TECHNIQUES D’ÉLEVAGE
DES REINESI. - LE PREMIER STADE :
ÉLEVAGE
DES CELLULES ROYALESÉTUDE CRITIQUE
Maurice VUILLAUME
Station de Recherches
Apicoles
Bures-s-YvetteNotre étude des facteurs
d’élevage
de reines chez les Abeilles nous aamené,
durant ces deux dernièresannées,
àsimplifier
lestechniques
utili-sées par nous-même et par la
plupart
desapiculteurs
éleveurs de reines etproducteurs
degelée royale. Après
avoirrappelé
brièvement nos méthodesinitiales,
nous insisteronsdavantage
sur les modificationsapportées,
pour décrire enfin d’une manière aussi détaillée que
possible
les méthodes que nous utilisons actuellement.Nous
prendrons
souvent comme test laquantité
degelée royale
pro- duite dans lescellules ;
des travaux que nous ne pouvons détailler ici(voir
la revue deCHAUVIN,
dans ce mêmepériodique)
prouvent en effetque la
qualité
de la reinedépend
de laquantité
degelée qui
lui est fournie.Greffage
des lai-%-es.Nous utilisons
toujours
la méthode dite du «picking o,
ou «greffage
»des larves. Ce terme est inexact. Il
s’agit
d’unetransposition
des larves que l’onprélève
dans les cellules d’ouvrières d’un rayon pour lesdéposer
àl’intérieur des
cupules
ou ébauches de cellulesroyales
artificielles.Cette
technique pourtant simple apparaît
à certainsapiculteurs
comme un obstacle. Ils lui
préfèrent
différentsprocédés :
les uns décou- pent àl’emporte-pièce
des morceaux de rayons contenant desjeunes
larves. Ces morceaux sont soudés sur des
baguettes,
l’ouverture des cellulesregardant
vers lebas,
et lesopérations
suivantes sont les mêmesqu’avec
notre méthode. Le gros inconvénient rencontré ici est la destruction d’unepartie importante des rayons que l’abeille doit ensuite réparer (donc
perte de
temps
pour laruche).
En mêmetemps,
lepraticien
détruit tou-jours plusieurs
larves(au
moins6)
pour une seule cellule intacte.D’autres utilisent les cellules naturelles
qu’ils
obtiennent dans uneruche
orphelinée.
S’ils’agit
deproduction
degelée royale,
lesapiculteurs
récoltent tous les 3
jours
le contenu des cellulesroyales jusqu’à épuisement
du couvain
( 9 e jour après
laponte).
Ce délaipeut
êtreprolongé
en appor- tant à la colonieorpheline,
un ouplusieurs
nouveaux cadres d’oeufs et de couvain nonoperculé.
Si dans ce dernier cas l’inconvénient
majeur
de latechnique précé-
dente est
évité, l’élevage royal
demeure toutefois limité à un nombre decellules réduit. De
plus
il estindispensable d’orpheliner
la ruchequi
nepeut
fonctionner quepériodiquement.
Dans le cas deproduction
degelée royale
c’est un grosinconvénient ;
dans le casd’élevage
de reines, les reines obtenues seront mieux nourriespuisque
moins nombreuses doncprobable-
ment
plus
grosses etplus prolifiques. Quelques
inconvénients demeurent : il faut là encoreperforer
les cadres pour extraire les cellulesroyales
avantleur éclosion. De
plus,
ne connaissant pasl’âge
des larves contenues dansces cellules
royales,
il faudraplusieurs jours
durant surveiller les éclosions des adultes : tandisqu’avec
la méthode du «greffage
des larves » toutes éclosent en mêmetemps,
au cours d’unejournée.
En tenantcompte
du faitqu’une
personne habile et entraînée peut «greffer
» 600 larves àl’heure
(certains apiculteurs atteignent
800 ài ooo)
et des inconvénients des autres méthodesqui
sont aussilongues (il
faut certainementplus long- temps
pourdécouper
une cellule d’ouvrière àl’emporte-pièce
dans un rayonque pour retirer une
larve),
nous trouvons dans notretechnique
de réelsavantages. Toutes les larves
d’âge
convenable sont utilisables. I!e pour- centage des larves traumatisées donc inutilisables est très faible et atteintau maximum 20 p. 100. I,es cadres demeurent entiers et sont remis immé- diatement dans leur propre ruche.
ÉLEVAGE
ROYAL PROPREMENT DIT Méthode du paquet (FahciNcs ut (h) finisseur.Elle consiste à faire démarrer un
élevage
de larvesroyales
dans unecolonie d’abeilles sans reine
(paquet d’abeilles,
ruchetted’acceptation
oustarter)
et à fairepoursuivre l’élevage
dans lapartie orpheline
d’une ruche normale divisée en deuxparties
à l’aide d’unegrille
à reine(finisseur,
ruche finisseuse ou
finisher).
I,e lecteur trouvera des indications relatives à cette méthode en sereportant
à labibliographie (z-z- 3 ),
il y verra aussi lespremières
modifications destechniques
demanipulation.
Au début denos
expériences
nousgarnissions
des ruchettes Dadant de 4 cadres avec unpaquet
d’abeilles sans reine(i,! kg
d’abeillesenviron) ;
3à heures après
nous introduisions nos cellules «
greffées
» dans cette ruchettequi comprenait
alors un cadreporte-cellules placé
entre deux cadres vides ourenfermant du
pollen
et un cadre nourrisseur avec 1/2 litre desirop
desucre normal. Ce « starter » fonctionnait une fois et était restitué à la ruche le lendemain. Nous avons amélioré cette
technique
et réduit énormémentles
manipulations (voir bibliographie
n°i)
en constituant des startersfier-
manents.
Après
avoirpassé
24 heures dans le starter, les cellules dont l’éle-vage avait commencé en l’absence de
reine,
étaientplacées
dans lapartie
orpheline
d’une colonie finisseuse. dont la reine était maintenue dansune moitié de la ruche à l’aide d’une
grille
à reine. Dans cesconditions, l’élevage
au starter sepoursuit
dans de bonnesproportions.
Suppression
du starter.Depuis
lapublication
de notre note traitant du starterpermanent,
différentsphénomènes
intéressants ont été observés. Ils nous ontpermis
de
simplifier
encore notre méthode. ’C’est ainsi que nous avons pusuppri-
mer totalement
l’emploi
du starter. La reine reste alors dans la ruche oùest
pratiqué l’élevage
etpond
normalement de l’autre côté d’unegrille
àreine. La vuche utilisée est celle
qui
nolts servaitjusq!t’ à présent
definisseuv.
Rappelons qu’il s’agit
d’une ruchepouvant
contenir 17 cadres Dadant.(Une
ruche aussigrande permet
d’éviter enpartie
au moinsl’essaimage.)
I,’ordre des cadres peut y être inversé
(Fig. II).
Nous y introduisions pour les faire terminer dans lapartie orpheline,
les cellulesacceptées
auparavant
dans les starters. Pour biencomprendre
cette nouvelleméthode,
ilimporte
d’éclaircir diversesquestions.
Quel
est le rôle du starter? Comment etpourquoi
fonctionne-t-il?L’absence de reine dans le starter est certes le facteur
primordial
del’acceptation
mais est-il suffisant?A
priori
nous pouvonsrépondre
non. I,es facteursd’élevage
desreines sont très nombreux. Nous en
énonçons
un certain nombre dans les travauxqui
viennent d’êtrepubliés ( 2
et3 ).
Nous voyons dans le rôle du starter les
possibilités
suivantes :a)
Il familiarise lescupules (dépôt
d’une substanced’acceptation
dont nous avons
prouvé
l’existence( 2 ).
b)
Il amorce la transformation de la larve d’ouvrière en larveroyale.
c)
Il amorce ledépôt
degelée royale.
d)
Il réalise deux de ces facteurs(a
!-b,
a + c, b +c).
I,e
problème
étant ainsiposé, quelques expériences
nous ontpermis
de conclure que seuls la
familiarisation
descupules
et ledépôt
degelée royale
étaient les
étapes
franchies dans le starter. I,a « familiarisation» peut
se faire dansn’importe quelle
ruche.Alors,
nous avonsplacé
directement dans les finisseurs descupules familiarisées,
danslesquelles
nousdéposions
environ o,033 g de
gelée royale (i
g pour 30cupules)
et unejeune
larve.I,a
gelée royale déposée
dans lescupules
avant leuremploi peut
être éten-due de 2fois son volume d’eau. C’est le
dépôt préalable
et abondant de cettegelée
dans lescupules qui permet l’acceptation
dans le finisseur et la sup-pression
du passage dans le starter. Dans cesconditions,
lespourcentages d’acceptation dépassent toujours
50 p. 100 et la récolte engelée royale
est
normale,
c’est-à-direqu’il
nous faut de 3à cellules
terminées pourproduire
i g degelée royale (récolte
au cours du troisièmejour
de l’éle-vage).
Nous avons obtenu ces résultats au cours des mois demai, juin, juillet,
aoîit etseptembre.
Pour le
producteur
degelée royale,
la fantiliarisation des cellules n’est pas unecomplication malgré
laquantité
decupules utilisées ;
il suffit en effet deplacer
desbaguettes porte-cupules
avec leurscupules
neuves etvides dans les
positions supérieures
et inférieures du cadreporte-cellules,
au cours d’une
opération
normale(fig. III).
Il est toutefoisindispensable
dans cette
opération,
deplacer
lesbaguettes
descupules
vides à familia- riser, au-dessus d’uii obstacle et à deux centimètres enviro/l de celui-ci pour éviterqu’au
cours du passage dans la ruche les abeilles n’étirent lescupules
en ébauche de rayons. Lespositions indiquées
sur lafigure
sont lesplus
favorables. Un cadre Dadant peutporter
3baguettes
avec des larveset 3
baguettes
sans larves. I,esbaguettes
avec larves sontespacées
norma-lement, c’est-à-dire 6 cm au moins de la
baguette
inférieure.Les
cupules
ainsi familiarisées doivent être utilisées au cours desjournées qui suivent leur sortie de la ruche, car la substance de familiari-
sation est instable et disparaît
totalement au bout de i5 jours.
Ainsi
pratiqué, l’élevage
des reines et laproduction
degelée royale
deviennent
simples,
même par temps depluie.
Iln’y
aplus
de recherche de reines àeffectuer,
les ruches étant constituées une fois pour toutes au début de la saisonapicole.
Il reste à entretenir lapartie orpheline
en y introduisantrégulièrement,
pourqu’elle
contiennetoujours
dejeunes larves,
un cadre de couvain nonoperculé ;
celui-ci estprélevé
de l’autrecôté de la
grille
àreine,
débarrassé de ses abeilles et de la reine si elles’y
trouve en le secouant
énergiquement
au-dessus de lapartie
à reine. Il estremplacé
par un cadre venant de lapartie orpheline.
Un inconvénient assez
important apparaît
alors : avec la méthode despaquets d’abeilles,
deux ruches finisseuses suffisent et l’onpeut
récoltertous les
jours,
dans l’une ou dans l’autre.Après
lasuppression
du starter,il faut tyois finisseurs pour
pouvoir
récolter aussi souvent. C’est un incon-vénient mineur car les
manipulations
sontgrandement simplifiées puis- qu’il n’y
aplus
à effectuer le transfert des cellules des starters dans les finisseurs et iln’y
aplus
de starters à nourrir et à entretenir. Deplus
laproduction journalière
d’une ruche engelée royale
est sensiblement la même avec les deux méthodes.Méthode par
orphelinage
de la colonie.Au cours de la dernière saison
apicole
nous avionsessayé
une autreméthode utilisée par certains
producteurs
degelée royale.
Nous la décri-vons sommairement
ci-après.
I,a reine d’une colonie est isolée dans uneruchette,
avec un ou deux cadres de couvain et les abeillesportées
norma-lement par ces cadres. La ruchette est
placée
ouverte derrière la ruche et les abeilles y sont maintenues par laprésence
de la reine et du couvain.On
dépose
dans la rucheorpheline
une série decupules garnies
delarves, quelques
heuresaprès l’orphelinage.
La récolte est faite 3jours après
et les cellulesremplacées
au même moment par une deuxièmesérie suivie d’une troisième
série ; après quoi
la reine est restituée à laruche avec les cadres de couvain. I,a ruche
peut
servir à nouveau aubout de trois semaines.
Après quelques expériences
nous avons découvertrapidement
cer-tains inconvénients de cette méthode. I,a reine et le couvain de la ruchette sont
parfois
abandonnés par de nombreuses abeillesqui
retournent à la ruche. Le couvain alorsrefroidit,
meurt et la reine cesse depondre
trèsfréquemment.
Inversement, de nombreuses abeillespeuvent quitter
laruche pour
rejoindre
lareine, l’élevage royal
est alors mauvais. A la réin- troduction de lareine,
9jours après
sonisolement,
même enprenant toutes
lesprécautions utiles,
celle-cipeut
se faire tuer et onorpheline
ainsi invo-lontairentent un certain
pourcentage
deruches,
variable suivant les condi- tionsmétéorologiques.
D’autrepart,
leproblème important
de la recherche de la reine subsiste.Au cours de
quelques essais,
nous avons isolé la reine dans sa ruche enla
plaçant
à l’intérieur d’uitecagette d’introductioll,
accrochée entre deux cadreséloignés
del’emplacement
réservé au cadreporte-cupules.
Celui-ciest
toujours placé
entre deux cadres de couvain nonoperculé, quelques
heures
après
l’isolement de la reine. Dans troisruches,
nous avons récolté.!8
g degelée royale
3jours après
l’introduction descellules,
pour 180 cellulesgreffées
et 120 cellules terminées. I,a libération des reines se faitsans
danger,
celles-cin’ayant jamais quitté
la ruche.3 ,
7cellules
greffées
et 2,5 cellules terminées suffisent ainsi pour pro- duire i g degelée royale.
Ces résultats sont desplus satisfaisants, puisqu’il
faut en
général
6 à 10cellulesgreffées
et 3 à 6 cellules terminées pour récol- ter la mêmequantité qu’avec
les méthodesemployées
habituellement.I,a recherche de la reine demeure le seul travail
important,
mais l’amélio-ration très sensible des résultats obtenus est suffisante à la
justifier.
Unseul
point
reste à élucider : la reineemprisonnée
de la sortependant longtemps, peut-elle reprendre
saponte après
salibération,
d’une manièresatisfaisante? S’il en était ainsi la méthode décrite ci-dessus serait certainement une des
plus simples
dans lapratique.
Ruehes il
1)III!’Óielll’!’Ó
reines.Avec des ruches de
grand
modèle(Dadant
de 15 cadres etplus)
ouavec des corps de ruche
superposés,
il estpossible,
en utilisantplusieurs
reines d’obtenir des colonies très
populeuses.
Ces colonies pourvues d’un riche couvain et de nombreusesjeunes
abeilles doivent êtrecapables d’entreprendre
desélevages
royauxbeaucoup plus importants,
par consé-quent
deproduire davantage
degelée royale.
Nous n’avons pas encore
essayé
cestechniques
mais elles serappro-
chent de celles utilisées au
Mexique
par RIJBIO, où à l’aide de ruches immenses( 1 ) ( 4 ) approvisionnées
artificiellement encouvain,
les rende- ments engelée royale
seraient sensationnels. Nous nous proposons de tenterl’expérience
au cours de laprochaine
saisonapicole. Signalons
que lesmanipulations
sontplus
faciles dans des ruches à un seul niveau.Nous retiendrons actuellement comme
simplification importante
immédiate dans lestechniques d’élevage
de reines d’abeilles etproduc-
tion de
gelée royale,
lasuppression
du starter. Elle estpossible
à conditionde
déposer
les larves àaccepter
sur de lagelée royale
pure ou peu diluée d’eau(i
volume degelée royale
-!- 2 volumesd’eau)
et dans descupules
familiarisées. Des rendements meilleurs sont obtenus
(production
degelée royale)
en utilisant les mêmescupules plusieurs
fois.( I
) A g,5cadres.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES (
I
)
VUILLAUME(M.).
- Production degelée
royale, le starterperpétuel.
L’apiculteur,
oct. 1955.( 2
)
VUILLAUME(M.).
-Élevage
de reines. Production degelée
royale.L’apiculteur,
avril 1957.(3)
VUILLAUME(M.).
- Contribution à lapsychophysiologie
del’élevage
desreines chez les abeilles. Insectes sociaux, n° 2, p. II3-157, 1957.
( 4
) RuBio (E. M.).
- Production degelée
royale. LaApicultura Argentina,
Anoi, n° 7.