I
1 9 9 8 / 1 9 9 9
Thème
Environnement
s
Responsables
Stéphanie Thiébault
(UMR ArScAn - Protohistoire e u r o p é e n n e )
Sander Van der Leeuw
Modélisation
Michèle Chartier (UMR ArScAn - Protohistoire européenne)
L'un des principaux cham ps d'intérêt des g é o g ra p h e s est l'étude d e l'e s p a c e e t l'inscription d e s sociétés humaines dans c e t e s p a c e . La notion d e distance o c c u p e d o n c une p la c e privilégiée c a r elle implique souvent une différentiation spatiale. Des régularités ou des discontinuités p euvent a p p a ra ître e t faire l'objet d 'u n e modélisation. Dès la fin du siècle dernier e t surtout depuis la s e c o n d e guerre mondiale, les g é o g ra p h e s ont cherché à construire des m odèles tant en g é o g rap h ie physique qu'en g é o g ra p h ie humaine. C et exposé vise à présenter succinctem ent ces m odèles en v u e d'une utilisation possible en a rc h é o lo g ie mais aussi à m ener une réflexion plus globale sur la modélisation a p p liq u é e à l'environnement, les difficultés spécifiques q u e posent l'information environnem entale e t les d o n n é e s localisées.
Généralités
Un m odèle est une construction intellectuelle q u implique des choix e t un d e g ré d'abstraction plus ou moins poussé. Il est issu d e la réalité e t perm et d'y revenir, mais i n'en est q u 'u n e simplification, fi est orienté vers une démonstration e t a une double valeur heuristique e t didactique. Établir une typologie d e s m o d èles utilisés pour la recherche g é o g ra p h iq u e n'est pas aisé, fi existe a p p a re m m e n t une g ra n d e variété dans le d e g ré d'abstraction e t dans l'emprunt à des disciplines diverses (m athém atique, statistique, hydrologie, etc.), fi ne sera question ici que des plus usuels.
Les types d e m odèles utilisés en géographie Les m o d è le s expérim entaux :
Ils intéressent surtout la géographie physique. Il s'agit d e modèles rep ré sen ta n t des objets en réduction, mais c e tte réduction d'éch elle spatiale s 'a c c o m p a g n e souvent d'un c h a n g e m e n t d 'éch elle tem porelle e t d e problèm es d'ajustem ent a v e c la réalité; on citera les m odèles d'érosion ou d'inondation qui présentent un réel intérêt dans l'étude d e l'évolution des paysages.
Les m o d è le s im ages :
C 'e st le dom aine par excellence du g é o g ra p h e a v e c la carte, mais on peut y associer aussi la d é m a rc h e du g é o g ra p h e R. Brunet a v e c la création des chorèm es (fig. 1). Les ch orèm es sont d e s structures élém entaires d e l'esp ace, q u e l'on représente graphiquem ent. On les a s se m b le pour obtenir un m odèle, c'est-à-d ire une représentation qui propose une explication d e la réalité. On p e u t aussi associer aux m odèles im ages, les images satellitaires.
Les m o d è le s statistiques e t m athém atiqu es ou économ iques :
Ils ont le plus souvent la forme d'une équation (régression, m odèle gravitaire,...). La modélisation d e s interactions (homme milieu par exemple), faisant intervenir plusieurs équations, devient alors, d'u n e g ran d e com plexité.
Les m o d è le s systémiques :
Les m odèles dynam iques :
Ils font intervenir l'e sp a c e e t le temps. Ils impliquent des simulations et vont parfois jusqu'à la prévision. Ils s'appuient sur des évolutions connues ou passées e t supp o sen t q u e les dynam iques resteront les mêmes. La diffusion des innovations a é té la source d e nom breuses modélisations. Mais l'incertitude augm ente à m esure q u e l'on s'éloigne d e la situation initiale. Ces m o d èle s souffrent parfois d e l'illusion d e la scientificité, d e ia d é p e n d a n c e vis-à-vis des d o n n ées initiales et d e s logiciels utilisés (faiblesse des résultats au regard d e l'investissement consenti). En outre, ils requièrent, tout particulièrement, un souci m éthodologique perm anent pour ne p a s oublier les écarts existants entre le réel e t sa représentation.
Les transferts possibles en archéologie
R eprenant les réflexions d e P H aggett (1 973), les m odèles sont, quelque soit la discipline considérée,
inévitables m êm e s'ils sont parfois assez grossiers. M entalem ent l'e s p a c e est d é jà un m odèle pour c h a q u e individu. Ils sont aussi économ iqu es c ar ils perm ettent d e transm ettre c e qu'il y a d e général dans l'information sous une form e co n d en sée. Enfin ils sont stimulants : d e s généralisations trop poussées conduisent à d e s é carts importants a v e c la réalité puis à une remise e n c a u se e t à un processus d e perfectionnem ent.
Nombre d e reproches faits à certains types d e m odèles spatiaux (notam m ent ceux issus d e théories éco n o m iq u es) tiennent au fait q u e les sociétés actuelles ne fonctionnem ent plus dans un systèm e d'autosubsistance. Mais c e la reste en co re vrai, en général, en archéologie. Par ailleurs certains m odèles sont assez séduisants car ils rencontrent des p réo ccupations liées au dynamisme d e s populations, centre d'intérêt d e nom breux archéologues ; on citera pour ex em p les :
• les m odèles d e localisation : issus d e s économ istes il s'agit d 'u n e d é m a rc h e déductive, explicative a v e c pour les plus célèbres, le m odèle d e von Thünen, d e W eber ou d e Burgess (fig. 3) ;
• le m odèle centre-périphérie (m o d èle gravitaire) e t la définition d e s zones d'influence; • Les hiérarchies fonctionnelles des unités d e peuplem ent a v e c le m odèle Christaller (fig. 4) ; • les m odèles d e diffusion (co u rb e logistique) a v e c les a p p ro c h e s déterministes ou
probabilistes.
C es m odèles spatiaux, bien q u e rigides, aident à penser. Leur portée prévisionnelle est souvent limitée e t parfois d a n g e re u se aussi.
Les contraintes dans la dém arche d e modélisation
Le m odèle est conçu à partir d e réflexions théoriques e t d'analogies, mais aussi d e l'observation du réel, les unes e t les autres é ta n t formalisées. La d é m a rc h e hypothético-déductive est a u d a cie u se mais souvent d é c riée alors que la d é m a rc h e inductive e st plus prudente mais aussi plus difficile à mettre en œ uvre. La qualité des données est d e prem ière im portance. Il n'est pas inutile d e rap p eler pourquoi :
La précision d e l'information : on travaille le plus souvent à partir d'échantillons e t non sur la population totale. L'information y est souvent h é té ro g è n e a v e c un niveau d e précision très variable. I est impératif d e conserver u ne b a se d e données hom ogène quitte à rester à un niveau d e précision assez moyen c a r si on réduit l'effectif le risque est grand d e ne plus pouvoir lan cer certaines opérations ;
Les contraintes statistiques sont souvent très nom breuses pour la construction d e certains m odèles. Un effectif suffisant pour l'échantillon qui doit être significatif, d e s distributions aux caractéristiques particulières (norm ale par exem ple pour certains ajustements...), une prise en c o m p te d e l'effet d e taille, une interrogation sur la relation entre corrélation e t causalité, un test sur les coefficients...
I s'y ajoutent d'autres contraintes spécifiques à l 'e s p a c e :
• la définition d e l'e sp a c e d e référen ce, quel d é c o u p a g e retenir? Quelles unités géom orphologiques ou p ay sag ères sont pertinentes, peut-on parler d e limites « naturelles » pour définir c e t e s p a c e ?
• le choix d e l'échelle d'analyse (ici sp a tia le mais le problèm e existe aussi pour la co m p o san te temporelle) ; quelle est l'échelle d 'a n a ly s e appropriée à la problém atique ?
• les transferts d 'é c h elle spatiale (ou tem porelle) ; peut-on le faire ? Ne doit-on pas considérer les effets d e seuils ?
Les d on n ées en archéologie
Dans la perspective d 'u n e é tu d e environnementale ch erch an t à percevoir les relations entre l'hom m e e t le milieu, le choix des descripteurs est délicat. Les 2 fiches ci-jointes donnent, en substance, les critères les plus usités. On s'intéressera plus particulièrement aux données dites « environnem entales ».
Q uelques rem arques s'im posent :
• le d é v e lo p p e m e n t récen t des SIG a permis d'obtenir une g ra n d e partie des descripteurs présentés : orientation, ensoleillement, p en te e t calculs d e distances à condition d e posséder un m odèle num érique d e terrain (MNT) d o n t la résolution sort satisfaisante e t le ty p e d'interpolation bien choisi ;
• la pédologie ou la géom orphologie souffrent soit d e l'ab se n c e d e d o n n ées à m oyenne ou g rande échelle (1/50 000 ou 1/25 000) ou les docum ents existants sont trop co m plexes (multiples c o u c h es d'information) ;
• certaines informations paléo-environnem entales ne figurent pas alors qu'ils sont essentiels : palynologie, anthracologie, m ala co lo g ie; com m ent les intégrer? C om m ent extrapoler une information ponctuelle ? Ces questions semblent en c o re insolubles ; actuellem ent, lorsqu'elles existent, ce s d o n n é e s sont exploitées en bout d e chaîne pour affirmer ou infirmer d e s hypothèses mais la spatialisation est en co re bien hasardeuse ; il faudrait alors multiplier les sondages e tte n te r des interpolations en ten an t co m p te des c h a n g em e n ts d'échelle.
Un m odèle, on l'a vu, se construit parfois, à partir d'analogies. L 'absence ou presque d e données d e références sur lesquelles s'a p p u y er pour construire les m odèles est un écueil parfois insurmontable. L'expérimentation se pose c a r elle est largem ent insuffisante. On a p e u d e connaissances sur les rendem ents des divers types d e sols (sans am endem ents, c o m p te tenu des e s p è c e s et les technologies d e l'é p o q u e étudiée), sur les pertes lors du stockage, sur la part respective d e l'agriculture vis à vis d e l'éle v ag e ou d e la chasse. De la m êm e façon, p eu d e docum ents d e synthèse existent sur les pratiques des sociétés post industrielles qui vivaient dans des situations proches d e l'aufosubsistance e t qui pourraient constituer d e s sources non négligeables. Des efforts conséquents d e mise point d e protocoles d'expérim entation, d e collecte e t d e diffusion d 'u n e telle information restent à fournir. Des exem ples d'initiatives d e c e genre sont en cours d an s la vallée d e l'Aisne e t portent sur La Tène (identification des besoins nutritifs, croisements a v e c les analyses carpologiques e t faunistiques, é tu d e des modalités du stockage...).
Conclusion
Deux d é m a rch e s classiques p euvent donc être mises en oeuvre dans une m odélisation spatiale. Dans un premier tem ps c'est souvent la collecte d e l'information, les traitements, puis l'exposé des processus d é g a g é s d e l'analyse, qui o n t é té privilégiés pour tenter d e d é c e le r une dynam ique ou des lois d an s les processus d e maîtrise ou d'exploitation d e l'e s p a c e par les sociétés. À c e titre les systèmes d'informations g é o g ra p h iq u es ont assez récem m en t favorisé une telle a p p ro c h e sans pour autant tenir toutes leurs prom esses. Une autre orientation (com plém entaire d e la prem ière) se dessine a v e c une nouvelle génération d e SIG dits « dynam iques ». On valorise dans un premier tem ps l'a s p e c t théorique a v e c la création d e m odèles plus ou moins com plexes (av ec éventuellem ent l'introduction du tem ps). Ils sont ensuite testés sur les d o n n é e s existantes; une certaine souplesse technique, liée à une nouvelle génération d e logiciels, perm ettant des ajustem ents ultérieurs (fig. 4). C ette voie est e n c o re , à c e jour, largem ent exploratoire.
Éléments bibliographiques
1997. Archaeological applications of GIS. p ro ce e d in g of UISPP Xillth. Forli, Italy, Septem ber 1996. Sydney : lan Johnson &
M a c Laren. North. University A rc h a e o lo g ic a l Methods Serie 5 (CD-ROM).
A uger P.. Baudry J.. Fournier F. (sous le direction d e) 1992. Hiérarchie e t échelles en écologie. Naturalia.
Durand-Dastes F. et al. 1998. Des o pp id a aux métropoles, archéologues et géographes en vallée du Rhône. ARCHEOMEDES. Paris : Anthropos. C ollection villes.
H aguett P. 1973. L'analyse spatial en géographie humaine. Paris : Arm and Colin. Collection U.
Fiche 1 : la nature de l’information archéologique d escrip teu rs tech niq ues et fonctionnels pour l’habitat ty p e d e site :
superficie du site : niveau du site :
m atériaux d e construction : présence, a b se n c e mobilier : (am phore, silo...)
activité : (stockage, artisanat, d éb ita g e...) d a te d'im plantation :
d u ré e d 'o c c u p a tio n :
o c c u p a tio n antérieure sur 500 m d e rayon : (néant, longue, courte...) n a tu re d e l'occupation antérieure :
d ista n c e à une voirie : (selon l'ép o q u e)
n o m bre d e chemins m enant au site : (selon l'époque) d ista n c e au site le plus proche e t d e la m êm e é p o q u e Fiche 2 : la nature de l’information environnementale sitologie orientation ensoleillement p e n te g é o m o rp h o lo g ie p é d o lo g ie
d ista n c e à une ressource en m atière première d e la région n a tu re d e c e tte ressource
d ista n c e au réseau hydrographique principal (navigable) d ista n c e au réseau hydrographique seco ndaire
"centres, limites et polygones limite
administrative État région.
aire de desserte irrigation, drainage voies de V communication tête de réseau, carrefour
« Unexempledemodèlechorématique l'îletropicale » liaisons \ \ préférentielles points attirés satellites orbites nvage
rupture, interface aires en contact
Plantations:
M étropole
surfaces* de tendance fhnc
d ire c tio n n e l ligne de partage dissymétries
J/tissu du changement axes de propagation évolutions ponctuelles P artie "au vent* *
Source : Géographie u n h m elle. Bclin. 1990.
Partie 'so u s le vent*
limites'r
administratives réseau maillé Systèmes d ’interactions rendant compte de l'utilisation de l ’eau
semis urbain
Nature et dimension
des agents de décision Niveau technique et économique
Densité de population Niveau de vie P o l l i n i s a r ,
[Modification du milieu, salure. _1 [Incorporation Évaporation) [Pollutionl -* Usage agricole ' G e n re d e vie i<4 P h y sio lo g ie VÉGÉ TATION [PoDutionj FAUNE ! I_______ [Incorporation Utilisation énergétique} Évaporation]
[Besoins ' S aménagement) [Possibilités d'aménagemei Usage domestique Navigation intérieure V d e s_ c o u ra n ts jH A— E r o s io n -j Disponibilités naturelles
[Coût social des , Disnonihatês aménagements) économiquement rentables
REUEF
Bilans hydriques Caractères hydrologiques naturels
Lithologie
1 SOL --- H [Humanité
Source : J. D cnunecui. L a m ilieux naturels. Masson. 1987. Indique une influence
Phénomène par l'intermédiaire duquel s'exerce une influence
Figure 2
— Indique qu’une utilisation en exclut ou en gêne une autre Indique une concordance entre aménagements
Productions ou
S y stè m e s de cultures 'Revenu à l'ha
M arché
Voie d e com m unication p riv i lé g ié e É lev ag e laitier et m a r a îc h a g e L abours e t prairie A sso le m e n t trien n al C é ré a lic u ltu re L É M E N T S DE G E O G R A P H IE H U M A IN E
— Le schém a des zones urbaines d ’après Burgess (A) e t le schéma radio-concentrique d ériv é (B). Centre commercial e t de services, zone d’usines, zones de logements m odestes, zone de logements aisés, zone de m igrants quoti diens.
- Z o n atio n urbaine e t com pétition p o u r le c e n tre : Schém a de v o n T hünen a d ap té.
Les droites 1-2-3-4 définissent l ’ap titu d e à payer u n lo y er des d iverses activ ités. L ’intersection e n tre deux droites de pente différente d é fin it la lim ite de deux zones.
— Le schém a de W eber : théorie de la localisation des entreprises industrielles.
A . et B . Matières p rem ières ou sources d ’énergie nécessaires à la produ ction. M. Marché de co n som m ation ; produit fini.
L a largeur des flèches est proportionnelle aux frais de transp ort.
L es signes ont des surfaces proportionnelles au poids du transport dan s les coûts. L ’usine est localisée de m anière à m inim iser les frais de transport.
L 'Al le m ag ne du S u d d'ap rè s C h r is ta ll e r
-S é le c ti o n d es d e sc r ip te u r s le s p lu s di scr im in an ts p o u r la d u r a b il it é . tli CD-P o CO c c o - o . o i n , _ i n CD , _ S f -ys o o t n *■ O O a ' - . S s t ' s = 2-s- 5 C c"ï c -2 p =1 .5 ~ — O 5 5 -S-J 5 -ii cO î l ' Ü x. - S ' -• -r- £_ .j- s I