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Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. V - n° 3 - juillet-août-septembre 2016 102

V O C A B U L A I R E

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S CO R E

Par Alain Rey, directeur de rédaction du Robert, Paris

e monosyllabe facile à prononcer selon la phonétique de toutes langues semble avoir été formé pour être emprunté.

Son point de départ pour une carrière inter- nationale est clairement la langue anglaise, où il apparaît par écrit au XVe siècle, ce qui suggère qu’il ne fait pas partie du fond anglo-saxon. C’est en effet un emprunt au germanique du Nord, et on le trouve en ancien islandais, en danois (écrit skaar), ou en suédois sous la forme skara.

Score provenait d’une base germanique commune, probablement francique (la langue des anciens Francs). Son sens était concret, il signifiait “entaille, incision”, ce qui évoque, au moins par la forme, le grec skariphos “stylet”, qui aboutit en français à scarifier. Le skor germanique témoigne de l’habitude très ancienne de noter les chiffres par des entailles sur un morceau de bois.

Ainsi, le mot en arriva à désigner un compte et aussi, en islandais, le nombre vingt : en argot du milieu américain, score désigne encore aujourd’hui un billet de vingt dollars.

C’est dans le domaine du sport, au XVIIIe siècle, que l’anglais prend la valeur que nous connaissons : le résultat chiffré obtenu par chaque adversaire dans un jeu ou une partie. Ce sens passe en d’autres langues, et notamment en français, lorsque le vocabulaire du sport déferle de Grande- Bretagne, où il s’est constitué à la fin du XIXe siècle. Entre-temps, score avait reçu

de nombreux emplois en anglais, et en particulier celui de “résultat d’un examen ou d’un test”.

L’évolution du mot s’est accélérée et diver- sifiée au XXe siècle, tant dans l’usage bri- tannique que nord-américain, dans le langage familier, voire argotique (un score est une dose de drogue, et encore le client pour une prostituée !), que scientifique.

En particulier, et d’abord, semble-t-il, en psychologie expérimentale, le mot score, depuis 1910, s’applique aux mesures carac- térisant une capacité ou une performance individuelle ; il était facile d’étendre le terme à tout ensemble quantifié obtenu pour décrire un tableau de situation.

Ainsi, du comptage par entaille à la mesure des caractéristiques retenues dans les sciences de la vie et les sciences sociales, ce mot proliférant en anglais est devenu, par l’étape du vocabulaire des sports, une de ces formes quasi mondialisées qui signalent la domination sémantique de la langue anglaise, et auxquelles il est assez vain de s’opposer. Mais on peut regretter que la langue française ait perdu l’énergie qui lui faisait adopter, il y a quelques siècles, les mots empruntés pour les rendre plus euphoniques et familiers. On aurait alors parlé d’“escore”, sans complexe, ce qui aurait peut-être trop évoqué l’escarre. Alors, va pour score, comme pour scorbut ou scarifier...

* © Le Courrier de la Transplantation 2006;1:9.

0102_COO 102 22/09/2016 12:31:38

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