cohérence du discours des répondants et du type de violation de cohérence majoritairement observé dans l'entrevue.

L'analyse de la cohérence du discours de ces adultes lors de l'entrevue a permis d'identifier trois types particuliers d'organisation du discours qui correspondent aux trois types d'attachement préalablement identifiés à l'enfance avec la situation étrangère. De nombreuses études ont par la suite mis de l'avant la forte corrélation existant entre le type

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d'attachement identifié chez la mère au AAI et celui de son enfant âgé de un à deux ans lors de la situation étrangère (van Uzendoorn, 1995; Fonagy, Steele, & Steele, 1991; Benoit & Parker, 1994; Ward & Carlson, 1995). La situation étrangère s'est aussi avérée prédire les réponses au AAI chez les mêmes individus 16 à 20 ans plus tard (Hamilton, 2000). Le type d'organisation du discours au AAI semble également prédictif des relations de couple (Cohn, Cowan, Cowan, & Pearson, 1992). Malgré que le AAI fut conçu pour une population normale d'individus d'âge adulte, son utilité fut démontrée avec des adolescents (Ammaniti, van Uzendoorn, Speranza, & Tambelli, 2000) et des individus appartenant à des populations cliniques (Adam, Sheldon-Keller, & West, 1996; Allen, Hauser, & Borman-Spurrel, 1996; Slade, 1999; van Uzendoorn & Bakermans-Kranenburg, 1996).

Organisation sécurisée (groupe F). Globalement, les individus qualifiés comme « sécurisés » ou « autonomes » au AAI tendent à se montrer ouverts à explorer leurs pensées et sentiments au cours de l'entrevue. Ces sujets semblent conscients de la nature des expériences qu'ils ont vécues avec leurs parents et de l'impact qu'ont eu ces expériences sur leur personne (Main et coll., 2002).

Organisation évitante (groupe Ds). Les individus qualifiés comme « évitants » sont vus comme tentant de limiter ou de restreindre toute considération par rapport aux relations et aux expériences précoces d'attachement, ce qui se manifeste normalement par une exagération implicite sur leur indépendance et par une normalisation des comportements des figures parentales. La grande majorité des sujets évitants ont tendance à minimiser l'importance des relations d'attachement, tout en essayant de transmettre un portrait positif des figures parentales. Par exemple, ces sujets donnent fréquemment des adjectifs positifs pour décrire leur relation aux parents, mais échouent à donner des exemples supportant ces adjectifs. Lorsque des expériences négatives sont nommées, elles sont vues comme ayant peu ou pas d'impact sauf celui de les avoir rendus plus forts (Main et coll., 2002).

Organisation préoccupée (groupe E). Les participants qualifiés comme « préoccupés » au AAI se montrent normalement tourmentés par leurs expériences précoces d'attachement au point où cela interfère avec le soutien de la collaboration avec l'interviewer au cours de l'entrevue. Ceci se manifeste entre autres par de la confusion, des propos hors sujets et des tours de conversation exagérément longs. Ces sujets se montrent

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normalement soit passifs ou en colère dans la discussion des figures d'attachement (Main et coll., 2002)

La désorganisation de l'attachement

La désorganisation chez l'enfant (groupe D). L'intérêt actuel pour la désorganisation de l'attachement chez l'adulte et chez l'enfant prend racine dans l'observation de comportements anormaux et conflictuels qu'avaient certains enfants en présence de la figure d'attachement lors de la situation étrangère. Main et Solomon (1986) ont choisi le terme désorganisé/désorienté pour décrire l'ensemble de ces comportements de nature apeurée, bizarre, désorganisée et conflictuelle. Les enfants qui se voient assignés à la catégorie D présentent lors de la situation étrangère des séquences de comportements telles que (1) l'enchevêtrement de comportements contradictoires (e.g., un comportement d'attachement très prononcé soudainement suivi d'un comportement d'évitement, de confusion ou d'immobilité marquée); (2) l'exhibition simultanée de comportements contradictoires (e.g., un évitement très prononcé accompagné d'une grande recherche de contact, de détresse ou de colère); (3) des mouvements et des expressions non ou mal dirigés, incomplets et interrompus (e.g., expression de détresse marquée accompagnée d'un mouvement de recul plutôt que d'approche envers la mère); (4) des mouvements stéréotypés et asymétriques, des mouvements mal calculés ou des postures anormales (e.g., trébucher à plusieurs reprises sans raison apparente et uniquement lorsque le parent est présent); (5) une immobilité marquée ou des mouvements ralentis comme si l'enfant se trouvait sous l'eau, lorsqu'en présence du parent; (6) une appréhension évidente face au parent (e.g., avoir les épaules voûtées ou des expressions faciales de peur); et (7) des indices directs de désorganisation et de désorientation tels que se promener de façon désorientée autour de la pièce, des expressions de confusion ou des changements rapides dans les affects (Lyons-Ruth & Jacobvitz, 1999).

L'attachement désorganisé est normalement retrouvé chez 15% des enfants provenant d'échantillons non cliniques de classe moyenne et chez 25 % des échantillons ayant un statut socio-économique faible (van Ujzendoorn, Schuengel, & Bakermans-Kranenburg, 1999). La même étude montre que la désorganisation de l'attachement est significativement stable sur une période allant de un à 60 mois. L'attachement désorganisé

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a été associé à une plus grande production de Cortisol que chez les enfants sécurisés, lorsqu'évaluée trente minutes après la situation étrangère, alors que le niveau n'était pas différent avant la situation stressante, ce qui suggère que le comportement de ces enfants reflète une absence de stratégie efficace pour faire face au stress. L'attachement désorganisé s'est avéré lié au développement intellectuel, moteur et cognitif (Lyons-Ruth, Repacholi, McLeod, & Silva, 1991) et plus de 50% des enfants étant identifiés comme ayant un attachement désorganisé entre 12 et 18 mois développent une psychopathologie à l'enfance (Green & Goldwyn, 2002).

L'abus et le deuil non résolus chez l'adulte. Une catégorie d'attachement correspondant à l'attachement désorganisé chez l'enfant a aussi été proposée chez les adultes par le biais du AAI. Selon Main et Hesse (1990), la perte d'une figure importante ou l'expérience de traumatismes liés à des situations d'abus peuvent amener l'individu à être aux prises avec des états d'esprit non intégrés se manifestant par des échecs dans le raisonnement et dans le discours de l'individu lors du AAI. Ces indices, lorsque présents en quantité ou en degré d'importance suffisant, amènent à une classification non résolue/désorganisée/désorientée (catégorie U). Ainsi, deux types de situations bien précises peuvent provoquer un attachement non résolu selon les critères du AAI : le deuil d'une figure significative ou des traumatismes liés à des situations d'abus physique ou sexuel.

La désorganisation de l'attachement suite à une perte (U perte). L'idée que le système comportemental d'attachement est continuellement actif amène la supposition que la perte d'une figure d'attachement, spécialement au cours d'une période de dépendance vitale, représente une expérience inhérente de désorganisation et de désorientation (Bowlby, 1969, 1980). Tant et aussi longtemps que les figures d'attachement sont en vie, les comportements, sentiments et pensées d'un individu sont organisés et orientés en référence à ces dernières. L'accessibilité probable de ces figures d'attachement serait évaluée par le système comportemental d'attachement qui est continuellement orienté vers leur emplacement réel ainsi que vers le degré et le type de réponses attendus. La perte d'une personne importante est ainsi nécessairement désorganisante. Dans le cas d'un deuil approprié, l'individu fait un effort fructueux pour accepter autant cette perte comme un

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changement s'étant produit dans la réalité externe que comme une expérience qui requiert qu'il effectue les changements correspondants dans son monde interne, voir dans ses représentations (Bowlby, 1980). En conséquence, il réorganise et réoriente son système comportemental d'attachement.

Il existe plusieurs autres possibilités à ce type de deuil satisfaisant. Par exemple, dénier l'importance ou l'impact d'un deuil ou ressentir encore fréquemment de la tristesse ou de la détresse par rapport à un décès s'étant produit il y a longtemps peuvent être considérés par plusieurs cliniciens comme reflétant un deuil non résolu. Ces types de réponse sont des stratégies de régulation des affects bien particulières qui n'apparaissent pas avoir un impact sur l'organisation du discours de l'individu. Contrairement, dans le cas d'une désorganisation/désorientation du système d'attachement, l'individu montre un échec marqué dans la régulation du raisonnement lorsqu'il discute de la perte. Ces échecs de raisonnement chez des mères ayant vécu des deuils importants ont été associés à la désorganisation de l'attachement chez leur enfant.

Jusqu'à présent, trois types d'indices de désorganisation/désorientation face à une perte par décès ont été identifiés à partir du AAI. Ces indices sont normalement brefs et isolés et sont fréquemment retrouvés au sein d'entrevues bien organisées, outre ces segments (Hesse & Main, 1999).

Ces indices peuvent être observés par le biais d'échecs dans la régulation du raisonnement, tels que

■ une indication de ne pas croire que la personne est morte;

■ l'impression d'être la cause du décès sans qu'aucune cause matérielle ne soit présente;

■ l'indication de confusion entre la personne morte et soi; ■ une désorientation par rapport au temps;

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■ des phrases psychologiquement confuses.

Les échecs dans la régulation du discours sont également des indices importants d'un deuil non résolu. Ces échecs dans le discours se manifestent par

une attention non habituelle aux détails;

des phrases poétiques à caractère « mémorisé »; des silences prolongés;

des phrases non complétées;

un changement de sujet soudain ou une façon anormale de quitter le sujet; ou l'invasion d'informations concernant un décès à l'intérieur d'un autre sujet Finalement le rapport de réactions comportementales extrêmes, considérées comme des échecs dans la régulation des comportements, est également retenu comme un indice d'un deuil non résolu. Ces indices prennent la forme

■ d'une redirection de la détresse au cours du deuil (e.g., mécanisme de déplacement tel que s'effondrer face au deuil d'une connaissance alors que l'individu n'a pas réagit au décès d'une figure d'attachement); ou

■ d'une réponse extrême au cours du deuil (e.g., tentatives de suicide)

La désorganisation de l'attachement suite à un abus (U abus). Comme c'est le cas par rapport à des expériences de deuil, trois façons principales de répondre à un événement traumatique ont été identifiées à partir du AAI : la résolution, le déni ou la désorganisation. Pour l'instant, il n'existe pas d'échelle pour identifier la résolution et le déni de l'abus à partir du AAI mais certains critères généraux ont été énoncés. Il est considéré que l'événement traumatique est dénié lorsque (a) l'importance de l'abus n'est pas reconnue par le sujet; (b) le sujet voit l'abus comme la chose adéquate à faire par le parent ou comme l'ayant endurci et lui ayant profité ou (c) le sujet désavoue l'expérience, suggérant que cela était vu comme abusif par d'autres personnes, mais que pour lui, les comportements

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n'étaient pas abusifs. Un abus est reconnu comme résolu lorsque (a) le sujet reconnaît l'expérience et ses effets; (b) l'expérience est racontée avec émotion ou sinon, les affects sont moins perceptibles puisque l'expérience a été résolue depuis longtemps; (c) le sujet reconnaît clairement qu'un enfant ne mérite jamais d'abus; (d) le sujet reconnaît que certaines choses qu'il a faites ont pu contribuer à l'occurrence de l'abus, mais jamais son discours ne laisse sous-entendre qu'il méritait l'abus ou que son comportement explique l'abus; (e) le sujet cherche à comprendre pourquoi l'incident s'est produit et peut essayer de faire des tentatives pour pardonner ou comprendre le parent.

Comme pour la désorganisation de l'attachement suite à une perte non résolue, la désorganisation suite à un abus non résolu est reconnue lorsque des erreurs dans le raisonnement ou dans le discours du sujet sont identifiées. Seulement les passages où l'abus est discuté peuvent être considérés pour la cotation de la désorganisation. Que le comportement du parent soit considéré comme abusif ou non par le participant, la situation discutée peut être retenue pour la cotation comme correspondant à une expérience d'abus si elle satisfait les critères spécifiques décrits dans le manuel de cotation (Main et coll., 2002).

Lorsque l'occurrence d'un événement traumatique a été identifiée, le coteur se doit d'être attentif aux différentes indications d'une réponse non résolue face à l'abus. Les critères pour coter l'attachement désorganisé suite à un abus non résolu incluent les mêmes critères que ceux pour la désorganisation suite à un deuil non résolu ainsi que cinq autres critères spécifiques, soient

■ le déni infructueux de l'occurrence, de la nature ou de l'intensité de l'expérience abusive;

■ le sentiment d'avoir été la cause de l'abus et de l'avoir mérité d'une certaine façon; ■ des phrases confuses psychologiquement;

■ un discours désorienté qui se manifeste par:

o un changement dans le discours qui le rend soudainement incohérent; o l'apparition d'associations bizarres;

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o une incapacité soudaine de finir ses phrases; o une façon nouvelle et inappropriée de parler;

o un changement de sujet accompagné d'une confusion apparente ou d'une impression de désorientation;

o l'utilisation de mots ou de phrases qui remplacent l'abus et qui sont utilisés de façon bizarre, comme si l'individu personnifiait l'abus (e.g.,: "et c'est à ce moment que le châtiment est venu");

o l'intrusion d'images visuosensorielles reliées à l'expérience; ou ■ une peur d'être possédé par la figure abusive.

Pour l'instant, les abus extrafamiliaux ne sont pas explicités dans cette échelle, mais il semble tout de même possible d'appliquer les mêmes principes de cotation (Main et coll., 2002).

L'attachement non résolu et la catégorie non classifiable (CC). Les études traitant de la transmission de la désorganisation de la mère à l'enfant ont souvent inclus dans leurs échantillons de mères désorganisées celles se voyant attribuer la catégorie « non classifiable » (CC). La catégorie CC englobe les AAIs qui ne peuvent se voir attribuer une catégorie organisée ou pour lesquels aucune catégorie n'est prédominante. L'inclusion des sujets CC dans le groupe U provient du fait que les deux catégories semblent avoir une étiologie et des conséquences communes (Bakermans-Kranenburg & van Uzendoorn, 2009) et de la démonstration que, même en l'absence d'une classification U, l'attribution de la mère à la catégorie CC est souvent associée à la désorganisation de son enfant ou à un enfant aussi non classifiable lors de la situation étrangère (Main & Hesse, 1990). Le taux d'attribution à la catégorie CC est plutôt marginal dans des échantillons normaux, mais peut représenter le tiers de l'échantillon chez des mères ayant été victimes d'abus sexuel (Stalker & Davies, 1995). Cette catégorie est normalement assignée (a) lorsque le sujet change de catégorie d'une manière marquante à un certain point dans le discours, comme s'il avait complètement changé d'état d'esprit; ou (b) lorsque le sujet présente différents

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états d'esprit en discutant de la même ou de différentes personnes. La classification CC est toujours en développement et certains critères ont récemment émergés. Entre autres, la catégorie CC peut également être attribuée lorsque (c) le discours de l'individu est caractérisé par peu de cohérence, mais en l'absence de scores élevés pour les états d'esprit insécurisés. Ainsi, comparativement aux individus désorganisés qui montrent un effondrement de leur stratégie en discutant d'un certain sujet, ces sujets CC montrent un effondrement de leur stratégie du point de vue global. Les individus (d) refusant de parler tout au long de l'entrevue; (e) ceux faisant référence à des événements effrayants non introduits précédemment, de façon inappropriée et répétée, en réponse à des questions regardant d'autres sujets; ainsi que ceux (f) montrant un mélange de stratégies sécurisées et insécurisées, sont aussi attribués à cette catégorie.

La transmission de l'attachement

Les comportements et la sensibilité maternelle

De nombreuses études ont mis en évidence la forte association existant entre les représentations qu'a un parent de ses relations d'attachement, telles que perçues à partir du AAI, et le style d'attachement de son enfant tel qu'évalué lors de la situation étrangère (Ainsworth & Eichberg, 1991; Benoit & Parker, 1994; Fonagy et coll., 1991; Main et coll.,

1985; Ward & Carlson, 1995). La méta-analyse réalisée par van Uzendoorn (1995) a confirmé cette forte association en montrant que 82 % des adultes qualifiés comme ayant un attachement sécurisé au AAI montrent une relation d'attachement sécurisé avec leur enfant lors de la situation étrangère, 65 % des parents qualifiés d'évitant se retrouvent aussi dans ce type de relation avec leur enfant et 35 % des parents qualifiés comme étant préoccupés ont un enfant identifié comme ambivalent à la situation étrangère.

Il est postulé que, puisqu'un enfant n'a pas directement accès aux cognitions de ses parents, le lien entre les représentations mentales d'un parent et le style d'attachement que développe son enfant prend racine dans leurs interactions (Pederson, Gleason, Moran, & Bento, 1998). Les travaux d'Ainsworth sur le développement de la sécurité de l'attachement (Ainsworth et coll., 1978) ont pavé la voie des recherches au cours des

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dernières décennies en montrant une forte association entre les comportements de la mère et le type d'attachement de l'enfant tel qu'identifié lors de la situation étrangère. La disposition de la mère à répondre de manière sensible aux signaux de son enfant a été identifiée par Ainsworth sous le terme de la sensibilité maternelle. Il est généralement admis que les mères ayant un attachement sécurisé sont en mesure de répondre aux besoins de confort et de proximité de leur enfant de façon sensible et contingente, alors que les mères qualifiées comme insécurisées sont portées à rejeter, exagérer ou échouer à réguler les besoins de proximité de leur enfant (van Uzendoorn, 1995). Ces types de comportements maternels sont alors vus comme prédisant, en retour, le type d'attachement de l'enfant. Il est ainsi présumé depuis des années que les représentations qu'ont les parents de leurs expériences d'attachement passées et actuelles affectent le degré de sensibilité avec lequel ils répondent aux signaux d'attachement de leur enfant (Main et coll., 1985). De nombreuses études ont depuis supporté l'association entre la sensibilité maternelle et le type d'attachement de l'enfant (Isabella, 1993; Smith & Pederson, 1988; Susman-Stillman, Kalkose, Egeland, & Waldman, 1996).

La transmission de l'attachement désorganisé

Les comportements apeurants, apeurés et les comportements désorganisés. De nombreuses associations ont été établies entre les réponses des parents au AAI et l'attachement désorganisé chez l'enfant (van Uzendoorn et coll., 1999). La méta-analyse de van Uzendoorn (1995) rapporte que pour 5 3 % des enfants désorganisés à la situation étrangère, le parent était aussi classifié U au AAI. Main et Hesse (1990) proposèrent que la désorganisation de l'attachement se développe lorsque l'enfant est émotionnellement et physiquement dépendant d'un individu qui se trouve à être aussi une source de peur. Ainsi, la figure d'attachement est à la fois source d'attaques et de réconfort. Dans des situations de stress, ce dilemme paradoxal résulte chez l'enfant en un échec des stratégies d'adaptation attentionnelles et comportementales ce qui serait observé, au cours de la situation étrangère, par le biais de comportements bizarres et conflictuels. Selon Main et Hesse (1990), les parents n'ayant pas réussi à intégrer psychologiquement ou à résoudre leurs expériences de deuil ou d'abus seraient aux prises avec des affects de peur engendrés par des émotions et des cognitions associées aux événements traumatiques. Cette peur se manifesterait par des

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comportements apeurants ou apeurés suite à l'intrusion de souvenirs alarmants ou suite à des événements se produisant dans leurs interactions avec leur enfant. Sur la base de ce modèle théorique, Main et Hesse développèrent un système de cotation permettant d'identifier et de mesurer les comportements apeurants ou apeurés de la mère lors de séances d'interactions avec son enfant (Main & Hesse, 1992, 1998). Plusieurs recherches subséquentes ont fourni des appuis à ce modèle en montrant une forte association entre les comportements apeurants ou apeurés de la mère et la désorganisation de l'attachement chez l'enfant (Schuengel, Bakermans-Kranenburg, & van Uzendoorn, 1999) ainsi qu'en montrant que les mères qualifiées comme non résolues au AAI exhibent plus de comportements apeurants ou apeurés que les mères non U (Abrams, Rifkin, & Hesse, 2006; Jacobvitz, Leon, & Hazan, 2006). Il semble aussi que les parents d'enfants ayant un attachement non classifiable exhibent des comportements apeurants ou apeurés dans les interactions avec leur enfant (Abrams, 2000).

Lyons-Ruth et ses collaborateurs élargirent le système de cotation de Main et Hesse en postulant que les mères provoquant à répétition des affects de peur chez leur enfant, en raison de leurs expériences traumatiques non résolues, sont aussi incapables de répondre adéquatement aux signaux de leur enfant. Ces chercheurs développèrent l'AMBIANCE (Atypical Maternal Behavior Instrument for Assessment and Classification : Bronfman, Parsons, & Lyons-Ruth, 1992, 2004), un instrument incluant, en plus de plusieurs des critères préalablement proposés par Main et Hesse, des critères reflétant l'incapacité de la mère à adapter son comportement aux besoins de son enfant et sa tendance à exhiber des comportements très insensibles à l'égard de son enfant. Une association robuste a été démontrée entre les comportements désorganisés des mères tels que mesurés à partir du AMBIANCE et la désorganisation de l'attachement à l'enfance lors de la situation étrangère (Madigan, Moran, & Pederson, 2006). Les mères qualifiées U au AAI montrent aussi plus d'interactions désorganisées avec leur enfant que les mères non U et des analyses de régressions suggèrent que ces comportements désorganisés ont un rôle médiateur dans la transmission de la désorganisation de l'attachement (Madigan et coll., 2006).

Problèmes avec le concept de désorganisation. Selon l'hypothèse suggérée par la théorie de la désorganisation de l'attachement à l'âge adulte (Main & Hesse, 1990), les

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populations cliniques ayant des taux élevés d'expériences de deuils durant l'enfance ou d'expériences traumatiques devraient montrer des taux élevés de classification U au AAI. Ces prédictions se sont montrées justes dans certaines études (Allen et coll., 1996; Patrick, Hobson, Castle, Howard, & Maughan, 1994), mais moins juste dans d'autres. Entre autres, que peu d'hommes violents face à leur conjointe ont été classifies U et seulement 33 % ont été classifies CC (Holtzworth-Munroe, Stuart, & Hutchinson, 1997). Seulement 53 % des criminels ayant des troubles de personnalité ont été classifies U ou CC (van Uzendoorn, et coll., 1997). Finalement, 36% des mères suivies par la Direction de la Protection de la Jeunesse de Québec pour de la négligence parentale ont été classifiées U malgré leur négligence chronique et leurs histoires d'abus, de dépression et d'abus de substance (Ethier, Lacharite, & St-Laurent, 2002). D'une perspective clinique, ces taux sont étonnamment bas étant donné les difficultés que ces populations expérimentent dans leur fonctionnement relationnel de tous les jours.

Un certain nombre d'études ont montré une relation entre la catégorie U au AAI et la désorganisation de l'enfant (van Uzendoorn et coll., 1999). Cependant, la plupart de ces études ont utilisé des échantillons à faible risque. La corrélation entre les catégories U et D (r = .31) est intéressante, mais reste tout de même la plus faible des corrélations entre les catégories concordantes du AAI et de la situation étrangère (van Uzendoorn, 1995). La méta-analyse de van Uzendoorn (1995) a montré que pour 53 % des enfants classifies désorganisés, les parents sont aussi identifiés U au AAI. Ce résultat nous indique qu'un lien important existe entre ces deux construits. Par contre, ce pourcentage nous informe également que nous n'avons actuellement aucune compréhension empirique et théorique du développement de l'attachement désorganisé pour près de la moitié des enfants appartenant à cette catégorie.

Il est envisageable que des facteurs méthodologiques reliés au système de cotation du AAI expliquent ces états de fait, le AAI sous-estimant possiblement le nombre d'individus désorganisés. À cet effet, l'un des problèmes méthodologiques centraux vient du fait que la catégorie U ne peut être cotée que si le sujet parle d'abus ou de deuil. La catégorie U est ainsi une catégorie qualitativement différente des autres puisque la désorganisation/désorientation n'est considérée que survenant dans des moments bien

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circonscrits et n'affectant pas les processus mentaux autres parts, comparativement aux autres stratégies qui sont prépondérantes tout au long de l'entrevue.

Notre compréhension actuelle de la désorganisation à l'enfance et à l'âge adulte amène aussi un problème théorique. Ce problème tient du fait que la désorganisation adulte a une étiologie différente de la désorganisation chez l'enfant. Tel que discuté précédemment, la compréhension théorique actuelle de la désorganisation à l'enfance suppose que l'enfant en vient à développer un attachement désorganisé en étant exposé, au cours des interactions avec son parent, à des affects de peur envahissants. Chez les adultes, la désorganisation de l'attachement se produit bien plus tard que la première année de vie, par les suites d'une histoire de deuil ou d'abus qu'ils n'ont pas réussi à résoudre. Ainsi, à moins qu'un enfant ayant un style d'attachement désorganisé ne soit exposé à une perte ou un abus important au cours des années suivantes, cet enfant ne pourra être classifié U au AAI lorsqu'il aura atteint l'âge adulte. Le fait de proposer deux etiologies différentes à la désorganisation, en fonction du moment de la vie au cours duquel elle est évaluée, suppose ainsi que la désorganisation de l'attachement ne perdure pas jusqu'à l'âge adulte. Cependant, il existe des évidences que la désorganisation de l'attachement chez l'enfant, telle que perçue lors de la situation étrangère, perdure par le biais d'états mentaux non intégrés, même en l'absence d'incidents tels que des abus ou des deuils (Ogawa, Sroufe, Weinfield, Carlson, & Egeland, 1997). Certaines études (Main et coll., 1985; Warmer, Grossman, Fremmer-Bombik, & Suess, 1994) ont montré que la désorganisation à l'enfance prédit les comportements d'attachement au moins jusqu'à 6 ans en l'absence de perte ou d'abus, dans des échantillons à faible risque. Il semble donc que la théorie de l'attachement soit aux prises avec un vide théorique et empirique en ce qui a trait à la transmission et au développement de l'attachement désorganisé, ce à quoi Lyons-Ruth réfère en tant que « blocage dans la transmission de l'attachement » (Lyons-Ruth, Yellin, Melnick, & Atwood, 2005).

Pour contrecarrer la contrainte méthodologique de l'impossibilité d'évaluer des stratégies désorganisées/désorientées à l'adolescence et à l'âge adulte en l'absence d'abus ou de pertes, Hesse (1999) propose que ces stratégies doivent normalement être saisies par la classification CC. Cependant, dû à la rareté de ces protocoles, il n'existe actuellement

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aucune donnée fiable quant à la fidélité de cette classification et peu de données valides permettent actuellement d'associer ces caractéristiques adultes à des mécanismes développementaux de l'attachement désorganisé. Ainsi, plus de recherches sont nécessaires afin d'identifier des indices d'états mentaux atypiques lors du AAI qui pourraient prédire la désorganisation de l'attachement, indépendamment d'une histoire d'abus ou de perte.

Il est important de noter que, jusqu'à maintenant, la plupart des études ayant associé la catégorie U à la classification D ont été menées à partir d'individus désorganisés par rapport à une perte puisque peu d'études ont inclus suffisamment de participants désorganisés par rapport à un abus pour s'attarder spécifiquement au discours parental à propos de l'abus et à sa relation avec l'attachement D chez l'enfant. Dans la majorité des recherches actuelles sur l'abus et les traumas, la symptomatologie liée aux impacts d'un trauma a majoritairement été considérée en dehors du contexte d'attachement, qui en soit, affecte grandement 1'affect de peur et les conséquences associées à l'événement. Il a été proposé qu'un abus physique ou sexuel intrafamilial inclus deux procédés distincts : (a) l'expérience d'une situation menaçante physiquement et (b) une brisure de la fonction protectrice des figures d'attachement. Ces deux procédés n'ont pas toujours été bien distingués dans la conceptualisation du contexte étiologique des symptômes liés à un trauma. Par exemple, la dissociation a longtemps été associée à la sévérité de l'événement traumatique alors que l'on s'est récemment aperçu qu'elle est mieux expliquée par la réponse parentale suite à l'événement (Ogawa et coll., 1997). De plus, les traumas ont toujours été définis d'un point de vue adulte alors que, comme Bowlby l'a proposé dans ses travaux (Bowlby, 1973), l'expérience traumatique chez l'enfant (l'expérience d'une menace physique pour l'intégrité de soi) est fonction de la disponibilité d'une figure protectrice familière, et non d'un danger physique objectif tel que défini par les adultes. Ainsi, la symptomatologie associée aux traumas risque d'être beaucoup plus influencée par le manque de réponse des figures d'attachement, de 0 à 6 ans, pour ensuite être graduellement davantage influencée par les critères adultes d'une menace physique. Peu importe la symptomatologie, il est jusqu'à présent pratiquement impossible de définir ce qui découle du contexte d'interaction familial dans lequel les abus ont lieu de ce qui découle de l'événement abusif en tant que tel. Les modèles animaux, la neuroscience adulte et les études développementales suggèrent que l'attachement D semble être lié davantage

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aux réponses des figures protectrices qu'aux comportements abusifs seuls. Les études sur l'attachement à l'enfance ont montré un lien clair entre des comportements hostiles ou un manque de disponibilité des figures d'attachement et les comportements désorganisés chez l'enfant (Goldberg, Benoit, Blokland, & Madigan, 2003). Ainsi, il est attendu que des réponses hostiles, conflictuelles ou non protectrices des figures d'attachement devraient aussi être associées à des états mentaux atypiques au AAI, en l'absence d'événement abusif ou de perte. En prenant en compte ces considérations, il est questionnable de coter l'attachement désorganisé (U) qu'en réponse aux questions traitant de l'abus et non en fonction du discours de l'individu en ce qui a trait à sa relation avec ses parents.

Le vide théorique dans la transmission de l'attachement

Actuellement, plusieurs chercheurs continuent d'affirmer les propositions originales de Bowlby (1969) comme quoi la sensibilité maternelle est un antécédent crucial au développement de la sécurité de l'attachement. Cependant, de plus en plus de données de recherche remettent en question le rôle de la sensibilité maternelle dans la transmission de l'attachement. Tout d'abord, la très forte association retrouvée dans l'étude originale d'Ainsworth (Ainsworth et coll., 1978) n'a que très rarement été reproduite et la plupart des études confirmant cette association ont mis de l'avant un lien beaucoup plus faible qu'attendu entre la sensibilité maternelle et la sécurité de l'attachement chez l'enfant, suggérant ainsi une relation beaucoup moins importante entre ces deux construits que ce qui était présumé.

La méta-analyse de van Uzendoorn (1995) examinant l'association empirique entre le type d'attachement des mères, la sensibilité maternelle et la sécurité de l'attachement à l'enfance, a démontré que, malgré que la sensibilité maternelle semble avoir un rôle médiateur significatif, uniquement 23 % de l'association entre l'attachement de la mère et la sécurité de l'attachement de l'enfant est expliquée par la sensibilité maternelle, ce à quoi van Uzendoorn réfère en tant que « vide théorique dans la transmission de l'attachement ». De plus, une récente étude effectuée à partir de deux larges échantillons (Atkinson, et coll., 2005) tend à affirmer que la sensibilité maternelle ne peut être vue comme une variable médiatrice dans la transmission de l'attachement de la mère à l'enfant, l'effet se montrant non significatif, même lorsque les mesures de sensibilité les plus enclines à engendrer des

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résultats sont utilisées. Ces résultats avaient précédemment été obtenus à partir de trois autres échantillons (Grossman, Fremmer-Bombik, Rudolph, & Grossman, 1988; van Uzendoorn, Bakermans-Kranenburg, Zwart-Woudstra, & van Busschbach, 1991; Ward & Carlson, 1995). Ainsi, il semble que le mécanisme de transmission de l'attachement de la mère à l'enfant demeure largement incompris.

Tarabulsy et ses collaborateurs (2005) suggèrent qu'il est essentiel de s'attarder au contexte écologique global afin de mieux cerner les processus à l'œuvre dans la transmission de l'attachement. Ces chercheurs ont notamment démontré, à partir d'un échantillon de mères adolescentes, que pour avoir un portrait adéquat du rôle médiateur de la sensibilité maternelle sur l'attachement de l'enfant, il est indispensable de considérer des facteurs propres à l'environnement de ces familles. Dans le même ordre d'idée, alors que le genre de l'enfant n'est normalement pas associé au développement de la relation d'attachement (van Uzendoorn et coll., 1999), il semble qu'il en est autrement chez des échantillons à risque. En effet, la brève littérature sur le sujet suggère que les garçons sont plus affectés que les filles par des comportements extrêmement insensibles de la mère (Out, Bakermans, & van Uzendoorn, 2009) et qu'ils sont plus enclins à développer un attachement insécurisé ou désorganisé en présence de comportements parentaux inadéquats ou abusifs (Carlson, Cicchetti, Barnett, & Braunwald, 1989; David & Lyons-Ruth, 2005; Lyons-Ruth, Bronfman, & Parsons, 1999). Ainsi, de récents travaux de recherche suggèrent de nouvelles avenues d'investigations susceptibles d'améliorer notre compréhension de la transmission de l'attachement de la mère à l'enfant, dont la prise en compte des variables contextuelles. Au cours des dernières années, un intérêt grandissant a également été accordé au concept de fonctionnement réflexif qui pourrait s'avérer jouer un rôle important dans la transmission de l'attachement.

Le fonctionnement réflexif

Définition du fonctionnement réflexif

Le fonctionnement réflexif (FR) est un concept provenant de la théorie de l'esprit et se situant à l'intersection de la théorie de l'attachement, des théories psychanalytiques et

Figure

Figure 1. Frequency of organized and disorganized mother-infant attachment  classification according to mothers' reflective functioning in regard to trauma

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