ÉTUDE DE LA CHONDROGENÈSE VERTÉBRALE
CHEZ L’EMBRYON DE SOURIS.
INFLUENCE D’UNE IRRADIATION TÉRATOGÈNE
AUX RAYONS X
II. — MORPHOGENÈSE DES MALFORMATIONS ENTRE LE I0e ET LE I8e JOUR
Madeleine NOVEL Laboratoire de
Biologie,
Irastitut national des Sciences
appliquées de Lyon,
6,9 - VilleurbantleSOMMAIRE
Une étude
topographique
ethistologique
dudéveloppement
vertébralembryonnaire
de la Sourisaprès
une irradiation in utero a été réalisée. La diversité des anomalies observables à la naissance et leurrépartition caractéristique
peuvents’expliquer
par lesasynchronismes
dedéveloppement
lorsde la
restauration, conjugués
avec la différence deréponse
des deux processus essentiels de lamorpho- genèse,
les mouvements et la différenciation.INTRODUCTION
Nous avons
montré,
NovE!,(i 9 6g),
comment serépartissent,
au terme du déve-loppement,
les anomalies vertébralesengendrées,
chez laSouris,
par une irradiationau dixième
jour
de la vie intra-utérine. Les centresvertébraux,
enparticulier,
mani-festent pour certaines anomalies une
régionalisation
admettant un centre desymétrie
méso-troncal.
En
analysant
le déroulement des événementsmorphogénétiques
àpartir
dumoment de
l’irradiation,
nous avons recherchél’origine
de cettedisposition topo- graphique,
et tenté dedégager quelques
mécanismes de cettetératogenèse. La rapi-
dité et la
complexité
des processusorganogénétiques
rendentindispensables,
dansuu
premier temps, l’établissement,
pour ledéveloppement nonual,
d’unechronologie
précise.
I
. -
PÉRIODE
COMPRISE ENTRE LE IOe ET I,E 12eJOUR
A. -
Dévelo!pement
noymalL’irradiation frappe l’embryon
enpleine période d’organogenèse.
Au niveau. des ébauchesvertébrales,
cette activitémorphogénétique
résideessentiellement
dans la mise enplace
d’une formation médiane àpartir
dematériel provenant
des somitespairs
situés latéralement. Décrivons brièvement lesprincipales étapes
de ce processus.a) Neuf jours
àneuf jours
et demi.La structure du tronc au début du neuvième
jour
est encoresimple.
Dans l’axe
médian,
le volumineux tube neural estflanqué
des ébauchesganglion- naires ; ventralement, pincée
entre ce dernier etl’aorte,
se trouve la chorde.Latéra- lement,
ondistingue
la succession des vésiculessomitiques.
Le tube neural consiste en une
épaisse
couche dense de cellules aux noyauxallongés radialement,
la coucheépendymiale primaire,
entourée d’une assise externe decellules sphériques,
la couchemarginale.
Les vésicules
somitiques
amorcent leurévolution.
Tandis que le feuillet externe,ou
dermatome,
conservel’épithélium cylindrique
du stadeantérieur,
enrelation
avec la basaleadjacente,
le murentier du
feuillet interne sedémantèle (D AWES , 1930 )
et se scinde en deux territoires
différents. Contre
lemyocéle,
les cellulesacquièrent
une orientation
longitudinale,
en mêmetemps qu’elles augmentent
de taille : cescaractères
permettent
de reconnaître lemyotome.
Sur la face interne de cemassif,
les cellules se résolvent en
mésenchyme.
Leur masse,légèrement condensée,
de formetriangulaire,
annonce le sclérotome. En avant de la dichotomieaortique,
la structuresomitique
devientplus
massive et confuse. Dans la zonepelvienne
et caudale aucontraire,
la structure resteplus schématique, simplifiée
parrapport
à la zone moyenne.L’activité mitotique,
intense sur le bordépendymial
de la moelleépinière,
estmodérée dans
le somite et tout lemésenchyme.
b) 1V’euf jours
etdemi
à dixjours.
Les différentes
parties
dusomite prolifèrent intensément.
C’est ainsi que le dermatome devientbistratifié,
que lenombre
descellules myotomiales croît,
et que le sclérotome s’individualise franchement. En coupetangentielle,
onperçoit
la subdi-vision en deux sclérotomites : un
antérieur,
oucrânial,
assezlâche, traversé
par le nerf rachidien et l’artèreintersegmentaire ;
unpostérieur,
oucaudal,
dense et continu(fig. 2).
En outre, on devinequ’un
mouvement estimprimé
à ces cellulesgrâce
àl’orientation
de la trameconjonctive
et desprolongements cytoplasmiques,
tournésen direction de la chorde.
c)
Dixjours
à dixjours et
demi.La
disposition générale
reste lamême,
mais les résultats de laprolifération
com-meneent à se
faire
sentir. Lamultiplication
cellulaire au niveau de la calotte derma-tomiale
en masqueprogressivement
la structure. Lesmyoblastes,
deplus
enplus
allongés longitudinalement,
forment uneplaque
bien différenciée sur la face interne dumassif dermatomial (fig. 2 , 12 ).
Les
sclérotomites crâniaux se densifientlégèrement
autour dunerf,
tandis que lessclérotomites
caudaux avancent unepointe
en direction de lachorde, pointe qui dépasse l’angle
inférieur du tubeneural,
sans que la densité cellulaire dans cette zoneavancée atteigne
cellede
laportion plus
latérale(fig. z).
Les deux ou troispremiers segments céphaliques
ont réalisé la fusion médiane des deuxselérotomites pairs.
d)
Dixjours
etdemi à onze jours.
A
10 jours
etdemi,
nous entrons dans une autrephase
dudéveloppement
carac-térisée par deux
phénomènes majeurs : l’apparàtàon
du!récartilage
dans l’axe desmemb
y
es, et la fusion
médiane des selérotomites denses.oc) A!parition
duprécartilage
dans les membres.Les blastèmes fortement condensés de la
ceinture scapulaire
et desstylopodes
montrent en leur centre une mince trame fibreuse
exocellulaire métachromo,tique, alcianophile,
etincorporant
le sulfatemarqué.
Ceprécartilage n’a,
àpart
cette acti- vité desynthèse,
encore aucunecaractéristique histologique
ducartilage,
mais aucontraire se relie très fortement au
conjonctif
dont ilprovient.
Sonaspect
est parexemple
peu différent de celuiqu’une
autre formationconjonctive,
lederme, présente
par
endroits
au même stade.Mais
bientôt
l’évolution du processus conduit à l’isolement descellules,
entourées chacune d’une sorte de haloincolore ; parfois deux
cellulespartagent
la même aire.La zone centrale du
blastème,
laplus évoluée, présente
unépaississement
des lamesmétachromatiques,
enchevêtrées enpaquets
d’un rouge trèsintense,
auxdépens, semble-t-il,
de cette zonepéricellulaire vide,
les noyaux conservant le même espace- ment(fi g . 4).
p)
Fusion médiane des sclérotomites caudaux.Ce mouvement
morphogène
seproduit progressivement
de l’avant à l’arrièreau cours de cette
période,
au terme delaquelle
la liaison est établie au niveau desvertèbres cervicales et
thoraciques,
mais pas encore réalisée sur les dernières ver- tèbres lombaires.L’aspect
cellulaire esttoujours
celui d’un blastème indifférencié.La zone de fusion est si mince que le moindre défaut d’orientation de la coupe
peut
empêcher
de la voir entotalité.
y) Evolution
des sclérotomites crâniaux.A leur
niveau,
onpeut
noter la condensation autour de la chorde dequelques
assises cellulaires formant une
gaine périchordale.
Ainsi pour cessclérotomites,
ilsemble qu’il n’y
ait pas de mouvement, mais une densification surplace,
soit autourde la
chorde,
soit autour desnerfs rachidiens.
En outre, le tissu
acquiert quelques
caractères de différenciation. On relève uneraréfaction des
grands
espacesintercellulaires optiquement vides,
une trameconjonc-
tive
plus fournie,
et unelégère colorabilité
de la matrice interstitielle(fig. 5 ). Les
nombreuses connections intercellulaires semblent conservées.
e)
Onzejours
à onzejours et
demi.Les membres
poursuivent
le processusengagé
durant lademi-journée précé-
dente. La condensation axiale est mieux
individualisée,
sa métachromasie ainsi que celle de laceinture,
seprécise.
Au niveau
somitique,
laprolifération
cellulairecontinue,
et la différenciation n’a pas encore démarré. Aussi latopographie
doit-elle venir au secours del’histologie
pour relater les événements de ce
stade, qui
concernent surtoutles modifications
territoriales des
différentes
ébauches. C’est ainsi que lesmyotomes
serenflent,
et lesganglions
rachidiensoccupent davantage
deplace ; simultanément, les sclérotomites
caudaux sontrepoussés
versl’arrière,
et on observe ainsi une alternance des terri- toires musculaires et osseux(S’rRUn!r&dquo; 19 6 2 ) ; c’est
lasegmentation secondaire,
ouresegmentation (D EVILLERS . 1954 ).
Ce mouvementparaît sensiblement synchrone.
Les
ébauches
vertébrales s’étendent vers le haut et vers le bas. La branche ascen-dante représente
lefutur
arcneural, tandis
que la branche inférieure estprécostale.
f)
Onzejours et
demià
douzejours.
C’est au tour de la colonne
vertébrale de franchir l’éta!e
décisive de lachond y ifi-
cation. Les condensations
provertébrales
dessinent maintenant le contour des centresvertébraux,
avecleur
formecaractéristique, rectangulaire
ou en V. Elles nepossèdent
pas encore de
périchondre.
Lespoints
de chondrificationapparaissent
tout d’aborddans le centre
vertébral,
depart
et d’autre de lachorde,
et dans le mince arcdorsal, puis
peuaprès,
à la base des côtes et dans l’arc ventral.L’autoradiographie, peut-être davantage
quel’histologie, permet
desouligner
la dualité desfoyers
au niveau ducentre
vertébral,
par uneparticulière
intensité du marquage au coeurde
cesfoyers (fig. 3 ).
La différenciation suit les mêmes processus que ceuxdécrits
pour lemembre, c’est-à-dire
ceux dutype
« dense ».Les zones
intervertébrales,
dont l’évolution adémarré plus
tôt et s’estpoursuivie
de façon beaucoup plus discrète,
ont néanmoinsacquis
maintenant une structureindividualisée.
Le contour en est dessiné. Ladensité
cellulaire est devenue moyenne, lagaine périchordale
adisparu
de ce fait. Lasubstance fondamentale, toujours
abon-dante,
apris
un caractèreplus spécifiquement cartilagineux
ennoyant
le réseau des connections cellulaires.Il faut mentionner un
phénomène qui,
bienqu’imperceptible
à sondébut,
revêtcependant
unegrande importance.
C’est le nouvelasynch y onisme longitudinal
de ladifférenciation.
A m
jours
etdemi,
les ébauches vertébralesincorporent
le radiosulfate aussi bien dans la zonepostérieure
que dans une zoneplus antérieure.
Unjour
et demiplus tard,
l’activitévertébrale, qui
s’estbeaucoup plus
accrue, estlégèrement plus
intense dans la zone
thoracique
etlombaire.
Les vertèbres moyennes du tronc ne montrentdonc plus
le retard dedéveloppement
queprésentaient
les somites corres-pondants quelques jours auparavant.
Leur vitesse dedéveloppement
doit êtreplus rapide,
et en effet ce sontelles qui
s’ossifieront lespremières,
avec deuxjours
d’avancesur les vertèbres
cervicales,
comme nous l’avons vu dans lapremière partie.
Il s’en-suit
que l’état indifférencié de l’ébauche vertébrale estplus
bref dans cette zonemoyenne du tronc. Cet état de fait aura son
importance
pourexpliquer
les consé- quences de l’irradiation. Les arcs neprésentent
pas la mêmechronologie.
Pour lachondrification,
etplus
tard pourl’ossification,
ce sont lesplus
antérieursqui
sontles
plus développés.
Au cours du douzième
jour
seproduit
la coalescence des deuxfoyers
bilatérauxde
chondrogenèse,
dont ladualité
n’aura été quefugitive.
Onpeut
observer la cons-triction
progressive
de la chorde au niveau du centre, et son évolution en nucleusPulposus
au niveau des intercentres. Lecartilage hyalin prend
sonaspect typique, encapsulé (fig. 6).
Avant de clore cette
description
dudéveloppement normal,
donnonsquelques
indications sur la
présence
d’acidey ibonucléique,
décelée par la coloration d’Unna.Il est connu que la richesse des tissus
embryonnaires
en ARN est liée à leur activitéorganisatrice (M ILAIR E, i 9 6 3 ; I,asx, 19 6 3 ).
Une coupe transversale d’unembryon
de 9ou 10
jours
montre une très intense coloration des formations neurales et somi-tiques,
alors que l’ensemble des tissus n’est que médiocrement coloré. Des trois dérivés dusomite,
c’est le dermatomequi
estle plus
vivementpyroninophile.
Nousnotons que la coloration envahit toute la surface
cellulaire,
mêmelorsque
celle-cicomporte
desprolongements cytoplasmiques
fins.Dans les
jours qui suivent,
la coloration s’atténue dans les ébauches citésplus haut,
àl’exception
desganglions rachidiens,
tandisqu’elle
se renforce dans d’autresébauches,
lemésonéphros
parexemple.
Au niveau dessclérotomes,
la colorationn’occupe plus
tout lecytoplasme,
mais se cantonne à unpôle seulement, prenant
unaspect
en calotte.En
outre, seule laportion
haute dusclérotome,
adossée aumyotome,
est
pyroninophile.
Laportion proche
de lachorde,
c’est-à-direqui
a subi le mouve-ment, ne l’est
plus.
En
résumé,
au moment oùfrappera l’irradiation,
les territoires vertébraux sont caractérisés par :- une forte activité de
prolifération,
- une
grande
richesse enARN,
- des mouvements
morphogénétiques qui
conduisent dans lajournée qui
suità la constitution des ébauches vertébrales
impaires
etmédianes,
- un état encore indifférencié des
cellules, qui n’acquerront
des caractères de différenciationchondrogène
que3 6
heuresplus
tard.B. -
Conséquences
de l’irradiationL’étude
dudéveloppement
normal vient de nousapporter
unpremier
élémentde
réponse :
à 10jours, l’asynchronisme longitudinal
est encorecéphalocaudal ;
seules les
premières paires
cervicales de sclérotomes ontopéré
leur fusionmédiane,
et au cours de cette
journée,
les suivantesjusqu’aux
dernières lombaires la réalisentde
façon
deplus
enplus
ténue. Cettedisposition
nepréfigure
donc en rien larégio-
nalisation des malformations observables à la naissance. Par contre, une certaine relation s’est fait
jour
entrel’apparition
de la différenciationcartilagineuse
à mjours
et
demi,
et cette localisation. Il convient donc d’examiner le déroulement des événe- mentspendant
cet intervalle detemps ( 10
à mjours
etdemi).
a)
Le dixièmejour.
L’action
immédiate de l’irradiation revêt deuxaspects principaux :
nécrose etarrêt des divisions cellulaires. C’est celui-ci
qui,
lepremier,
confère unaspect
visi- blement anormal àl’embryon,
les mitoses étanttoujours
abondantes à ce stade dudéveloppement.
Seuls les organesparticulièrement radiorésistants,
comme le coeur,échappent
à cette inhibition.Durant les dix
premières minutes,
il y a maintien d’unaspect pseudo-normal
du fait que les divisions
qui
étaient en cours au moment de l’irradiation s’achèvent(fig. 7 ). Ensuite,
pour un délai de troisheures,
elles deviennent nulles ou du moinsexceptionnelles (fig. 8).
Puis ellesréapparaissent progressivement,
et l’onpeut
consi- dérer que 2o heuresaprès
letraitement,
le tauxmitotique
est redevenunormal,
sinonlégèrement supérieur
du fait d’une certainesynchronisation.
Mais à mesure que les mitoses
reprennent,
ce sont les nécrosesqui apparaissent
et s’étendent
pendant
24heures, frappant
soit le noyau, soit lecytoplasme
où l’ARNse condense en une grosse
flaque (fig. iq.).
On
peut
résumer en un tableau lachronologie
de ces événements au niveau des organes radiosensibles :Pour avoir une idée de la radiosensibilité sclérotomiale par
rapport
à celle des tissusavoisinants,
passons brièvement en revue l’état desprincipaux
territoires sembryonnaires.
Les tissus lesplus
touchés sont la moelleépinière
et les dermatomes.Ceux-ci sont souvent détruits à go p. ioo
(fig.
11 et13 ),
et les mitosesreprennent
peu, car ces feuillets étaient arrivés à la fin de leurpériode
deprolifération.
Il s’ensuitque les
dégâts paraissent
à peuprès
irrémédiables sur les dermatomes.Quant
au tubeneural,
unegrande proportion
des cellulesépendymiales
est détruite(fig. 9 )
alors que la couche
palléale
naissanteplus
différenciée n’est pasendommagée.
Lesmitoses
reprendront
assez vite sur le bord du canal(fig. 9 )
et reformeront une assiseépaisse, qui
repoussera vers lapériphérie
des celluleslysées (fig. io). Cependant,
ilarrive
qu’en
certainspoints particulièrement endommagés,
la couchemarginale
elle-même est
désagrégée,
et le tube neural rompu. La reconstitution médullairesemble
alors devenirplus
aléatoire.Certains tissus au contraire sont
spécialement
peu touchés. Lemyocarde,
abso-lument
indemne,
continue à sedévelopper.
Lesmyotomes
accusent unelégère
dimi-nution des
mitoses, qui
n’étaient du reste pasfréquentes
à cestade,
mais aucunetrace de nécrose
(fig.
11 eti 3 ).
Lemésenchyme
ne montre que de rares nécroses(fig.
15,1 6).
La radiosensibilité des sclérotomes se situe à mi-chemin de ces deux réactions extrêmes
(fig.
13, i5,i6).
Cedegré
moyen de radiosensibilité semble être le faitégalement
d’autres territoiresprésentant
au même moment undegré équivalent
decondensation et de
prédifférenciation,
les arcs branchiaux parexemple.
On
peut
estimer entre 30 et 50 p. 100 le nombre des cellules sclérotomialesqui dégénèrent pendant
cettepremière journée, préférentiellement
à la base de la forma- tion. Dès la3 e heure,
les mitosesreprennent, après
un arrêttotal,
avec une intensitémoyenne et en
commençant
par les zones les moins nécrosées. Ensuite la continuité tissulaire serétablit,
lesprolongements cytoplasmiques
chevauchant les débriscellulaires
encore enplace
pour reconstituer une trame. Lamorphogenèse
vapouvoir
reprendre.
Discussion.
Nos conditions
d’irradiation provoquent
un arrêt total et momentané des mitoses dans laplupart
des organes, et enparticulier les
somites. C’estplus qu’il
n’en faut pour provoquer la
tératogenèse.
LE DOUARIN( 19 6 3 )
obtient de nombreuses anomaliescardiaques
chezl’embryon
depoulet
avec une dosequi
n’entraînaitqu’un
fléchissement de 50 p. 100de l’index
mitotique.
Diverses remarques
peuvent
être faites sur les relations entremitoses, nécroses,
et radiosensibilité.- La radiorésistance d’un tissu concerne non seulement la survie
cellulaire,
mais
aussi
son activité deprolifération, puisqu’un
organe totalementradiorésistant
à 300r, comme le coeur,n’interrompt
pas samultiplication,
et un organe peu sensible comme le muscle ne montrequ’une
brèveinterruption.
- Les rayons X ne
bloquent pas directement
les mitoses dans les zones radio- sensibles.Celles qui
étaient en cours s’achèvent. Par contre, lors de lareprise,
onobserve de nombreuses
figures aberrantes,
telles queponts chromosomiques
et rup- tures de chromosomes.- Les
dommages peuvent
être directementcompensés
par lephénomène
derestauration,
lui-même lié auxpotentialités
des tissus dans lajournée qui
suit lechoc. SxAr.KO
(ig6 5 )
a montré que le tube neuralproduisait
unegénération
cellulaireen 6
heures,
cequi permettait
larécupération rapide
dutissu.
Al’opposé,
le derma-tome
qui
achevait saprolifération,
n’estpas
restauré.Remarquons
que lareprise
des
mitoses, lorsque
celles-ci ne sont pas cantonnées à une seuleassise proliférante,
se localise
d’abord
dans les zones les moinssévèrement
touchées. C’estainsi qu’au
niveau du
membre
parexemple,
lesnécroses
étant surtoutproximo-ventrales,
lesmitoses sont
préférentiellement
dorsales etsous-apicales.
Les sclérotomeségalement
montrent
d’abord
lesfigures
de division latéro-dorsales.Cependant
laprésence
deces mitoses
n’a
rien d’anormal. Elle n’est passupérieure
à l’activité montrée par les mêmesrégions,
chez des témoins de même stade. Si donc l’inhibition de mitose estmoins forte, il
ne semble pas y avoir de stimulationmitotique (aux
dosesutilisées).
Pour conclure cette
analyse
de laréponse
immédiate des sclérotomes aux rayonsX,
noussoulignerons
deuxpoints
essentiels.Tout
d’abord,
l’ensemble du sclérotomeparaît
secomporter
defaçon
sensible-ment uniforme face à l’irradiation. A
peine peut-on distinguer
unelégère augmenta-
tion des nécroses à labase,
c’est-à-dire sur les cellulesqui
ont effectué leplus grand déplacement.
Cette relative uniformité traduitl’homogénéité
non seulement de l’ori-gine
de lapopulation cellulaire
maiségalement
de sondegré
d’évolution.En outre, on remarque
la grande importance
et lagrande rapidité
desphéno-
mènes de
restauration, qui
se traduisent par lareprise
desmitoses,
et le rétablisse- ment de la continuité cellulaire.b)
Leonzième jour.
Vingt-quatreheures après l’irradiation,
le processus crucial de la restaurationsemble bien sesituer
au niveau de la continuité du tube neural. Certainsembryons
de Ijours
et demi montrent des mitoses
mésodermiques, mais
aucune dans le tissuneural,
etla réorganisation
de la moelleépinière
ne s’est pas amorcée. Parendroits,
celle-ciprésente
desruptures complètes.
Or chez ces mêmesembryons,
les critères métabo-liques
donneront des valeursaberrantes,
cequi
laisse supposer que cesembryons
sont voués à une mort
prochaine.
Par contre, les
embryons qui
satisfont à ce critère de continuitéspinale
montrentune assez
grande
uniformité decomportement physiologique.
Les mitoses ontrepris ;
mais certaines divisions sont
atypiques,
cequi
laisseprévoir qu’un certain
nombre de cellules ne seront pas viables.En effet,
lesnécroses persistent
et ladensité
cellulaireest souvent encore faible.
La fusion sclérotomiale dans le
plan
médianpeut
être en retard. Eneffet,
àonze
jours,
etparfois même
à onzejours
etdemi,
il arrivequ’elle
ne soit pas réalisée dans la zone moyenne etpostérieure
du tronc, c’est-à-dire au niveau du foie et des reins(fig. 1 8).
Cet effet est très variable : il affecte 30 à8 5
p. 100desembryons, lorsque
la
portée
a reçu 300roentgens.
Par contre,après
400 r, 100p. 100 desembryons
lemanifestent. D’autre
part, là-même
où les sclérotomes ont établi le contact, celui-ciest extrêmement
limité ;
il nepeut
être suivi que sur une ou deux coupes, cequi correspond
à 15fi. au maximum. Iln’y
a pas de cas,cependant,
où nousn’ayons
observé finalement la constitution d’une ébauche médiane
impaire
du centre verté-bral
(fig. ig).
L’événement morphogénétique suivant, qui
estl’apparition
de ladifférenciation cartilagineuse
ne semble pasprésenter
le mêmeretard,
et ilpeut
survenir trèsrapi-
dement
après
la fin du mouvement. On observe les faisceaux de fibres métachroma-tiques caractéristiques
duprécartilage, puis
bientôt lescapsules alcianophiles
dansles
différents foyers
de chondrification. Mieux encore que lacolorabilité histologique,
c’est
l’autoradiographie qui
rend le mieuxcompte
de cedémarrage. Elle permet
d’observer que l’écartement entre les deux
foyers
bilatéraux dechondrogenèse
descentres
peut
êtreaccentué,
laissant une zone médiane relativementlarge dépourvue
de marquage. La densité cellulaire du corps vertébral nouvellement constitué est
variable. Il arrive
qu’elle
soitparticulièrement
faible(fig. ig),
mais ellepeut
au con-traire être
pratiquement
normale(fig. 17 ).
Notonségalement la présence
d’oedèmeshémorragiques, provoquant
desruptures tissulaires.
Discussion.
Les
phénomènes
observés durant ce IIejour
sontparticulièrement importants,
car
ils
semblent contenir unegrande part
de la causalité des malformations obser- vables à la naissance. Ils sonttriples :
- formation de zones
hémorragiques,
- inhibition momentanée des mouvements
morphogènes, puis
leurreprise,
- intervention de la différenciation
chondrogène
sans retard visible.Formation de zones
hémorragiques.
- I,esruptures
tissulairesqui
les accom-pagnent peuvent
provoquer la déformation despièces squelettiques :
côtes oumembres en
particulier. Sn!,zG!s!x (1 9 66)
a montré le rôleimportant
de ces réac-tions dans la
tératogenèse provoquée
chezl’embryon de poulet
parl’ypérite nitrée, JO
HNSON ( 19 6 7 )
dans cellequi
intervient sur un mutant « extra-toeso de souris.
Nous reviendronsultérieurement
sur lesconséquences
del’oedème supraneural fréquem-
ment observé.
Mouvements morphogènes et différenciation.
- On doit remarquer que la réunionsclérotomiale
finittoujours
par seproduire, quoique
la densité cellulaire dans la zonede
jonction
soit fort variable. Il estprobable
que ledéplacement
est un processusactif,
et non le seul résultat d’unepoussée
liée à l’extension d’un massif cellulaire dans la direction de moindre résistance.En outre il a été observé que si l’irradiation
n’empêche jamais
la réunion médiane dessclérotomites,
néanmoins lesfoyers
de différenciationpeuvent
se trouver anor- malement écartés : on doit en conclure que les mouvements se font en deuxtemps.
(« I,oi
d’union desparties
similaires »Woipr, 193 6).
Dans une
première phase,
il y a établissement du contact entre les deux terri- toireshomologues, puis
dans une deuxièmepériode,
il y a uneréorganisation
pro- fonde.Enfin
lesignal
de la fin du mouvement semble être donné parl’apparition
dela différenciation. La sécrétion de substance fondamentale
qui
en est lesigne
dansle cas du
cartilage
rend cetteperte
deplasticité
aisément admissible.L’inhibition
de mouvementprovoquée
par l’irradiation ralentit lapremière phase,
et d’autrepart
la différenciation survient entemps
normal. Il s’ensuit que letemps imparti
à la secondephase
se trouveabrégé.
On
comprend
alorspourquoi
la zone moyenne du tronc,qui
nous l’avons vuplus haut,
demeure moinslongtemps
que le reste de la colonne dans cettepériode qui
s’étend de la fin de la translation au début de ladifférenciation,
soitplus particuliè-
rement
frappée
par cetteanomalie, qui
conduira àl’ossification
bilatérale. Dans la la zonethoracique antérieure,
ledéplacement
des sclérotomes commencéplus
tôtet
poursuivi plus longtemps,
a letemps
de s’achever. Lespertes
cellulaires entraînent alors une yéduction.I,a fusion
des centres doit être biendistinguée
de la confusionintersegmentaire (Russ
E
n
etR USSE LL, ig 54 ), qui
seproduit
trèslargement après
une irradiationplus précoce ( 7 jours 1/2 ),
etqui
résulte d’une mauvaise métamérisation des somites.Celle que nous observons
ici, plus limitée,
est liée à lasegmentation
secondaire(A REY , I95
4
).
C’est donc encore là unantagonisme
entre mouvementmorphogénétique
etdifférenciation.
Cette anomalie ne montre pas de localisationpréférentielle (voir
I
re
Partie),
cequi
tend àindiquer
que ce mouvement, difficile àobserver,
est syn-chrone. ,
C. - Conclusion
On voit que la
régionalisation
des malformations n’est pas un effet direct des rayonsX,
cequi
était difficile à concevoir a!rioyi, puisque l’hétérogénéité topogra- phique
n’admettait pas la mêmerépartition
à 10jours.
Mais elle est uneconséquence
de l’interférence entre les processus de restauration concernant les événements mor-
phogénétiques
touchés par l’irradiation(prolifération-mouvement)
et les événementsmorphogénétiques
suivants(chondrification),
non touchés parl’irradiation, qui
neprésentent plus
le mêmedécalage
dans letemps
avec lespremiers.
Il faut citer ici lestravaux de STRUD!I,
( 19 66) qui
enprocédant
à une ablationbeaucoup plus précoce
du matériel
somitique,
obtient une totaleréorganisation
des vertèbres chezl’embryon
de Poulet. Au stade où nous
irradions,
cetteréorganisation
n’a pas letemps
de s’ache-ver. Il reste à savoir si la différenciation
chondrogène,
bienqu’apparue
sansretard,
est absolument
normale,
et si les « absences d’ossification »(NovEL, ig6g)
ne sont pas dues à son ralentissement. Ceci nous conduit à étudier lamorphogenèse
au cours desjours
suivants.II. -
PÉRIODE
COMPRISE ENTRE LE13 e
ET LE18 e JOUR
En même
temps
ques’édifie
lesquelette,
lesdéformations engendrées
par les rayons Xapparaissent.
Ons’aperçoit
alors que leurévolution,
àpartir
du schémaque nous avons
dressé
au seuil dudouzième our,
estplus
ou moinsrapide ;
il est doncnécessaire
d’observer encore uneétape intermédiaire
dans cette dernièrepartie
denotre étude.
a) Quatorzième
etquinzième jours
L’évolution normale conduit à
quatorze jours,
à des centres vertébrauxdéjà
bien
constitués ;
le doublefoyer
de chondrification n’estplus perceptible. Les
arcsneuraux contournent
l’angle supérieur
de la moelleépinière.
Les deuxpremières
vertèbres
accomplissent
les transformationsqui
conduisent àl’absorption
d’unepartie
de l’atlas par l’axis : leurcomportement
est tout à faitparticulier,
et nécessi-terait une étude
spéciale,
que nous n’avons pasentreprise
dans le cadre de ce travail.A
quinze jours,
la chordedisparaît
des centres,expulsée
vers le haut dans les pre- mières vertèbrescervicales, noyée
ausein
des autres, tandisqu’au
niveau desdisques
se
développe
le volumineux nucleusfiulfiosus.
La différenciation
cartilagineuse
estremarquablement homogène,
et par consé-quent l’incorporation
uniforme. Lesébauches
decôtes, d’arcs,
de centres montrentun
noircissement d’égale
intensité. Seuls lesdisques
tranchent par leurréaction beaucoup plus faible.
Les
animaux
irradiésprésentent déjà
des malformationsanatomiquement visibles.
Citons enparticulier la
fusion etl’angulation (au
senslarge)
descôtes,
ainsique la réduction des centres. Celle-ci
peut
conserver aux centres leur formeapproxi- mative,
ou bien lesfrapper plus spécialement
dans une de leurs dimensions. On remarqueégalement
des nuclenspulposus exagérément
volumineux parrapport
à lataille
desvertèbres,
etoccupant pratiquement
toute lahauteur
dudisque.
Dans cecas, l’affaiblissement du marquage
présent
normalementdans
la zonevertébrale, prend
une extensionexagérée
dans la directionantéro-postérieure (fig. 3 r).
Cettezone médiane inactive
peut
allerjusqu’à
scinder en deux le centrequ’elle
a envahi.Localement
aussi,
sur lepourtour
des centres, onpeut
voir uneperte d’incorporation (fig. 30 ). Ailleurs, l’incorporation
est trèsintense, quelles
que soientles
malformations(fig. z9).
b)
Di:x-huitièmejour
Les déformations
anatomiquement
décelables dont nous venons deparler
sontdavantage
aecusées : scission et réduction des centres(fig. 24 , 25 , 2 8),
anomaliescostales.
Il arrive que les arcs n’aient pas réalisé leur suture
dorsale, qui
devrait normalement s’êtreproduite
à cestade ;
dans ce cas, onpeut
observer une extrusion de la moelleépinière (fig. 2 6).
Il estpossible
que l’obstacle à la fermeture de l’arc neural soitl’oedème supra-médullaire fréquemment
formé dans cette dernièrephase
dudévelop-
pement tératologique. La
déviation du mouvementmorphogène
des arcs dorsauxprovoque leur extension
transversale,
et entraîne lafusion
des arcs voisins. Cetteévolution tardive est évidemment sans aucun
rapport
avec les anomalies des centrescorrespondants,
comme l’étudenumérique
nous l’avait montré.Sur le
pourtour
de certains centres, on remarque des échancrures comblées par du tissu fibreux(fig. 2 6).
Ellescorrespondent peut-être
à l’évolution desaspects
montrés dans lesfigures
30et 31ettraduiraient,
dans ce cas, uneinvolution
du tissucartilagineux
ou bien un envahissement par dupérichondre après disparition
totale.Cela nous conduit à
parler
d’une nouvellecatégorie
d’anomalies concernant desrégions histologiquement
bienconstituées,
etcependant
aberrantes dans leur com-portement métabolique.
A côté del’incorporation
deradiosulfate,
un nouveau critèreest utilisable
maintenant,
c’est laprésence
dephosphatase
alcalinequi
est un bon indice dudémarrage
de l’ossification.- 3sS :
je
n’aijamais observé,
au dix-huitièmejour,
d’anomalies dans l’incor-poration
du sulfate sur les vertèbresthoraciques
et lombaires. Au niveau des ver-tèbres
cervicales,
par contre, on relève desparticularités d’aspect.
Eneffet,
une absence de marquagepeut
affecter une zoneplus
ou moinslarge,
etjusqu’à
la moitié d’uncentre
(fig. 27 ). L’histologie
montre dans ces mêmesrégions
de bellescapsules,
forte-ment
métachromatiques.
-
Pho3phatase
alcaline : àdix-sept jours,
elle envahit les arcs, lescôtes,
et débute dans les centresthoraciques
et lombaires(fig. 20 ).
Dans cesderniers,
sa loca-lisation normale est
médiane,
hormis unelégère
dichotomiepostérieure
pour contour-ner le nucleus
pulposus. Après irradiation,
cettebipartition
estparfois beaucoup plus importante,
ellepeut
concerner tout oupartie
du centre(fig.
21,22 ).
A lalimite,
elledonne
l’impression
d’unefragmentation
enplusieurs foyers
distincts(fig. 23 ).
Entreces sites d’ossification ainsi
séparés,
lecartilage
n’ahistologiquement
rien d’aberrant.On voit l’intérêt d’une telle étude
métabolique
pour tester l’activité cellulaire et déceler une éventuellehétérogénéité.
Discussion.
L’étude
des malformations au14 e
et au i8ejour
nous conduit àdistinguer parmi
elles trois
grands
groupes suivant leurapparition plus
ou moinsprécoce
au cours dudéveloppement.
i. Le
premier
groupeenglobe
les malformationsqui
sont apparues avant le14
’
* jour, puisqu’elles
sonthistàlogiquement
etmétaboliquement
redevenues normales dès cejour-là.
Parmicelles-ci,
citons les lésions des côtes(angulation, fusion...)
et laréduction des centres. On remarque
qu’elles s’accompagnent
d’une certainerégula-
risation de la forme. Cette dernière
s’explique
si l’on considère que la différenciation dans les zones affectées par cetype d’anomalie,
est relativement tardive. Letemps
écoulé entre l’irradiation etl’apparition
ducartilage
a dû être suffisant pour que le matériel restant ait pu subir unremodelage
avant d’avoirperdu
touteplasticité.
Les fusions arcuales sont à classer au
voisinage
du groupeprécédent,
car ellesrelèvent vraisemblablement du même
type
degenèse.
Eneffet, l’hypothèse
de l’oedèmesupra-neural, présentée
parJoHrrso N ( 19 6 7 )
à propos de la fusion des arcs chez uneSouris mutante
(!xtra-toes),
est sam doute à retenirégalement
ici. Le contact entrearcs voisins occasionné par cet oedème doit
précéder
suffisamment la chondrification pourqu’une
réelle fusionpuisse
seproduire.
2
. D’autres malformations ne sont