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Le goût du risque (pris par les autres, s'entend)

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Le goût du risque (pris par les autres, s'entend)

MAURON, Alexandre

MAURON, Alexandre. Le goût du risque (pris par les autres, s'entend). Revue médicale suisse , 2012, vol. 341, p. 1074-1075

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:84867

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1074 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 16 mai 2012

actualité, info

«Je suis un ancien cadre supérieur bancaire qui savait qu’il n’y a pas de prospérité sans risque, pas comme les losers qui attendent tout de l’Etat. J’ai tout perdu. A vot’bon cœur, m’sieurs-dames.»

«Je suis un ancien chercheur en biologie moléculaire qui a choisi l’industrie et la brise rafraîchissante du risque, pas comme les pan- touflards de l’Université. J’ai tout perdu. Une petite pièce pour un sandwich, siouplaît.»

Les temps sont durs et dans toutes les villes du monde occidental, nous rencontrons des malchanceux qui font la manche, avec ou sans écriteau autobiographique. Les deux récits ci-

dessus sont évidemment fictifs. Pourtant, de ces deux rencontres improbables, seule la pre- mière me semble franchement impossi ble. Il est vrai que la prise de risque qui conduit en cas d’échec à une vraie dégringolade en ter- mes de niveau de vie n’est pas inconnue des chercheurs biomédicaux. Surtout ceux de la région genevoise, qui ont en mémoire plu- sieurs déconfitures industrielles dans un passé tout proche ou plus lointain. Par contre, une telle prise de risque aux conséquences pos- siblement existentielles semble in- concevable chez les seigneurs de la finance et les gourous du mana- gement (sauf si la justice pénale s’en mêle, bien sûr). C’est dire la drôlerie involontaire d’un certain éloge ultralibéral du ris que, tel qu’on peut le lire dans le récent compte rendu du Symposium de Saint-Gall (Le Temps du 7.5.2012). «Seule la

mort correspond à l’équilibre : le risque c’est la vie et la vie c’est le risque» nous dit-on doc- tement. Et de se lamenter de l’allergie crois- sante de nos contem porains au risque : ils ont trop à perdre ; ils vivent vieux et deviennent excessivement pru dents ; «Enfin la société se féminise» : c’est grave Docteur ?

«Les dirigeants appellent à la prise de ris- que» titre Le Temps : une injonction qui tombe à plat dans une société où le risque est la réa- lité quotidiennement vécue du salarié sur siège éjectable, du patron de PME ou du chercheur créateur de start-up dont tout le patrimoine est investi dans son entreprise, voire du tra- vailleur précaire pour qui l’enjeu du risque est carte blanche

Pr Alex Mauron

Institut d’éthique biomédicale CMU, 1211 Genève 4 Alexandre.mauron@unige.ch

Le goût du risque (pris par les autres, s’entend)

Cancers et séquençage :

qu’en sera-t-il des promesses ?

Assistons-nous aujourd’hui, sans trop le sa- voir, aux prémices de ce qu’il est convenu d’appeler, faute de mieux, une révolution thé- rapeutique ? Sommes-nous plus tristement confrontés à une promesse d’un gascon ivro- gne comme l’exploration moléculaire de notre génome en a tant et tant suscité depuis un quart de siècle ? Le dilemme est une nou- velle fois posé avec l’annonce aux accents triomphalistes concernant le cancer du foie ; annonce faite à l’occasion d’une publication de Nature Genetics. Ce travail s’inscrit dans le cadre de l’International Cancer Genome Consortium,1 l’un des programmes globaux de recherche biomédicale tenu pour être l’un des plus ambitieux depuis le projet Génome Humain. Lancé depuis 2009 ce programme, dit ICGC, regroupe aujourd’hui quatorze pays. Il a pour objectif d’établir une descrip- tion complète des altérations génomiques, transcriptomiques et épigénomiques de cin-

quante types et/ou sous-types de cancers considérés comme les plus préoccupants aux plans clinique et sociétal (sic). Dont le cancer du foie.

En France, l’Institut national du cancer (INCa) coordonne la contribution du pays à

ce programme en liaison avec l’Institut na- tional de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Modestement : à hauteur de 5 mil- lions d’euros par an. En 2012, l’INCa est en- gagé sur quatre projets portant sur les can- cers du foie, du sein (HER2+), de la prostate et sur le sarcome de Ewing. Le grand essai pilote sur le cancer du foie est mené en France depuis 2009. Ce sont les travaux menés par

l’équipe de Jessica Zucman-Rossi (Unité «Gé- nomique fonctionnelle des tumeurs solides»

de l’Inserm – Université Paris Descartes) qui viennent de révéler quatre gènes n’ayant jamais été décrits comme pouvant être im- pliqués dans les tumeurs du foie. Or il est acquis aujourd’hui que ces gènes (ARID1A, RPS6KA3, IRF2 et NFE2L2) sont impliqués dans des processus importants qui con dui- sent à la naissance de tumeurs affectant cet organe.

Importance sociétale ? Le cancer du foie est une cause très fréquente de mortalité pré- maturée dans le monde. Il survient souvent

après l’installation d’une cir- rhose chez des personnes dont la fonction hépatique est déjà altérée du fait de patho logies infectieu ses (hé- patites virales B ou C), d’une consommation excessive et chronique de boissons alcooliques ou de surcharges en fer.

«En France, une étude pilote incluant une première série de 24 carcinomes hépatocel- lulaires dans le cadre du consortium ICGC de séquençage de l’ensemble du génome a démarré en 2009, précise-t-on auprès de l’Inserm. Le but de cette étude menée par point de vue

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a Il n’est pas certain que l’expression «cela ne va pas être triste» soit la mieux adaptée.

Bibliographie

1 Schröder FH, et al. Screening and Prostate-Cancer Mortality in a Randomized European Study. N Engl J Med 2009;360:1320-8 NEJM. Org march 18, 2009 2 Gerald L. Andriole and PLCO Project Team. Mortality

Results from a Randomized Prostate-Cancer Screening Trial. N Engl J Med 360;13 March 26, 2009 NEJM. Org march 18, 2009

son prochain repas et non l’annonce de per- tes trimestrielles avant intérêt et impôts. Se pourrait-il que si les gourous de l’entrepre- neurship chantent à pleins poumons le péan de la prise de risque, c’est parce qu’ils ne sont pas personnellement concernés ? Après tout beaucoup d’entre eux pourraient perdre les trois quarts de leur revenu sans devenir pauvres.

Il est classique d’imputer les vertus consti- tutives du capitalisme à l’éthique protestante : assiduité au travail, frugalité, détestation du gaspillage et des plaisirs frivoles. Or dans l’air du temps, il est de bon ton de prêcher au bon peuple des vertus qu’on n’a pas réelle- ment l’intention d’adopter soi-même. Ainsi le capitalisme semble se convertir au «catholi- cisme» tel que le voyait Bertrand Russell. Je cite de mémoire : «Protestants like to be good ; and they invented theology to keep them- selves so. Catholics like to be bad, and they inven ted theology to keep their neighbors good». La prochaine fois qu’on vous fait le coup de l’éloge du risque, demandez-vous si votre interlocuteur a jamais risqué quelque chose de réellement vital.

Jessica Zucman-Rossi était de mettre en évi- dence de nouveaux gènes (suppresseurs de tumeur et/ou à l’inverse oncogènes) respon- sables de la formation de ces tumeurs du foie. Les mutations qui ont été mises en évi- dence grâce à de nouvelles techniques de séquençage du génome de ces personnes sem blent spécifiques et significativement as- sociées aux cancers du foie. Ceci suggère fortement, en dehors d’une cirrhose du foie préexistante, l’implication d’un agent toxi que qui entraînerait des mutations dans l’ADN de ces patients.»

On connaît de longue date (dans les zones tropicales) les effets cancérigènes de compo- sés comme l’aflatoxine B. De nouvelles don- nées épidémiologiques et toxicologiques res- tent à établir pour déterminer précisément quels pourraient être ces agents génotoxi ques chez les patients vivant dans des pays comme la France.

C’est l’analyse de l’ensemble des muta- tions observées qui a permis de révéler les quatre nouveaux gènes jamais décrits dans les tumeurs hépatiques. Afin de compren dre leur rôle, ces gènes (ainsi que dix autres) ont été testés sur des échantillons de 125 tumeurs hépatiques.

«D’un point de vue physiologique, cer-

taines de ces mutations génétiques altére- raient deux voies de signalisation connues : la voie WNT/b-Caténine et celle de la P53k, résume-t-on auprès de l’Inserm. Par ailleurs, d’autres sont impliquées dans l’activation de la voie du stress oxydatif, de l’interféron ou de la signalisation RAS qui entraînent des bouleversements de l’état cellulaire. En- fin chez les personnes souffrant d’une in- toxication alcoolique chronique, les gènes de remodelage des chromosomes sont fré- quemment altérés ce qui en fait des contri- buteurs majeurs de la tumorigenèse hépa- tique.»

Peut-on aller plus loin ? Parler d’ores et déjà de «révolution génomique de la lutte contre le cancer» ? C’est un pas que n’hé site pas à franchir Laurent Alexandre, chi rur gien de formation aujourd’hui président de DNA Vision, entreprise de séquençage basée à Bruxelles.2 « Le lien entre génome et cancer reste flou dans l’opinion publique, fait-il va- loir. Le trouble provient sans doute de la confusion entre la génomique – qui concerne l’ADN et son fonctionnement – et l’hérédité.

Seuls 10% des cancers sont héréditaires, mais tous sont génétiques, liés à une instabilité de l’ADN souvent due à l’environnement (tabac, alcool, alimentation, soleil, virus, produits chimiques), et donc non héritée de nos pa- rents. Autrement dit, le can cer est toujours une maladie de l’ADN qui est généralement acquise (90% des cas).»

Nous savons que depuis quelques années, on réalise l’analyse de certaines mutations associées au développement du cancer. Les mutations des gènes codant pour les facteurs de croissance tumorale peuvent être détec- tées par étude de la tumeur après biopsie ou ablation chirurgicale. Et des thérapies ciblant ces mutations ont été dévelop-

pées depuis une quinzaine d’an- nées : les anticorps mono clo naux et les inhibiteurs des enzymes ty- rosine kinase. En France, l’INCa a assuré la diffusion des princi- paux tests génétiques de première génération.

«Ces tests sont dépassés, assu re aujour d’hui Laurent Alexan dre.

La division par un million en dix ans du coût du séquençage inté- gral de l’ADN change la donne.

25 000 patients cancéreux ont bé- néficié d’un séquen çage du géno- me de leur tumeur. Ces analyses ont révélé l’extrême complexité des modifications génétiques et donc biologiques des cellules tu- morales. Loin des visions simpli- ficatrices que le séquençage d’un

ou deux marqueurs génétiques avait fait émerger, nous savons désormais qu’il n’y a pas un gène du cancer mais une multitude de variants qui diffèrent selon le patient.

Chaque cancer est ainsi une maladie unique, fruit de mutations de l’ADN et non d’une modification ponctuelle.»

Selon lui, c’est précisément cette complexité du génome des cellules tumorales qui ex- plique l’apparition rapide de résistances des tumeurs aux thérapies anticancéreuses – et qui implique une redéfinition des stratégies thérapeutiques. Des cocktails de thérapies ciblées sur plusieurs caractéristiques tumo- rales s’imposent, ce qui suppose de con naî- tre la totalité de l’ADN de la tumeur, alors que les tests actuels n’en lisent qu’un millio- nième. «Le cancer se regarde désormais com- me une multitude de maladies orphelines exigeant des traitements sur mesure, conclut Laurent Alexandre. Dès 2015, ils seront per- sonnalisés en fonction de la carte d’identité génétique des tumeurs. La cancérologie se réinvente à marche forcée et la lutte contre le cancer est à un tournant de son histoire.»

Dès 2015, vraiment ?

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com

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Références

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