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L inoubliable voyage de Sophie

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Sarah MacLean

Après avoir obtenu un diplôme de lettres et travaillé dans une agence littéraire, elle décide de se lancer dans l’écriture.

Elle est auteure de romances, ainsi que de livres pour jeunes adultes devenus des best-sellers. Son talent lui a permis d’être classée à de nombreuses reprises sur la liste des meilleures ventes de USA Today et du New York Times.

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L’inoubliable voyage

de Sophie

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Du même auteur aux Éditions J’ai lu LE CERCLE DES CANAILLES

1 – Le flambeur N° 10420

2 – La curiosité est un vilain défaut N° 10703

3 – Le paria N° 10873 4 – Discrétion assurée

N° 11197

LA FAMILLE ST. JOHN 1 – L’amour en 9 défis

N° 11540 2 – L’amour en 10 leçons

N° 11543

3 – L’amour en 11 scandales N° 11566

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S arah

MACLEAN

LES SŒUrS TaLBOT – 1

L’inoubliable voyage de Sophie

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Paul Benita

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Titre original THE ROGUE NOT TAKEN

Éditeur original

Avon Books, an imprint of HarperCollins Publishers (New York)

© Sarah Trabucchi, 2015 Pour la traduction française

© Éditions J’ai lu, 2018

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Pour le Dr Howard Riina et la femme qu’il aime.

Avec mon infinie gratitude.

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L’éclaboussant scandale de Sophie

Londres, juin  1833

Si la comtesse de Liverpool n’avait pas été une si grande admiratrice des créatures aquatiques, les choses se seraient peut-être déroulées différemment.

Les événements scabreux du 13 juin 1883, lors de l’ul- time et légendaire garden-party de la Saison, n’auraient peut-être pas eu lieu et, tel un essaim de coccinelles, le Tout-Londres se serait joyeusement égayé dans une myriade de voitures à travers la campagne anglaise.

Peut-être.

Mais un an auparavant, la comtesse de Liverpool avait reçu présent d’une demi-douzaine de jolis pois- sons rouges, ou plutôt orange et blanc, qui, paraît-il, étaient nés dans l’aquarium personnel du shogun du  Japon. Sophie jugeait cette histoire fort impro- bable –  le Japon  étant notoirement isolé du reste du monde –, mais lady Liverpool était excessivement fière de ses « petits bijoux » dont elle s’occupait avec une passion quasi frénétique. Les six étaient devenus deux douzaines, et le grand bocal dans lequel les créatures avaient été livrées avait été échangé contre ce que d’aucuns qualifieraient de mare.

Les poissons avaient, par ailleurs, enflammé l’ima- gination de la comtesse qui avait bizarrement décidé

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que le thème de la Soirée d’été des Liverpool serait chinois, bien que l’Empire du Milieu, ses us et ses coutumes ne soient pour elle que du chinois. Pire encore que le Japon. Quand lady Liverpool les avait accueillis dans une diaphane soie orange et blanc destinée à évoquer ses chères merveilles, elle avait tenu à expliquer ce fait.

— Vous comprenez, le Japon demeure un mystère.

Personne ne sait rien de cette île. Elle est terriblement isolée. Si j’avais dû la prendre pour thème, cela n’aurait pas été amusant. La Chine en étant si proche… c’est pratiquement la même chose.

Quand Sophie avait répondu que, non, ce n’était pas du tout la même chose, la comtesse avait émis un petit rire dédaigneux en agitant un bras replet mais néanmoins soyeux.

— Allons, lady Sophie, je suis sûre qu’en Chine aussi il y a des poissons.

Devant tant d’ignorance, Sophie avait adressé un regard excédé à sa mère sans que celle-ci réagisse. Si, depuis des semaines, elle ne cessait de répéter que la Chine et le Japon n’étaient pas identiques, ce distinguo ne semblait intéresser personne  : sa mère était bien trop reconnaissante d’avoir été invitée à un événement aussi recherché. Mais, après tout, les sœurs Talbot étaient, elles aussi, exceptionnellement recherchées.

À l’image de toute l’aristocratie, elles étaient arrivées drapées d’un assortiment de rouges et d’orange, de brocarts tous mieux brodés les uns que les autres, et couronnées de chapeaux scandaleux qui avaient dû, sans le moindre doute, obliger les modistes de Londres à travailler jour et nuit depuis que l’invitation avait été reçue.

Sophie, quant à elle, avait tenu tête à sa mère et décidé, au grand désarroi de sa famille, d’assister à cette farce en vulgaire jaune pâle.

Et voilà qu’en cette belle journée de la mi-juin, prenant en pitié la pauvre et pâlotte Sophie – la sœur

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Talbot qui n’était ni la plus jolie, ni la plus amusante, ni celle qui jouait le mieux du pianoforte  –, lady Liverpool lui suggéra de rendre visite aux poissons qui prospéraient dans leur nouvel environnement.

Soulagée d’échapper à tous ces aristocrates narquois et à leurs regards qui les fuyaient soigneusement, sa famille et elle, Sophie accepta avec joie. Après tout, un regard n’est jamais aussi flagrant que quand il évite son objet. Ceci se révélant particulièrement vrai quand les objets en question étaient tellement impos- sibles à ignorer.

Les jeunes sœurs Talbot n’avaient cessé d’attirer l’attention. Mais leurs sorties en société – cinq en quatre ans – avaient chacune reçu un accueil moins bienveil- lant que la précédente. Les invitations se raréfiaient.

Sophie aurait préféré que sa mère renonce à son rêve impossible de faire de ses filles les coqueluches du Tout-Londres, mais cela n’arriverait jamais. En conséquence, elle se trouvait ici, s’efforçant de se fondre dans le domaine horticole des Liverpool en feignant de ne pas entendre les insultes si souvent chuchotées à propos de ses sœurs, au point qu’elles ne l’étaient plus guère… chuchotées.

Ce fut donc avec soulagement que, suivant les indi- cations de leur hôtesse, elle pénétra dans la légendaire serre des Liverpool, une chose immense et tout enro- bée de verre, remplie d’une flore stupéfiante et, elle l’espérait, hermétique aux ragots.

Elle chercha la mare, se frayant un chemin parmi des citronniers en pots et des fougères démesurées, jusqu’à ce qu’elle entende le bruit : une sorte de râle, régulier et troublant, comme si une pauvre créature se faisait torturer parmi les rhododendrons.

N’étant pas dépourvue de conscience, ni de bra- voure, Sophie décida aussitôt de porter secours à la malheureuse. Hélas, quand elle trouva la source de ce bruit, il devint clair que la malheureuse en question n’avait nul besoin d’assistance !

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Elle était en train d’en recevoir.

De la part du propre beau-frère de Sophie.

Notons, cependant, que la femme n’était pas la sœur de Sophie.

Ce qui explique pourquoi, après avoir surmonté le choc initial, cette dernière se jugea autorisée à intervenir.

— Votre Grâce ! s’exclama-t-elle sans la moindre discrétion, mais avec un immense mépris pour ce moment, pour cet homme et pour le monde qui avait donné à celui-ci un tel pouvoir.

La paire se figea. Surmontée d’une pagode en soie rouge, de parfaites anglaises dégoulinant de sa mul- titude de toits, une jolie tête blonde surgit derrière un bras masculin.

Le duc de Haven, lui, ne daigna pas accorder un regard à Sophie.

— Laissez-nous.

Il n’y avait rien au monde que Sophie haïssait davan- tage que l’aristocratie.

— Sophie ? Mère te cherche… Elle a entraîné le malheureux capitaine Cuthbert sur le terrain de cro- quet et elle le harcèle de coups avec son gigantesque éventail. Toi seule peux sauver le pauvre homme.

En entendant ces mots, Sophie ferma les yeux comme pour les faire disparaître. Et celle qui les avait pronon- cés avec eux. Elle fit volte-face pour arrêter sa sœur.

— Non, Sera…

— Oh !

Seraphina, duchesse de Haven, née Talbot, se figea en dépassant une dernière fougère et en découvrant la scène, ses mains venant aussitôt protéger son ventre chaque jour plus protubérant, car il y poussait le futur duc de Haven.

Sophie vit la stupéfaction dans son regard, aussitôt suivie par de la tristesse, elle-même aussitôt remplacée par un calme glacial.

— Oh ! répéta la duchesse de Haven.

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Le duc ne bougea pas. Ne regarda pas son épouse, la mère de son enfant à naître. Au lieu de cela, il glissa les doigts dans les boucles blondes et répliqua, la bouche au creux de la gorge de sa partenaire  :

— J’ai dit  : laissez-nous.

Sophie regarda Seraphina, grande, forte et dissimu- lant toutes les émotions qu’elle devait ressentir. Et que Sophie ressentait avec elle. Elle voulait que sa sœur réponde. Qu’elle s’indigne. Pour leur enfant, au moins.

Seraphina commença à pivoter, comme pour partir.

Sophie ne put s’en empêcher.

— Seraphina ! Tu ne dis rien ?

L’aînée des Talbot secoua la tête avec une telle résignation que celle-ci provoqua la fureur de Sophie.

Elle s’en prit à son beau-frère.

— Eh bien, moi, je parlerai. Monsieur, vous êtes ignoble. Prétentieux, détestable et méprisable.

Le duc tourna un regard hautain vers elle.

— Voulez-vous que je continue ? dit Sophie.

— Vraiment ! intervint la blonde. S’adresser de la sorte à un duc. Quel manque de respect !

Sophie se retint d’arracher ce stupide chapeau de sa tête pour les en flageller tous les deux.

— Vous avez raison. C’est moi qui manque de res- pect dans cette situation.

— Sophie, dit doucement Seraphina, et elle sentit l’urgence dans sa voix.

Le duc laissa échapper un long soupir excédé et entreprit de s’extraire de la dame. Il rabattit ses jupes et la souleva de la table sur laquelle elle était perchée.

— Partez.

— Mais…

— J’ai dit, partez.

Sachant qu’elle était déjà oubliée, la créature obéit, prenant à peine le temps de rajuster sa tenue avant de filer.

Le duc se retourna, encore en train de se rebouton- ner. Ostensiblement. Sa duchesse détourna les yeux.

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Pas Sophie, qui se planta devant sa sœur, comme pour la protéger de cet homme qu’elle avait épousé.

— Si vous croyez nous impressionner avec votre grossièreté, vous vous trompez lourdement.

Il haussa un sourcil.

— Voilà qui ne m’étonne pas. Question grossièreté, votre famille n’a pas d’équivalent.

La réplique se voulait blessante, et elle l’était.

La famille Talbot était le scandale de l’aristocratie.

Le père de Sophie, un comte récemment anobli, avait reçu son titre une décennie plus tôt. Même s’il n’avait jamais confirmé la rumeur, celle-ci prétendait que la fortune de Jack Talbot – acquise dans le charbon – lui avait acheté son titre. Certains assuraient qu’il l’avait gagné lors d’une partie de faro ; d’autres, que c’était un dédommagement après que le comte avait réglé une dette très embarrassante du roi.

Sophie n’en savait rien et ne s’en souciait guère plus. Après tout, le titre de son père n’avait rien à voir avec elle, et si elle avait eu le choix, elle se serait bien passée d’appartenir à ce milieu.

En fait, elle aurait choisi n’importe lequel plutôt que celui-ci, où on ne cessait de médire sur ses sœurs et de les maltraiter.

— Vous ne semblez guère gêné de dépenser notre argent.

— Sophie, répéta Seraphina, et cette fois, son ton était sec.

Elle se retourna vers sa sœur.

— Tu ne vas quand même pas le défendre. C’est la vérité, non ? Avant toi, il était ruiné. À quoi bon un duché s’il ne vaut rien ? Il devrait te remercier à genoux de l’avoir sauvé.

— Parce qu’elle m’aurait sauvé ? dit le duc en rajus- tant une de ses manches. Si c’est ce que vous croyez, vous êtes une simple d’esprit. J’ai fourni à votre père tous les investisseurs de la noblesse dont il peut se flatter. Il existe grâce à mon bon vouloir. Et je dépense

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cet argent avec joie, cracha-t-il, car avoir été contraint au mariage par votre catin de sœur a fait de moi la risée de Londres.

L’insulte choqua Sophie. Elle connaissait les ragots : sa sœur aurait jeté son dévolu sur le duc. Et il était vrai que sa mère avait exulté quand son aînée était  deve- nue duchesse. Mais cet homme n’en demeurait pas moins méprisable.

— Elle porte votre enfant.

— C’est ce qu’elle prétend.

Les écartant de son chemin, il se dirigea vers la sortie de la serre.

— Vous doutez qu’elle soit enceinte ? s’écria-t-elle en contemplant sa sœur dont les mains étaient toujours crispées sur son gros ventre.

Et puis, soudain, elle comprit ce qu’il avait vraiment voulu dire. Elle se lança à sa poursuite.

— Vous ne doutez quand même pas qu’il s’agisse de votre enfant ?

Il fit volte-face, le regard froid et empli de dédain.

Il ne regardait pas Sophie, mais sa femme.

— Je doute de chaque mot qui franchit ses lèvres.

Il se retourna de nouveau et Sophie dévisagea sa sœur, grande, fière, et toujours aussi froide et distante.

Sauf qu’une larme perlait au coin de sa paupière tandis qu’elle regardait son mari s’éloigner.

C’est alors que Sophie en eut assez de ce monde de règles, de hiérarchies et de dédain. Ce monde qu’elle n’avait pas choisi.

Ce monde qu’elle haïssait.

Déterminée à venger sa sœur, elle courut derrière son beau-frère.

Il se retourna de nouveau, peut-être parce qu’il entendit avec quel désespoir sa femme appela sa belle- sœur ; ou peut-être parce que le bruit des pas d’une représentante du sexe faible lui fonçant dessus était assez étrange pour le surprendre ; ou peut-être parce que Sophie ne put s’empêcher de donner voix à sa

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contrariété dans un cri féroce qui retentit à travers toute la serre.

Elle le poussa de toutes ses forces.

S’il n’avait pas été en train de se retourner, déjà en déséquilibre…

Si le sol n’avait pas été aussi glissant, grâce aux soins de jardiniers soucieux d’entretenir ce qui faisait la fierté des Liverpool…

Si la comtesse de Liverpool n’avait pas eu un tel faible pour les poissons…

— Espèce de petite mégère ! s’écria le duc depuis la mare où il gisait, assis sur son postérieur, les genoux pliés, ses cheveux mouillés plaqués sur le visage, les yeux brillants de fureur. Je vous détruirai ! crut-il bon d’ajouter.

Bras ballant au bord de la mare, Sophie toisa son beau-frère, d’ordinaire si imposant.

Mais pas cette fois.

Incapable de se retenir, elle sourit.

— Vous pouvez toujours essayer.

— Sophie, dit sa sœur, et elle entendit le désarroi, le regret et la tristesse dans sa voix.

Sans cesser de sourire, Sophie se tourna vers sa sœur.

— Oh, Seraphina ! s’exclama-t-elle, ignorant les cra- chotements et suffocations de son beau-frère. Dis-moi que tu as au moins apprécié cette scène.

Sophie n’avait jamais vécu de moment plus délicieux depuis qu’ils avaient emménagé à Londres.

— J’ai apprécié, répondit sa sœur d’un ton calme.

Malheureusement, je n’étais pas la seule.

La duchesse fixait quelque chose derrière Sophie, qui pivota, et se figea en découvrant le Tout-Londres de l’autre côté des immenses vitres de la verrière.

La honte fut instantanée.

Que son beau-frère ait largement mérité ses vête- ments trempés, ses bottes ruinées et son embarras

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importait peu. Que tout homme qui s’exhibe avec sa maîtresse devant sa femme enceinte et sa belle-sœur célibataire soit un animal de la pire espèce importait peu. Qu’il soit exclusivement et entièrement responsable du scandale importait peu.

Le scandale ne touchait pas les ducs.

En revanche, il s’accrochait aux jeunes dames Talbot tel du miel dans les cheveux.

Quand Jack Talbot était devenu comte de Wight, la haute société avait regardé avec dédain cette famille si peu raffinée, si suprêmement roturière et, pour tout dire, vulgaire. En dix ans, rien n’avait changé. La for- tune du si récent comte acquise dans le charbon avait alimenté les sarcasmes – les sœurs étaient surnommées les Fatales S, ce qui se voulait sans doute spirituel dans  la mesure où les filles Talbot se prénommaient, dans l’ordre, Seraphina, Sesily, Seleste, Seline et Sophie.

Même si Sophie préférait les Fatales S à d’autres surnoms moins flatteurs – chuchotés dans les salles de bal, les salons de réception et surtout dans les clubs masculins –, ce sobriquet était un avertissement depuis que Seraphina avait prétendument tendu son fameux piège à son duc si parfait, le forçant à l’épouser. La signification était limpide  : l’argent avait peut-être acheté le titre, la demeure dans Mayfair, les vêtements splendides –  et souvent excentriques  –,  les chevaux superbes, les voitures somptueuses, mais il ne pourrait jamais acheter une vraie lignée, et les filles auraient bien du mal à s’allier à des familles au pedigree depuis longtemps établi.

Les Sœurs Dangereuses.

Cet autre sobriquet était l’apanage de ses trois aînées encore célibataires, dont chacune était mêlée à une aventure extravagante avec un individu tout aussi extra- vagant – des aventures qui confinaient au scandaleux et risquaient à tout moment de s’achever sans la moindre grâce. Tout le monde savait que Sesily était la muse de Derek Hawkins, artiste renommé, propriétaire et

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vedette du Hawkins Theater. S’il ne pouvait se vanter de posséder un titre, il se vantait de tout le reste et cela avait suffi à gagner le cœur de Sesily – même si Sophie ne parvenait pas à comprendre ce qu’elle, ou quiconque, appréciait chez cet homme insupportable.

Seleste se trouvait engagée dans une relation tumul- tueuse excessivement publique avec le séduisant, et malheureusement ruiné, comte de Clare. Ils formaient le couple le plus spectaculaire qui se puisse imagi- ner, se disputant devant des salles de bal entières aussi souvent qu’ils tombaient en pâmoison dans les bras l’un de l’autre. Seline, quant à elle, était courtisée par Mark Landry, propriétaire des écuries Landry, les plus célèbres du pays, du continent et peut-être même du monde civilisé. Landry était un rustre bruyant, sans la moindre goutte de sang bleu, mais s’il épousait Seline – et Sophie estimait que cette éventualité était fort probable  –, elle deviendrait, de loin, la plus riche des sœurs.

Ces aventures faisaient l’objet d’une attention constante et de commentaires incessants. Bien sûr, les jeunes dames Talbot adoraient cela, chacune s’effor- çant de déchaîner les feuilles à scandales, au grand dam  de leur mère. Toutes les sœurs s’épanouissaient sous les critiques de la haute société, chaque murmure désapprobateur formulé derrière l’éventail frénétique d’une doyenne les poussant vers de nouveaux excès.

Toutes les sœurs, sauf, bien sûr, Sophie. À vingt et un ans, elle avait toujours été celle que les scandales évitaient. La raison en était, croyait-elle, qu’elle ne se souciait guère de la bonne société, de ses règles et ses opinions et que, d’une façon ou d’une autre, celle-ci s’en était aperçue.

Toutefois, à présent que le duc de Haven se retrouvait le postérieur dans la mare aux poissons, avec quelques nénuphars accrochés à ses culottes autrefois impec- cables, il semblait que la bonne société ne laisserait

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pas Sophie Talbot –  jusque-là considérée comme la plus « avisée » de la famille  – tranquille.

Les joues de Sophie la brûlaient quand elle sortit de la serre, la tête haute, et s’arrêta sur le seuil pour scruter la foule. Elles étaient toutes là. Les duchesses, les marquises et les comtesses, la fixant derrière leurs éventails affolés, leurs chuchotements plus stridents qu’un chant de cigales dans l’air d’été soudain étouf- fant. Mais ce n’était pas la réaction des dames qui la choquait, à vrai dire. Elle s’y attendait.

C’était celle des hommes.

Selon son expérience, les gentlemans de Londres se moquaient des ragots, les abandonnant à leurs épouses tandis qu’ils consacraient leurs pensées à des distractions plus viriles. Ce n’était apparemment pas le cas quand l’un des leurs était attaqué. Eux aussi la fixaient – les comtes, les marquis et les ducs, chaque titre plus vénérable que le précédent  – avec, dans les regards, dans la force de leur multitude, rien d’autre que la critique la plus impitoyable à son endroit.

Le mépris est souvent décrit comme froid ; aujourd’hui, il semblait aussi brûlant que le soleil.

Sans réfléchir, Sophie leva la main comme pour se protéger de cet assaut incandescent.

— Sophie !

Sa mère accourait, un grand sourire aux lèvres, la voix assez forte pour surmonter les murmures. La comtesse portait une robe d’un écarlate improbable, qui aurait été déjà choquante si son crâne n’avait été surmonté d’une construction énorme et ridicule dans des tons qui, lui avait-on assuré, « faisaient fureur en Chine ». Son beau visage en paraissait minuscule.

Pour l’instant, cependant, la comtesse n’avait que faire de son chapeau. Elle contemplait sa cadette en affichant une expression qui ne pouvait qu’être qua- lifiée d’affolée. Les trois autres sœurs de Sophie la suivant comme une extravagante couvée de canards.

— Sophie ! s’exclama la comtesse. Qu’as-tu fait !

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— Voilà qui était digne de l’une de nous trois, com- menta Sesily avec flegme.

Son impressionnant décolleté menaçait de faire craquer les coutures de sa robe plus que moulante.

Bien sûr, elle possédait le tempérament pour porter une telle tenue et était fière d’incarner la tentation.

— Haven avait l’air de vouloir te tuer, reprit-elle.

Je vais vous détruire.

— Il l’aurait fait sans un tel public, répliqua Sophie.

— Sans, malheureusement, un tel public, rectifia sa mère.

Arquant un sourcil, Sesily chassa une poussière invisible sur sa gorge opulente.

— Et s’il n’était pas déjà si trempé.

— Inutile de vouloir nous impressionner avec ta poitrine, Sesily. Nous en avons toutes une, fit remar- quer Seleste à travers le voile de dentelle d’or qui cascadait sur son visage et son cou depuis une sorte de diadème.

Seline ricana.

— Mesdemoiselles ! dit la comtesse.

— C’était vraiment magnifique, Sophie, reprit Seline.

Qui aurait cru cela de toi ? Sophie la foudroya du regard.

— Ce qui veut dire ?

— Mesdemoiselles, ce n’est pas le moment, intervint leur mère. Vous ne voyez donc pas que cette histoire pourrait provoquer notre ruine à toutes ?

— Ridicule, lâcha Sesily. Combien de menaces de ruine va-t-il encore nous falloir subir avant que tu comprennes que nous sommes comme des chats ?

— Même les chats n’ont que sept vies. Nous devons réparer cette catastrophe. Sur-le-champ, décréta la comtesse de Wight avant de se souvenir que le Tout- Londres l’observait et l’entendait. Nous avons tous vu ce qui s’est passé ! Sa pauvre Grâce !

Sophie se pétrifia.

Pauvre ?

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— Mais oui, bien sûr, fit la comtesse dont la voix monta –  ce qui semblait impossible  – d’une octave.

Sophie battit des paupières.

— Tu ferais mieux de te plier à sa volonté, dit cal- mement Seline. Sinon mère va nous faire une attaque de peur d’être bannie.

La foule se rassemblait autour d’elles, tels des cor- morans couverts de dorures, agitant leurs éventails comme pour prendre leur envol.

— À sa place, je ne m’inquiéterais pas, déclara Seleste. Ce n’est pas comme si un seul d’entre eux voulait vraiment nous bannir.

Sesily hocha la tête.

— Précisément. Ils adorent nos petites scènes. Que feraient-ils sans nous ?

Ce qui n’était pas faux.

— Et chacune, nous nous élèverons plus haut que n’importe laquelle d’entre elles. Regardez Seraphina.

— Sauf que Seraphina est mariée à un parfait cré- tin, rappela Sophie.

— Sophie ! On ne parle pas ainsi !

Sa mère semblait au bord de l’évanouissement.

— Évitons ce sujet, proposa sagement Sesily.

— Il est clair qu’il a malencontreusement glissé et est tombé dans cette mare ! s’exclama la comtesse d’un air désespéré, en écarquillant tellement ses yeux bleus que Sophie crut qu’ils allaient jaillir de leurs orbites.

Une vision lui traversa l’esprit, celle de sa mère cherchant deux globes bleu et blanc dans la pelouse impeccable, son chapeau bizarre tremblotant sur son crâne.

Quelle scène.

Ce fut son tour de ricaner.

— Sophie ! siffla la comtesse. Comment oses-tu ? Main pressée sur la poitrine, la comtesse de Wight enchaîna  :

— Pauvre, pauvre Haven !

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Sophie ne put en supporter davantage. Sa famille n’était plus la même depuis que le titre était arrivé, faisant de sa mère une comtesse et de ses sœurs – des femmes déjà extrêmement riches  – des dames extrê- mement riches, ne laissant d’autre choix à la bonne société que de les admettre en son sein. Et soudain, cette mère et ses filles, dont elle n’avait jamais pensé qu’elles se souciaient des attraits de la renommée, n’avaient plus été obsédées que par cela.

Elles n’avaient jamais compris que, même si les filles Talbot épousaient chacune un membre de la famille royale, elles ne seraient jamais les bienvenues dans ce monde-là. Ce dernier tolérait leur présence parce qu’il ne pouvait se permettre de faire fi des conseils et de l’intelligence du nouveau comte, ni des dots qui accompagnaient chacune de ses filles.

Après tout, en Grande-Bretagne, le commerce qui générait les meilleurs profits était encore et toujours le mariage.

La mère et les sœurs de Sophie le savaient mieux que quiconque.

Elles adoraient ce jeu. Les complots. Les machi- nations.

Alors que Sophie ne voulait pas en entendre parler.

Ne l’avait jamais voulu. Durant la première décennie de sa vie, elle avait vécu une vie de nantie, mais sans titre. Elle jouait parmi les vertes collines autour de Mossband, petite bourgade campagnarde. Elle appre- nait à faire des friands à la viande avec sa grand-mère parce que c’était le plat préféré de son père. Elle allait à cheval chercher de la viande chez le boucher, du fromage chez le crémier. Elle ne rêvait jamais d’un époux noble. Elle aspirait à un avenir raisonnable, mariée au fils du boulanger.

Et puis, son père avait été anobli. Et tout avait changé. Elle n’était pas retournée à Mossband depuis dix ans, depuis que sa mère avait fermé la maison pour emménager à Mayfair. Sa grand-mère était partie,

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morte un an après leur départ. Les friands étaient désormais considérés comme trop communs pour des comtes. Le boucher et le crémier livraient leurs produits à la porte de service de leur impressionnante demeure dans le quartier le plus chic de Londres.

Et le fils du boulanger… n’était plus qu’un souvenir lointain, incertain.

Apparemment personne d’autre qu’elle, dans la famille, n’avait eu le moindre problème à s’adapter à ce monde dont elle ne voulait pas.

Et ce fut donc ici, dans les jardins du domaine des Liverpool et sous les yeux du Tout-Londres, que Sophie en eut assez de faire semblant d’appartenir à ce milieu.

Elle avait de l’argent. Et des jambes pour se déplacer.

Elle regarda ses sœurs, chacune superbement apprêtée, chacune convaincue qu’un jour elle régnerait sur ce monde-là. Et elle comprit qu’elle ne serait jamais comme elles. Les scandales ne lui apporteraient jamais aucune joie. Elle ne voulait pas de cet univers surfait.

Pourquoi plier devant lui ?

Ce n’était pas comme s’il y avait une chance que la haute société lui donne son absolution. Pourquoi ne pas dire la vérité et faire un scandale une bonne fois pour toutes.

Elle se tourna vers les invités.

— C’est, bien sûr, un mensonge. Sa « pauvre » Grâce a infligé un tel camouflet à notre sœur que je n’ai eu d’autre choix que de venger son honneur, aucun des soi-disant gentlemans ici présents n’étant prêt à s’en charger, lança-t-elle assez fort pour que tous l’entendent. Ce « pauvre » duc a, en effet, grandi en pensant qu’un titre suffit à faire le gentleman, alors qu’il n’est, comme la plupart de ses congénères, qu’un mufle. Et quelque chose de bien pire encore. Que je préfère ne pas nommer.

Les yeux exorbités, sa mère s’écria  :

— Sophie ! Les dames ne disent pas de telles choses !

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Combien de fois avait-elle enduré ce genre de remon- trances ? Combien de fois lui avait-on dit qu’elle ne se comportait pas comme une « dame » ? Combien de fois avait-elle dû se glisser dans le moule de ce monde qui ne l’accepterait jamais ? Qui n’accepterait aucune d’entre elles, sinon pour leur argent ?

— À votre place, mère, je ne m’inquiéterais pas, rétorqua-t-elle. Ce n’est pas comme s’ils nous consi- déraient comme des dames.

Ses sœurs se figèrent.

— Sophie, articula Seline d’un ton incrédule, et non dépourvu de respect.

— Eh bien, voilà qui est inattendu, renchérit Sesily.

— Qu’est-ce que je t’ai dit à propos de tes opinions ? reprit la comtesse dans un quasi-murmure. Cherches-tu à te détruire ? Et tes sœurs avec toi !

Sophie, elle, ne baissa pas la voix lorsqu’elle riposta :

— Mon seul regret est que cette mare ne soit pas assez profonde. Et remplie de requins.

Sophie n’aurait su dire ce qu’elle attendait de cette déclaration. Des exclamations, sans doute. Des mur- mures. Quelques cris outrés et suraigus de la part de certaines. De mâles grognements réprobateurs.

Elle s’en moquait.

En revanche, elle ne s’attendait pas à un tel silence.

Elle ne s’attendait pas à ce désintérêt glacial, impla- cable, ni à la façon dont la foule se détourna simple- ment d’elle pour reprendre ses activités, comme si de rien n’était. Comme si elle n’était pas là.

Comme si elle n’avait jamais été là.

Du coup, il ne lui fut que plus facile de lui tourner le dos et de s’en aller.

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2

La défenestration d’Eversley ; Sophie s’enfuit

Sophie ne tarda pas à s’apercevoir que tourner le dos à toute l’aristocratie au beau milieu d’une garden- party posait un problème.

Hormis l’évidence – c’est-à-dire, l’excommunication, qui, pour certaines, aurait été le problème essentiel –, elle devait faire face à une difficulté plus immédiate.

Après avoir exprimé un tel rejet de tous les partici- pants à ladite garden-party, il n’était guère judicieux de s’y attarder. Il devenait donc urgent de trouver le moyen de rentrer chez elle, si possible par ses propres moyens, car se cacher dans le véhicule familial amoindrirait, c’était certain, l’impact de sa tonitruante déclaration de guerre.

Et puis, elle n’était pas certaine non plus que sa mère ne commettrait pas un infanticide si elle la découvrait dans leur voiture. Elle avait besoin d’une échappatoire qui n’inclurait pas sa famille. Du moins, jusqu’à ce qu’elle soit prête à présenter des excuses.

Autant dire, jamais.

Elle détestait cette haute société, ces gens et leurs références narquoises à la grossièreté des Talbot, à l’argent des Talbot, au titre que son père avait acheté, à celui que sa sœur aurait volé. Elle détestait leurs visages insolents, leur façon de se moquer de sa famille.

(26)

Elle détestait leur façon de vivre comme si l’univers entier tournait autour d’eux.

Elle les détestait un tout petit peu plus que le fait que sa famille ne paraissait nullement gênée par tout cela.

À vrai dire, sa mère et ses sœurs s’en délectaient.

Non, elle n’était pas prête à présenter des excuses pour avoir dit la vérité. Et elle n’était pas prête à entendre la défense de l’aristocratie dans laquelle ses sœurs se lançaient systématiquement à chacune de ses critiques.

Voilà pourquoi elle se cachait non dans la voiture familiale, mais derrière le manoir des Liverpool, réflé- chissant à la suite qu’elle allait donner à cette jour- née… quand elle manqua d’être assommée par une grande botte noire.

Elle leva les yeux, juste à temps pour éviter sa jumelle, et découvrit avec surprise, et même une stu- peur certaine, un pardessus anthracite et une longue cravate de soie suivre le même chemin, jetés par une fenêtre du deuxième étage, la cravate se retrouvant coincée dans la treille qui permettait aux rosiers de grimper le long du mur.

Sophie écarquilla les yeux quand une longue jambe émergea de la maison, un pied recouvert d’un bas trouvant appui sur la treille avant qu’un homme entier vêtu d’une simple chemise apparaisse. L’homme en question chevaucha le rebord de la fenêtre et Sophie n’eut d’autre choix que de contempler une cuisse à la tournure très classique couronnée par les solides rondeurs de quelque chose, tout aussi impressionnant, qu’il n’était pas convenable de remarquer.

Pour être honnête, quand un homme descendait le long d’une treille de rosiers deux étages au-dessus de votre tête, il valait quand même mieux le remar- quer. Ne serait-ce que pour des questions de sécurité personnelle.

Ce n’était pas la faute de Sophie si la partie de ladite anatomie qu’elle remarquait était inconvenante.

(27)

Une autre jambe, tout aussi bien tournée, franchit le rebord, et l’homme dévala la treille avec une agilité simiesque. Ce n’était visiblement pas la première fois qu’il empruntait cette voie d’accès, ou plutôt de fuite.

Il atteignit le sol juste devant elle, lui tournant le dos, et s’accroupit pour rassembler ses vêtements épars quand une deuxième tête passa par la fenêtre. Sophie arrondit davantage les yeux quand elle reconnut le comte de Newsom.

— Espèce de salaud ! J’aurai votre tête !

— Vous ne m’aurez pas et vous le savez, répliqua paisiblement le fuyard qui se redressait, révélant sa taille impressionnante qu’il déploya encore un peu plus pour décrocher sa cravate. Mais ça doit vous faire du bien de le dire.

Le comte perché bredouilla et éructa des sons inin- telligibles avant de disparaître.

— Couard, marmonna le compagnon de Sophie en secouant la tête avant de reporter son attention sur le sol, à la recherche de sa botte manquante.

Sophie le devança, la récupérant là où elle était tombée  : à ses pieds. Quand elle se redressa, ce fut pour se retrouver face à lui. Il semblait à la fois curieux et amusé.

Elle prit une profonde inspiration.

Bien entendu, cet homme qui s’enfuyait d’une des chambres à coucher de Liverpool House était le mar- quis d’Eversley. Apparemment, il méritait son surnom de Royale Canaille.

— C’est vous, dit-elle.

Elle mettrait plus tard cette brièveté sur le compte des émotions de cette journée, qui en était de moins en moins avare.

— En effet.

Et elle attribuerait son grand sourire et sa révé- rence exagérée à son arrogance notoire, et sans doute ancestrale.

Elle serra davantage la botte contre sa poitrine.

(28)

— Qu’avez-vous fait ? s’enquit-elle en indiquant le deuxième étage du menton. Pour mériter la défenes- tration ?

Il haussa un sourcil.

— Mériter quoi ? Elle soupira.

— Une défenestration. Le fait de jeter un objet par une fenêtre.

Il entreprit de nouer sa cravate avec des gestes précis. Un instant, elle fut distraite par le fait qu’il n’avait nullement besoin d’un valet ni d’un miroir.

Jusqu’à ce qu’il réponde  :

— D’abord, je n’ai pas été jeté. Je suis parti de mon plein gré. Et ensuite, toute femme qui utilise un mot comme défenestration est sûrement assez intelligente pour deviner ce que je faisais avant de quitter cette demeure.

Il était digne de sa réputation. Infâme. La pire des fripouilles. Tout ce que la bonne société vilipendait, tout en le célébrant. Tout comme son beau-frère. Et beaucoup d’autres membres, masculins et féminins, de l’aristocratie britannique. Un parfait exemple du pire de ce monde dans lequel il était né. Et dans lequel on avait entraîné Sophie.

Elle le détesta d’emblée.

Il voulut reprendre sa botte. Elle recula hors de portée.

— Donc, les gazettes disent bien la vérité sur votre compte.

Il inclina la tête de côté.

— Je fais mon possible pour ne jamais les lire, mais je vous garantis que tout ce qu’elles écrivent à mon sujet est faux.

— Elles affirment que vous adorez ruiner des mariages.

Il enfila une manche de sa redingote.

— Faux. Je ne touche pas aux femmes mariées.

(29)

À cet instant, la tête d’une dame apparut à la fenêtre au-dessus d’eux.

— Il descend !

L’avertissement que son rival venait le chercher décida le marquis à agir.

— C’est mon signal, dit-il en tendant la main vers Sophie. Aussi charmante cette rencontre fut-elle, milady, j’aimerais récupérer ma botte.

Sophie n’obtempéra pas, mais continua de regarder la femme à la fenêtre.

— C’est Marcella Latham.

La fiancée du comte de Newsom –  et désormais ex-fiancé, Sophie était prête à le parier – fit un geste d’une gaieté remarquable.

— Merci, Eversley.

Il leva la tête et lui adressa un clin d’œil.

— Ce fut un plaisir, mon cœur.

— J’espère que cela ne vous dérangera pas si j’en parle à mes amies ?

— Faites donc. Je suis impatient de connaître leurs réactions.

Lady Marcella disparut. Sophie trouvait cet échange des plus bizarres… et fort amical pour deux per- sonnes qui avaient été surprises dans une situation compromettante.

— Milady, insista le marquis d’Eversley.

Sophie le dévisagea.

— Vous venez de mettre un terme à leur mariage.

— À leurs fiançailles, plutôt.

Il agita sa main tendue.

— Je voudrais ma botte, mon ange. S’il vous plaît.

Elle ignora son geste.

— Vous ne touchez donc qu’aux femmes promises.

— Exactement.

Existait-il un seul membre de l’aristocratie qui vaille la peine qu’on fasse sa connaissance ?

— Ce qui est très différent, je suppose. Vous êtes vraiment une canaille.

(30)

— On le dit.

— Un vaurien.

— On le dit aussi.

Il guettait quelque chose derrière elle.

— Dépourvu du moindre scrupule.

Une idée commençait à prendre forme.

Il se concentra sur elle, paraissant la remarquer pour la première fois, et haussa un sourcil.

— Une odeur vous incommode ?

Elle se rendit compte qu’elle plissait le nez.

— Pardonnez-moi.

— N’y pensez plus.

Et là, alors qu’elle le considérait, vêtu de ses beaux habits, une botte en moins, elle comprit que, agaçant ou pas, il était exactement ce dont elle avait besoin.

À condition de pouvoir le supporter pendant les trois quarts d’heure que durerait le trajet jusqu’à la maison.

— Si vous ne voulez pas croiser lord Newsom, vous allez devoir partir au plus vite, reprit-elle.

— Je suis si heureux que vous le compreniez. Si vous voulez bien me rendre ma botte, je pourrais me dépêcher.

Il tendit de nouveau la main. Elle recula encore.

— Milady, dit-il d’un ton ferme.

— Il semble que vous soyez dans une position parti- culière, dit-elle, avant d’ajouter : Ou peut-être est-ce moi.

Il la scruta.

— Et de quelle position s’agit-il ?

— Celle d’ouvrir des négociations.

Un cri retentit au coin de la maison et il leva les yeux derrière elle, là où sans aucun doute son ennemi n’allait pas tarder à surgir. Elle en profita pour filer vers un bosquet qui cachait un muret au-delà duquel les voitures des invités attendaient pour les ramener dans leurs propriétés.

Il la suivit. Il n’avait pas le choix. Après tout, elle avait sa botte.

Et il avait une voiture.

(31)

C’était le troc idéal. Une fois dissimulée par les arbres, elle se retourna.

— J’ai une proposition à vous faire, lord Eversley.

Il arqua un sourcil. Une habitude, décidément.

— J’ai bien peur d’avoir eu mon content de pro- positions pour la journée, lady Sophie. En outre, je rechigne à quelque sorte d’engagement public que ce soit avec l’une des Fatales S.

Elle rougit, de colère et de gêne. La colère fut la plus forte.

— Vous vous rendez compte, j’espère, que, si vous étiez une femme, vous auriez été banni de la bonne société depuis des années.

Il haussa une épaule. Celle qui était à l’opposé de son sourcil.

— Dieu merci, je ne suis pas une femme.

— Certes. Mais certaines d’entre nous n’ont pas votre chance. Certaines d’entre nous n’ont pas votre liberté.

Il croisa son regard, l’air soudain grave.

— Vous n’avez pas la moindre idée de ce qu’est la liberté.

— Je sais que vous en avez plus qu’il ne m’en sera jamais donné. Et je sais que sans elle je dois avoir recours à…

Elle chercha le mot.

— L’infamie ? suggéra-t-il obligeamment.

Sa gravité avait disparu aussi vite qu’elle était appa- rue.— Il n’y a rien d’infâme là-dedans.

— Nous sommes seuls, dans un endroit à l’abri des regards, milady. Si vous comptez que les choses se terminent comme elles se sont terminées pour votre sœur et son ancien amant – et désormais mari –, alors oui, c’est tout à fait infâme.

— J’en ai plus qu’assez d’entendre parler de ce

« pauvre Haven » et comment il se serait fait piéger par ma sœur.

(32)

— Il n’avait pas signé pour l’épouser, observa Eversley.

— Personne ne l’a forcé à tremper sa plume pour signer le contrat de mariage !

Il éclata de rire et Sophie changea d’avis : cet homme n’était pas agaçant, il était horrible.

— Vous trouvez cela amusant ?

— Pardonnez-moi, dit-il avant de rire de plus belle.

Tremper sa plume ! Elle fronça les sourcils.

— C’était votre métaphore, lui rappela-t-elle.

— Mais vous l’avez rendue absolument parfaite.

Je vous assure que, si vous en compreniez le double sens, vous seriez de mon avis.

— J’en doute.

— Oh, mais j’espère avoir raison ! Je n’ose imaginer que vous manquiez d’humour.

— J’ai un excellent sens de l’humour !

— Vraiment ? Vous êtes bien Sophie, la plus jeune des Talbot ?

— Oui.

— Celle pour qui on a forgé un mot. La « pasdrôle ».

Elle accusa le coup. Était-ce ainsi qu’on parlait d’elle ? Elle détesta la petite pointe de tristesse qui la transperça. L’hésitation. La peur infime qu’il eût peut-être raison.

— Pasdrôle n’est pas un mot.

— Jusqu’à il y a cinq minutes, défenestration n’en était pas un non plus.

— Bien sûr que si !

— Si vous le dites.

— C’est un mot, déclara-t-elle, impérieuse, avant de percevoir la lueur moqueuse dans son regard. Oh, je vois !

Il écarta les bras, comme si cela était la preuve.

— Pasdrôle.

— Je suis parfaitement drôle, dit-elle sans conviction.

(33)

— Je ne crois pas, répliqua-t-il. Regardez-vous. Pas la moindre touche orientale.

— C’est un thème ridicule pour une garden-party dont les invités ignorent tout de la Chine et, de sur- croît, ne s’y intéressent pas le moins du monde.

Il grimaça.

— Faites attention. Lady Liverpool pourrait vous entendre.

— Dans la mesure où lady Liverpool s’est déguisée en poisson japonais, je crois que mon point de vue lui serait indifférent.

Ce sourcil arqué, encore.

— Serait-ce une plaisanterie, lady Sophie ?

— C’est une observation.

— Tss-tss. Pasdrôle, vraiment.

— Eh bien, je vous trouve déplaisant. Qui, lui, est un vrai mot.

— Vous seriez bien la première femme à le penser.

— Je ne suis quand même pas la première femme de bon sens que vous rencontrez.

Il éclata de rire. Un rire chaleureux et… étrangement plaisant. Un rire approbateur.

Elle repoussa cette idée. Elle se contrefichait qu’il l’approuve. Elle se contrefichait de ce qu’il pensait d’elle. En vérité, que toute la bonne société la trouve pasdrôle – l’expression la fit grimacer intérieurement – lui était parfaitement indifférent. Cet homme n’était que le moyen de parvenir à ses fins.

Elle avait suffisamment vu son père négocier pour savoir à quel moment il fallait parler franchement pour conclure un accord.

— En voilà assez, dit-elle. Je présume que vous quittez les lieux ?

La question surprit Eversley.

— À vrai dire, oui.

— Emmenez-moi avec vous.

Il ne put dissimuler sa stupéfaction.

— Quoi ? Non.

(34)

— Pourquoi ?

— Pour de nombreuses raisons, mon ange. La moindre n’étant pas que je n’ai aucune envie de m’asso- cier avec une des Fatales S.

Elle se raidit. La plupart des gens n’osaient pas leur lancer ce sobriquet au visage. Mais devait-elle s’attendre à moins de la part de cet horrible personnage ?

— Je n’ai aucune intention de vous séduire, lord Eversley, rassurez-vous. Et même si une telle idée m’était venue, ces échanges avec vous m’en auraient coupé l’envie.

Elle reprit son souffle avant de poursuivre  :

— Je dois fuir. Ce que vous devez sûrement com- prendre dans la mesure où c’est aussi votre cas.

Il la dévisagea.

— Que s’est-il passé ? Elle détourna les yeux.

— Peu importe.

— Si vous êtes dans les bois avec moi, mon ange, je dirai que cela importe.

— Ceci est un bosquet, et non des « bois ».

— Vous êtes très contrariante pour quelqu’un qui a besoin de moi.

— Je n’ai pas besoin de vous.

— Alors, rendez-moi ma botte et je disparaîtrai.

Elle n’en fit rien.

— J’ai besoin de votre voiture. C’est différent.

— Ma voiture est sur le point d’être utilisée dans un autre but.

— J’ai simplement besoin qu’on me raccompagne chez moi.

— Vous avez quatre sœurs, une mère et un père.

Faites-vous raccompagner par eux.

— Impossible.

— Pourquoi ? Ma fierté.

Ce qu’elle n’allait sûrement pas lui avouer.

— Il faudra vous contenter de ma parole.

(35)

— Encore une fois, les femmes de votre famille n’ont pas la réputation d’engendrer la confiance.

— Alors que vous êtes la respectabilité incarnée.

Il sourit.

— La respectabilité ne m’intéresse pas.

Elle commençait vraiment à le haïr.

— Très bien. Vous ne me laissez d’autre choix que d’en venir à des mesures extrêmes.

Il haussa les deux sourcils.

— Emmenez-moi, reprit-elle, ou vous perdrez votre botte.

Il l’observa longuement, et elle s’efforça de rester impassible sous son regard scrutateur. Elle tenta de se convaincre qu’elle ne remarquait pas qu’il avait les yeux verts, le nez très patricien, des lèvres à la courbe sensuelle.

Pourquoi diable remarquait-elle ses lèvres ?

Elle déglutit et il baissa aussitôt les yeux sur sa gorge. Sa bouche s’incurva sur un sourire.

— Gardez la botte, décréta-t-il.

Il lui fallut un moment pour se souvenir de quoi ils étaient en train de parler.

Avant qu’une réplique ne lui vienne à l’esprit, il avait quitté le couvert des arbres, escaladé le muret et se dirigeait vers sa voiture, un pied botté, l’autre pas.

Quand elle atteignit le mur, il se tenait devant une grande voiture noire très élégante, et semblait décidé à s’occuper des bêtes. Sophie garda les yeux rivés sur lui dans l’espoir qu’il marche sur quelque chose de déplaisant. Cela n’arriva pas alors qu’il passait en revue harnais et rênes de chaque cheval – ce qui était idiot, car il devait avoir une tripotée de palefreniers pour s’occuper de cela.

Après avoir achevé son inspection, il monta dans la cabine dont un jeune homme en livrée referma la portière avant de passer devant l’attelage pour faciliter la sortie de la voiture parmi toutes les autres.

Elle soupira.

(36)

Le marquis d’Eversley n’avait pas la moindre idée de sa chance  : il possédait cette liberté qu’offraient la fortune et le fait d’être un homme. Elle l’imaginait déjà, vautré sur sa confortable banquette, envisageant une sieste pour se reposer de l’exercice qu’il venait de s’octroyer. Le portrait craché d’une aristocratie oisive.

Immuablement paresseuse.

Il l’avait sans doute déjà oubliée. Il ne devait pas perdre son temps à se souvenir des autres… et quoi de plus normal vu le flot constant de femmes qui traversait sa vie.

Elle doutait même qu’il se souvienne de ses domes- tiques.

Elle tourna les yeux vers le valet, pas encore assez vieux pour un tel poste. Plutôt une sorte de page. Il se tenait près de l’attroupement de voitures, attendant que les cochers regagnent leurs places et déplacent leurs attelages pour laisser passer celui d’Eversley.

Elle prit conscience du poids de son réticule dans sa main. « Ne quittez jamais la maison sans une bonne matraque pour vous défendre. » Les paroles de leur père s’étaient gravées dans l’esprit de toutes les sœurs Talbot, même s’il était plutôt rare que des dames de l’aristocratie se trouvent mêlées à une bagarre. Quant à la nature de ladite matraque, il fallait y voir la démonstration de l’esprit pratique de leur père : dans la maison, les pièces de monnaie étaient les objets contondants les plus communs.

Sa décision prise, Sophie s’approcha du valet.

— Pardonnez-moi, monsieur ?

Il se retourna, et fut assurément surpris qu’une jeune dame l’aborde ainsi, d’autant qu’elle tenait une botte d’homme à la main. Il s’inclina vivement.

— Milady ?

Il était effectivement bien jeune. Encore plus jeune qu’elle. Sophie remercia le ciel.

— Combien de temps avant que cette voiture puisse partir ?

(37)

— Pas plus d’un quart d’heure, je dirais.

Elle allait devoir faire vite.

— Êtes-vous au service du marquis ?

Il hocha la tête, son regard glissant vers la botte.

— Aujourd’hui, oui.

Elle cacha la botte derrière son dos.

— Pas pour plus longtemps ? s’étonna-t-elle.

Le garçon secoua la tête.

— Je dois prendre un nouveau poste. Dans le Nord.

Une ombre passa sur son visage. De la tristesse, peut-être. Des regrets ? C’était là une chance inespérée.

— Mais vous souhaitez rester à Londres ?

Il parut se rendre compte qu’il n’avait absolument pas le droit de parler ainsi à une dame. Il baissa la tête.

— Je suis heureux de servir le marquis de la manière qu’il désire, milady.

Les domestiques de rang inférieur étaient trimballés d’un domaine à l’autre avec une régularité de métro- nome. Nul doute qu’Eversley n’avait jamais songé aux désagréments qu’il infligeait à ses gens en les déplaçant ainsi au gré de ses caprices. Il n’était pas du genre à penser aux autres.

Voilà pourquoi Sophie n’éprouva aucun remords à mettre son nouveau plan en action.

— Je me demande, cependant, si vous seriez prêt à servir un comte ?

— Je vous demande pardon, milady ? fit le garçon, perdu.

— Mon père, le comte de Wight.

Il cligna des yeux.

— Ici, précisa-t-elle. À Londres.

Il semblait désorienté et Sophie n’en fut pas surprise.

Ce n’était pas tous les jours qu’un page recevait une offre d’emploi lors d’une garden-party.

Elle insista.

— Il a commencé sa vie dans les mines de charbon.

Comme son père et le père de son père avant lui. Ce n’est pas un aristocrate ordinaire.

(38)

Toujours rien. Elle parla franchement.

— Il paie très bien ses gens. Il vous donnera le double de ce que vous offre le marquis.

Une pause.

— Plus, même.

Le garçon inclina la tête de côté.

— Et vous resterez à Londres, répéta Sophie.

— Pourquoi moi ? s’enquit le garçon, le front plissé.

Elle sourit.

— Comment vous appelez-vous ?

— Matthew, milady.

— Matthew, il faut bien que votre bonne étoile se manifeste un jour, non ?

S’il semblait sceptique, il était évident qu’il réflé- chissait à son offre. Il se tourna vaguement vers la voiture du marquis d’Eversley.

— Le double, vous dites ? Elle hocha la tête.

— Il paraît que les quartiers de domestiques de Wight Manor sont les plus beaux de Londres, reprit-il, et Sophie sut qu’elle avait gagné.

Elle se pencha.

— Vous pourrez vous en assurer par vous-même.

Dès ce soir.

Il étrécit les yeux.

— Passez cet après-midi, une fois la garden-party terminée. Demandez à parler à M.  Grimes, le secré- taire de mon père. Dites-lui que je vous ai envoyé. Je l’aurai prévenu de votre arrivée.

Elle fouilla dans son réticule pour en extraire une feuille de papier et un crayon, et griffonna l’adresse de la résidence de Mayfair, ainsi qu’un mot pour s’assurer que Grimes le reçoive. Cherchant encore dans son sac, elle en sortit deux pièces. Elle les lui tendit avec la lettre.

— Voilà deux couronnes.

Le garçon en resta bouche bée.

— Ça fait un mois de gages !

(39)

— Et mon père vous paiera bien plus que cela, je vous le promets.

Il pinça les lèvres.

— Vous ne me croyez pas ?

— Comment croire une fille ?

Elle ignora l’insulte, préférant le fixer droit dans les yeux.

— Combien pour que vous me croyiez ? Il fronça les sourcils et tenta le coup  :

— Une livre ?

C’était une somme énorme, mais Sophie connaissait le pouvoir de l’argent et savait qu’il pouvait acheter beaucoup de choses, y compris la confiance. Fouillant à nouveau dans son sac, elle en sortit toutes les pièces qu’il contenait. Elle n’hésita pas à payer le garçon, sachant qu’elle remplirait son réticule dès qu’elle serait chez elle.

Les doigts du garçon se refermèrent sur les pièces.

— Un détail, cependant, ajouta Sophie en faisant fi de la culpabilité qui la saisissait.

Le nouveau et le plus loyal domestique de son père n’hésita pas.

— Tout ce que vous voudrez, milady !

— Tout ? Il confirma  :

— Tout.

Elle respira un bon coup, sachant que si elle mettait son plan à exécution maintenant, il n’y aurait plus de retour en arrière possible. Sachant aussi que, si elle se faisait prendre, sa réputation, et pas seulement, serait ruinée pour de bon.

Elle jeta un coup d’œil par-dessus son épaule à Liverpool House, qui se dressait telles les portes de l’enfer au-delà les arbres. La contrariété, la tristesse et la colère la submergèrent tandis qu’elle repensait à ce qui s’était passé. La serre. Son odieux beau-frère.

Le Tout-Londres le soutenant comme un seul homme.

(40)

Contre elle. La façon dont on l’avait ignorée. Cette honte suprême.

Elle devait quitter cet endroit. Tout de suite. Avant qu’ils comprennent à quel point cette honte lui faisait mal.Et il n’y avait qu’une façon d’y parvenir.

Elle regarda Matthew.

— Il me faut votre livrée.

(41)

3

L’habit ne fait pas la Sœur ! Sophie soupçonnée !

Sophie comprit bien trop tard que la voiture ne se rendait pas à Mayfair.

Si elle l’avait su avant d’enfiler la livrée de Matthew et de fourrer sa chevelure sous sa casquette, elle y aurait sans doute réfléchi à deux fois. Et elle aurait, à coup sûr ou presque, pris le risque calculé de voyager auprès du cocher sur le banc.

Malheureusement, elle n’avait pas eu le moindre doute –  malgré l’expression sceptique du cocher et son « si ça te chante »  – et avait préféré grimper à l’arrière de la voiture pour se poster bien droite sur l’étroite plate-forme en se tenant aux poignées de fer fixées à la carcasse du véhicule. Le tout non sans une certaine exaltation.

Elle ne s’était pas non plus aperçue que, tout au bout de la longue allée de Liverpool House, ils avaient tourné à gauche et non à droite.

Et elle ne s’en apercevait toujours pas alors que le paysage autour d’elle devenait de plus en plus buco- lique. Au lieu de cela, elle avala plusieurs « bons bols d’air frais », comme aurait dit son père, et, pour la première fois depuis que ses sœurs et elle avaient fait leurs bagages pour Londres, elle se sentit libre.

Tout cela était drôle.

Au temps pour toi, Royale Canaille.

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12065

Composition FACOMPO Achevé d’imprimer en Italie

par GRAFICA VENETA le 7 janvier 2017.

Dépôt légal  : février  2018.

EAN 9782290155752 OTP L21EPSN001789N001

ÉDITIONS J’AI LU

87, quai Panhard-et-Levassor, 75013 Paris Diffusion France et étranger  : Flammarion

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