L2S3, UE Chimie Organique, 2005
Les réactions
de la chimie organique
Marc Robert, Professeur
Laboratoire Electrochimie Moléculaire – unité mixte de recherche CNRS / Paris VII http://www.lemp7.cnrs.fr
Déroulement et Modalités d’évaluation du module
Déroulement de l’UE
:- 12 séances de cours de 2h, mardi 8h30 – 10h30 - 12 séances de TD de 2h
- 3 séances de TP de 4h
Modalité d’évaluation de l’UE (6 ECTS)
:- Compte-rendu de TP (3)
30 %
- Interrogations écrites en TD (3)
20 %
- Examen final en janvier
50 %
→ les interrogations écrites auront lieu au début des séances de TD n° 5, 7 et 10
→ les TP ont lieu couloir 44-54 au 5ème étage (blouse en coton obligatoire)
Molécules et macromolécules organiques
ADN
acide désoxyribonucléique
A T
G C
N N N
H N
NH2
NH NH O
O
NH N N
H N
O
NH2
N NH NH2
O
Chiralité
dans la nature
PVC
Carvone
C10H14O
Vaniline
C8H8O3 Adrénaline
C9H13O3N
Cl
Cl Cl Cl Cl Cl Cl
Molécules organiques, une introduction
Les atomes « phare » de la chimie organique :
C H O N S Br Cl I
Z 6 1 8 7 16 35 17 53
Electronégativité 2,50 2,20 3,50 3,07 2,44 2,74 2,83 2,21 Le carbone au centre des opérations … Etat fondamental 1s2 2s2 2p2
Un atome pourtant tétravalent … Le carbone intervient en fait dans la constitution de
liaisons covalentes dans trois états électroniques excités différents de l’état fondamental.
On construit ces états en mélangeant (en hybridant) les fonctions d’onde associées à l’état fondamental. Trois états hybrides (trois hybridations) ont une importance
particulière.
Hybridation sp3
Géométrie tétraédrique
4 OA sp3 équivalentes
Hybridation sp2
Géométrie triangulaire plane
vue de dessus 3 OA sp2
équivalentes
Géométrie linéaire
Hybridation sp
2 OA sp équivalentes
C C
Les liaisons en chimie organique sont le plus souvent covalentes et proviennent donc du recouvrement non nul d’orbitales atomiques d’énergies voisines. On obtient deux types d’orbitales moléculaires, càd deux types de liaisons, les liaisons σ et les liaisons π .
C H
recouvrement axial (σ) recouvrement latéral (π)
C C
Très souvent, les électrons des liaisons π sont délocalisés sur plusieurs atomes. Ce
phénomène de résonance est très important pour comprendre la réactivité des molécules
organiques. OA p
formation de 4 OM π dont 2 liantes occupées (4 e- π venant des 4 OA p)
Les 4 e- π sont délocalisés sur l’ensemble de la molécule. Il faut écrire plusieurs formes limites de résonance (formes mésomères) pour décrire la structure du butadiène. La molécule est une superposition de ces différentes formes, certaines ayant un « poids » plus important (ce sont celles qui correspondent aux énergies les plus basses) .
Ψ1 Ψ2
butadiène
Ce phénomène de délocalisation des électrons π (ou non liants) se rencontre à chaque fois que deux liaisons π ou bien une liaison π et un doublet non liant sont séparés par une liaison simple. On retrouve les mêmes caractéristiques : planéité de la molécule,
énergie de résonance, utilisation d’une représentation faisant intervenir plusieurs formes mésomères.
O OH
O OH
O OH
O OH
Cl Cl
NH2 NH2
C O C O C Oδ+ δ−
permet d’interpréter
Pour s’y retrouver parmi les molécules organiques, on constitue des groupes de corps présentant la même fonction chimique et un certain nombre de propriétés communes caractéristiques de ces fonctions.
On distingue principalement :
- les hydrocarbures, composés uniquement de C et de H : alcanes, alcènes, alcynes, hydrocarbures aromatiques
styrène
pentane propène butyne
- les autres fonctions sont classées suivant le nombre d’atomes d’hydrogène qu’il faut substituer aux hétéroatomes pour obtenir l’hydrocarbure correspondant.
R O H
R O
R' R NH2 R H
N R'
Fonctions monovalentes R X R
O
H R
O R'
R O
O O
R' R
O
OH R
O
OR' R
O
NH2
C N R
Fonctions divalentes
Fonctions trivalentes
R (ou R’) représente la partie de la molécule qui se conserve lors d’une réaction de la fonction. On l’appelle aussi groupement ou groupe.
Certains groupements sont importants et vous devez les connaître.
H2 C H2
C H2
C Me H2
C H C Me Me
C Me
Me Me
CH3 = Me HC CH2 3 H2
C H2 Et C Me
=
groupement aryle O R groupement acyle groupement benzyle
H2 C
groupements alkyles
Pour toutes ces molécules organiques, il existe des
effets électroniques
qui sont très importants pour comprendre leur réactivité. Il peut s’agir principalement d’effetsinducteurs ou mésomères.
Les effets inducteurs concernent le déplacement des électrons σ. Une liaison entre deux atomes C et A est généralement polarisée du fait de la différence d’électronégativité entre les deux atomes. Cette polarisation correspond à un déplacement des deux électrons le long de la liaison. Si A induit une charge partielle δ- sur C, on dit que c’est un groupement à effet inducteur positif ou donneur (noté +I).
C A C A
δ+
δ−
Si A induit au contraire une charge partielle δ+ sur C, on dit que c’est un groupement à effet inducteur négatif ou accepteur (noté -I).
C A δ+ δ−
C A
On peut classer les groupements polarisants. On notera en particulier que les groupes alkyle ont un effet donneur.
pouvoir électro-attracteur augmente Effet -I
pouvoir électro-donneur augmente Effet +I
Na MgX R H NH2 OH I < Br < Cl < F
C Me Me
Me
CH Me Me
H2 C
Me H3C
> > > > > >
R : >
Les effets inducteurs se transmettent le long des chaînes par les liaisons σ en s’affaiblissant rapidement (négligeables dès le troisième atome de carbone).
δ-
δ+ δ2+
δ4+ δ5+ δ3+
H2 C H2
C H2
C CH2 CH3
Cl δ+ > δ2+ > δ3+ > δ4+ > δ5+ ≈ 0
Les effets mésomères concernent le déplacement des électrons π (ou p des doublets non liants) par résonance (délocalisation, mésomérie). L’effet mésomère est défini comme l’orientation par un substituant du sens de déplacement de ces électrons. Il sera d’autant plus intense que le nombre de formes limites de résonance (mésomères) est grand et le domaine de circulation des électrons étendu. Si un groupement A induit une charge partielle δ- sur un carbone voisin de celui auquel il est relié, on dit que c’est un
groupement à effet mésomère positif ou donneur (noté +M). Si au contraire A induit une charge partielle δ+ sur un carbone voisin de celui auquel il est relié, on dit que c’est un groupement à effet mésomère négatif ou accepteur, ou encore attracteur (noté -M).
H2C O
H2C O C O mésomère attracteur
mésomère donneur
H2C O H
H2C O H O H
L’effet mésomère peut se transmettre sur de longues distances sans affaiblissement.
H2N H O X
pouvoir attracteur augmente, Effet -M pouvoir donneur augmente, Effet +M
H C
O
R C
O H
C N N
O O
Les effets électroniques que nous venons de voir se superposent quand cela est possible.
Groupements à effet globalement attracteur
N O
O
C N C O HO C O
F Cl Br I
-M -I +M -I
NH2 OH O- OR
C C
Groupements à effet globalement répulsif (donneur)
+M -I
+M +I Mais attention, suivant l’existence ou pas d’un effet mésomère, le même groupement pourra être globalement attracteur ou répulsif !
H3C OH H2C H
δ- C OHδ+
δ-
δ+ mais
Une bonne connaissance de la structure des molécules et des effets électroniques est essentielle si l’on veut comprendre leurs propriétés (notamment acido-basiques, voir TD) mais aussi la structure et la stabilité relative des intermédiaires de réaction. Un
intermédiaire de réaction est une espèce instable, réactive, dont le temps de vie est généralement très court, et qui est formée le long du chemin réactionnel dans une
réaction conduisant d’un réactif stable à un produit stable. Les principaux intermédiaires de réaction que nous allons rencontrer sont les radicaux (carbonés), les carbocations et les carbanions.
Les radicaux
sont des espèces portant un électron célibataire (ou non apparié). Ils sont formés par coupure homolytique d’une liaison simple peu polarisée.CH3
radical méthyle
O
radical phénoxy
A B A + B
Coupure homolytique
RO OR' hν RO + R'O
Les radicaux sont stabilisés par encombrement stérique et lorsque l’électron non apparié peut-être délocalisé sur une partie de la molécule. Les radicaux réagissent dans des
réactions de dimérisation, de transfert d’atome, d’addition sur une liaison double.
CH2
>>
CH2 CH2 CH2
> >
R R' R"
R R'
H R
H H
tertiaire secondaire primaire
Les carbocations
sont des espèces portant une charge positive sur un atome de carbone. Le carbone est donc entouré de 6e- seulement. Ils sont formés par rupture hétérolytique d’une liaison polarisée ou par attaque acide d’une double liaison.C « encombré »
C C H
C C H
C Nu C + Nu
δ+ δ-
Coupure hétérolytique
CH3
carbocation méthyle
OA p vide
Les carbocations sont stabilisés par encombrement stérique et par effet électronique inducteur ou mésomère donneur. La géométrie est plane autour du carbone C+
(hybridation sp2). Les carbocations réagissent avec des molécules riches en e- . Ils
peuvent aussi libérer un proton H+ ou se réarranger par migration interne d’un hydrogène.
Me
Me Me
Me H2 C H
C Me Me H2 C H2
C CH2
> >
C H C Me
Me CH2
C H2 C Me
Me CH3 C H
C Me
Me CH2
>
Les carbanions
sont des espèces portant une charge négative sur un atome de carbone. Ils sont formés par rupture hétérolytique d’une liaison polarisée. Ils sont stabilisés par effet électronique inducteur ou mésomère attracteur.C Cl
Cl Cl
CH3
> C O C O fortement stabilisé
par mésomérie
C C C O
Les carbanions ont une géométrie pyramidale autour du carbone C- (hybridation sp3) et réagissent avec des centres déficients en e- .
C C Oδ+ δ-
Tout au long des réactions que nous allons rencontrer dans la suite, nous retrouverons ces intermédiaires réactionnels. C’est souvent leur formation qui constitue l’étape dite cinétiquement déterminante, c’est à dire l’étape élémentaire la plus lente du processus, celle qui en contrôle la vitesse globale. On peut représenter l’énergie potentielle du système en fonction d’une coordonnée de réaction reflétant le déroulement la réaction (en aucun cas cette coordonnée n’est égale à ξ, l’avancement molaire de la réaction).
Loi d’Arrhénius : k = A e-Ea/RT
Ea1 Un bilan
mais deux étapes élémentaires, caractérisées chacune par une énergie d’activation Ea et une constante de vitesse k .
HCl + (CH3)2CHCH2Cl
Coordonnée de réaction Energie
potentielle
HCl (CH3)3C
Cl
(CH3)3CCl
Pour clore ce panorama introductif, nous allons nous intéresser à la stéréochimie des molécules, càd à la disposition dans l’espace des atomes constitutifs des molécules. En effet, à côté de la structure électronique et des effets électroniques, la stéréochimie joue souvent un rôle essentiel dans la façon suivant laquelle réagit une molécule.
De façon très générale, des isomères sont des composés chimiques ayant même formule brute mais des formules développées différentes. Lorsque les formules semi-
développées suffisent à distinguer deux isomères, on a une isomérie dite plane (« grossière »), qui peut-être une isomérie fonctionnelle ou de position.
C3H6O C4H9OH
O O
OH OH
OH OH
Lorsque les isomères ont des formules semi-développées identiques, c’est la position spatiale de leurs atomes qui les distinguent. On a alors des stéréoisomères, qui peuvent être des isomères de configuration (énantiomères ou diastéréoisomères) ou des
isomères de conformation.
On passe d’une conformation à une autre par rotation ou torsion autour d’une liaison simple sans rupture de liaison. Les différentes conformations sont interconvertibles, non séparables. Par contre différentes configurations d’une molécule sont isolables, on ne peut pas changer de configuration par rotation, torsion ou vibration longitudinale.
butane en projection de Newman autour de la liaison C1-C2
H3C
CH3
1 2
CH3
H H CH3
H H
CH3
H H
H3C
H H
On rencontre plusieurs configurations lorsqu’une molécule porte un carbone asymétrique (c’est à dire un atome de carbone hybridé sp
3)
entouré de quatre substituants différents.
Une molécule asymétrique est chirale (la chiralité, du grec Kheir, qui signifie main, regroupe l’asymétrie et la dissymétrie).Plusieurs types de représentation sont utilisés, notamment la représentation de Cram et de Fischer.
CH3 H C OHCl carbone
asymétrique
*
OHCH3
Cl H
Cram Fischer
En représentation de Fischer, les liaisons sont représentées par des traits pleins verticaux et horizontaux, suivant les conventions suivantes :
- la chaîne carbonée la plus longue est placée verticalement
et numérotée de haut en bas ; l’extrémité qui a le degré d’oxydation le plus élevé est mise en haut
- les traits verticaux indiquent les liaisons dans le plan ou en arrière du plan de la figure
- les traits horizontaux indiquent les liaisons en avant du plan de la figure
≡
Cette représentation est très utilisée pour les sucres (oses) et les acides aminés.
Autour d’un carbone asymétrique, la stéréochimie absolue peut-être R (rectus) ou S (sinister). Cette nomenclature, qui s’applique à toute molécule chirale, repose sur l’application de la règle des séquences. Les deux configurations R et S sont des énantiomères (ou antipodes optiques ou inverses optiques ou énantiomorphes).
Les deux énantiomères ont une activité optique : traversés par une lumière polarisée, ils modifient le plan de polarisation d’un certain angle α pour l’énantiomère R et –α pour le composé S. Si la rotation se produit vers la droite, on dira que l’énantiomère est
dextrogyre, si c’est vers la gauche, il sera dit lévogyre.
Ph H
OH
CH3 Ph H3C
OH
Pouvoir rotatoire spécifique : α = - 42°9 α = 42°9 H
La règle des séquences (Cahn, Ingolg et Prelog) permet de classer les substituants d’une molécule chirale dans un ordre séquentiel décroissant.
Les atomes sont classés par ordre décroissant de leurs numéros atomiques : I > Br > Cl > S > P > O > N > C > H > doublet libre
Il en est de même pour des groupes d’atomes. La priorité est donnée au groupe pour lequel l’atome qui est directement lié au centre de chiralité possède le numéro atomique le plus élevé :
SO3H > PO4H2 > SiH3 > OH > NH2 > COOH
Si deux atomes liés au centre de chiralité sont de même nature, on regarde leur degré de substitution respectif. Celui qui est lié à un atome de numéro atomique supérieur précède l’autre :
-CH2I > -CH2Cl > -CH2-SH > -CH2OH > -CH2-NH2 > -CH2-CH3 Les liaisons multiples sont remplacées par autant de liaisons simples.
CH3 C
H
*
OHClCH3 C HO H
Cl
*
1 2
3
4 CH3
HO Cl
H
CH3
Cl OH
H
R S
images par symétrie miroir
Si une molécule comprend n carbones symétriques, elle a 2n stéréoisomères différents (sauf en présence d’éléments de symétrie particuliers).
L’isomérie Z / E autour d’une double liaison conduit à l’obtention de diastéréoisomères.
Les substituants de la double liaison sont classés selon la règle des séquences. S’ils sont situés du même côté de la molécule (délimité par un plan passant par la double liaison), on a l’isomère Z , sinon il s’agit de l’isomère E.
Cl
H H3C
H
Cl
H H
H3C
Z E
Quelques conformations
Anti Gauche Eclipsée
Autour du butane …
C4H10
Conformation gauche
Cyclohexane (I) …
positions axialespositions équatoriales
axial
équatorial Conformations chaises
Autour du cyclohexane (II) …
Méthylcyclohexane
gêne stérique
conformation chaise favorisée
Composés éthyléniques
Les alcènes
Les alcènes sont les hydrocarbures insaturés non cycliques de formule brute CnH2n. La chaîne principale est celle qui compte le plus grand nombre de liaisons et, le cas échéant, le plus grand nombre d’atomes de carbone. La position de la double liaison est indiquée par le numéro de l’atome de carbone doublement lié qui a l’indice le plus petit, et la
numérotation est faite de façon à ce que la double liaison ait l’indice le plus faible.
Le nom de la molécule dérive de celui de l’alcane en remplaçant la terminaison ane par ène.
méthylpropène but-2-ène (E) 3-éthylhex-2-ène (Z)
4 2 1
3
5 6
Limonène (essence de citron)
O trans rétinal
Myrcène
(essence de laurier)
Terpènes
Sur le plan industriel, l’éthène est l’alcène le plus important. Il est produit par craquage d'hydrocarbures. Environ la moitié de l'éthène produit est utilisé pour préparer les
polyéthylènes. L'autre moitié permet la préparation de composés importants, notamment l'oxyde d'éthylène ou oxacyclopropane qui est le produit de base de la synthèse de
l'éthane-1,2-diol qui entre dans la composition des antigels et sert à la synthèse de polyesters.
O HO
oxyde OH d’éthylène
éthane-1,2-diol
Le propène est le deuxième composé éthylénique le plus important comme produit de base de l'industrie chimique. Il est produit par craquage d'hydrocarbures. La part la plus importante sert à la synthèse du polypropène (ou polypropylène). Le reste permet la préparation des nombreux composés, dont l’acrylonitrile qui sert à la synthèse de fibres textiles et de résines.
CN
acrylonitrile
Structure et Réactivité
Les alcènes ont une double liaison plus courte et plus énergétique que les alcanes
correspondant. Par exemple, en passant de l’éthane à l’éthène, la liaison carbone-carbone décroît de 0,154 nm à 0,133 nm et l’énergie de liaison augmente de 347 à 606 kJ mol-1.
Les propriétés physiques sont comparables à celles des alcanes, par exemple :
but-2-ène (Z) µ = 0,4 D TEbu = 4 °C (butane : TEbu = -0,5 °C) but-2-ène (E) µ = 0 D TEbu = 1 °C
Les atomes de la double liaison ont une géométrie localement plane. Le alcènes bloquent la libre rotation des groupes qui lui sont attachés, ce qui est à l’origine de la
diastéréoisomérie Z, E.
La formation de l’orbitale π par recouvrement de deux orbitales de type p centrées sur les carbones expliquent la planéité de la molécule.
Deux électrons occupent cette orbitale, ce sont les plus mobiles et les plus facilement polarisables lors de l’interaction avec un réactif.
sp2 sp2
C C
σπ C C
Hydrogénation
Il s’agit d’une réaction d’addition, qui consiste à fixer une molécule de dihydrogène H2 en présence d’un catalyseur (Pt ou Pd déposés sur carbone, Ni de Raney). Les atomes d’hydrogène se fixent du même côté de la double liaison, la stéréochimie de l’addition est syn (on parle aussi de cis addition sur la double liaison).
H H
Me Me Et Et
érythro méso
Et
Me Me
Et H H + H2
Et Et
Me Me
métal
Z
Adsorption des réactifs
Me
Me Et
Et H H + H2
Me Et
Me Et
métal
H H
Et Me Et Me E
Et
Et Me
Me H H métal
mélange racémique
des 2 énantiomères en quantités égales
* *
* *
(3R,4R) (3S,4S)
H H
Me Et Me Et
A l’aide du mécanisme précédent il est aisé de conclure que la vitesse d’hydrogénation diminue quand le degré de substitution croît car les électrons de la double liaison sont alors moins accessibles. On peut alors réaliser des hydrogénations sélectives en
jouant sur ce principe, comme c’est le cas avec le limonène par exemple.
H2 PtO2, 1 bar
En série bicyclique, le dihydrogène se fixera sur la face la moins encombrée.
Halogénation
H2 Pd/C
H H
Les éthyléniques additionnent facilement Cl2 et Br2 pour former des dérivés dihalogénés vicinaux. F2 est trop oxydant et détruit la molécule, et avec I2 la réaction conduit à une réaction équilibrée peu favorable au produit. On utilise CH2Cl2 ou CCl4 comme solvant.
trans 1,2-diboromocyclopentane
Br
Br Br
Br Br2
Cl Cl2 Cl
Le mécanisme de l’addition fait intervenir plusieurs étapes. L’étape cinétiquement
déterminante implique l’attaque de la molécule d’halogène (polarisable) par les électrons π de la double liaison. Un ion ponté halonium se forme, et ce dernier s’ouvre dans
une seconde étape par attaque de l’halogénure du côté opposé au pont.
Br
Br
Br H H
Br Br
H
H * *
*
* (2R,3R)
(2S,3S)
Ion bromonium δ−
δ+
Br Br
H H
Br H Br
H
On obtient un mélange racémique des deux énantiomères, l’addition se fait de façon anti (on parle aussi de trans addition). Les ions bromonium sont des intermédiaires
réactionnels très réactifs (instables) qui peuvent être mis en évidence par des méthodes spectroscopiques.
Br
molécule isolée !
Parfois les choses sont plus compliquées. La bromation peut perdre en stéréosélectivité lorsqu’un carbocation suffisamment stable (ou stabilisé) peut se former à partir de l’ion bromonium. De même, dans le cas de la chloration, la formation de l’ion ponté
est défavorisée par rapport à celle du carbocation, ce qui est dû à la plus petite taille du chlore relativement au brome.
Addition des hydracides
La réaction entre un hydracide fort (HCl, HBr) et un composé éthylénique conduit à la formation d’un dérivé halogéné . H+ joue le rôle d’électrophile et on passe par un
carbocation intermédiaire. C’est le carbocation le plus stable qui se forme transitoirement : la réaction est fortement régiosélective.
CH
Br
~ 100 %
~ 0 %
Seul le carbocation tertiaire est formé le long du chemin
réactionnel
H Br
CH3
Br Br
HCl éther
Cl
50 % Cl
50 %
CH2CH3 HCl éther
CH2CH3 Cl
Dans les cas précédents, le carbocation était stabilisé par effet donneur des
groupes alkyle autour de la charge positive. On peut généraliser : l’atome d’hydrogène se fixe sur l’atome de carbone le moins substitué, c’est la règle de Markovnikov.
Le carbocation intermédiaire peut aussi être stabilisé par effet mésomère donneur d’un substituant.
De façon générale, le carbocation le plus stable est formé car c’est celui qui est formé le plus rapidement : la réaction est dite sous
contrôle cinétique
. C’est la première étape lente de formation de l’intermédiaire très instable qui oriente la régiosélectivité.On peut représenter la réaction à l’aide d’un diagramme d’énergie potentielle :
(CH3)2CHCH2 Cl
Energie potentielle
Coordonnée de réaction
HCl
(CH3)3CCl
(CH3)2CHCH2Cl (CH3)3C
Cl
Carbocation tertiaire plus stable, formé plus rapidement (la barrière
d‘activation pour sa formation est plus faible)
Hydratation
L’hydratation d’un composé éthylénique consiste à lui ajouter une molécule d’eau, ce qui aboutit à la formation d’un alcool. La réaction se déroule en milieu acide dilué lorsque le composé de départ forme facilement un carbocation. Comme avec l’addition d’un hydracide, la réaction est fortement régiosélective. C’est le carbocation le plus stable qui est formé transitoirement.
OH2
O H H
carbocation
H2O / H2SO4 (50/50) H
tertiaire
OH
~ 100 % H
Avec les alcènes moins substitués, la formation du carbocation est plus difficile (plus lente), la réaction est alors réalisée dans de l’acide sulfurique concentré.
H2SO4 (80 %)
OSO3H H2O , T
OH
Une autre façon de former un alcool à partir d’un alcène est de réaliser un hydroboration.
Hydroboration
Réaction découverte en 1959 par H. C. Brown, l’hydroboration consiste en l’addition d’une liaison B-H du borane BH3 à une double liaison alcénique, ce qui permet de former
un organoborane.
H H2B
H HH B H H
H H
THF
B
6 e-
H2O2 OH- , H2O OH
H
H HH H
+ B(OH)3 B H
H B H H
H
H H BH2
H HH H
+ BH3 THF
3 B
H2O2 OH- , H2O
3
OH
+ B(OH)3
87 %
Le bilan de la réaction après traitement par le peroxyde d’hydrogène en milieu aqueux basique est donc l’addition syn d’une molécule d’eau.
La régiosélectivité est anti-Markovnikov, ce qui en fait une réaction complémentaire de l’hydratation en milieu aqueux acide. La raison est principalement d’origine stérique : lors de la formation de l’organoborane, le bore s’ajoute sur le carbone le moins encombré (le moins substitué) et par conséquent l’hydrogène s’ajoute au carbone le plus substitué, à l’inverse de ce que l’on observe pour une hydratation en milieu acide.
H2B H
H CH3
δ+
δ−
δ+
δ−
H CH3
H CH3
H CH3
H B
H H
B H
H H + BH3
état de transition plus encombré,
moins stable
85 %
1- BH3 / THF 2- H2O2 / OH- , H2O
OH
trans 2-méthylcyclopentanol
Formation d’une halohydrine
La réaction consiste à ajouter HOX (X = Cl, Br) à un alcène en faisant réagir l’alcène avec X2 en présence d’eau.
Dans l’exemple ci-dessous de la synthèse d’une bromohydrine, il y a d’abord formation d’un ion ponté bromonium, puis dans une seconde étape une molécule d’eau joue le rôle de nucléophile vis à vis du bromonium. L’addition se fait donc de façon anti.
OH2
Br H
H O H
H Br
H
H OH
3-bromobutan-2-ol HBr
H2O Br
Br
Br2
H H
Br H Br
H
2-bromophényléthanol 76 %
N Br O
O
H2O / DMSO
HO Br
Oxydation des composés éthyléniques
L’hydroxylation des alcènes consiste à additionner deux groupes –OH sur la double liaison. En présence de tétraoxyde d’osmium (OsO4) et après traitement avec du bisulfite de sodium NaHSO3 , la réaction conduit à la formation d’un cis diol 1,2.
OH OH NaHSO3
H2O OsO4
pyridine O
O Os
O O cis 1,2-diméthylcyclopentan-1,2-diol 87 %
L’oxydation d’une molécule éthylénique peut aller jusqu’à sa coupure, comme c’est le cas en présence d’ozone. Cette réaction est appelée
ozonolyse
et implique la formationtransitoire de plusieurs intermédiaires cycliques.
3 O2 2 O3 décharge
électrique
O
O Zn
CH3COOH / H2O O3
CH2Cl2 , - 78 °C
O O O
Molozonide
O O O
Ozonide
Si l’alcène de départ est tétrasubstitué par des groupes alkyle, les deux molécules
finales sont des cétones. S’il est trisubstitué, on obtient une cétone et un aldéhyde, etc..
1- O3
2- Zn, H3O+
O O
cyclohexanone acétone
84 %
1- O3
2- Zn, H3O+ O O CH2
β-pinène nopinone formaldéhyde
75 %
D’autres agents oxydant peuvent couper les doubles liaisons éthyléniques, notamment le permanganate de potassium KMnO4 en milieu acide. En milieu dilué, la réaction conduit à l’obtention d’un diol. Les deux groupes –OH s’ajoutent du même côté de la molécule (addition cis). En milieu concentré à chaud, l’oxydation se poursuit jusqu’à la formation d’acides carboxyliques si des atomes d’hydrogène sont présents sur les C de la double liaison.
KMnO4 , H+
(concentré, à chaud)
O + CO2 OH
45 %
KMnO4 , H+
(concentré, à chaud)
O 2 OH KMnO4 , H+ (dilué)
OH HO
Addition radicalaire de HBr
L’addition de HBr sur une double liaison se fait suivant la règle de Markovnikov dans les conditions usuelles … Néanmoins avant que cette règle ne soit connue, l’étude de
l’addition de HBr sur le 3-bromopropène avait conduit à des résultats contradictoires.
Br Br
HBr Br (liquide)
Br
Br mélange !
En fait HBr peut s’additionner suivant deux mécanismes différents. Dans les expériences précédentes, le 3-bromopropène, extrêmement sensible à l’air, forme des composés
de type R-O-O-R. La liaison O-O est très faible ( ~ 155 kJ mol-1) et sa coupure dans le
mélange entraîne la formation de radicaux qui catalysent une addition radicalaire de HBr, plutôt qu’une addition polaire « traditionnelle ».
Cette explication a été ensuite confirmée et reproduite avec des nombreux alcènes, sur lesquels on peut ajouter HBr suivant une orientation anti-Markovnikov.
H2C CH(CH2)8COOH
HBr péroxydes
BrH2C CH2(CH2)8COOH
Un mécanisme à étapes
O O R R
2 R O
R O H Br R OH + Br
Initiation
Br H2C CHCH2CH3 BrH2C CHCH2CH3
BrH2C CHCH2CH3 H Br
Propagation
BrH2C CH2CH2CH3 + Br
produit « anti Markovnikov »
H H
CH2CH3 H
+ Br
CH2CH3 H
H Br
H H H
CH2CH3 H
pas obtenu Br
radical secondaire radical primaire
moins stable
(formé plus lentement)
Substitutions nucléophiles Eliminations
Les dérivés halogénés des alcanes (halogénures d’alkyle) dérivent formellement des hydrocarbures par remplacement d’un atome d’hydrogène par un atome d’halogène.
Selon que l’atome de carbone portant l’halogène est lié à 1, 2 ou 3 atomes de carbone, le dérivé est qualifié de primaire, secondaire ou tertiaire.
Br
Br Br
I II III
1-bromobutane 2-bromobutane 2-méthyl-2-bromopropane
bromocyclohexane 3-bromopropène
Br Br
Thyroxine
(hormone thyroïdienne)
O I
HO
I I
H2N
COOH I
Cl Cl
Cl H
Plocamène B
(algue rouge Plocamium violaceum) Pourpre
Br N
H O
N H
O
Br
Les liaisons carbone-halogène sont fortement polarisées du fait de la plus grande électronégativité des halogènes.
Le moment dipolaire augmente d’un dérivé iodé au dérivé fluoré correspondant. Mais ce moment fait intervenir
la longueur de liaison qui varie aussi.
C X X = F, Cl, Br, I
µ δ−
δ+
C F Cl Br I
Electronégativité 2,55 3,98 3,16 2,96 2,66
Quand on passe d’un dérivé fluoré à iodé, la température d’ébullition augmente. Cette augmentation n’est pas uniquement due à la variation de moment dipolaire mais aussi à l’augmentation de la polarisabilité de liaison C-X qui implique un atome de plus en plus volumineux (le nuage électronique devient plus facilement déformable sous l’influence d’un champ électrique externe).
Il y a donc augmentation des forces d’interaction de type dipôle permanent / dipôle induit et dipôle instantané / dipôle induit.
CH3-H CH3-F CH3-Cl CH3-Br CH3-I µ (D) 0 1,92 2,05 2,01 1,87
longueur (nm) 1,01 1,35 1,77 1,94 2,14
Téb (°C) -164 -78 -24 3 42
D (kJ mol-1) 438 472 349 293 239
Nous allons d’abord nous intéresser à des réactions de substitution nucléophile puis dans une seconde partie nous étudierons des réactions d’élimination.
réactif nucléophile
substrat produit nucléofuge
Nu R X Nu R X
L’attaque du nucléophile a lieu sur un atome de carbone relié à X. La partie expulsée dans R-X est plus généralement appelée groupe partant. Le terme nucléofuge est utilisé pour les ions halogénure. Ces réactions sont notées en abrégé SN . Plusieurs mécanismes sont possibles, suivant la nature des molécules réagissant, le solvant, la température … Nous allons étudier plus précisément deux mécanismes typiques (limites)
de ces réactions au cours desquels soit :
- la rupture de la liaison C-X et la formation de la liaison C-Nu sont concertées - la rupture de la liaison C-X précède la formation de la liaison C-Nu qui a lieu dans une seconde étape
SN2 SN1
Substitutions nucléophiles bimoléculaires
La réaction du 2-bromobutane S avec les ions iodure conduit uniquement au
2-iodobutane R. Il y a une inversion de configuration relative du centre chiral (ici un carbone asymétrique) appelée inversion de Walden. Si on part du dérivé bromé
de configuration R, on obtient exclusivement le dérivé iodé de configuration S.
Br Et
Me
H I
Et Me
I + R* H + Br
*S
Br Me
Et
H I
Me Et
I + * H + Br
R
S*
I Me
Cl
H HO
Me Cl
OH + H + Br
* R R *
L’inversion de Walden peut se faire sans changement de configuration absolue
Le mécanisme de cette réaction consiste en un choc bimoléculaire entre le substrat et le nucléophile. On a donc une étape élémentaire, avec passage par un seul état de transition pour lequel la liaison entre l’atome de carbone et le groupe partant a été partiellement
rompue et celle entre le nucélophile et l’atome de carbone partiellement formée.