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La défenestration d’Eversley ; Sophie s’enfuit

Dans le document L inoubliable voyage de Sophie (Page 25-41)

Sophie ne tarda pas à s’apercevoir que tourner le dos à toute l’aristocratie au beau milieu d’une garden-party posait un problème.

Hormis l’évidence – c’est-à-dire, l’excommunication, qui, pour certaines, aurait été le problème essentiel –, elle devait faire face à une difficulté plus immédiate.

Après avoir exprimé un tel rejet de tous les partici-pants à ladite garden-party, il n’était guère judicieux de s’y attarder. Il devenait donc urgent de trouver le moyen de rentrer chez elle, si possible par ses propres moyens, car se cacher dans le véhicule familial amoindrirait, c’était certain, l’impact de sa tonitruante déclaration de guerre.

Et puis, elle n’était pas certaine non plus que sa mère ne commettrait pas un infanticide si elle la découvrait dans leur voiture. Elle avait besoin d’une échappatoire qui n’inclurait pas sa famille. Du moins, jusqu’à ce qu’elle soit prête à présenter des excuses.

Autant dire, jamais.

Elle détestait cette haute société, ces gens et leurs références narquoises à la grossièreté des Talbot, à l’argent des Talbot, au titre que son père avait acheté, à celui que sa sœur aurait volé. Elle détestait leurs visages insolents, leur façon de se moquer de sa famille.

Elle détestait leur façon de vivre comme si l’univers entier tournait autour d’eux.

Elle les détestait un tout petit peu plus que le fait que sa famille ne paraissait nullement gênée par tout cela.

À vrai dire, sa mère et ses sœurs s’en délectaient.

Non, elle n’était pas prête à présenter des excuses pour avoir dit la vérité. Et elle n’était pas prête à entendre la défense de l’aristocratie dans laquelle ses sœurs se lançaient systématiquement à chacune de ses critiques.

Voilà pourquoi elle se cachait non dans la voiture familiale, mais derrière le manoir des Liverpool, réflé-chissant à la suite qu’elle allait donner à cette jour-née… quand elle manqua d’être assommée par une grande botte noire.

Elle leva les yeux, juste à temps pour éviter sa jumelle, et découvrit avec surprise, et même une stu-peur certaine, un pardessus anthracite et une longue cravate de soie suivre le même chemin, jetés par une fenêtre du deuxième étage, la cravate se retrouvant coincée dans la treille qui permettait aux rosiers de grimper le long du mur.

Sophie écarquilla les yeux quand une longue jambe émergea de la maison, un pied recouvert d’un bas trouvant appui sur la treille avant qu’un homme entier vêtu d’une simple chemise apparaisse. L’homme en question chevaucha le rebord de la fenêtre et Sophie n’eut d’autre choix que de contempler une cuisse à la tournure très classique couronnée par les solides rondeurs de quelque chose, tout aussi impressionnant, qu’il n’était pas convenable de remarquer.

Pour être honnête, quand un homme descendait le long d’une treille de rosiers deux étages au-dessus de votre tête, il valait quand même mieux le remar-quer. Ne serait-ce que pour des questions de sécurité personnelle.

Ce n’était pas la faute de Sophie si la partie de ladite anatomie qu’elle remarquait était inconvenante.

Une autre jambe, tout aussi bien tournée, franchit le rebord, et l’homme dévala la treille avec une agilité simiesque. Ce n’était visiblement pas la première fois qu’il empruntait cette voie d’accès, ou plutôt de fuite.

Il atteignit le sol juste devant elle, lui tournant le dos, et s’accroupit pour rassembler ses vêtements épars quand une deuxième tête passa par la fenêtre. Sophie arrondit davantage les yeux quand elle reconnut le comte de Newsom.

— Espèce de salaud ! J’aurai votre tête !

— Vous ne m’aurez pas et vous le savez, répliqua paisiblement le fuyard qui se redressait, révélant sa taille impressionnante qu’il déploya encore un peu plus pour décrocher sa cravate. Mais ça doit vous faire du bien de le dire.

Le comte perché bredouilla et éructa des sons inin-telligibles avant de disparaître.

— Couard, marmonna le compagnon de Sophie en secouant la tête avant de reporter son attention sur le sol, à la recherche de sa botte manquante.

Sophie le devança, la récupérant là où elle était tombée  : à ses pieds. Quand elle se redressa, ce fut pour se retrouver face à lui. Il semblait à la fois curieux et amusé.

Elle prit une profonde inspiration.

Bien entendu, cet homme qui s’enfuyait d’une des chambres à coucher de Liverpool House était le mar-quis d’Eversley. Apparemment, il méritait son surnom de Royale Canaille.

— C’est vous, dit-elle.

Elle mettrait plus tard cette brièveté sur le compte des émotions de cette journée, qui en était de moins en moins avare.

— En effet.

Et elle attribuerait son grand sourire et sa révé-rence exagérée à son arrogance notoire, et sans doute ancestrale.

Elle serra davantage la botte contre sa poitrine.

— Qu’avez-vous fait ? s’enquit-elle en indiquant le deuxième étage du menton. Pour mériter la défenes-tration ?

Il haussa un sourcil.

— Mériter quoi ? Elle soupira.

— Une défenestration. Le fait de jeter un objet par une fenêtre.

Il entreprit de nouer sa cravate avec des gestes précis. Un instant, elle fut distraite par le fait qu’il n’avait nullement besoin d’un valet ni d’un miroir.

Jusqu’à ce qu’il réponde  :

— D’abord, je n’ai pas été jeté. Je suis parti de mon plein gré. Et ensuite, toute femme qui utilise un mot comme défenestration est sûrement assez intelligente pour deviner ce que je faisais avant de quitter cette demeure.

Il était digne de sa réputation. Infâme. La pire des fripouilles. Tout ce que la bonne société vilipendait, tout en le célébrant. Tout comme son beau-frère. Et beaucoup d’autres membres, masculins et féminins, de l’aristocratie britannique. Un parfait exemple du pire de ce monde dans lequel il était né. Et dans lequel on avait entraîné Sophie.

Elle le détesta d’emblée.

Il voulut reprendre sa botte. Elle recula hors de portée.

— Donc, les gazettes disent bien la vérité sur votre compte.

Il inclina la tête de côté.

— Je fais mon possible pour ne jamais les lire, mais je vous garantis que tout ce qu’elles écrivent à mon sujet est faux.

— Elles affirment que vous adorez ruiner des mariages.

Il enfila une manche de sa redingote.

— Faux. Je ne touche pas aux femmes mariées.

À cet instant, la tête d’une dame apparut à la fenêtre au-dessus d’eux.

— Il descend !

L’avertissement que son rival venait le chercher décida le marquis à agir.

— C’est mon signal, dit-il en tendant la main vers Sophie. Aussi charmante cette rencontre fut-elle, milady, j’aimerais récupérer ma botte.

Sophie n’obtempéra pas, mais continua de regarder la femme à la fenêtre.

— C’est Marcella Latham.

La fiancée du comte de Newsom –  et désormais ex-fiancé, Sophie était prête à le parier – fit un geste d’une gaieté remarquable.

— Merci, Eversley.

Il leva la tête et lui adressa un clin d’œil.

— Ce fut un plaisir, mon cœur.

— J’espère que cela ne vous dérangera pas si j’en parle à mes amies ?

— Faites donc. Je suis impatient de connaître leurs réactions.

Lady Marcella disparut. Sophie trouvait cet échange des plus bizarres… et fort amical pour deux per-sonnes qui avaient été surprises dans une situation compromettante.

— Milady, insista le marquis d’Eversley.

Sophie le dévisagea.

— Vous venez de mettre un terme à leur mariage.

— À leurs fiançailles, plutôt.

Il agita sa main tendue.

— Je voudrais ma botte, mon ange. S’il vous plaît.

Elle ignora son geste.

— Vous ne touchez donc qu’aux femmes promises.

— Exactement.

Existait-il un seul membre de l’aristocratie qui vaille la peine qu’on fasse sa connaissance ?

— Ce qui est très différent, je suppose. Vous êtes vraiment une canaille.

— On le dit.

— Un vaurien.

— On le dit aussi.

Il guettait quelque chose derrière elle.

— Dépourvu du moindre scrupule.

Une idée commençait à prendre forme.

Il se concentra sur elle, paraissant la remarquer pour la première fois, et haussa un sourcil.

— Une odeur vous incommode ?

Elle se rendit compte qu’elle plissait le nez.

— Pardonnez-moi.

— N’y pensez plus.

Et là, alors qu’elle le considérait, vêtu de ses beaux habits, une botte en moins, elle comprit que, agaçant ou pas, il était exactement ce dont elle avait besoin.

À condition de pouvoir le supporter pendant les trois quarts d’heure que durerait le trajet jusqu’à la maison.

— Si vous ne voulez pas croiser lord Newsom, vous allez devoir partir au plus vite, reprit-elle.

— Je suis si heureux que vous le compreniez. Si vous voulez bien me rendre ma botte, je pourrais me dépêcher.

Il tendit de nouveau la main. Elle recula encore.

— Milady, dit-il d’un ton ferme.

— Il semble que vous soyez dans une position parti-culière, dit-elle, avant d’ajouter : Ou peut-être est-ce moi.

Il la scruta.

— Et de quelle position s’agit-il ?

— Celle d’ouvrir des négociations.

Un cri retentit au coin de la maison et il leva les yeux derrière elle, là où sans aucun doute son ennemi n’allait pas tarder à surgir. Elle en profita pour filer vers un bosquet qui cachait un muret au-delà duquel les voitures des invités attendaient pour les ramener dans leurs propriétés.

Il la suivit. Il n’avait pas le choix. Après tout, elle avait sa botte.

Et il avait une voiture.

C’était le troc idéal. Une fois dissimulée par les arbres, elle se retourna.

— J’ai une proposition à vous faire, lord Eversley.

Il arqua un sourcil. Une habitude, décidément.

— J’ai bien peur d’avoir eu mon content de pro-positions pour la journée, lady Sophie. En outre, je rechigne à quelque sorte d’engagement public que ce soit avec l’une des Fatales S.

Elle rougit, de colère et de gêne. La colère fut la plus forte.

— Vous vous rendez compte, j’espère, que, si vous étiez une femme, vous auriez été banni de la bonne société depuis des années.

Il haussa une épaule. Celle qui était à l’opposé de son sourcil.

— Dieu merci, je ne suis pas une femme.

— Certes. Mais certaines d’entre nous n’ont pas votre chance. Certaines d’entre nous n’ont pas votre liberté.

Il croisa son regard, l’air soudain grave.

— Vous n’avez pas la moindre idée de ce qu’est la liberté.

— Je sais que vous en avez plus qu’il ne m’en sera jamais donné. Et je sais que sans elle je dois avoir recours à…

Elle chercha le mot.

— L’infamie ? suggéra-t-il obligeamment.

Sa gravité avait disparu aussi vite qu’elle était appa-rue.— Il n’y a rien d’infâme là-dedans.

— Nous sommes seuls, dans un endroit à l’abri des regards, milady. Si vous comptez que les choses se terminent comme elles se sont terminées pour votre sœur et son ancien amant – et désormais mari –, alors oui, c’est tout à fait infâme.

— J’en ai plus qu’assez d’entendre parler de ce

« pauvre Haven » et comment il se serait fait piéger par ma sœur.

— Il n’avait pas signé pour l’épouser, observa Eversley.

— Personne ne l’a forcé à tremper sa plume pour signer le contrat de mariage !

Il éclata de rire et Sophie changea d’avis : cet homme n’était pas agaçant, il était horrible.

— Vous trouvez cela amusant ?

— Pardonnez-moi, dit-il avant de rire de plus belle.

Tremper sa plume ! Elle fronça les sourcils.

— C’était votre métaphore, lui rappela-t-elle.

— Mais vous l’avez rendue absolument parfaite.

Je vous assure que, si vous en compreniez le double sens, vous seriez de mon avis.

— J’en doute.

— Oh, mais j’espère avoir raison ! Je n’ose imaginer que vous manquiez d’humour.

— J’ai un excellent sens de l’humour !

— Vraiment ? Vous êtes bien Sophie, la plus jeune des Talbot ?

— Oui.

— Celle pour qui on a forgé un mot. La « pasdrôle ».

Elle accusa le coup. Était-ce ainsi qu’on parlait d’elle ? Elle détesta la petite pointe de tristesse qui la transperça. L’hésitation. La peur infime qu’il eût peut-être raison.

— Pasdrôle n’est pas un mot.

— Jusqu’à il y a cinq minutes, défenestration n’en était pas un non plus.

— Bien sûr que si !

— Si vous le dites.

— C’est un mot, déclara-t-elle, impérieuse, avant de percevoir la lueur moqueuse dans son regard. Oh, je vois !

Il écarta les bras, comme si cela était la preuve.

— Pasdrôle.

— Je suis parfaitement drôle, dit-elle sans conviction.

— Je ne crois pas, répliqua-t-il. Regardez-vous. Pas la moindre touche orientale.

— C’est un thème ridicule pour une garden-party dont les invités ignorent tout de la Chine et, de sur-croît, ne s’y intéressent pas le moins du monde.

Il grimaça.

— Faites attention. Lady Liverpool pourrait vous entendre.

— Dans la mesure où lady Liverpool s’est déguisée en poisson japonais, je crois que mon point de vue lui serait indifférent.

Ce sourcil arqué, encore.

— Serait-ce une plaisanterie, lady Sophie ?

— C’est une observation.

— Tss-tss. Pasdrôle, vraiment.

— Eh bien, je vous trouve déplaisant. Qui, lui, est un vrai mot.

— Vous seriez bien la première femme à le penser.

— Je ne suis quand même pas la première femme de bon sens que vous rencontrez.

Il éclata de rire. Un rire chaleureux et… étrangement plaisant. Un rire approbateur.

Elle repoussa cette idée. Elle se contrefichait qu’il l’approuve. Elle se contrefichait de ce qu’il pensait d’elle. En vérité, que toute la bonne société la trouve pasdrôle – l’expression la fit grimacer intérieurement – lui était parfaitement indifférent. Cet homme n’était que le moyen de parvenir à ses fins.

Elle avait suffisamment vu son père négocier pour savoir à quel moment il fallait parler franchement pour conclure un accord.

— En voilà assez, dit-elle. Je présume que vous quittez les lieux ?

La question surprit Eversley.

— À vrai dire, oui.

— Emmenez-moi avec vous.

Il ne put dissimuler sa stupéfaction.

— Quoi ? Non.

— Pourquoi ?

— Pour de nombreuses raisons, mon ange. La moindre n’étant pas que je n’ai aucune envie de m’asso-cier avec une des Fatales S.

Elle se raidit. La plupart des gens n’osaient pas leur lancer ce sobriquet au visage. Mais devait-elle s’attendre à moins de la part de cet horrible personnage ?

— Je n’ai aucune intention de vous séduire, lord Eversley, rassurez-vous. Et même si une telle idée m’était venue, ces échanges avec vous m’en auraient coupé l’envie.

Elle reprit son souffle avant de poursuivre  :

— Je dois fuir. Ce que vous devez sûrement com-prendre dans la mesure où c’est aussi votre cas.

Il la dévisagea.

— Que s’est-il passé ? Elle détourna les yeux.

— Peu importe.

— Si vous êtes dans les bois avec moi, mon ange, je dirai que cela importe.

— Ceci est un bosquet, et non des « bois ».

— Vous êtes très contrariante pour quelqu’un qui a besoin de moi.

— Je n’ai pas besoin de vous.

— Alors, rendez-moi ma botte et je disparaîtrai.

Elle n’en fit rien.

— J’ai besoin de votre voiture. C’est différent.

— Ma voiture est sur le point d’être utilisée dans un autre but.

— J’ai simplement besoin qu’on me raccompagne chez moi.

— Vous avez quatre sœurs, une mère et un père.

Faites-vous raccompagner par eux.

— Impossible.

— Pourquoi ? Ma fierté.

Ce qu’elle n’allait sûrement pas lui avouer.

— Il faudra vous contenter de ma parole.

— Encore une fois, les femmes de votre famille n’ont pas la réputation d’engendrer la confiance.

— Alors que vous êtes la respectabilité incarnée.

Il sourit.

— La respectabilité ne m’intéresse pas.

Elle commençait vraiment à le haïr.

— Très bien. Vous ne me laissez d’autre choix que d’en venir à des mesures extrêmes.

Il haussa les deux sourcils.

— Emmenez-moi, reprit-elle, ou vous perdrez votre botte.

Il l’observa longuement, et elle s’efforça de rester impassible sous son regard scrutateur. Elle tenta de se convaincre qu’elle ne remarquait pas qu’il avait les yeux verts, le nez très patricien, des lèvres à la courbe sensuelle.

Pourquoi diable remarquait-elle ses lèvres ?

Elle déglutit et il baissa aussitôt les yeux sur sa gorge. Sa bouche s’incurva sur un sourire.

— Gardez la botte, décréta-t-il.

Il lui fallut un moment pour se souvenir de quoi ils étaient en train de parler.

Avant qu’une réplique ne lui vienne à l’esprit, il avait quitté le couvert des arbres, escaladé le muret et se dirigeait vers sa voiture, un pied botté, l’autre pas.

Quand elle atteignit le mur, il se tenait devant une grande voiture noire très élégante, et semblait décidé à s’occuper des bêtes. Sophie garda les yeux rivés sur lui dans l’espoir qu’il marche sur quelque chose de déplaisant. Cela n’arriva pas alors qu’il passait en revue harnais et rênes de chaque cheval – ce qui était idiot, car il devait avoir une tripotée de palefreniers pour s’occuper de cela.

Après avoir achevé son inspection, il monta dans la cabine dont un jeune homme en livrée referma la portière avant de passer devant l’attelage pour faciliter la sortie de la voiture parmi toutes les autres.

Elle soupira.

Le marquis d’Eversley n’avait pas la moindre idée de sa chance  : il possédait cette liberté qu’offraient la fortune et le fait d’être un homme. Elle l’imaginait déjà, vautré sur sa confortable banquette, envisageant une sieste pour se reposer de l’exercice qu’il venait de s’octroyer. Le portrait craché d’une aristocratie oisive.

Immuablement paresseuse.

Il l’avait sans doute déjà oubliée. Il ne devait pas perdre son temps à se souvenir des autres… et quoi de plus normal vu le flot constant de femmes qui traversait sa vie.

Elle doutait même qu’il se souvienne de ses domes-tiques.

Elle tourna les yeux vers le valet, pas encore assez vieux pour un tel poste. Plutôt une sorte de page. Il se tenait près de l’attroupement de voitures, attendant que les cochers regagnent leurs places et déplacent leurs attelages pour laisser passer celui d’Eversley.

Elle prit conscience du poids de son réticule dans sa main. « Ne quittez jamais la maison sans une bonne matraque pour vous défendre. » Les paroles de leur père s’étaient gravées dans l’esprit de toutes les sœurs Talbot, même s’il était plutôt rare que des dames de l’aristocratie se trouvent mêlées à une bagarre. Quant à la nature de ladite matraque, il fallait y voir la démonstration de l’esprit pratique de leur père : dans la maison, les pièces de monnaie étaient les objets contondants les plus communs.

Sa décision prise, Sophie s’approcha du valet.

— Pardonnez-moi, monsieur ?

Il se retourna, et fut assurément surpris qu’une jeune dame l’aborde ainsi, d’autant qu’elle tenait une botte d’homme à la main. Il s’inclina vivement.

— Milady ?

Il était effectivement bien jeune. Encore plus jeune qu’elle. Sophie remercia le ciel.

— Combien de temps avant que cette voiture puisse partir ?

— Pas plus d’un quart d’heure, je dirais.

Elle allait devoir faire vite.

— Êtes-vous au service du marquis ?

Il hocha la tête, son regard glissant vers la botte.

Il hocha la tête, son regard glissant vers la botte.

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