R EVUE DE STATISTIQUE APPLIQUÉE
E. D ARU
Nombre de machines automatiques à confier à un ouvrier en vue d’atteindre le prix de revient industriel minimum
Revue de statistique appliquée, tome 3, n
o3 (1955), p. 103-108
<
http://www.numdam.org/item?id=RSA_1955__3_3_103_0>
© Société française de statistique, 1955, tous droits réservés.
L’accès aux archives de la revue « Revue de statistique appliquée » (
http://www.sfds.asso.fr/publicat/rsa.htm
) implique l’accord avec les conditions générales d’uti- lisation (
http://www.numdam.org/conditions). Toute utilisation commerciale ou im- pression systématique est constitutive d’une infraction pénale. Toute copie ou im- pression de ce fichier doit contenir la présente mention de copyright.
Article numérisé dans le cadre du programme Numérisation de documents anciens mathématiques
103
NOMBRE DE MACHINES AUTOMATIQUES
A CONFIER A UN OUVRIER EN VUE D’ATTEINDRE
LE PRIX DE REVIENT INDUSTRIEL MINIMUM
par E. DARU
Ancien Elève de l’Ecole
Polytechnique
Ce problème a déjà été traité par M. Hénon (Revue de Statistique, vol. 111, no 1, 1955); mais on peut l’aborder d’une autre manière, sans ôter au processus son caractère de continuité, et mener les calculs en f aisant une seule hypothèse simplificatrice.
Le but de la présente étude est d’exposer ces calculs, de montrer où gît la difficulté de les conduire si l’on ne fait pas cette hypothèse, puis d’indiquer sommairement un
procédé de calcul purement numérique, permettant d’atteindre le résultat cherché tout en se passant de l’hypothèse simplificatrice.
Rappelons
brièvement les données duproblème :
le s machine sautomatiques
nécessitent l’intervention de l’ouvrier seulement pour lesdépannages ;
si l’ou-vrier n’a
qu’une
machine àconduire,
il ne fait rienpendant qu’elle
marche et sonrendement
personnel
est faible.Si on lui en confie
plusieurs,
son rendementaugmente,
mais il arrivera queplusieurs
machines seront arrêtéespendant qu’il
enrépare
une autre ; c’est alors le rendement des machinesqui
diminue(d’autant plus qu’elles
sontplus
nom-breuses),
ou leur coefficientd’utilisation,
selon le termeemployé
par M. HENON.S’il y a
gain
du côté del’ouvrier,
il y aperte
du côté des machines.Appelons
r le coefficient d’utilisation dechaque
machinelorsqu’on
en confiem à l’ouvrier ; S le salaire horaire de
l’ouvrier,
M le coût horaire dechaque
ma-chine(intérêt
ducapital engagé, amortissement, entretien ... ) ;
Leprix
de revientindustriel varie, comme le
rapport ; S + m M
m rmIl est minimum pour une certaine valeur de m que l’on pourra facilement dé- terminer si l’on sait calculer rm.
*
* *
Considérons maintenant la fonction aléatoire
X(t)
ou Xreprésente
le nombrede machines en marche à l’instant t ; on définira m rm comme la limite de l’inté-
grale :
lorsque
T- -On sait que
lorsqu’un
processus estergodique (même
au senslarge)
cette li-mite est la même que celle de
E [
X(t)] (plus
exactement, c’estl’égalité
deces deux limites
qui
est la définition delIergodisme).
Dans le cas
présent,
le fait est suffisamment intuitif pour se passer de dé- monstration.Au cours du processus, l’axe des
temps
estjalonné
par deux sortes d’évè-nements les uns sont les arrêts des
machines,
les autres leurs remises en marcheaprès
l’intervention de l’ouvrier ; à chacun de ces évènementscorrespond
pour X(t)
un sautbrusque
d’une unité en moins(cas
d’unarrêt)
ou enplus (cas
d’uneremise en
marche).
Lediagramme représentant
X(t)
a donc l’allure d’un esca -lier,
chaque
évènement étant l’occasion d’une discontinuité.Toutefois le processus est continu en
probabilité,
car laprobabilité
que X(t
+dt) -
X(t) > 03B5
où 6 est unequantité
aussipetite
que l’on veut, est pres - que sûrement nulle du fait que les évènements(arrêts
et fins deréparations)for-
ment une suite discrète.
Supposons
maintenantqu’une
suite dechronométrages
nous ait fourni un é-chantillon de durées de marche
(depuis
une remise en marchejusqu’à
la pannesuivante)
et un échantillon de durées deréparations, auxquels
nous avonsajusté
une loi
F(t)
demoyenne tp
pour les durées de marche(~ = ~0~
tF;tJ dt)
et uneloi
G(t)
de durées deréparation
de moyenne0 .
Nous ferons
l’hypothèse simplificatrice
selonlaquelle
ces lois sont les expo- nentielles.ce
qui implique (1) que
la loi de distribution du nombre n deréparations
effectuéesau cours d’une durée T est une loi de Poisson.
et la
réciproque
est vraie.Cette remarque nous a aidé à observer
l’analogie
queprésente
leproblème qui
nous occupe, avec celuiqui
concerne le calcul d’un centraltéléphonique
auto-matique qui,
aux heures depointe, reçoit
par unité detemps
une moyenne de aappels
et dont on suppose que le nombre desappels
suit une loi de Poissson(2).
et par suite que les intervalles entre deux
appels
consécurifs obéissent à la loi :P
(T t)
= F(t)
= 1 -e- at
(1) Voir sur ce sujet Blanc, Lapierre et Fortet "Théorie des fonctions aléatoires
(Masson éditeur)
au chapitre des processus poissonniens.(2)
Voir à ce sujet Fortet "Calcul des probabilités" CNRS 1950, formules d’Erlang. Nousnous sommes largement inspiré de cet ouvrage en raison de l’analogie des processus.
Moyennant
cettehypothèse,
le processus est stationnaire ; lesprobabilités
pour
qu’il
y ait i machines en marche à un instantquelconque
sont des constantespl
et naturellement :E
[X(t)] = P, +2P2 +.... +iPi
+.... mPm
est aussi une constante.
Le calcul des P est alors facile ; calculons d’abord la
probabilité
condition-nelle pour
qu’une
machinequi
marchedepuis
une durée T , à l’instant t, tombe en panne au cours de l’intervalle detemps
infinimentpetit
dtqui
suit. Laprobabi-
lité àpriori
d’une panne au cours de cet intervalle estFi
dt. Laprobabilité
que la machine ait une durée de marche au moinségale
à T est 1 -F03C4 . Donc,
la pro-babilité conditionnelle cherchée est :
et, dans
l’hypothèse
ou nous nous sommesplacés,
elle est :dt
De même la
probabilité
conditionnelle pourqu’une réparation
en cours, àl’instant t s’achève dans l’intervalle dt suivant
est F.
On voit que cesprobabilités
sont
indépendantes
de s duré e sacquis e s
à l’ instant t par la marche de la machine(ou
laréparation).
Ceci
posé,
pourqu’il
y ait i machines en marche à l’instant t, il fautqu’à
l’instant t - dt soit réalisée l’une des trois
hypothèses
suivantes(qui épuisent
latotalité des cas
possibles)
etPi
sera la somme de leursprobabilités respectives.
1° - Il y avait en t -
dt,
i machines en marche ; aucune d’eues n’est tombée enpanne dans l’intervalle dt
qui
a suivi, et cellequi
était en cours deréparation
n’apas été remise en marche ; la
probabilité
de cettehypothèse
est uneprobabilité composée ;
c’est :2° - Il y avait i - 1 machines en marche en t - dt et la machine en cours de
réparation
a été remise en marche au cours de l’intervalle detemps
dt suivant :3° - Il y avait i + 1 machines en marche en t - dt et l’une d’elles est tombée
en panne :
d’où:
ou
Nous aurons ainsi un
système
de méquations
dont lapremière
s’écrit :auxquelles s’ajoute
en vertu de l’axiome desprobabilités totales,
la suivante :P0 + P1 + P2 +....+Pi + ....+Pm =1
On en tire
facilement,
par récurrence :puis
et enfin :
expression
dont le calcul neprésente
pas de difficulté.Remarquons
quelorsqu’on
fait croitre mindéfiniment,
le numérateur et le dénominateur tendent tous deux vers la même limitee OL.
m rm tend donc vers oc, ce
qui
recoupe le résultat trouvé par M. HENON ; lesexpressions
donnant le coefficient d’utilisation ne sont pas les mêmes depart
et
d’autre,
maisconvergent
vers la même limitequand
m ~ oo .On
peut
en touterigueur
étendre le résultat du calculprécédent
au cas où ’l-e-adurées de marche obéissent à une loi
quelconque.
Mais il faut observer que dans ce cas l’état du
système
n’estplus
entièrement défini par le seul nombre des machines enmarche,
mais encore par les durées de marche03C41 , 03C42’
...’L3
...acquises
parchaque
machine à l’instant considéré.La
probabilité qu’il
yait,
à l’instant t, i machines en marchedépend
de ces du-rées
03C41 Iri ;
c’est uneprobabilité instantanée.
Pi (03C41 03C42.... 03C4i ) d03C4i d03C42
....d03C4i
où
Pi
est une fonctionsymétrique
par rapport à cesivariables ;
donc on doit avoirPi représente
ainsi la somme de tous les caspossibles
ou X(t)
= i au cours d’unedurée infinie
(le facteur 1 i!
intervient du fait que p estsymétrique
parrapport
aux
T.
et que l’onpeut permuter
parconséquent
ses variables sanschanger
lavaleur de
p ).
On devra avoir
V
Avant de
reprendre
le raisonnementprécédent
pour le calcul des P notonsqu’il n’y
aplus
que deuxhypothèses à
considérer pourobtenir,
à l’instant t, i ma- chines en marchedepuis
des durées déterminées03C41 à IC? 03C4i ;
le cas où à l’ins-tant t - dt il y avait i machines en marche
depuis
desdurées respectives 03C41 -
dt’t"2. - dt,
....’ti -
dt et où aucun évènement ne s’estproduit
au cours de l’inter- valle suivant dt ; et le cas où il y avait i + 1 machines en marche en t -dt, depuis
des
durées respectives 03C41 -
dt.... 03C4i -
dt etune i+ 1 ième enmarchedepuis
unedurée T
quelconque,
etqui
est tombée en panne au cours de la durée dtqui
a suivi.Il
n’y
a pas lieu en effet de considérer le cas de i - 1 machines en marche et de laréparation
intervenant entre t - dt et tpuisque,
dans ce cas, la duréeacqui-
se par la machine
réparée,
à l’instant t, serait infinimentpetite,
donc àpriori
différente des03C41 , 03C42 .... 03C4i.
On écrira donc :
V
où
l’intégrale prend
encompte
tous les caspossibles
relatifs à la durée de mar-che
acquise,
T , de la machinequi
tombe en panne.Nous allons montrer que la solution est donnée par :
1° - Intégrons
d’abordon a d’abord :
en
intégrant
parparties.
Le
premier
terme du second membre est nul car pour une valeurTo quelcon-
que on a :
et la dernière
intégrale
s’annule pour To infini.La
quantité 03C40 (1 - F03C4)
s’annule donc aussi bien pour T infini quepour T
= 0 etl’on a :
Par
conséquent,
enintégrant
successivement parrapport
à tous lesTk
ontrouve que :
qui
vérifiel’équation (1).
2" - La différentielle totale
dpx
est :et en
portant
cette valeur dansl’équation (2)
où les termes d pi etdisparaissent ;
il reste :qui
se réduit à :ou
ce
qui
donne commeprécédemment :
avec P0 + P1 +...+Pm
=1.Il résulte de là que la seule
hypothèse simplificatrice
nécessaire pour aboutir à ce résultat consiste à admettre que la lbi G(t)
des durées derépartition
est uneexponentielle.
Il
parait
malheureusement très difficile de conduire les calculs en s’affran- chissant de cettehypothèse.
Eneffet,
si la loi G(t)
des durées deréparations
est
quelconque,
l’état dusystème
est défini seulementlorsqu’on
sedonne,
outrele nombre des machines enmarche et leurs durées
acquises
à l’instantconsidéré,
la durée
t’ acquise
au même instant par laréparation
en cours.Les durées de marche
’Lk acquises
à l’instant t ne sont pasindépendantes
desdurées
t1, t2
... desréparations précédentes.
Les densités de
probabilités
pi contiennent donc la variable t’ sous une formequi dépend
de celle de la loi G(t’)
de la durée deréparation
etqui
varie selon l’in-dice i
indiquant
le nombre de machines en marche.Nous ne croyons pas que ce
problème
ait été éclairci. Il est certainementdifficile,
car il faut écarter une solutionsimple
dutype :
pi = Ai(1 - F03C41) (1 - F03C42)
...(1 - F03C4i)Hi(t’)
qui
ne convientqu’à
des variablesindépendantes.
Il n’est pas facile non
plus
de discuter l’ordre degrandeur
de l’erreur com-mise sur
l’expression
de limE [ X (t).1 lorsqu’on
suppose que G(t)
est une ex-ponentielle
de même moyenne que la loiréelle.
*
* *
Mais on
peut appliquer,
à toutproblème concret,une
solutionstatistique’
trèssimple.
Supposons
en effet que nousdisposions
dedeuxgros
échantillons de durées de marche et de durées dedépannage,
obtenus parchronométrage, quel
que soit le nombre de machines affectées à l’ouvrier dans l’usine considérée.Il est clair que l’on
peut
en tirer une sorte de film deX(t) (un graphique
dansle
temps)
pour les cas lesplus
variés du nombre m de machines en se donnantune situation
quelconque
àl’origine
parexemple
pour t = 0, m machines en mar- chedepuis
des durées réelles : en tirant au hasard les durées de marche et les durées de pannes, on pourra deproche
enproche
calculer à tout moment le nom-bre
Xt
etl’intégrale 1 T X dt,
en arrêtant le calcullorsqu’on
auraépuisé
tou-tes les durées de
dépannages.
Le chiffre obtenu sera une estimation de la valeur m rm cherchée.
Nous ne savons rien,
évidemment,de
la loi deprobabilité
de la variable alé- atoire ainsitrouvée,
mais on aura une idée de ladispersion
enprocédant
àplu-
sieurs calculs de même nature.
cotons
encore que, pour éviter des tâtonnementstrop longs,
on pourra calcu- ler une valeurapproximative
de m en recourant aux formules donnéesplus
hautpour le cas où G
(t)
est uneexponentielle ...
La solution
statistique indiquée
ci-dessus devra tenircompte
du faitqu’en
variant le nombre des machines confiées à un ouvrier, on modifie
quelque
peu la loi de durée desdépannages,
ceux-ci étant la somme de la durée nécessaire pour atteindre la machine àdépanner
et de la duréeproprement
dite dudépannage;
quand
onaugmente
le nombre des machines, onaugmente
aussi letemps
néces-saire à l’ouvrier pour se rendre
auprès
de la machine àdépanner.
En attendant