A NNALES DE L ’I. H. P.
J ACQUES W INTER
Considérations sur la théorie des liquides
Annales de l’I. H. P., tome 14, n
o1 (1954-1955), p. 1-33
<http://www.numdam.org/item?id=AIHP_1954__14_1_1_0>
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1
Considérations
surla théorie des liquides
par
Jacques WINTER.
CHAPITRE I.
L’ORDRE DANS UN
LIQUIDE.
CONCEPTIONSGÉNÉRALES.
1. But. - Le but de cet article est
d’exposer
uneconception générale
de l’état
liquide qui
est,jusque
un certainpoint,
nouvelle.Certes,
laplupart
despostulats
admis l’ontdéjà
été par les auteursqui
nous ontprécédé.
Les idées introduites sontprises
dans d’autres domaines de laPhysique,
et leschangements
n’ont rien de bouleversant.Cependant,
l’allure
générale
desphénomènes
en estquelque
peuchangée.
Pourquoi
d’abord modifier laconception généralement
admise ? Cetteconception
rendcompte
debeaucoup
dephénomènes,
mais ellen’explique
ni lesgrands phénomènes
del’Hydrodynamique physique,
tels que les écoulements laminaires et les
propriétés
de la viscositéliquide (notamment,
cette étonnantepropriété
de l’eau à o° dont laviscosité décroît sous l’effet d’une forte
augmentation
depression),
ni lesphénomènes
d’attraction à distance que laBiologie,
laGénétique
notamment, semble
imposer.
Cetteconception
nouvelle ne va pas sans difficulté :d’abord, il ;
a laquasi-impossibilité
de vérification directe.Cela est aussi le cas pour les idées
actuelles,
mais surtout elle faitappel à
des notionsplus compliquées
àpartir desquelles
il est très diffi-cile de
poursuivre
les calculs et ces calculs seprésentent
non pas2
comme des
approximations
successives convergentes, mais comme desapproximations
non convergentes. Il est vrai que c’est là un cas trèsgénéral
enPhysique mathématique
et que le tort est de ne pas le sou-ligner.
Mais nous avons bonespoir
que, si les faitsexpérimentaux
surlesquels
nous nous appuyons se confirment(beaucoup
sontcontestés)
et si nos idées sont
admises, l’expérience
et le calculpermettront
de pousser cetteesquisse beaucoup plus
loinqu’elle
ne l’est actuellement.2. Conception généralement admise. - La
bibliographie
des travaux.sur l’état
liquide
est très restreinte. Peu de livresd’ensemble (1).
Surtout des
chapitres épars
dans divers volumes de Chimiephysique,
ou de
Physique
des solides et desgaz (2).
Laplupart
de cesexposés
sont purement
qualitatifs.
Lesapplications numériques
ne cherchentpas autre chose que des ordres de
grandeur.
Cette basephysique
sifragile,
simince,
siconjecturale,
est en contrastefrappant
avecl’impo-
sant édifice de
l’Hydrodynamique mathématique. Quant
à laconception générale physique
de Fêtâtliquide,
c’est unesynthèse
des idéesappli- quées
en théorie des solides et en théorie des gaz.On admet d’abord que les molécules du
liquide
sont localisées dans des cellules bornées par laprésence
desvoisines,
comme dans un solide.La différence essentielle avec le solide est
qu’on
admet l’existence desvides.,
des trous.Aussi, appelle-t-on parfois
cettethéorie,
théorie destrous. Le
liquide
est ausolide,
ce que serait un sac de cubes où les cubes seraientjetés pêle-mêle,
à une boîte où ils seraientrangés
les unscontre les autres. La cellule de la molécule
comprend
donc cettemolécule, plus
les videsqui proviennent
de ladisposition
désordonnée des molécules. Ce sont ces trousqui
permettent ledéplacement
desmolécules soumises à
l’agitation thermique.
Le passage d’une moléculeentre deux autres
peut
sefaire,
mais non sans franchir une barrière depotentiel
U. En vertu de la théoriecinétique
des gaz la molécule aurau dans sa cellule une durée de
séjour qui comprendra
un facteur e~~~. Le(l) I. FRENKEL, Théorie cinétique des liquides, Moscou, rg43; J. YVON, Recherches
sur la théorie cinétique des liquides, Paris, Hermann, I93I.
(2) SLATER, Introduction to physieal chemistry, Mac Graw Hill, I939; Theory of Matter, I95I; GLASSTONE, Theoretical Chemistry, van Nostrand, I944; GLASSTONE, LAIDLER et EYRING, Theory of Rate processes, Mac Graw Hill, I94I; FRENKEL, Intra-
duction à La théorie des métaux, Moscou, I950.
3
déplacement
des molécules seprésente
donc comme un franchissement de barrière depotentiel
d’une molécule sous l’influence deFagitation thermique.
Onaboutit,
parexemple
dans Frenkel( loc. cit., I950,
p.
272)’
à la formule suivante pour le coefficient de viscosité ~ :~ =
203C40kT 03B43eU kT
U,
barrière depotentiel
moyenne,s’opposant
au passage d’une cellule à la suivante(énergie d’activation);
0,
dimension linéaire moyenne d’unecellule;
To,
période
d’oscillation de la molécule autour de saposition d’équilibre
dans sa cellule.
Cette formule rend
compte
de nombreuxrésultats;
elles’applique
aux
gaz (U~kT),
auxliquides
3.
Critiques.
- a. Onadmet,
dans la théorieprécédente,
que lemouvement d’ensemble d’un
liquide
seproduit
par suite d’unedissy-
métrie dans la variation de
l’énergie
d’activationU,
en fonction de la variabled’espace
x, en direction du mouvement. Cettedissymétrie (U = Ax),
entraînerait uneprépondérance
des franchissements versles U décroissants.
Qu’advient-il
de cela dans le cas d’unaxe
de révo- lution enrotation,
dans unegaine liquide
enfermée dans uncylindre
creux coaxial avec l’axe de rotation ? U est visiblement
indépendant
desazimuts.. Le
liquide
suit l’axe dans sa rotation et seralentit, lorsqu’on
s’écarte de
l’axe,
se collant aucylindre
creux Immobile.La
conception
du mouvementliquide, analogue
à un mouvementgazeux ne peut
s’appliquer
dans ce cas,qui
constitue pourtantl’expé-
rience
typique
décrivant la viscosité.b. Enfin l’effet de la
pression
sur la viscosité de l’eau[à
o°, à 600 atm,la viscosité est réduite de 6
%,
ceci est vraijusqu’à
30° pourl’eau,
nonau-dessus
( 3 ) ,
et n’est pas vrai pourl’huile]
estinexplicable.
Commentun rétrécissement des trous
peut-il
en faciliter lepassage ?
c. En
Mécanique ondula toire,
le franchissement d’une barrière de (3) J. DUCLAUX, Chimie physique appliquée à la Biologie, Hermann, I934.4
potentiel
par uncorpuscule
n’entraîne pas démissiond’énergie.
Lecorpuscule
est réfléchi outransmis,
mais il retrouve sonénergie cinétique.
Sauf s’il y a choc
inélastique,
mais alors il faut abandonner la concep- tion de la barrière depotentiel
et en venir à des chocsinélastiques
demolécules. Autrement
dit,
il faut revenir à la théorie des gaz. Sinonsans émission
d’énergie,
le caractère essentiel de la viscosité(dissipation d’énergie cinétique)
resteinexpliqué.
d. L’écoulement laminaire
paraît
inconciliable avec cette théoriequi
ne semble admettre que des écoulernents du
type
turbulent.e. Dans un ensemble de molécules douées de
propriétés
aléatoiresrappelant
celles des gaz, aucune action à distance transmise par les molécules duliquide
n’estpossible.
y.
Les effetssuperficiels
restentinexplicables (voir in fine),
Pour toutesces
raisons,
il nous sembleindispensable
de modifier laconception générale
brièvementesquissée
auparagraphe
2.4. Idée de base de la nouvelle conception. - L’idée de base nous a
été donnée par le Mémoire de M. van der Die
lanl{e
Reichweite de;
regelmässigen Atomanordnung
in Mischkristallen. Ils’agit
de donner une basethéorique
auxphénomènes
d’ordre dans lessurstructures cristallines connues
depuis
I9I9, étudiées par de nombreuxphysiciens.
81. van der Waerden a montré que l’ordre àgrande
distanceest assuré dès que le
potentiel qui
favorise larégularité, qui
créel’ordre, dépasse
une valeur limite très voisine de kT. Deux faits sontfrappants :
1° la bassesse de la valeur limite pour le
potentiel
d’ordre. Les démons-trations étant
toujours pessimistes,
il n’est pas exclu que l’ordrepuisse
s’établir pour des valeurs de U nettement inférieures à
kT,
mêmeo,8 k T ;
2° le caractère trèsgénéral
de la démonstrationqui s’applique
à
n’importe quel
ensemble dephénomènes ordonnables,
pourvu que l’onpuisse répéter
les calculs des sommes d’états de van derWaerden,
c’est-à-dire pourvu
qu’il
y ait desvoisinages
déterminés à un instantdonné,
que lesphénomènes
enquestion
soientrangeables
et numéro-tables, qu’on puisse
les considérer comme situés dans un milieuproduit
par la déformation d’un cristal
original.
( 4 Z. Physik, t . 118, j I94I, p. 473.
5
Déjà
M. Stewart a été amené à admettre l’existence dans unliquide
de
petites
zones ordonnées. Mais ils’agit
de zones trèspetites (quelques angstrôms).
Ils’agit
là d’un ordrecristallographique.
Si nous nouscontentons d’un ordre
topologique,
si nous nous contentons deplacer
les
équerres
H-O-H des molécules d’eaugrossièrement
comme ellesle sont dans un cristal tétraédral de
glace,
nous aurons un milieu oùpourra subsister un ordre
qui
ne sera pas observable par diffraction des rayonsX,
maisqui
pourra exister pour unphénomène
localisé dans lesmolécules et faisant intervenir des
énergies
d’interaction de l’ordre de kT,5. Résumé du Mémoire de van der Waerden. - Donnons un bref résumé pour le lecteur
qui
nepourrait
sereporter
àl’original.
On consi-dère un damier carré de I08 cases de côté
(surface = I016 cases).
Surchaque
case estdisposé
unjeton blanc (A)
ounoir (B).
Il y aordre, lorsque
les
jetons reproduisent
les couleurs des cases du damier ordinaire.Suppo-
sons que l’alternance blanc-noir sur une
ligne
ou une colonne( diagonales
non
considérées)
entraîne une diminution v del’énergie potentielle.
Soit T la
température
dusystème
desjetons. Supposons qu’il
y aitautant de blancs que de noirs. A un instant
donné,
considérons unedisposition quelconque.
On pourra tracer, sur ledamier,
des frontièresséparant
des zones d’ordre. Le désordre seproduit
au franchissement dechaque
limite frontièrei).
Soit L lalongueur
totale des frontières. L’élévation depotentiel
introduite par les zones de désordresera
Lv,
enprenant
pour unité lalargeur
d’une case. L’idée de base estde caractériser
chaque
distribution par cettelongueur
totale de fron-tière
L,
et de les grouper par valeur de L. Posons x ==e v kT
.TnËORËME. - Il y ce ordre cc
grande
distance(c’est-à-dire
danstout le
damier),
, dès que x est assezpetit (T
assezbas).
Soit x _-_ .I-. .(La
démonstration s’étendfacilement
à toutes les valeurs de xnettement
plus petites
queI 3)
. Nous allons prouver que lesdisposi-
tions
(ou états)
pourlesquelles
l’ordre n’est brisé que dans depetits domaines, renfermant
unpetit
nombre de cases, ont debeaucoup,
la
plus forte probabilité.
Le nombre des zones de désordre(qui
se6
présentent
comme despetits
ilots sur lacarte)
peut êtregrand;
maischacune d’elles
renferme
auplus
I00 cases, et leur ensemble ren-ferme
moins du rrtillième du nombre total des cases( ou atomes).
Dans le
décompte
des différentesdispositions,
nousdevrions, rigou-
reusement ne conserver que celles pour
lesquelles
il y a autant de A que ,de B. Nous nous affranchirons de cette
condition, qui
rendraitpénible
la
démonstration,
sanschanger
le résultat. Conformément à l’idée deFig. a .
base,
comptons lespolygones
de diverseslongueurs qu’on
peut tracersur le
damier, puisqu’il s’agit
decompter
lesdispositions
ou tracésd’énergie
donnée.THÉORÈME AUXILIAIRE 1.. - Le nombre des
polygones fermés
delongueur
y, tracés sun le damier est, auplus égal,
â N.3y.Prenons un
point
dedépart
donné. Il y a Npossibilités
pour ce choix.Le
premier
trait dupolygone
aquatre positions possibles.
Les autres3,
seulement, puisqu’on
nepeut
revenir sur ses pas. Le dernier trait estdéterminé,
il y adonc,
auplus,
N . ~ . 3~~-’ _
~+
N 3~~I 2
~T . 3J’polygones.
.Remarque
1. - Nous n’avons pas tenu compte despolygones
par,tantet aboutissant aux bords du damier. Il ~-
a ~ ~~V points
dedépart
pour ceux-ci. Nous n’en tenons pas compte ; leremplacement
de9 4
parI ?
suffitpour
corriger
l’erreur commise.7
Remarq~ue
2. -Chaque polygone
estcompté
2yfois,
car l’on peut varier lelong
dupérimètre
laposition
dedépart
et le sens de parcours.Il faut donc diviser encore par 2y.
Remarque
3. - ha valeur limite trouvée est encoreexcessive,
l’obli-gation
de fermer lepolygone
se faisant sentir avant le dernier trait. Ense basant sur des recherches
empiriques,
van der Waerden admet quele
nombre despolygones
cherché vaut N .(2 ,
2»’.
THÉORÈME AUXILIAIRE 2. -- La
probabilité
relative totale l.xl(théo-
rème de
Boltzmann)
des tracés contenant despolygones
depérimètres supérieurs
àCto ( case unité)
estinférieure
à la( 2 . I08)ième partie
dela
probabilité
relative des tracés(ou diagr°ammes)
danslesquels
nefigure
aucunefrontière > 40.
Considérons un tracé de frontières.
Supposons qu’il
y a ki frontièreségales
à4 l,
k2 à42 ; kb égales
à40
+b, ~o
+ b étant laplus longue
frontière
possible. Supprimons
ces frontières. Il ne nous reste que des frontières! 40.
Soit 1 leurlongueur
totale.Supposons
leur tracé donné.Le nombre des manières
possibles
desurajouter
lespolygones ~> 4o
est,d’après
le théorème auxiliaire 1 auplus égal
àI k1!k2!...kb! (N.341)k1(N.342)k2...(N.340+b)kb;
rnultiplions
ce nombre par le facteur de Boltzmann :,
et sommons sur toutes les valeurs
possibles
dek1, ka,
...,kb,
enlaissant de côté
ki
--_ I~2 --_kb
= o(1’
au lieude 1) .
On obtient’ ~l ~ N{3x~‘~1
" ’~~~1... ;
~....iB(~) ~..On peut aussi bien
supprimer
l’accent et enlever xl pour compenser.Posons a = N(3x)41
et faisonsb = ~,
cequi
ne peutqu’augmenter
l’expression.
On a8
Si
3x = 1 4,
ea+a.3x+a(3x)2+ ... =
ea(1+1 4+1 16) +...)
=e4 3a.
Ainsi la
probabilité
relative cherchée est inférieure axl {e4 3a-I }.
Il reste à calculer ~ = N
(
3x ~-’4 ~ :
loga = logN + 4Ilog(3x) = 16 -4Ilog4-8,68.
La
probabilité
relative des tracés oudiagrammes
avec lespolygones
>
40
est auplus
dexl(e1 310-8 - I
) xl 2.108
.Celles des
diagrammes
avantl’adjonction
de cespolygones
est xl.Le théorème est donc démontré
( sauf
l’énoncé sur la surface totale des zones dedésordre).
Ainsi il
n’y
apratiquement jamais
de zone de désordre de frontière>
40.
Les îlots de désordre existants ont des surfaces L I00(sauf
sur lesbords où la limite de la surface serait de
~oo ;
l’îlot carré donne l’ordrede cette
surface).
Il y a donc ordre dans tout ledamier,
sauf dans depetits
îlots dont nous allons évaluer la surface totale.Naturellement,
lalimite de
40 dépend
de la valeurprise
pour N = I016. Mais la valeur limite de x, et donc deT, elles,
nedépendent
pas deN,
de même que la surface totale relative des zones de désordre(à
calculerencore).
La
probabilité ~ ; -
lo-gprovient
del’équation
4 ( l ’)!d
-"Ainsi la
plus grande longueur
depérimètre
des îlotsqu’on puisse prati-
quement trouver varie comrne
logN.
Si N’ .-16N,
il faudraprendre 43
au lieu de
41.
Eneffet,
si l’onjuxtapose
16damiers,
s’iln’y
a dans unseul damier donné
guère
deprobabilité
d’avoir un îlot de L >/~o,
dansun des 16 damiers
( ce qui multiplie
laprobabilité
par16),
ilpourra ;
avoir un ilot de
L = 42.
Mais ces îlots negênent
pas l’ordre àgrande
distance dans le
damier ;
leursuperficie
demeure très faible même si ledamier devient énorme. -
La
condition 03A3A = 03A3B,
va éliminer certainsdiagrammes.
Mais elleva en éliminer d’autant
plus qu’il
y aplus
d’îlots de désordre et va donc9
améliorer la limite d’ordre E
~ - 10-8; E
sera donc diminué et la valeur limite de x aussi. M. van der Waerden dit : « Si lesphysiciens
ne sontpas contents,
je puis
leur en fournir toute la démonstration. Malheu-reusement ce serait
compliqué ».
Tout repose sur le fait que a = N’
( 3
tend vers zéroexponentielle-
ment si n croît.
Ainsi,
l’on peutprendre x I 3
. Et si l’on admet la formule en 2, 2, on peutprendre x
=I 2,2
=0,46.
Si
x = 0,46,
toutchange.
Lesprobabilités
deslongues
frontièrescroissent avec L. Les
diagrammes
lesplus probables
contiendront unnombre aussi
grand qu’on
voudra delongues
frontières et des zones de désordre aussigrandes qu’on
voudra. Il y aura désordre. Latempérature critique
donnée parx = o, 46
ne vaut que pour le damier. On montrequ’elle
est aussi valable pour le réseau à trois dimensionscubique,
etcubique
à corps centré.6. Évaluation de la surface totale des îlots de désordre. - C’est le dernier
point qui
nous reste àcompléter;
on supposex C 3 ~ Supposons
qu’il
y aQ4
îlotspossibles égaux
à un carré(L = 4), Qe
pourlesquels L = 6,
etc.(ordre
nécessairementpair).
Nous avons~lE = l~ (un
carré pour
chaque
croisement duréseau),
Q, == 7N et
Qy 4y
(d’après
laremarque 2
duparagraphe précédent).
Le nombre des dia- grammespossibles
contenant kitcarrés,
k6rectangles L = 6,
etc., estau
plus
de(N kh) (2N k6) ... (32m N/8m k2m).
Dans le cas de l’énoncé du théorème
du § 5, 2 m
=40 (combinaisons
de N
objets,
k4 àkit).
Ceci est une limitesupérieure
car on ne tient pas compte des recouvrements à exclure. Il fautmultiplier
par le facteur de Boltzmann,
La surface totale des îlots sera
I0
Après
un calcul queje
passe, on montre que pour x =~)
on aWI0-3N.
Ceci est
vrai,
àplus
forteraison,
pour x =I I2.
7. Discussion de la fusion de la
glace.
- Il reste à passer des cases du damier aux molécules d’unliquide.
N’insistons pas sur le passage de deux à troisdimensions,
traité par van derWaerden,
sansgrande
Fig. 2.
difficulté. Nous
partons
donc d’un cristal deglace.
Les 0 forment unsystème
tétraédral, Surchaque
barre il y a un H. En 0 aboutissentquatre barres,
deuxreprésentent
des H liés par valence à cet0,
lesdeux autres des H liés par liaison dite «
hydrogène
c’est-à-dire électro-statique.
Il y a sans doute résonance etsuperposition
des schémasobtenus en
échangeant
lespositions
des valences et des liaisonshydro-
gène.
En uneposition
de lasurface,
considérons une molécule d’eau.Supposons qu’elle
seliquéfie
et cessed’appartenir
au cristal deglace.
Cela
signifie qu’elle prendra
une certaine liberté. Un nombre depositions d’équilibre
moyen n seraatteignable
moyennant que la moléculereçoive
la chaleur moléculaire de
fusion, qui
est0,062 eV,
soit v. Considérons laglace
comme unsystème
ordonné et l’eau désordonnée. La moléculequi fond,
passe de l’ordre(une position rigoureusement
déterminée du cristal etd’énergie minimum)
audésordre (une quelconque
de npositions quantifiées )
en absorbant v. Tout à l’heure l’ordre était obtenu parcequ’une progression géométrique
de raison 3 xconvergeait.
3II
est le nombre des orientations
possibles
de laligne
frontière de4’
désordre,
x == ~~T. Ici,
dans la zoneliquide, chaque
molécule occupe iipositions
parrapport
à savoisine,
si on les parcourt dans un ordredéterminé
(haut-bas, gauche-droite, arrière-avant), après N
moléculesliquides
il y aura n~possibilités
deconfiguration (en supposant
que latopologie,
seconserve!).
Si l’on considère la fusion comme unphénomène
ordre-désordre dans un réseau cristallin avec maintien de latopologie,
il faut que nx ~ I. Ceci donne n ~14.
Ceci veutdire que si la fusion est considérée comme un
phénomène
de passage, au
désordre,
il doit y avoir pour une molécule d’eau unequin-
zaine de
positions
voisines de laposition
définie par le cristal etatteignables
par fusion( ceci
en lessupposant équiprobables,
c’est-à-dire de mêmeactivation;
il y aurait lieu de les supposer d’activations diffé-rentes et de
probabilités différentes). Or,
il y a 6degrés
de liberté deposition
et 3 de déformation. Sur les gdegrés
deliberté,
onpeut
donc dire que rarementplus qu’un
seul ne peut être déformé à la fois etqu’il n’y
aguère qu’une position
activéeatteignable;
lespositions
doublementactivées rendent
compte
de la différence de14
à g. Cepetit
chiffreindique
que dans levoisinage
d’une moléculed’eau,
le cristal n’est que peu bouleversé par lafusion, puisque
pourchaque
molécule iln’y
apas
beaucoup plus,
en moyennequ’une
activationquantique
pourdéfinir sa
position,
parrapport
à saposition
idéale.En admettant
qu’à
un instant donné l’eau réalise un cristal deglace dilaté,
déformé àchaque
passage d’une molécule àl’autre,
mais maintenutopologiquement,
nous ne faisons pas unehypothèse
déraisonnable. Deplus,
pour lescristaux,
comme celui deglace qui
n’est pas un « closestpacking » (~~,
onconçoit
que la fusion nes’accompagne
pas nécessaire-ment d’un accroissement de volume. Ce n’est pas cet accroissement de
volume,
ces trous,qui
caractérisent leliquide,
mais bien la défor-mation
continue,
àchaque cellule,
du cristal. Comme toutes lespositions
déformées sontatteignables,
il en résulte ladisparition
de larigidité.
Nous allons maintenantpouvoir
passer, dans leprochain chapitre,
à la notion de chaînes de résonance ou d’essaims. Au troi-siéme,
nous passerons auxapplications
de cette nouvelleconception
de l’état
liquide.
(") De volume minimum.
I2
CHAPITRE II.
LES CHAINES DE
RÉSONANCE
OU ESSAIMS.1. Les forces dans un liquide. - Nous
placerons,
en vertu de cequi précède,
les molécules d’eau dans des casesqui
seront celles d’un réseaucristallin déformé. Nous maintenons les bases de la
conception classique :
une molécule est dans une cellule dont nous ne
précisons
pas laforme,
où elle oscille. Elle y reste en moyenne I0-9 s, sa
période
d’oscillationest d’environ I0-13 s. Considérons l’oscillation dans la direction x’ 0 x.
L’espace
libre est limité par laprésence
des autres molécules. Enpremière approximation
supposons la molécule renfermée entre deux barrières depotentiel
de hauteur Vo.(Cela
n’est pas le U des théoriesclassiques,
le U est unpotentiel
d’activations’opposant
au transfert dans- une direction de moindre résistance.
Ici,
Vo est unpotentiel
rencontrédans la direction d’une file de
molécule.)
La valeur de Vo n’intervientpratiquement
que peu. Soit 2 d lalargeur
de l’intervalle d’oscillation( 2 d [ ~
maille du réseau, car le centre degravité
de la molécule n’aqu’un jeu beaucoup plus
faible queà).
En deuxièmeapproximation,
considérons l’interaction de deux molécules
voisines,
dont on auraenlevé les barrières
Vo.
Celles-ciimposeront
aux molécules A et B desvibrations
quantifiées Wo ( x) , ~’1 (x~,
..., ~’o (x’~, ~’~ (x’~,
... ; x, x’sontles écarts des oscillateurs A et B. Le
potentiel
d’interaction sera unefonction
f ( x
-x’ ~
pour ce - ce’ ~ o( A
et B à leurspositions
centralesd’équilibre),
cepotentiel
vaudra zéro. Si,~ - x’ [ o,
il y a une très forterépulsion.
Si.~ - x’ > o,
une attraction. Le gros del’interaction, Vo, impose
les fonctionsW(x), 1P’(x’).
Les autres molécules du réseau sont aussicomprises
dansVo. Vi représente
les fluctuations deV,
aucours de l’oscillation.
Enfin en troisième
approximation,
il y a les forcesqui
donnent lieuau mouvement
brownien,
et à ladiffusion,
ainsiqu’aux
mouvementshydrodynamiques
du milieu, Comme ils’agit
ici dedéplacements
trèsfaibles,
pour une durée de I0-13 s; nous pouvons considérer ces forcescomme des
perturbations adiabatiques (au
sensd’Ehreufert),
très lenteset
petites.
Elles entraîneront une lente déformation de Vqui
pourraI3 en I0-9 s provoquer un mouvement de la
molécule,
unepermutation
dedeux
voisines,
etc. Ces forcespeuvent
êtreimposées
par le mouvement d’uneparoi,
une fluctuation depression,
etc. Pour le moment n’en tenonspas
compte.
Les fonctions W
~ u ~,
en l’absence deVi
auront la formecos (2 n
+I)03C0 2 1
sin n03C0x d(n,
nombrequantique
devihration),
solutionsFig. 3.
de
l’équation
d’ondes en l’absence duchamp
et stimulant pour x - -!- d.Les nombres d’onde seront
, , ~ é. 7~ Î~
k = (2n+1)2d et d
et les
énergies
E=== 803C02M
7a~’
k~-’ ( intervalle 2 d}.Introduisons
V1 (x - x’ ~. Développons
~1 en série de Fourier suivant o~(~?2014~’) . c~(J?2014j?’) ... ,, , ,.cosp03C0(x-x’) 2d
,sinp03C0(x-x’) 2d
(p entier, intervalle 4d).L’énergie
d’interactioncontient,
parexemple
des termes en(pour
les Wen
cosinus)
+d+d
cos2(2n -+- I )
03C0x 2d
.c cos2 ( o n , -!- 1 )03C0x’ 2d{ cos 03C0x 2d cos03C0d 2d ’ -I-
sin03C0x 2d
+ sin03C0x’ 2d 03C0x’ 2d} > ? ,qui
sontnuls,
mais nonl’harmonique p =
3, si n = o,(6) Comparer avec problème 8b, FLUGGE et MARSCHALL, Rechenmethoden der Quanten- theorie, Berlin, I952. Dans notre cas il n’y a que l’interaction des oscillateurs, que nous coupons en deux.
I4
Il y aura aussi des termes avec
échange
des nombres et r~’ et enprenant l’harmonique
p~ - ~ dudéveloppement
de l’interaction(on
auraitaussi pu le faire pour le terme sans
échange)
Ces termes ne seraient pas nuls si n’ == IL ± ~ . ..
Ainsi, grâce
aux termesd’échange,
il y aurait une structurepossible
-entre les divers états de
vibrations,
c’est-à-direl’apparition
de successionsrégulières
avec des variations -+-1, 2014 i, -3--1, -- l, ... du nombre n.Une alternance + i , - I , + 1 , - I ,
n’exigerait
pas degrands n
et sesuperpose par résonance avec - t, + 1, - i, + z comme
l’indique
lecalcul des
perturbations,
dont nous avons brièvement donné le résultat.2.
Comparaison
avec les diagrammes depotentiel.
- Pour étudier les réactions de trois atomesX, Y, Z,
il est courant en Chimiethéorique
detracer un
diagramme
coté où l’on porte en abscisse la distanceXYr
enH;ib. 4.
ordonnée YZ
( si
l’on suppose XY et YZ sedéplaçant
sur deux droitesfixes)
et en cotel’énergie potentielle
dusystème correspondant.
Lesdéplacements
dupoint représentatif,
duthalweg
de droite à celui duhaut
représente
la réactionYZ +
X = + Z.I5
Dans de tels
diagrammes,
on suppose fixées lespositions
des noyaux des atomes et l’on calculel’énergie
dusystème
par l’une des méthodes de laMécanique quantique.
La réaction
chimique
estreprésentée
par unetrajectoire classique (trait ponctué)
sur lediagramme.
LaMécanique quantique
donnesimplement
le tracé de la surfacereprésentative.
Nous
adoptons
auparagraphe
1 lepoint
de vuecomplémentaire.
Nousn’admettons
plus
detrajectoire classique
des molécules(ou atomes).
Nous
quantifions
leur mouvement. Aucontraire,
nous ne calculonsplus quantiquement
lepotentiel
V. Nous le supposons connu etexprimable
en fonction de ~z’- n. Pour le calculer il faudrait faire intervenir d’autres molécules que A et
B,
et calculerquantiquement l’énergie
del’ensemble. De tels calculs sont
inextricables,
surtout dans le cas del’eau.
3. Définition des essaims ou chaînes de résonance. - A un instant
donné,
considérons une masse d’eau et traçons le réseau des noyauxd’oxygène.
Nous aurons unsystème
déforméoù, d’aprés
ce que nousavons
admis,
il serapossible
de tracer un réseau entreoxygènes voisins,
chacun ayant
quatre voisins,
la définition n’étantambiguë
ouimpossible
que sur certaines
surfaces,
ou en certainespetites régions représentant
une très
petite
fraction de l’ensemble. Nousappellerons
essaim ouchaînes de résonance des zones où l’on aurait des successions
régulières
de vibrations
thermiques
de nombresquantiques déterminés,
distribuées dans le réseau du corps(pour l’eau, tétraédral)
même déformé. Ouencore des combinaisons linéaires de
pério- diques
dans les n, n’. Nous reviendronsplus
loin sur cette définition.Toute distribution
régulière
des modes de vibrationsquantifiées
etcohérente avec la
topologie
du réseau, sera un essaim.Les modes vibratoires ou états
quantiques
pouvant se superposer, on pourra avoir unesuperposition
d’essaims etdécomposer
les vibrationsthermiques de
l’eau en sommes d’essaims. En se propageant, les essaims pourronts’affaiblir,
ou croître. Aquelle
distancepourront-ils
se pro-pager?
Sil’énergie supplémentaire,
calculée en deuxièmeapproximationr
dûe a la succession o, 1,0, ï, ... est de l’ordre de
k T,
un tel essaimpourra se propager à des distances
macroscopiques, d’après
la théoriede van der
Waerden,
pourvu que, I ° le réseau soit dans l’ensembleI6
ininterrompu ;
~° l’onpuisse négliger
les distributions avec un nombre depossibilités supérieur
à deux.4. Critiques. - Les deux graves
objections qui
seprésentent
sont lessuivantes :
A. Le mouvement
brownien,
ne va-t-il pas, par ses bouleversements incessants rendreimpossibles
lapropagation
des essaims ? Les donnéesexpérimentales
sur le mouvement brownien donnent des vitesses beau- coup trop faibles pour êtregênantes.
Il est vraiqu’il s’agit
de vitesses mesurées sur des durées deplusieurs
secondes etqui
ne veulent riendire,
à notre échelle de temps. Enfait,
c’est tout le modèle des casesqui
est en cause. S’il a du sens, comme le pensent tous les auteurs
cités,
ladiffusion ne doit pas
empêcher
l’ordre de s’établir surplusieurs
centainesde cases.
B. Une grosse difficulté est celle
qui
a été mise en évidence(à
propos d’un travail de M.Jordan),
par MM.Pauling
etDelbrück (7).
L’énergie
d’activation de la molécule est de l’ordre de kT. Pour que l’essaim se propage, il fautd’après
van derWaerden,
quel’énergie d’ordre,
c’est-à-dire le terme dedeuxième, approximation
soit à peuprès égal
à k T. Le calculd’approximation
fait n’a de valeur que si le terme de deuxièmeapproximation
estbeaucoup plus petit
que lepremier. Or,
ils sont à peu
près égaux.
Tout lesymbolisme mathématique
est doncarbitraire et
injustifiable.
Il est incontestable que cette
objection
est très grave, mais nousrépondons
ceci : il n’est pasquestion
de preuvemathématique,
ni deconvergence des
approximations.
Nous pensons d’ailleurs(voir plus loin)
que les essaims de trèsgrandes
dimensions(de
l’ordre desmicrons)
sont
exceptionnels
et que dans une masseliquide
les essaims neportent
probablement
pas àplus
dequelques
dizainesd’angstrôms.
Ils’agit
doncd’un
petit phénomène,
à la limite de validité et la convergence mathé-matique,
à la base d’unphénomène régulier
etfort,
ne saurait êtreattendue. Le
problème
est de savoir si lesquanta
devibration,
dans lachaîne des
oscillateurs,
sont distribués auhasard,
ou s’il y a une tendanceà un ordre
quelconque,
parexemple,
pourprendre
l’ordre leplus simple,
(7) ) Science, t. 93, I940, p. 77. Les autres critiques ne s’appliquent pas a notre théorie.