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La prévention de la violence dans les fréquentations amoureuses au Cégep : bases théoriques d'un programme et étude de besoins réalisée auprès de jeunes collégiens

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Texte intégral

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VALÉRIE PERRAULT

/Zf/

LA PRÉVENTION DE LA VIOLENCE DANS LES FRÉQUENTATIONS AMOUREUSES AU CÉGEP : BASES THÉORIQUES D'UN PROGRAMME ET ÉTUDE DE BESOINS RÉALISÉE AUPRÈS DE JEUNES COLLÉGIENS

Mémoire présenté à la

Faculté des études supérieures de !’Université Laval Pour l’obtention du grade de Maître en Psychologie (M.Ps.)

École de psychologie

FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES UNIVERSITÉ LAVAL

FÉVRIER 2001

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Cette étude a pour but d’établir les fondements théoriques d’un programme de prévention de la violence dans les fréquentations amoureuses au cégep ainsi que de réaliser une étude de besoins auprès de collégiens. À partir d’une recension d’écrits, un programme basé sur le pouvoir d’agir est proposé. Les besoins des cégépiens sont sondés à partir d’une étude qualitative par « focus groups » à laquelle participent 23 étudiants et étudiantes âgés de 17 à 22 ans. L’analyse des propos tenus dans les « focus groups » permet d’identifier les informations que devrait véhiculer un programme de prévention de la violence dans les fréquentations amoureuses au cégep, de connaître la forme que celui-ci devrait prendre et de rendre compte des préférences des jeunes concernant les modalités d’application de ces activités préventives. Un retour sur les propos des étudiants dégage les aspects sur lesquels d’éventuels concepteurs devront s’appuyer de même que les défis qu’ils auront à relever.

Francine Lavoie Valérie Perrault

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Plusieurs personnes significatives m’ont soutenue et encouragée tout au long de la réalisation de cette recherche.

Je ne saurais comment exprimer toute ma reconnaissance à ma directrice de mémoire, Francine Lavoie. Elle a su croire en moi et m’a poussée à me dépasser tout au long de l’exécution de ce travail. Par son encadrement habile et son ouverture d’esprit, elle a continuellement stimulé ma créativité. Je tiens à la remercier pour sa disponibilité et pour m’avoir permis de m’ouvrir au monde fascinant de la prévention et de la violence dans le couple.

Je ne peux manquer de dire à mes proches à quel point leur soutien et leur compréhension sont appréciés. Je souhaite donc témoigner toute ma gratitude à ma mère, à mon père, à leur conjoint respectif, Russell et Denise, à mon frère Cari et bien sûr à Dany qui chacun à leur façon, ont contribué à !’aboutissement de ce mémoire.

Finalement, un merci tout particulier aux cégeps qui m’ont gentiment ouvert leurs portes ainsi qu’aux étudiants qui m’ont généreusement donné un peu de leur temps. C’est grâce à !’implication des cégépiens que cette étude, colorée de leurs propos prend tout son sens.

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gage RESUME... ü

AVANT-PROPOS... iii

TABLE DES MATIÈRES... ... i... iv

LISTE DES TABLEAUX... vu LISTE DES FIGURES... ... viii

LISTE DES ANNEXES... ix

INTRODUCTION... 1

PRÉVENTION DE LA VIOLENCE DANS LES FRÉQUENTATIONS AMOUREUSES AU CÉGEP... 6

1.1 Qu’est-ce que le pouvoir d’agir?... 6

1.2 Pourquoi développer un programme de prévention de la violence dans les fréquentations amoureuses au cégep basé sur le pouvoir d’agir?... 12

1.3 Comment réaliser le processus du pouvoir d’agir à l’intérieur d’un programme de prévention de la violence dans les fréquentations amoureuses au cégep?... 13

1.3.1 Éléments inhérents au processus du pouvoir d’agir... 13

1.3.2 Stratégies facilitant la réalisation du processus du pouvoir d’agir.... 19

CHAPITRE 2 : MÉTHODE... 34

2.1 Méthode du « focus group »... ... 34

2.2 Échantillonnage... 36

2.2.1 Population à l’étude... 36

2.2.2 Cégeps participant à l’étude... 36

2.2.3 Recrutement des participants... 37

2.2.4 Échantillon... 37

2.3 Cueillette de données... 39

2.3.1 Matériel... 39

2.3.2 Déroulement des « focus groups »... 40

2.3.3 Considérations déontologiques... 41

2.4 Méthodes d’analyse de données... 41

2.4.1 Analyse de contenu qualitative...־... 41

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CHAPITRE 3 : RÉSULTATS... 45

3.1 Informations que les étudiants aimeraient acquérir par le biais du programme... ... 45

3.1.1 Comprendre les définitions des différents types de violence.... ... 45

3.1.2 Connaître le processus de la violence... 46

3.1.3 Identifier les moyens de s’en sortir... 48

3.1.4 Connaître les ressources disponibles... 49

3.1.5 Comprendre que tout le monde peut être touché par la violence... 51

3.1.6 Savoir que d’autres semblables à eux vivent le problème... 52

3.1.7 Être informé des conséquences de la violence... ... 52

3.1.8 Démystifier les stéréotypes... 52

3.1.9 Prendre garde à ne pas porter de jugements... 53

3.1.10 Éviter de dire aux étudiants ce qu’ils doivent faire... 54

3.1.11 Être à l’aise de parler de la violence avec tout le monde... 54

3.1.12 Favoriser une prise de conscience... 54

3.2 Habiletés que les étudiants aimeraient acquérir par le biais du programme... 55

3.2.1 Habiletés directement reliées à la violence dans les fréquentations amoureuses... 56

3.2.2 Habiletés indirectement reliées à la violence dans les fréquentations amoureuses... 57

3.3 Différentes façons de transmettre ces informations et ces habiletés... 59

3.3.1 Utiliser le théâtre... 59

3.3.2 Projeter un film... 60

3.3.3 Présenter des témoignages... 61

3.3.4 Utiliser des questionnaires... 61

3.3.5 Créer une publicité accrocheuse... ... 62

3.3.6 Organiser des jeux d’improvisation... 63

3.3.7 Mettre sur pied des groupes de discussion... 63

3.3.8 Faire paraître un journal spécial...i... 63

3.3.9 Faire suivre l’activité d’une discussion... 63

3.3.10 Opter pour le regroupement d’activités... 64

3.3.11 Éviter les kiosques... 65

3.3.12 Éviter les conférences... 65

3.3.13 Éviter les dépliants... 66

3.4 Principes soutenant les activités de prévention... 67

3.4.1 Éviter de transmettre le contenu de façon trop théorique... 67

3.4.2 Susciter le plaisir et le divertissement... 68

3.4.3 Élaborer un programme accrocheur... :... 68

3.4.4 Susciter les émotions... 68

3.4.5 Offrir une démonstration concrète de la violence dans les fréquentations amoureuses... 68

3.4.6 Éviter d’être alarmiste... 69

3.4.7 Favoriser une implication « passive » des étudiants... 69

3.4.8 Élaborer un programme court comprenant des activités rapprochées dans le temps... 70

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3.5 Différentes façons de faire en sorte que le plus grand nombre d’étudiants

possible profitent du programme... 71

3.5.1 Amener les étudiants à s’impliquer... ... 72

3.5.2 Être subtil et créatif dans l’annonce du sujet... 72

3.5.3 Attirer !’attention des étudiants... 74

3.5.4 Combiner plusieurs activités pour répondre aux goûts de tous... 76

3.5.5 Recourir à une personnalité connue... ... 76

3.5.6 Organiser une mini-tournée... 77

3.5.7 Favoriser la participation des étudiants... 77

3.5.8 Faire suivre l’activité d’un « 5 à 7 »... 77

3.5.9 Diffuser le programme par les bonnes personnes... ... 77

3.5.10 Éviter la publicité écrite... 78

3.5.11 Choisir un moment propice... 78

3.5 12 Miser sur la participation volontaire... 79

3.6 Autres thèmes..'... 79

3.6.1 Établir les différences entre les relations amoureuses du cégep et du secondaire...:... 79

3.6.2 Relier la violence dans les fréquentations amoureuses à la violence en général... 79

CONCLUSION... 81

RÉFÉRENCES... 92

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Page Tableau 1 : Modèles conceptuels du processus du pouvoir d’agir... 14

Tableau 2 : Étapes à réaliser dans le cadre de l’élaboration d’un programme de prévention de la violence dans les fréquentations amoureuses

basé sur le pouvoir d’agir... 19

Tableau 3 : Répartition des participantes à l’intérieur de chaque

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Page Figure 1 : Spirale du processus de changement incluant les interventions

susceptibles de favoriser le passage d’une étape à une autre... 17

Figure 2 : Modèle conceptuel de Kim et al. (1998) du processus du

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Page

Plan de la grille d’entrevue de groupe... 101

Introduction et présentation du projet... 104

Définitions et pertinence du problème... 105

Règles de fonctionnement du groupe... 106

Formulaire de consentement éclairé... 107

Formulaire de consentement concernant la manipulation des données de recherche... 110

Questionnaire de données socio-démographiques... 111 ANNEXE A: ANNEXE B : ANNEXEE: ANNEXE D : ANNEXE E : ANNEXEE: ANNEXEE:

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Les premières relations amoureuses sont perçues par plusieurs comme des moments privilégiés imprégnés de romantisme et de mystère. Si les jeunes tiennent à entretenir ces premières amours de façon privée, les parents et l’entourage ne s’y opposent généralement pas et consentent, malgré certaines inquiétudes, à laisser leur jeune aller seul à la découverte de cette nouvelle réalité que constituent les premières fréquentations amoureuses (Lavoie, 1992). Toutefois, ces événements que tous auraient souhaité heureux prennent quelquefois une tournure insoupçonnée et certains jeunes apprennent, à leurs dépens, que l’amour peut parfois coexister avec la violence.

Ce n’est que depuis le début des années 1980 que certains chercheurs se sont tournés vers le problème de la violence dans les fréquentations amoureuses. Bien que les résistances de certains milieux persistent et que les changements qui s’imposent s’effectuent lentement (Lavoie, 1992), de plus en plus de spécialistes s’intéressent au phénomène de la violence vécue par les couples d’adolescents (Barnett, Miller-Perrin & Perrin, 1997).

La violence peut être définie comme « toute action ou menace d’action limitant le développement du ou de la partenaire en portant atteinte à son intégrité, psychologique, physique ou sexuelle » (Lavoie, 1992). Quant à la notion de fréquentation amoureuse, elle réfère dans ce texte à toute relation, amoureuse ou à caractère romantique, entretenue entre deux individus de 13 à 25 ans, non mariés et sans enfant. La durée de la fréquentation peut être très variable, s’étendant d’un seul soir à quelques années.

Les études de prévalence réalisées auprès d’adolescents démontrent que le problème de la violence dans les fréquentations amoureuses n’est pas le lot de quelques couples isolés, mais qu’elle concerne plutôt un pourcentage important de la population des jeunes. Ainsi, des données issues d’une étude provinciale réalisée auprès de 2 726 jeunes provenant de cégeps francophones et anglophones, suggère que 22 % des répondants auraient vécu de la violence psychologique au cours de leur dernière relation amoureuse, alors que 5,4 % d’entre eux auraient subi de la violence physique. Alors qu’une proportion semblable d’hommes et de femmes rapporte de la violence physique, un plus grand nombre d’hommes mentionne avoir été la cible de violence psychologique (Fernet et al., 1998). De plus, une enquête nationale menée au Canada par DeKeseredy et Kelly (1993) auprès d’étudiants du collège révèle que 22 % des femmes disent avoir été victime de violence lors de relations amoureuses au cours de la dernière année. Dans cette étude, 14 % des hommes affirment avoir infligé de la violence à leur partenaire au cours

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de la même période de temps. Une autre recherche nationale effectuée auprès d’une population de collégiens américains par White et Koss (1991) indique que 32 % des hommes et 30 % des femmes affirment avoir subi de la violence de la part d’un partenaire amoureux lors de la dernière année. Finalement, les résultats de différentes études de prévalence montrent que le taux de violence dans le couple serait plus élevé chez les adolescents que chez les adultes (Bourg & Stock, 1994). Bien que !’utilisation de violence puisse être plus sévère chez les adultes (Bourg & Stock, 1994), le nombre de jeunes filles décédées des suites d’une agression fatale perpétrée par un partenaire démontre l’importance de ne pas négliger le problème. Ainsi, en 1992, aux États-Unis, 10,3 % des jeunes femmes assassinées dont le lien entretenu avec l’agresseur est connu ont été tuées par leur partenaire ou ex-partenaire (Bachman & Saltzman, 1995).

Bien que le décès ne survienne que dans une minorité de situations de violence au sein d’un couple, plusieurs autres conséquences moins draconiennes, mais tout de même graves peuvent survenir. Ainsi, la violence dans une relation amoureuse peut par exemple entraîner chez la victime de la peur, de l’anxiété, un syndrome de stress post- traumatique, une diminution de l’estime de soi, des problèmes d’ajustement social, de même que des dysfonctions sexuelles (Jones & Muehlenhard, 1994; Resick, 1993; Santello & Leitenberg, 1993).

Devant le nombre important de jeunes vivant de la violence dans leurs fréquentations amoureuses et les conséquences néfastes que celle-ci entraîne, différents types d’interventions s’offrent à ceux désirant lutter contre cette problématique. En fait, deux approches peuvent être envisagées, soit celle du traitement ou de la prévention.

La philosophie sur laquelle repose la notion de traitement implique que des actions soient entreprises après !’observation de symptômes ou de problèmes sociaux chez une personne ou un groupe d’individus donné. Ce système donne priorité aux cas les plus sérieux et seuls les besoins urgents sont considérés. Ainsi, les ressources sont offertes aux personnes déjà atteintes alors que les signes annonciateurs du problème sont susceptibles d’être négligés. En raison de ses difficultés, l’individu est traité en fonction de ses faiblesses et il est souvent perçu comme étant porteur du problème. Jusqu’à présent, la plupart des services sont conçus en fonction de ce modèle axé davantage sur les déficits que sur les forces. Bien que des résultats positifs puissent être obtenus dans certains contextes, ce mode d’intervention est susceptible de mener à un sentiment de blâme, de rejet et de marginalisation chez la personne en traitement (Wolfe, Wekerle, & Scott, 1997).

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Le concept de prévention se base sur une idéologie bien différente. En effet, la prévention sous-tend que !'intervention a lieu avant qu’un problème donné ne fasse son apparition chez un individu ou un groupe particulier. Plus précisément, la prévention vise à réduire l’incidence des problèmes en santé mentale en s’attaquant aux facteurs de risque et aux conditions pathogènes (Blanchet, Laurendeau, Paul, & Saucier, 1993). Cette approche veut mettre en place dans la société des conditions qui puissent permettre aux individus, aux familles et aux communautés de vivre des réussites (Barker, 1987).

Les interventions préventives peuvent être de trois ordres. Tout d’abord, la prévention primaire veut diminuer l’incidence, c’est-à-dire l’apparition de nouveaux cas de troubles mentaux ou de problèmes psychosociaux, en empêchant le problème de survenir ou en diminuant sa probabilité d’apparition (Caplan & Grunebaum, 1967). La prévention secondaire vise quant à elle le dépistage et !’identification précoce d’un trouble donné ainsi que le traitement actif dès les premières atteintes. Elle tente donc de réduire le taux de prévalence, c’est-à-dire le nombre de cas existants, d’un désordre ou d’une dysfonction (Caplan, 1964). Finalement, la prévention tertiaire tente de réduire les effets ou les séquelles survenant à la suite d’un trouble donné (Caplan, 1964). Vu la similitude de ce concept avec celui du traitement, cette appellation tend à être de moins en mois utilisée par les tenants de la prévention.

La notion de promotion va souvent de pair avec celle de prévention. La promotion consiste à accroître le bien-être personnel et collectif en développant les facteurs de robustesse et les conditions favorables à la santé mentale. Elle mise donc sur les déterminants de la santé plutôt que sur les facteurs de risque. La promotion comme la prévention s’adresse à la population générale ou à certains groupes particuliers (Blanchet et al., 1993).

Les coûts reliés au traitement et à la prévention sont également à prendre en considération. Effectivement, la prévention s’avère être de loin plus économique que le traitement (Kazdin, 1993). À titre illustratif, les dépenses annuelles associées à la violence envers les femmes au Canada sont estimées à 4,2 milliards de dollars. Cette somme d’argent importante inclut les frais reliés aux services sociaux offerts, aux services de santé dispensés, de même qu’aux services de justice criminelle requis. Par contre, la prévention apparaît beaucoup moins coûteuse à long terme. Par exemple, l’évaluation d’un programme de prévention, destiné à de jeunes mères à risque d’abuser ou de négliger leur enfant, montre que chaque famille ayant participé au projet fait épargner 3 300$ aux contribuables, comparativement à celles n’ayant pas pris part aux activités préventives (Olds, Henderson, Phelps, Ritman, & Hanks, 1993). Vu le contexte économique actuel, il semble impératif d’utiliser les ressources à bon escient.

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Ainsi, la prévention engendre peu de coûts à long terme et fait bénéficier de ressources adaptées à ceux qui sont les plus susceptibles d’en profiter.

Face à ces constatations, plusieurs chercheurs et intervenants sociaux ont choisi de lutter contre la violence dans les fréquentations amoureuses par le biais de la prévention plutôt que du traitement. Ainsi, plusieurs activités préventives destinées aux jeunes du secondaire ou du collégial ont été développées depuis une vingtaine d’années. Si les programmes conçus pour les adolescents du secondaire sont multiples et variés, ceux s’adressant aux étudiants du collégial apparaissent plus limités.

En effet, aucun programme de prévention de la violence dans les fréquentations amoureuses n’a été diffusé dans les cégeps québécois jusqu’à ce jour. Bien que plusieurs activités préventives aient été développées pour les jeunes collégiens américains, la plupart d’entre elles visent à contrer la violence sexuelle et particulièrement le viol par une personne connue (pour une recension récente, voir Yeater & O’Donohue, 1999). Ainsi, rares sont les programmes axés sur la prévention de la violence tant physique que psychologique et sexuelle. De plus, les différences importantes qui existent entre les étudiants des collèges américains et québécois, mettent en doute la pertinence d’appliquer un même programme aux deux populations.

Étant donné que l’usage de violence à l’adolescence prédit l’usage de violence subséquent, il semble d’autant plus important d’effectuer la prévention durant l’adolescence. En effet, les changements qui se produisent lors de cette période rendent cette étape du développement propice à !’apprentissage de relations interpersonnelles saines. Notamment, les changements physiques et psychologiques reliés à l’adolescence sont déterminants dans la formation d’attitudes et de croyances entretenues au sujet du fonctionnement d’un couple. Comme l’intérêt face à la sexualité augmente, ce groupe d’individus est particulièrement touché par les thèmes relatifs à la formation d’une relation amoureuse et aux rôles sexuels. Dans ce contexte développemental, les jeunes doivent accroître leur autonomie et apprendre de nouvelles habiletés, afin de minimiser les risques d’être confrontés à une situation indésirable et de subir les conséquences négatives que celle-ci entraîne. Pour ce faire, ils doivent être informés des répercussions de certaines actions et avoir la possibilité d’envisager différentes façons de percevoir la réalité. Ils ont également à résister aux influences négatives pouvant provenir du groupe de pairs tout en augmentant leur confiance en eux et en développant des modes d’interactions efficaces. Il apparaît que la prévention est une façon appropriée de favoriser de tels apprentissages (Wolfe et al., 1997).

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Ces constatations démontrent que malgré la sévérité du problème de la violence dans les fréquentations amoureuses, peu de programmes de prévention sont disponibles au collégial. Vu les conséquences engendrées, il apparaît nécessaire de développer un programme de prévention de la violence dans les fréquentations amoureuses qui soit adapté aux besoins des étudiants québécois.

La présente étude comporte deux objectifs principaux. Elle vise d’abord à établir les bases théoriques d’un programme de prévention de la violence dans les fréquentations amoureuses au cégep. Elle consiste ensuite à évaluer, grâce à une recherche qualitative, les besoins des étudiants qui fréquentent le cégep. Ce second objectif comporte trois buts spécifiques. Il s’agit dans un premier temps de recueillir les informations que devrait véhiculer un programme de prévention de la violence dans les fréquentations amoureuses au cégep et dans un second temps, de connaître la forme que celui-ci devrait prendre. Finalement, le troisième but consiste à rendre compte des préférences concernant les modalités d’application d’activités de prévention de la violence dans les fréquentations amoureuses au cégep afin que la majorité des étudiants en profite. Une fois ces objectifs atteints, un programme basé sur des principes solides qui répond aux attentes et aux intérêts des jeunes pourra être élaboré.

Cette recherche est constituée de trois chapitres. Le premier d’entre eux porte sur les principes théoriques guidant l’élaboration d’un programme de prévention de la violence dans les fréquentations amoureuses au cégep, alors que le second décrit la méthode utilisée pour réaliser l’étude de besoins auprès des étudiants du cégep. Finalement, le troisième chapitre expose les résultats obtenus.

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L’ÉLABORATION D’UN PROGRAMME DE PRÉVENTION DE LA VIOLENCE DANS LES FRÉQUENTATIONS AMOUREUSES AU CÉGEP

Le premier objectif de cette étude consiste à établir le cadre théorique d’un programme de prévention de la violence dans les fréquentations amoureuses au cégep. En effet, toute activité préventive doit reposer sur une base théorique solide. D’ailleurs, Yeater et O’Donohue (1999) déplorent le fait que plusieurs programmes de prévention du viol par une personne connue sur les campus de collèges américains ne s’appuient pas sur des principes scientifiques éprouvés. Bien que différentes approches puissent être adoptées, le programme de prévention de la violence dans les fréquentations amoureuses dont il est question dans cette recherche se base sur le concept du pouvoir d’agirÉ Au cours de ce chapitre, le pouvoir d’agir sera d’abord défini, après quoi seront dégagées les principales raisons justifiant son utilisation. Finalement, des moyens concrets seront suggérés afin de réaliser le processus du pouvoir d’agir dans le cadre d’un programme de prévention de la violence dans les fréquentations amoureuses au cégep.

1.1 Qu’est ce que le pouvoir d’agir?

Depuis le début des années 1980, de nombreux débats émergent à propos de ce qui devrait constituer les champs d’intérêts de la psychologie communautaire. Un concept mis de l’avant par Rappaport (1981, 1984, 1987) s’impose parmi les autres. Il s’agit du pouvoir d’agir qui semble englober l’essentiel des sujets au coeur de cette discipline scientifique en plein essor qu’est la psychologie communautaire. De nombreux écrits et recherches permettent maintenant de confirmer le potentiel théorique du pouvoir d’agir. Au cours de cette section, la notion de pouvoir d’agir sera définie.

Le pouvoir d’agir est un processus par lequel des individus prennent le contrôle de leur vie tout en développant un point de vue critique par rapport aux conditions sociales existantes (Kieffer, 1984; Rappaport, 1984, 1987; Swift & Levin, 1987; Zimmerman, 1990). Le pouvoir d’agir implique que des collectivités se mobilisent dans le but de modifier les structures sociales en place pour mettre fin à des situations de vie oppressantes (Yeich & Levinè, 1992). Ainsi, le concept du pouvoir d’agir comprend une

1 L’expression « pouvoir d’agir » constitue une traduction du concept d’« empowerment ». Cette traduction est suggérée par Francine Dufo'rt et Yan LeBossé dans un ouvrage à paraître prochainement.

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dimension individuelle, mais aussi une préoccupation accrue des influences sociales, du pouvoir politique ainsi que des droits légaux (Rappaport, 1987; Zimmerman, 1990). Le pouvoir d’agir se base sur les forces et les compétences de chacun, sur les réseaux d’entraide naturels ainsi que sur les comportements proactifs pour provoquer des changements sociaux (Zimmerman & Rappaport, 1988). À travers ce processus, l’individu a à coeur les intérêts de ses concitoyens envers lesquels il se sent lié (Zimmerman & Rappaport, 1988). Afin de réaliser le processus du pouvoir d’agir, les gens sont invités à participer à la vie sociale de leur communauté par le biais de différentes structures telles l’école, les clubs sociaux, l’église et les différents groupes bénévoles. Le pouvoir d’agir englobe des aspects tant individuels qu’organisationnels, politiques, sociologiques, économiques et spirituels. Il suggère avant tout l’étude des gens dans leur contexte (Rappaport, 1987) et tient donc compte autant de la personne que de ses interactions avec son environnement (Kieffer, 1984).

Malgré ces caractéristiques, la notion du pouvoir d’agir apparaît difficile à définir et les multiples définitions suggérées forment un ensemble hétérogène (LeBossé & Lavallée, 1993). En plus de prendre des formes bien différentes selon les gens et les contextes (Rappaport, 1985, 1987), le pouvoir d’agir comporte à la fois des composantes individuelles et politiques. De même, de nombreux domaines dont ceux de la politique, de la psychologie, du travail social, de la sociologie ou de la théologie empruntent ce terme (Rappaport, 1985). La notion de pouvoir d’agir semble également plus facile à définir par son contraire, c’est-à-dire l’impuissance (réelle ou ressentie), la résignation acquise ainsi que la perte d’un sentiment de contrôle sur sa vie (Kieffer, 1984; Rappaport, 1981, 1985; Serrano-Garcia, 1984). Toutefois, définir le pouvoir d’agir par son contraire pose certains problèmes. Ainsi, l’absence d’impuissance ne signifie pas nécessairement qu’une personne ou une communauté réalise le processus du pouvoir d’agir (LeBossé & Lavallée, 1993).

Cependant, LeBossé et Lavallée ont réalisé en 1993 une étude approfondie du concept du pouvoir d’agir et l’analyse de différents travaux sur le sujet les a amenés à proposer une définition. Selon ces auteurs :

« L’empowerment est un processus par lequel une personne ayant des conditions de vie plus ou moins incapacitantes ou stigmatisantes (par exemple la maladie, la pauvreté, la discrimination, etc.) développe, par !’intermédiaire d’actions concrètes, le sentiment qu’il lui est possible d’exercer une plus grande influence sur les aspects de sa réalité psychologique et sociale importants pour elle. Cette personne • tire de cette activité un sentiment positif de contrôle sur sa propre vie,

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qui l’éloigne progressivement du vécu d’impuissance et de détresse psychologique que ces conditions de vie entraînent normalement. » (Le Bossé et Lavallée, 1993, p. 11)

L’analyse approfondie du concept du pouvoir d’agir a également permis à ces auteurs de dégager quatre principales composantes reliées à cette théorie. En effet, le pouvoir d’agir est associé à certaines caractéristiques individuelles, il implique qu’il y ait action, il se développe en relation avec !’environnement et il se manifeste sous la forme d’un processus (Le Bossé & Lavallée, 1993). Chacune de ces caractéristiques sera élaborée au cours de la prochaine section.

1) Le pouvoir d’agir est associé à certaines caractéristiques individuelles :

Différentes caractéristiques individuelles sont fréquemment associées au concept du pouvoir d’agir. Ces composantes observées chez les individus sont soit préalables au processus du pouvoir d’agir, soit conséquentes, soit les deux à la fois. Ces particularités propres aux personnes ayant développé leur pouvoir d’agir se reflètent tant aux plans personnel que sociopolitique et interpersonnel.

Plusieurs auteurs ont observé chez les individus participant au processus du pouvoir d’agir une augmentation de l’estime de soi (Kieffer, 1984; Rappaport, 1985; Zimmerman & Rappaport, 1988) et de la confiance en soi (Zimmerman & Rappaport, 1988). De plus, ces personnes se sentent plus compétentes et plus efficaces au plan personnel (Kieffer, 1984; Rappaport, 1988; Zimmerman & Rappaport, 1988; Zimmerman, 1990). Leur désir et leur sentiment de prise de contrôle augmentent (Kieffer, 1984; Zimmerman & Rappaport, 1988; Zimmerman, 1990; Zimmerman, 1995) en même temps que leur sentiment d’importance (Zimmerman & Rappaport, 1988). Elles entretiennent également la croyance générale que leur succès résulte de facteurs internes plutôt qu’externes (Rappaport, 1985; Zimmerman & Rappaport, 1988; Zimmerman,

1990).

Des caractéristiques individuelles reliées à la vie sociale et politique sont aussi · associées au pouvoir d’agir. Plusieurs auteurs ont par exemple noté le développement d’une compréhension critique de !’environnement sociopolitique (Rappaport, 1985; Zimmerman & Rappaport, 1988; Zimmerman, 1990; Zimmerman, 1995). De plus, le désir et la motivation de participer aux affaires publiques augmentent (Zimmerman & Rappaport, 1988), ainsi que le sentiment d’efficacité politique (Rappaport, 1985; Zimmerman & Rappaport, 1988). Les personnes expérimentant le pouvoir d’agir sont donc davantage éveillées aux différents facteurs qui influencent des domaines de vie

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importants pour elles (Zimmerman, 1990). Elles acquièrent également les habiletés nécessaires à la participation efficace et à la prise de décision dans la communauté (Kieffer, 1984). Elles ont ainsi le sentiment du devoir civique et la capacité de jouer un rôle significatif en ce qui a trait au contrôle des ressources (Zimmerman & Rappaport,

1988).

En plus d’être lié à des particularités personnelles et sociopolitiques, le pouvoir d’agir se répercute également au plan des relations interpersonnelles. L’individu est notamment plus engagé dans ses relations avec les autres. Son sentiment d’efficacité ainsi que de confiance face à ses habiletés interpersonnelles est renforcé et son sentiment d’appartenance à un groupe augmente (Bernstein et al., 1994; Withmore, 1988). De plus, les nouvelles habiletés acquises permettent à la personne de s’adapter plus facilement et de contrer les conséquences négatives des situations difficiles (Zimmerman,

1990).

2) Le pouvoir d’agir implique qu’il y ait action :

Un second élément indissociable du pouvoir d’agir représente l’action (Le Bossé & Lavallée, 1993). En effet, selon plusieurs auteurs, le pouvoir d’agir implique nécessairement que des actions concrètes soient entreprises (Cox, 1991; Florin & Wandersman, 1990; Kieffer, 1984; Rappaport, 1987; Serrano-Garcia, 1984). L’individu ayant développé des habiletés interactionnelles ainsi qu’une meilleure compréhension de son environnement sociopolitique (Zimmerman, 1990) est davantage motivé à poser des actions sociales, communautaires et politiques (Florin & Wandersman, 1990; Rappaport, 1987). Pour que le processus du pouvoir d’agir prenne tout son sens, la personne se doit de participer démocratiquement à la vie de sa communauté par le biais d’institutions telles que les églises, les écoles, le voisinage et les organisations bénévoles (Rappaport, 1987). Elle participe à la redistribution des ressources et incite les autres à collaborer et à s’impliquer dans leur milieu (Swift & Levin, 1987; Yeich & Levine, 1992). Finalement, l’action permet à l’individu de prendre conscience des liens qui existent entre son environnement et son vécu personnel (LeBossé et Lavallée, 1993).

3) Le pouvoir d’agir s’exprime et se développe en relation avec !’environnement :

Bien que l’action soit nécessaire, elle peut toutefois prendre des formes très variées selon les milieux (LeBossé et Lavallée, 1993). En effet, le pouvoir d’agir revêt des formes différentes selon les populations, les environnements et les organisations qui entreprennent le processus (Rappaport, 1984,1987; Serrano-Garcia, 1984; Zimmerman, 1990). Cette composante implique qu’une variété de solutions pouvant s’adapter aux

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besoins spécifiques de chaque environnement doit être considérée. Comme le pouvoir d’agir se développe dans une multitude de contextes aussi diversifiés les uns que les autres, ce sont les membres de chaque communauté qui s’unissent pour décider des mesures à prendre pour améliorer leur situation. Les solutions générées par la collectivité apparaissent préférables à la mise en place d’un seul programme préétabli, dispensé de façon identique à différentes populations par une équipe de professionnels (Rappaport,

1981, 1984, 1987).

Dans ce contexte, la hiérarchie plaçant les professionnels guidant le projet au- dessus de la population visée est abolie et tous sont considérés comme des collaborateurs à parts égales, partageant le même idéal (Cox, 1991; Rappaport, 1981, 1984, 1985). Ainsi, les rapports d’égalité sont privilégiés alors que la relation aidant-aidé est complètement remise en cause. La collectivité est perçue comme étant autonome plutôt que dépendante de !’intervention professionnelle (Rappaport, 1987).

4) Le pouvoir d’agir est un processus :

LeBossé et Lavallée (1993) font remarquer que la plupart des écrits réfèrent, explicitement ou non, au pouvoir d’agir comme étant un processus (Kieffer, 1984; Rappaport, 1987; Serrano-Garcia, 1984). Cependant, en plus d’être considéré comme un processus, le pouvoir d’agir peut également être envisagé comme un but.

Tout d’abord, le pouvoir d’agir est un processus par lequel des individus créent des opportunités de contrôler leur propre destinée de même que les décisions qui affectent leur vie (Zimmerman, 1990). C’est par la réalisation d’étapes successives (Kieffer, 1984; Serrano-Garcia, 1984; Swift & Levin, 1987) ou par un cheminement accompli sur un continuum (Rappaport, 1987) que les gens, organisations ou communautés acquièrent un meilleur contrôle de leurs ressources et des enjeux importants pour eux (Zimmerman, 1990). Le processus du pouvoir d’agir procure l’opportunité de développer et de mettre en pratique différentes habiletés dont celle du leadership. Ce processus contribue également à !’apprentissage du développement et de la gestion des ressources. L’individu est amené à élargir son réseau de soutien social et à travailler avec ses semblables à la concrétisation d’un objectif commun (Zimmerman,

1990).

Le pouvoir d’agir peut également être considéré comme un but lorsqu’il représente un idéal à atteindre (Swift & Levin, 1987). Le but visé est que les gens ou les organisations aient plus d’influence sur les enjeux les touchant de près afin de gagner du contrôle sur leur propre vie (Rappaport, 1981).

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Ces différentes composantes illustrent ce qu’est l’essence même du pouvoir d’agir. Bien que la mise en application de ce concept apparaisse souhaitable dans plusieurs milieux et contextes, Riger (1993) souligne deux pièges à éviter lors du développement du pouvoir d’agir.

Tout d’abord, les descriptions théoriques du pouvoir d’agir se basent sur la perception qu’a une personne du pouvoir détenu plutôt que sur son pouvoir réel. Ce faisant, le concept du pouvoir d’agir risque d’être réduit à un simple sentiment subjectif alors que le contexte politique et historique dans lequel les individus interagissent est susceptible d’être négligé. Une illusion de pouvoir peut alors se créer plutôt qu’une prise de contrôle réelle (Riger, 1993).

Riger (1993) fait également remarquer que la prise de contrôle de plusieurs groupes d’opprimés peut s’avérer dangereuse. En effet, la prudence s’impose afin que la prise de pouvoir d’un groupe ne se fasse pas au détriment d’un autre. Ainsi, la prédominance des notions de pouvoir et de contrôle ne doit pas faire oublier !’importance de l’entraide et du sens de la communauté. La prise de pouvoir ne doit donc pas s’effectuer aux dépens des relations humaines. Tout individu ou organisation mettant en application le pouvoir d’agir doit s’assurer de l’équilibre harmonieux existant entre la prise de contrôle et le souci d’autrui.

Finalement, bien que la définition du pouvoir d’agir varie selon les auteurs et les niveaux d’analyse, certains thèmes s’avèrent constants, tels la maîtrise et le contrôle, la mobilisation des ressources ainsi que la participation (Zimmerman, 1995). De même, certaines particularités ressortent de l’analyse approfondie du pouvoir d’agir. Notamment, le pouvoir d’agir est associé à certaines caractéristiques individuelles, il implique qu’il y ait action, il se développe en relation avec !’environnement et il s’exprime sous la forme d’un processus (LeBossé & Lavallée, 1993). Cependant, !’intervenant visant le développement du pouvoir d’agir dans un milieu donné doit veiller à ce que la prise de pouvoir soit réelle plutôt qu’illusoire. En plus de la notion de pouvoir et de contrôle, il doit aussi véhiculer des valeurs d’entraide et de coopération.

La prochaine section décrit les raisons pour lesquelles il est souhaitable d’appliquer le pouvoir d’agir à un programme de prévention de la violence dans les fréquentations amoureuses au cégep.

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1.2 Pourquoi développer un programme de prévention de la violence dans les fréquentations amoureuses au cégep basé sur le pouvoir d’agir?

Le modèle du pouvoir d’agir convient aux intervenants désireux de mettre sur pied un programme de prévention de la violence dans les fréquentations amoureuses au cégep. Comme Levine (1998) le souligne, la plupart des problèmes, y compris la violence, prennent place dans un contexte social complexe. C’est entre autres pour cette raison que les programmes mis sur pied doivent être développés avec l’intention de modifier les conditions sociales dans lesquelles la problématique existe. Selon Levine (1998) certains défenseurs de la prévention ont longtemps fait erreur, en considérant celle-ci comme un vaccin reçu par chaque individu dans le but de l’inoculer sa vie durant contre une situation indésirable quelconque. En effet, cet auteur est d’avis qu’il est impossible d’influencer un groupe ciblé sans s’attaquer aux structures sociales en place. Ainsi, la vie se déroule au sein d’une communauté partageant certaines normes et règles qu’un programme de prévention doit prendre en considération. Puisque les jeunes vivent dans un environnement social dynamique, il importe de tenir compte de toutes les pressions et les contre-pressions qui s’exercent sur eux. Les programmes d’acquisition d’habiletés sont donc inefficaces si !’environnement social ne se prête pas à la mise en pratique de ces nouveaux apprentissages (Levine, 1998). Comme le mentionne d’ailleurs Rappaport (1987), le contexte historique d’une personne joue un rôle important quant aux résultats du programme.

En plus de favoriser un environnement social favorable à l’usage de nouvelles habiletés, les jeunes doivent aussi avoir l’opportunité de mettre en application leurs nouveaux acquis. C’est pourquoi l’action sociale qui caractérise le pouvoir d’agir est une composante importante d’un programme de prévention (Levine, 1998). Si les individus prenant part au processus choisissent eux-mêmes les gestes qu’ils désirent poser, le pouvoir d’agir a de plus grandes chances de se réaliser (Rappaport, 1987).

Pour leur part, Chinman et Linney ont démontré lors d’une étude réalisée en 1998 que le pouvoir d’agir représente une intervention préventive appropriée pour contrer plusieurs problèmes auxquels sont confrontés les adolescents. Selon ces auteurs, le pouvoir d’agir favorise le développement des jeunes en leur procurant des opportunités de poser des actions prosociales et en leur inculquant de nouvelles habiletés. Egalement, le renforcement positif reçu pour leur implication rehausse la confiance en soi, l’estime de soi ainsi que le sentiment de compétence. Le pouvoir d’agir mènerait aussi au développement d’une identité saine tout en permettant aux jeunes d’expérimenter des rôles positifs (Chinman & Linney, 1998).

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Finalement, selon Rappaport (1987), le pouvoir d’agir doit être à la base de toute activité préventive. En effet, pour cet auteur, le pouvoir d’agir représente le concept dominant de la psychologie communautaire, alors que la prévention est un moyen privilégié par lequel ce processus peut se concrétiser.

1.3 Comment réaliser le processus du pouvoir d’agir à l’intérieur d’un programme de prévention de la violence dans les fréquentations amoureuses au cégep?

Après avoir revu les définitions du pouvoir d’agir et examiné les raisons pour lesquelles ce concept est complémentaire aux principes de la prévention, il y a maintenant lieu de s’interroger quant aux façons de faire en sorte que ce processus se concrétise au sein d’un programme de prévention de la violence dans les fréquentations amoureuses au cégep. Afin de répondre à cette question, il est d’abord pertinent d’identifier différents éléments à respecter afin de réaliser le processus du pouvoir d’agir. Par la suite, différentes stratégies seront suggérées dans le but d’aider d’éventuels acteurs sociaux à mettre sur pied un programme de prévention de la violence dans les fréquentations amoureuses conforme aux idées et aux valeurs sous-tendant le processus du pouvoir d’agir.

1.3.1 Éléments inhérents au processus du pouvoir d’agir

Afin d’identifier les différents éléments inhérents au processus du pouvoir d’agir, il est tout d’abord utile d’examiner les modèles conceptuels élaborés par certains auteurs. Il est à noter qu’il ne s’agit pas d’une recension exhaustive et que plusieurs autres modèles sont disponibles. Les modèles retenus ont été élaborés dans des contextes d’éducation auprès d’une clientèle de jeunes. Le tableau 1, retrouvé à la page suivante, énumère les étapes associées au processus du pouvoir d’agir telles que décrites par différents auteurs.

Tel qu’illustré dans ce tableau, Wallerstein et Bernstein (1988) ont mis sur pied un programme de prévention de l’abus d’alcool et de drogue s’adressant aux adolescents axé sur le pouvoir d’agir. Leur intervention tire ses racines d’un modèle développé par Freire en 1983. Wallerstein et Bernstein (1988) décrivent cinq étapes destinées à changer le niveau de discussion d’un point de vue personnel à une analyse sociale menant vers l’action. Il s’agit de décrire ce qui est vu et ressenti, de définir les différentes facettes du problème, de partager les expériences semblables, de s’interroger sur les causes du problème et de développer un plan d’action.

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Tableau 1

Modèles conceptuels du processus du pouvoir d’agir

Auteurs Contexte d’élaboration Étapes Wallerstein &

Bernstein (1988)

Stratégie développée pour l’éducation en matière d’alcool et de drogue basée sur le pouvoir d’agir selon le modèle de Freire.

1. Décrire ce qui est vu et ressenti. 2. Définir les différentes facettes du

problème.

3. Partager les expériences semblables. 4. S’interroger sur les causes du

problème.

5. Développer un plan d’action. Whitmore (1988) Observation participante auprès

de mères célibataires.

1. Développer la confiance en soi. 2. Favoriser de nouveaux

apprentissages.

3. Devenir productif plutôt que passif. Wallerstein &

Martinez (1994)

Évaluation qualitative d’un programme de prévention de l’abus d’alcool et de drogue axé sur le pouvoir d’agir.

1. Améliorer les habiletés à dialoguer. 2. Augmenter !’implication

émotionnelle.

3. Changer la perception de soi quant à la capacité de faire bouger les choses. 4. Conscientiser ou éveiller à la pensée

critique.

5. Agir pour promouvoir le changement. Fawcett, Paine-Andrews, Francisco, Schultz, Richter, Lewis, Williams,Harris, Berkley, Fisher & Lopez(1995)

Processus du pouvoir d’agir proposé à des collectivités afin de promouvoir la santé et le développement commu- nautaire.

1. Planifier en impliquant la communauté.

2. Agir dans la communauté. 3. Effectuer des changements dans la

communauté.

4. Évaluer les résultats obtenus de même que la capacité de la commu- nauté à poursuivre les objectifs visés. Watts, Griffith &

Abdul-Adil (1999)

Intervention en milieu urbain auprès de jeunes hommes américains d’origine africaine basée sur les théories de

l’oppression et du développement sociopolitique.

1. Remettre en question le bien-fondé de l’oppression et développer la pensée critique.

2. Améliorer la prise de décision et clarifier les valeurs.

3. Restructurer les cognitions. 4. Éveiller la conscience critique et le

raisonnement moral.

5. Poser des actions libératrices dans la communauté.

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Whitmore (1988) décrit l’évaluation d’un programme prénatal visant à augmenter la participation de mères célibataires dans la prise des décisions qui affectent leur vie. L’auteur propose un modèle allant du personnel au social. Ce modèle comprend entre autres une phase individuelle incluant le développement de la confiance en soi, !’acquisition de connaissances et d’habiletés, de même que le passage à l’action ou productivité.

Pour leur part, Wallerstein et Martinez (1994) ont effectué une évaluation qualitative destinée à comprendre les étapes associées au processus de changement chez les individus ayant participé à un programme de prévention de l’abus d’alcool et de drogue. Les témoignages d’adolescents ont permis d’identifier cinq principaux domaines de changement. Ainsi, les habiletés à dialoguer, !’implication émotionnelle face à la problématique en cause, la perception de soi, la conscientisation et la pensée critique de même que la capacité de poser des actions visant à promouvoir le changement dans l’environnement social se modifient par le biais du programme.

Fawcett et ses collaborateurs (1995) ont quant à eux élaboré un modèle du pouvoir d’agir axé sur la promotion de la santé et le développement communautaire où tous les membres de petites collectivités travaillent en étroite collaboration. Ce modèle comprend cinq étapes interreliées. D’abord, la planification collaborative vise à mieux comprendre les différentes facettes du problème ciblé ainsi qu’à identifier les ressources de la communauté. Il s’agit ensuite de passer à l’action et d’effectuer les changements désirés. Par la suite, il importe de vérifier les capacités de la communauté à poursuivre les buts fixés au début du processus ainsi qu’à évaluer les changements générés. Finalement, la dernière étape représente l’adaptation, le renouvellement et !’institutionnalisation des mesures de changement entreprises.

De leur côté, Watts, Griffith et Abdul-Adil (1999) ont développé une intervention auprès de jeunes Noirs américains dont le but est d’inculquer aux adolescents des habiletés à la pensée critique susceptibles de se généraliser dans différents secteurs de vie. La première des cinq étapes du programme consiste à remettre en question le bien- fondé de l’oppression et à développer la pensée critique quant aux inégalités sociales et raciales. Le second stade veut également promouvoir la pensée critique, mais cette fois- ci, en regard des agents de socialisation et de l’aliénation psychique. Cette étape comporte également un volet destiné à améliorer la prise de décision et à clarifier les valeurs. La conscience critique des jeunes et leur raisonnement moral sont ensuite éveillés, après quoi des actions sont posées, afin de libérer de l’oppression la population ciblée.

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Chacun de ces cinq modèles met en évidence différentes étapes du processus du pouvoir d’agir dont l’à-propos a été vérifié par le biais d’interventions préventives auprès d’adolescents. Bien que ces étapes varient d’un auteur à l’autre, il est possible d’effectuer un regroupement des items sous deux catégories principales. D’abord, plusieurs auteurs soulignent l’importance de bien comprendre le problème en cause. Par exemple, Wallerstein et Bernstein (1988) réfèrent à la nécessité pour les acteurs, de décrire ce qui est vu et ressenti, de définir les différentes facettes du problème, de partager les expériences semblables et de s’interroger sur les causes du problème. Wallerstein et Martinez (1994) de même que Watts et al. (1999) énoncent quant à eux la conscientisation et l’analyse de la nature sociale du problème alors que Fawcett et al. (1995) parlent en terme de planification collaborative. De plus, tous soulignent l’importance de poser des actions sociales afin de favoriser des changements dans la communauté. Un troisième élément inhérent au processus du pouvoir d’agir est également présent à travers ces étapes sans être toutefois mentionné explicitement. Il s’agit de !’acquisition d’habiletés nouvelles requises pour poser des actions appropriées afin de remédier au problème ciblé.

À partir de ces conclusions, il est possible d’identifier trois étapes principales que devrait respecter tout intervenant désireux de mettre sur pied un programme de prévention basé sur le pouvoir d’agir. Il s’agit, pour les gens ou la collectivité visés, 1) de comprendre le problème; 2) d’acquérir des habiletés nouvelles et 3) de poser des actions sociales. Ainsi, un programme de prévention de la violence dans les fréquentations amoureuses au cégep doit respecter ces étapes pour aider les jeunes à acquérir du contrôle sur leur environnement social. Bien que les trois derniers éléments du modèle de Fawcett se rapportant à l’évaluation et au suivi de !’intervention soient également à considérer, (changements dans la communauté, capacité de la communauté et résultats, adaptation, renouvellement et institutionnalisation) ils ne seront pas détaillés dans cette étude.

Les trois étapes dégagées à partir de la mise en commun de certains modèles du pouvoir d’agir sont également retrouvées dans une théorie développée par Prochaska, DiClemente et Norcross (1992) décrivant le processus du changement. Bien que cette théorie ait d’abord été conçue pour décrire le processus de cessation des comportements négatifs, il est possible de s’en inspirer afin de proposer un modèle de !’augmentation des comportements positifs. C’est d’ailleurs ce qu’ont fait Wolfe et ses collaborateurs (1997) dans le cadre de l’élaboration d’un programme de prévention de la violence basé sur le pouvoir d’agir destiné à des étudiants du secondaire. Prochaska et al. (1992) postulent que le processus de changement s’opère sous la forme d’une spirale comprenant cinq étapes (Figure 1). La première étape réfère à la préréflexion, où

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l’individu ne manifeste aucune intention de changer son comportement problématique. La seconde étape est celle de la réflexion, où l’individu démontre l’intention de changer sans toutefois prendre de moyens concrets pour y parvenir. Suit ensuite la préparation, où les intentions deviennent plus sérieuses et où des actions mineures sont posées. La quatrième étape représente l’action et l’individu réussit alors à réduire de plus en plus la fréquence du comportement indésirable. Finalement, lors de l’étape de maintien, des actions préventives doivent être posées afin d’éviter les rechutes. Le modèle implique toutefois que la plupart des individus parvenus à la dernière étape vivent des rechutes et retournent au stade de la préréflexion avant de poursuivre leur cheminement dans la spirale pour finalement parvenir à un changement définitif et bien intégré.

En effectuant différentes recherches sur la façon dont s’opère le changement chez les individus, Prochaska et al. (1992) ont trouvé que le fait d’informer les participants des différentes facettes du problème favorisait le passage de la préréflexion à la réflexion alors que l’apprentissage d’habiletés facilitait le passage de la réflexion à la préparation. L’action sociale serait quant à elle nécessaire à la poursuite du cheminement à l’intérieur de la spirale de changement. Ce modèle est donc un appui supplémentaire indiquant que !’acquisition d’informations et d’habiletés de même que l’action sociale sont des étapes incontournables du processus de changement. Tel que démontré par Wolfe et al. (1997) dans le cadré de son programme de prévention de la violence, ces éléments sont aussi essentiels à la réalisation du processus du pouvoir d’agir.

f3 RÉ RÉ FL EXION PRÉPARATION

PRÉRÉFLEXION RÉFLEXION PRÉPARATION

ACTIONS INFORMATIONS HABILETÉS

Figure 1. Spirale du processus de changement incluant les interventions susceptibles de favoriser le passage d’une étape à une autre (Prochaska, DiClemente, & Norcross, 1992).

SOURCE : Prochaska, J., DiClemente, C., & Norcross, J. (1992). In search of how people change. American Psychologist. 47(9). 1102-1114.

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Par ailleurs, Kim, Crutchfield, Williams et Hepler (1998) jettent un regard différent sur les façons de faire en sorte que le processus du pouvoir d’agir se concrétise à l’intérieur d’un programme de prévention. Ces auteurs proposent un modèle spécialement conçu pour les jeunes comprenant neuf éléments (Figure 2). Ce modèle illustre l’importance du soutien des membres de la famille et de !’environnement social qui entretiennent des attentes élevées à l’égard des jeunes et qui leur permettent d’acquérir de nouvelles habiletés, d’assumer des responsabilités et de participer aux affaires sociales et publiques. Les jeunes ont alors !’opportunité d’obtenir du succès et d’être renforcés pour leurs accomplissements. Il est possible de remarquer que tous ces éléments sont interreliés. Ainsi, le fait de renforcer le jeune augmente le soutien de !’environnement et ainsi de suite. Opportunité d’acquérir des habiletés (5) Opportunité d’assumer des responsabilités (6) Opportunité de prendre part aux affaires sociales et publiques (7) Soutien social (2) Attentes élevées (3) Soutien familial (1) Réalisations renforcées (9) Réalisations renforcées (9) Opportunité de démontrer des succès (8)

Figure 2. Modèle conceptuel de Kim et al. (1998) du processus du pouvoir d’agir chez les jeunes.

SOURCE : Kim, S., Crutchfield, C., Williams, C., & Hepler, N. (1998). Toward a new paradigm in substance abuse and other problem behavior prevention for youth: youth development and empowerment approach. Journal of Drug Education. 28(1), 1-17.

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Un programme de prévention de la violence dans les fréquentations amoureuses des jeunes cégépiens axé sur le processus du pouvoir d’agir doit donc intégrer !’acquisition d’informations et d’habiletés de même que l’action sociale. Le système de Kim et al. (1998) indique également l’importance de considérer certains éléments clés facilitant le changement. Suite à ces constatations, il y a maintenant lieu de s’interroger à propos des moyens concrets pouvant être envisagés afin de mettre en place les éléments associés au pouvoir d’agir.

1.3.2 Stratégies facilitant la réalisation du processus du pouvoir d’agir Différentes stratégies peuvent être utilisées afin de mettre sur pied un programme de prévention de la violence dans les fréquentations amoureuses au cégep basé sur le pouvoir d’agir. La présente section décrit cinq étapes concrètes pouvant être réalisées (Tableau 2). Ces différentes stratégies sont principalement inspirées des travaux de Kim et al. (1994) ainsi que de Fawcett et al. (1998) sur la prévention de l’abus d’alcool et de drogue auprès d’adolescents. Il est donc présumé que ces éléments peuvent également s’appliquer au problème de la violence dans les fréquentations amoureuses auprès d’une clientèle d’étudiants du cégep. Ces stratégies représentent respectivement la formation d’une première équipe destinée à faire démarrer le projet, !’entraînement de jeunes leaders et d’adultes superviseurs, l’entraînement des concepteurs, !’acquisition d’habiletés spécifiques de même que l’implantation du projet (Kim et al., 1998). Les principaux objectifs poursuivis à chacune de ces étapes seront décrits et différentes activités seront suggérées.

Tableau 2

Etapes à réaliser dans le cadre de l’élaboration d’un programme de prévention de la violence dans les fréquentations amoureuses basé sur le pouvoir d’agir

Étapes Description

Former une première équipe destinée à faire démarrer le projet. Entraîner de jeunes leaders et des adultes superviseurs.

Entraîner les cégepiens.

Acquérir des habiletés spécifiques. Implanter le projet dans la communauté. Étape 1

Étape 2 Étape 3 Étape 4 Étape 5

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Il est à noter que les stratégies à suivre pour mettre sur pied un programme axé sur le pouvoir d’agir servent à guider tout milieu désirant prendre des moyens concrets afin d’apporter des changements dans la communauté, tout en prévenant le phénomène de la violence dans les fréquentations amoureuses. Cependant, comme le pouvoir d’agir est une démarche qui doit être adaptée à chaque milieu en fonction des besoins de la population de même que des forces et des contraintes de !’environnement, il serait contraire à l’esprit de cette théorie d’imposer à chaque communauté un programme préalablement élaboré devant être suivi à la lettre. Il appartient aux acteurs de chaque milieu, et particulièrement aux jeunes cégépiens, de décider des actions à poser afin d’apporter des changements dans leur environnement qui contribueront à prévenir la violence dans les fréquentations amoureuses. Il importe avant tout d’encourager, tout au long de ce processus, !’implication des personnes affectées par le problème (Fawcett et al. 1995; Kim et al., 1998). Il est donc nécessaire d’impliquer dès le départ les jeunes en général et plus précisément ceux aux prises avec un problème de violence dans leurs relations amoureuses.

Étape 1 : Former une première équipe pour faire démarrer le projet et le soutenir

La première étape de la mise sur pied d’un programme de prévention de la violence dans les fréquentations amoureuses au cégep axé le pouvoir d’agir consiste à former une équipe destinée à faire démarrer le projet et à le soutenir (Fawçett et al., 1995; Kim et al., 1998). Cette équipe est en quelque sorte un pilier sur lequel pourront s’appuyer les concepteurs qui se grefferont au projet au fur et à mesure de son évolution. Cette équipe doit être formée de plusieurs représentants de différentes organisations et services susceptibles de s’intéresser à la cause des jeunes et plus précisément, au problème de la violence dans les fréquentations amoureuses. Les jeunes eux-mêmes doivent être impliqués dès le départ. L’idée est que le plus grand nombre de secteurs de la communauté soient représentés. Ainsi, afin d’assurer la réalisation des étapes subséquentes, les membres de provenances variées pourront identifier les personnes de leur entourage et de leur secteur qui ont des ressources ou des forces spécifiques dont la communauté pourrait bénéficier (Kim et al., 1998).

Fawcett et al. (1995) identifient cette équipe comme étant une coalition alors que Kim et al. (1998), de leur côté, parlent plutôt d’une équipe de travail soutenante. Bien que dans les deux cas les objectifs poursuivis soient les mêmes, il est possible de remarquer que les deux termes font appel à des notions quelque peu différentes. Ainsi, la notion de coalition réfère davantage à une alliance puissante, basée sur la conviction profonde de devoir faire changer les choses, alors que celle d’équipe de travail soutenante renvoie plutôt à la tâche de supporter d’éventuels concepteurs résolus à s’unir

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pour parvenir au changement. Dans un cas comme dans l’autre, cette équipe est constituée de gens désireux d’aider les jeunes à rassembler leurs forces afin de poser des actions sociales destinées à lutter contre la violence dans les fréquentations amoureuses. Il importe donc de se rappeler que le contexte de mise sur pied de cette équipe peut différer d’un milieu à l’autre, mais que son rôle demeure toujours de faire démarrer le projet et de le soutenir.

Dans le cadre d’un programme de prévention de la violence dans les fréquentations amoureuses au cégep, les membres de cette équipe peuvent être variés. Il peut s’agir de représentants d’un organisme communautaire de la région, tel un groupe d’entraide destiné à soutenir les gens vivant des problèmes de violence dans le couple ou un groupe traitant de problèmes reliés, comme l’alcoolisme par exemple. Une personne désignée du CLSC peut également se joindre à l’équipe ainsi que différents membres du personnel du cégep. À ce sujet, il pourrait être approprié d’impliquer des représentants de la direction tout autant que des professionnels œuvrant auprès des jeunes et sensibilisés à leur réalité, tels le responsable de la vie étudiante, l’animateur de pastorale ou certains professeurs appréciés des étudiants. Comme les entreprises de la communauté doivent également être mises à contribution (Fawcett et al., 1995; Kim et al., 1998), il serait intéressant de solliciter la participation de représentants d’entreprises dont la clientèle est constituée d’étudiants du cégep. Par exemple, les tenanciers de bars et de restaurants fréquentés par les collégiens pourraient se joindre à cette équipe. Des représentants de la mairie de même que des membres d’un mouvement politique destiné aux jeunes peuvent être inclus. En plus d’intégrer de jeunes leaders étudiant au cégep, les parents de ceux-ci pourraient également être appelés à s’impliquer. Finalement, des personnes ressources dans le domaine de la prévention de la violence dans les fréquentations amoureuses affiliées à une université de la région peuvent également faire profiter de leurs connaissances et de leurs expériences à l’équipe de départ.

Peu importe qui la constitue, les rôles et les responsabilités assumés par l’équipe de départ sont diversifiés. Ce groupe représente d’abord une ressource pour la communauté et une référence sur qui les jeunes peuvent compter afin de les soutenir dans leurs projets (Kim et al., 1998). Cette équipe .détient aussi une certaine expertise (Kim et al., 1998) au sujet de la violence dans les fréquentations amoureuses au cégep. Ainsi, elle possède de !’information à deux niveaux. Elle acquiert d’abord des connaissances sur le problème en général puis, elle doit le délimiter dans la communauté afin d’en dégager les spécificités. Un guide décrivant le problème de la violence dans les fréquentations amoureuses pourra éventuellement être élaboré par des spécialistes du domaine et être remis aux membres de l’équipe. Ce guide devra notamment inclure les définitions des différents types de violence, les taux d’incidence et de prévalence du

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problème, les facteurs de risque et de protection associés de même que les divers mythes entourant cette problématique.

Afin de délimiter les différentes facettes du problème dans la communauté, l’équipe de départ peut réaliser une étude de besoins. En effet, selon certains auteurs (Siegel, Attkinsson & Carson, 1978), il est essentiel de comprendre les besoins d’une population avant d’entreprendre l’élaboration d’un programme. Cette analyse permet d’en apprendre davantage à propos des enjeux associés au problème, des forces et des ressources disponibles, des barrières éventuelles ainsi que des solutions spécifiques à la communauté (Fawcett, 1995; Harvey, 1999). Par le biais de l’étude de besoins, l’équipe de départ identifie les changements potentiels et entrevoit un plan d’action (Fawcett, 1995; Harvey, 1999). À partir d’une recension de la littérature, Harvey (1999) identifie six étapes à suivre afin d’évaluer les besoins d’une population. Lors de la première étape, il importe de planifier soigneusement les stratégies à privilégier pour la réalisation de l’étude de besoins. Il s’agit ensuite de décrire les buts poursuivis de même que la population ciblée. Il importe également d’identifier les sources d’information à utiliser de même que les méthodes de recherche préconisées. Vient ensuite la cueillette des données suivie de leur analyse et de la mise en ordre des priorités des besoins identifiés. La dernière étape représente finalement la divulgation et !’utilisation des résultats.

Il est à noter qu’il n’est pas toujours nécessaire d’effectuer systématiquement l’ensemble de ces étapes. Il importe avant tout de tenir compte des particularités de chaque milieu et des ressources disponibles (Harvey, 1999). De plus, l’équipe de départ peut s’inspirer d’enquêtes qui ont déjà été réalisées afin d’évaluer les besoins de la communauté. Peu importe la procédure privilégiée, il importe de garder en tête les valeurs guidant !’intervention (McKillip, 1987). Ainsi, les valeurs à la base d’un programme axé sur le pouvoir d’agir sont entre autres la solidarité, l’entraide et la conviction que le changement repose sur un travail de groupe. De plus, l’équipe doit miser sur les forces des jeunes qu’elle considère comme des citoyens à part entière. Un guide plus détaillé portant sur la réalisation d’une étude de besoins pourra être distribué à l’équipe de départ afin de simplifier leur tâche.

Par les rôles et les responsabilités qu’elle assume, cette équipe de départ répond déjà à certains éléments des modèles conceptuels du pouvoir d’agir identifiés dans la section précédente. En effet, la formation de cette équipe fait partie de la première étape du processus en ce sens qu’elle contribue à la compréhension du problème de la violence dans les fréquentations amoureuses au cégep. De plus, en se référant au modèle de Kim et al. (1998), il est possible de remarquer que l’équipe de travail s’assure du soutien social de la communauté envers les jeunes (cellule 2), croit en leur potentiel et entretient

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des attentes élevées à leur égard (cellule 3). Il appartiendra également aux membres de cette équipe de reconnaître les éventuels accomplissements des cégépiens (cellule 9). Étape 2 : Entraîner des jeunes leaders et des adultes superviseurs

Lorsque l’équipe de départ est en place, qu’elle a acquis des connaissances au sujet de la violence dans les fréquentations amoureuses et qu’elle a réalisé une étude de besoins afin de bien cerner les différentes facettes du problème dans la communauté, elle doit mettre sur pied une seconde équipe composée de jeunes leaders et d’adultes superviseurs destinée à faciliter le changement dans différents secteurs de la communauté (Kim et al., 1998).

Encore une fois, la définition de cette seconde équipe diffère selon les auteurs. Fawcett et al. (1995) soulignent de leur côté le besoin de former un comité pour chaque secteur de changement. Ainsi, plusieurs comités sont mis sur pied et chacun représente un domaine de la communauté comme par exemple le cégep, les entreprises et les organisations politiques. Cependant Kim et al. (1998) identifient plutôt un seul comité formé de représentants de différents secteurs et facilitant le changement à plusieurs niveaux de la communauté. Il apparaît que le choix de favoriser une ou plusieurs équipes revient à chaque milieu. Ainsi, les plus grandes communautés pourraient davantage bénéficier de plusieurs équipes alors qu’une seule serait appropriée pour les plus petits quartiers. Dans le cas où le cégep compte différents centres d’études collégiales, une équipe de jeunes leaders et d’adultes superviseurs pourrait être formée autour de chaque campus.

Peu importe le nombre de comités privilégiés, il est essentiel d’assurer une bonne représentation de tous les secteurs de la communauté (Fawcett et al., 1995). Ce groupe peut par exemple inclure des étudiants du cégep, des étudiants gradués, tout autre jeune désirant s’impliquer, des parents, des enseignants, des professionnels de la santé ou des membres d’une organisation politique. Les personnes impliquées et les secteurs couverts peuvent varier selon les ressources, les buts et les contextes propres à chaque collectivité (Fawcett et al., 1995). Il est toutefois suggéré d’encourager !’implication des alliés autant que des opposants potentiels (Fawcett et al. 1995). Cette stratégie contribue effectivement à briser les barrières sociales risquant d’entraver le projet.

L’équipe de départ transmet à ce second comité les informations générales au sujet de la violence dans les fréquentations amoureuses au cégep de même que les résultats de l’étude de besoins. La dyade jeunes-adultes est également entraînée par l’équipe de départ afin d’acquérir les habiletés requises par le projet de partenariat dans la

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Figure 2. Modèle conceptuel de Kim et al. (1998) du processus du pouvoir d’agir chez  les jeunes.

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