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HIPPOPOTAMES COMMENT L’UNIL ÉTUDIE LES

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SAVOIR ALLEZ

Le magazine de l’UNIL | Janvier 2016 | Gratuit

!

GÉNÉTIQUE

HIPPOPOTAMES COMMENT L’UNIL ÉTUDIE LES

NUMÉRO

62 SOCIÉTÉ

A quelle énergie carbureront les Suisses en 2049 ? 34

DAECH

Religion, drogue et kalachnikov 40

ÉCONOMIE

Délocaliser coûte plus cher que rester en Suisse 46

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Réseau ALUMNIL

Diplômées et diplômés de l’UNIL

développez votre réseau et maintenez votre savoir vivant avec le

www.unil.ch/alumnil

ALUMNIL : le réseau des diplômé·e·s

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Allez savoir ! N° 62 Janvier 2016 UNIL | Université de Lausanne 3

ÉDITO

ISSN 1422-5220

IMPRESSUM

Magazine de l’Université de Lausanne

No 62, janvier 2016 www.unil.ch/allezsavoir Editeur responsable Université de Lausanne Une publication d’UNICOM, service de communication et d’audiovisuel

Quartier UNIL-Sorge Bâtiment Amphimax 1015 Lausanne Tél. 021 692 22 80 allezsavoir@unil.ch Rédaction en chef Jocelyn Rochat, David Spring (UNICOM) Création de la maquette Edy Ceppi (UNICOM) Rédacteurs Mélanie Affentranger Sonia Arnal Mireille Descombes Saskia Galitch Elisabeth Gordon Virginie Jobé Nadine Richon Anne-Sylvie Sprenger David Trotta Correcteurs Albert Grun Fabienne Trivier Direction artistique Secteur B Sàrl www.secteurb.ch Photographie Nicole Chuard Illustration

Eric Pitteloud (pp. 3, 51, 56) Couverture

Johan Swanepoel - Thinkstock Impression

Genoud Entreprise d’arts graphiques SA

Tirage

17 000 exemplaires Parution

Trois fois par an, en janvier, mai et septembre Abonnements allezsavoir@unil.ch (p. 4) 021 692 22 80

L’HISTOIRE EST SANS FIN. HÉLAS

L’

est une page de notre passé que l’on croyait définitivement tour- née. A défaut d’assister à la fin de l’Histoire, nous pouvions rêver de vivre la fin de l’histoire de la guerre. En tout cas en Europe de l’Ouest, où nous n’avions plus connu de conflit ma- jeur depuis 1945. Jusqu’à cette année 2015, où nous avons assisté au retour des scènes de guerre en plein cœur de Paris. Jusqu’à cette séquence terroriste durant laquelle des villes comme Bruxelles et Genève ont réalisé, après Londres, Madrid et Copen- hague, que la menace était plus proche qu’on l’avait imaginé.

Ainsi, pendant que nous pouvions croire que la bombe nucléaire avait mis l’Occident définitivement à l’abri d’un conflit armé d’envergure, d’autres ont éla- boré des stratégies susceptibles d’annu- ler cette puissance de feu. Par exemple, la « guerre civile moléculaire », qui est dé- sormais menée par de petits commandos nés en Europe et équipés d’armes bon mar- ché – les fameuses kalachnikovs. C’est, du moins, la thèse développée par le géostra- tège de l’UNIL Bernard Wicht en page 40 de ce numéro.

Un expert des stratégies militaires qui enseigne à l’UNIL ? Ces cours auraient pu paraître un peu anachroniques avant la série d’attentats survenus l’an dernier en France. Et pourtant, cette lecture tactique et géostratégique des événements est dé- sormais indispensable quand on veut com- prendre ce qui se passe, non seulement en Syrie, mais encore en Libye et en Europe, où le conflit se délocalise. Comprendre, c’est bien la difficulté face à ces événe-

ments qui nécessitent des mises à jour fondamentales dans plusieurs branches de nos connaissances générales que nous avions un peu délaissées. Comme l’histoire des religions, l’étude de « l’art de la guerre » et la géopolitique.

L’affaire est d’autant plus compliquée qu’il y a plusieurs conflits en un. D’abord, ce qu’il faut bien appeler une guerre de religion au sein de l’islam entre les sun- nites et les chiites (un sujet évoqué dans un numéro précédent d’Allez savoir !, sorti en mai 2015, et que vous trouvez sur notre site Internet).

Pour autant, ce conflit n’est pas seule- ment religieux, comme vous le verrez en- core dans ce numéro. Autour de l’Etat is- lamique, plusieurs grandes puissances mesurent actuellement leur influence dans la région, sous les yeux d’un arbitre qui, lui aussi, laisse les observateurs perplexes.

Alors que les Etats-Unis avaient débar- qué en Irak en « gendarmes du monde », les Américains ne laissent derrière eux que des drones et quelques forces spé- ciales une décennie plus tard. Une volte- face rapide et spectaculaire de l’« hyper- puissance » américaine que Bernard Wicht compare au « déclin de l’Empire romain », quand il a été attaqué par ses périphéries.

Et là encore, on retrouve cette Histoire dont on avait imaginé la fin. Un passé qu’il devient difficile d’ignorer. Notamment pour s’assurer qu’il ne se répétera pas.

Car de nombreux classiques, de Goethe à Churchill, en passant par Karl Marx, nous ont prévenus. Tous écrivent, dans des for- mulations cousines, qu’un peuple qui ou- blie son passé se condamne à le revivre.  JOCELYN ROCHAT Rédaction en chef

LA « GUERRE CIVILE

MOLÉCULAIRE »

EST DÉSORMAIS

MENÉE PAR

DE PETITS

COMMANDOS

NÉS EN EUROPE

ET ÉQUIPÉS

D’ARMES BON

MARCHÉ.

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NOM / PRÉNOM ADRESSE

CODE POSTAL / LOCALITÉ

TÉLÉPHONE E-MAIL

DATE ET SIGNATURE

JE M’ABONNE À « ALLEZ SAVOIR ! »

Pour s’abonner gratuitement à la version imprimée, il suffit de remplir le coupon ci-dessous et de l’envoyer par courrier à : Université   de Lausanne, UNICOM, Amphimax, 1015 Lausanne. Par fax au 021 692 22 05. Ou par courrier électronique à allezsavoir@unil.ch

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Allez savoir ! N° 62 Janvier 2016 UNIL | Université de Lausanne 5 RÉFLEXION

L’artiste, tel un braconnier sur le campus.

SOMMAIRE

SAVOIR ALLEZ

Le magazine de l’UNIL | Janvier 2016 | Gratuit BRÈVES

L’actualité de l’UNIL : formation, international, publications, distinctions.

PORTFOLIO XVIIIe siècle, Spitzberg, archéologie.

SCIENCES Les promesses des technosciences n’engagent

que ceux qui les croient.

MOT COMPTE TRIPLE Comparatisme.

Avec Ute Heidmann.

ART Charles Gleyre, le Vaudois sans qui l’impressionnisme ne serait peut-être pas né.

SOCIÉTÉ A quelle énergie carbureront les Suisses en 2049 ?

ÉCONOMIE Délocaliser coûte

plus cher que rester en Suisse.

FORMATION CONTINUE La prévention du suicide, c’est efficace. Adolescence et consommation de substances.

C’ÉTAIT DANS

« ALLEZ SAVOIR ! » Le cœur vaudois de la Saint-Valentin.

LIVRE Quand la vie joue ses meilleures cartes.

LIVRES

Gustave Roud, cinéma, esthétique, soins, Berlin, astronomie et histoire.

RENDEZ-VOUS Evènements, conférences, sorties et expositions.

CAFÉ GOURMAND

« Le sport est un lieu politique .»

Avec Patrick Clastres.

51 52 58 59 60 62 64 66

SCIENCES CRIMINELLES Les Cyber Experts, de la télévision à la vraie vie.

6 12 16 21 22 27 28 34 40 46

!

SYRIE Religion, drogue et kalachnikov.

IL Y A UNE VIE APRÈS L’UNIL Samuel Grandchamp, l’économiste du Septième art.

BIOLOGIE Comment étudier les hippopotames sans se faire tuer.

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CHAVANNES

SORT DE L’OMBRE

Au département des manuscrits de la Bibliothèque cantonale et universitaire, le 10 novembre.

Chargée de recherches à l’Institut religions, culture et modernité, Elisabeth Holm travaille sur les écrits d’Alexandre César Chavannes (1731-1800). Ce dernier, qui fut professeur de théologie, recteur et bibliothécaire de l’Académie, nous a laissé l’œuvre de sa vie, Anthropologie, ou Science générale de l’homme. Jamais publiés, régulièrement oubliés, ces treize volumes constituent l’essai ambitieux de réunir, sous un même toit de papier, des champs auparavant séparés. Ainsi, l’auteur part de la médecine pour aborder l’ethnologie (un terme qu’il a fait passer de l’allemand au français), la pédagogie, la morale, la linguistique et la my tho logie, entre autres.

Sous la direction des professeurs Christian Grosse et Béla Kapossy, Elisabeth Holm et deux mémorants, Adrien Bridel et Rémy Zanardi, explorent et transcrivent ces écrits, qui sont petit à petit disponibles sur la plateforme en ligne

Lumières. Lausanne. Cette dernière rassemble de nombreux projets qui illustrent l’importance de la Suisse francophone dans le paysage intellectuel, social et culturel du XVIIIe siècle. DS

Reportage photo et entretien avec les chercheurs sur www.unil.ch/allezsavoir http://lumieres.unil.ch/projets PHOTO NICOLE CHUARD © UNIL

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ATTENTION,

CHUTE DE GLACE

Spitzberg, mi-août 2015. Le glacier Tunabreen s’effondre par morceaux dans le Tempelfjorden, à 78° de latitude nord. L’été dernier, trois chercheurs de l’Institut des sciences de la Terre se trouvaient sur place pour étudier le

phénomène du « vêlage », c’est- à-dire les ruptures qui touchent une falaise de glace, dont se détachent des icebergs.

Peut-on repérer les déformations et les fissures qui permettent d’anticiper quel bloc va tomber à l’eau ? Installés à bord d’un bateau en mouvement, les scientifiques ont employé la photogrammétrie et le Lidar – un appareil de mesure précis basé sur le laser.

Les données ainsi collectées permettent de réaliser des images en 3 dimensions du vaste front glaciaire, à un instant précis.

Grâce à des outils informatiques

«maison», ces modélisations sont comparées les unes aux autres, dans le but de détecter les variations du front du glacier au fil des heures.

« Depuis des années, nous menons des recherches semblables sur des falaises rocheuses un peu partout dans le monde », explique Antonio Abellan, post-doctorant au Risk Analysis Group. Dans ce cas, les processus sont très lents. L’idée consiste à tester si les techniques déjà utilisées en montagne peuvent s’appliquer aux fronts glaciaires, qui évoluent rapidement et ainsi, par analogie, affiner les modèles. DS Article complet et photos sur www.unil.ch/allezsavoir

PHOTO © ANTONIO ABELLAN / RISK ANALYSIS GROUP

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DES IMAGES CONTRE LE NÉANT

Palmyre (Syrie), entre 1954 et 1956. Cette photographie du temple de Baalshamin a été prise lors de la campagne de fouilles menée par l’archéologue suisse Paul Collart. Les images de cet édifice, érigé en 17 après J.-C. et modifié par Hadrien en 130, possèdent aujourd’hui une valeur particulière. En effet, cette splendeur antique a été dynamitée par l’EI en août 2015.

Pour lutter à sa manière contre le néant, l’Institut d'archéologie et des sciences de l'Antiquité (IASA) a ouvert une partie de sa base de données Tirésias aux curieux. Alimenté par des dizaines de milliers de documents iconographiques récoltés au fil des ans (photographies, plans, dessins ou restitutions de maquettes), cet outil est surtout utilisé à des fins de recherche et d’enseignement.

Désormais, une partie des images est accessible en ligne. Une exposition virtuelle consacrée à la Syrie peut être découverte en ce moment. Tirésias présente également «des sites peu connus mais menacés pour certains, parce qu’ils se trouvent dans des zones de guerre», relève Cédric Cramatte, chargé de recherches à l’IASA et responsable de la base de données. DS

http://tiresias.unil.ch

© FONDS PHOTOGRAPHIQUE PAUL COLLART /     IASA-UNIL

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Depuis la rentrée de septembre 2015, les étu- diants de l’UNIL ont la possibilité de suivre un cursus interdisciplinaire d’un nouveau genre, qui réunit les compétences en Biologie et en Eco- nomie. Il s’agit d’une spécialisation « Comporte- ment, évolution et économie », proposée aux étu- diants inscrits dans les Masters d’économie et de management de la Faculté des Hautes Etudes Commerciales, ainsi qu’à ceux inscrits au Mas- ter « Behaviour, Evolution and Conservation » de la Faculté de biologie et de médecine. Le pro-

gramme de cette formation s’articule autour de questions communes et de l’échange de connais- sances utiles aux différentes disciplines concer- nées. « Nous partageons de nombreux intérêts communs, souligne Laurent Lehmann, respon- sable de la spécialisation. Nous avons notamment pu constater que de nombreuses questions sur l’évolution de la coopération, la prise de décision individuelle ou collective, ou la gestion des res- sources se posent aussi bien chez les biologistes que chez les économistes. » DTR

RENCONTRE ENTRE BIOLOGIE ET ÉCONOMIE

RÉUSSITE

PRESSE

BRÈVES

ALLEZ SAVOIR ! SPEAKS ENGLISH

Afin de mieux faire connaître la re- cherche, l’enseignement et la vie du campus dans le monde non fran- cophone, l’Université de Lausanne propose désormais une sélection d’articles tirés d’Allez savoir ! et de l’uniscope, traduits en anglais. Ces textes se trouvent sur un nouveau site, Discover UNIL. Depuis ce der- nier, il est également possible de s’abonner à une newsletter, envoyée deux fois par an, afin de se tenir au courant des dernières parutions dans la langue de Shakespeare. (RÉD.) www.unil.ch/discoverunil/

MULTIMÉDIA

LE SITE

UNE MONTAGNE DE CURIOSITÉS

L’application gratuite WonderAlp, prévue pour toutes les tablettes, ravira les amateurs de dragons, de fleurs, de cristaux et des beautés de toutes sortes qui peuplent les Alpes. Décrite par ses auteurs comme un « cabinet de curiosités », cette collection de gra- vures tirées de livres de voyages anciens est une émanation du projet de recherche Viaticalpes, réa-

lisé en partenariat avec six grandes bibliothèques romandes et bernoises. Un matériel scientifique très accessible, qui comprend des textes et du son, com- plète cette « chambre des merveilles » réalisée par Claude Reichler, professeur honoraire et auteur de plusieurs ouvrages sur les Alpes. DS

www.unil.ch/viaticalpes

© Une éruption de l’Etna. Athanasius Kircher, Mundus subterraneus, Amsterdam, 1678. Bibliothèque Cantonale et Universitaire Lausanne

1165

C’est le nombre d’étudiants débu- tants atteints par téléphone à l’occasion de l’en- quête Comment allez-vous ? Me- nés chaque année par le Service d’orientation et carrières, avec la collaboration de la Fédération des associations d’étudiant-e-s, ces entretiens font partie des me- sures d’accueil mises en place par l’UNIL. Ainsi, l’hiver dernier, 20 étudiants avancés (photo) ont contacté leurs condisciples afin de leur poser des questions à pro- pos de leur adaptation à la vie sur le campus, de leurs études, leurs conditions de vie, etc.

« Cette année, nous avons placé un accent particulier sur le futur pas- sage à l’emploi », note Guillaume Conne, responsable de l’enquête.

C’est également l’occasion de faire connaître les nombreux services pro- posés aux étudiants, comme les Ate- liers emploi. Les résultats seront pu- bliés ce printemps. DS

www.unil.ch/soc/comment-allez-vous

© DR

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Allez savoir ! N° 62 Janvier 2016 UNIL | Université de Lausanne 13 Fang, dans le val d’Anniviers, abrite un village

médiéval en ruines. Situés à 900 m, il s’agit de douze bâtiments dont les restes d’une tour et d’une probable chapelle. Afin de soutenir et de vulgariser les travaux scientifiques menés sur ce site important, une Association pour la recherche archéologique dans le Val d’An- niviers (ARAVA) a été créée. Les habitants et les Autorités de la région se sont mobilisés pour ce patrimoine, qui se trouve dans un

état de conservation remarquable. En 2014, deux interventions ont été menées sur le ter- rain, impliquant des étudiants des Univer- sités de Lausanne et Neuchâtel. Les fouilles à Fang sont dirigées par Cédric Cramatte, chargé de recherches à l’Institut d'archéolo- gie et des sciences de l'Antiquité et membre scientifique du comité d’ARAVA. Les premiers résultats sont prometteurs. DS

www.arava.ch (dès février)

ARCHÉOLOGUES EN ALTITUDE

RECHERCHE PRIX

UN OUVRAGE DE RÉFÉRENCE RÉCOMPENSÉ

Piloté par les professeurs Dominique Bourg et Alain Papaux, le Dictionnaire de la pensée écologique a décro- ché le Prix du livre Environnement 2015 de la Fondation Veolia. Ce dernier récompense chaque année les meil- leurs ouvrages consacrés aux enjeux environnemen- taux. La remise du prix a eu lieu en novembre dernier, dans le cadre de la Foire du livre de Brive (France), en présence de Roselyne Bachelot, ancienne ministre et présidente du jury.

Cet ouvrage, qui compte 357 entrées, a mobilisé plus de 200 chercheurs. Il traite aussi bien de notions et de courants d’idées que de personnalités liées à la pen- sée écologique. Les débats contemporains se reflètent dans le texte, très vivant, puisque certains mots comme anthropocène ou catastrophisme possèdent deux notices différentes, qui reflètent autant de points de vue. (RÉD.)

DICTIONNAIRE DE LA PENSÉE ÉCOLOGIQUE.

Sous la direction de Dominique Bourg et Alain Papaux.

PUF (2015), 1120 p.

lix Imhof © UNILFabrice Ducrest © UNIL

Une nouvelle spécialisation de master intitulée

« Etudes africaines, textes et terrains », s’ouvre pour les étudiants en Lettres. Les textes litté- raires construisant des imaginaires d’Afrique sont au cœur du programme interdiscipli- naire qui lie plusieurs domaines des Sciences humaines et sociales.

Hors de toute limite géographique et historique, ce cursus proposé par Christine Le Quellec

Cottier, maître d'enseignement et de recherche, fonctionne en partenariat avec plusieurs uni- versités (Genève, Bâle, Paris, Montréal, Dakar et Abidjan), ce qui est l’occasion d’étudier hors de l’UNIL. Des stages, en Suisse, sont également possibles. DS

www.unil.ch/lettres> Master et spécialisation >

MA avec spécialisation

LES IMAGINAIRES AFRICAINS S’ÉTUDIENT À L’UNIL

FORMATION

NOUS RESTONS FIDÈLES AUX ATTENTES LIÉES À NOTRE MISSION DE THÉÂTRE UNIVER­

SI TAIRE. IL FAUT QUE LE CORPS ENSEIGNANT PUISSE S’APPUYER SUR CE QUE L’ON PRÉSENTE. LE TEXTE, LES AUTEURS OU ENCORE LES THÈMES DE SOCIÉTÉ FORTS ONT UNE PLACE IMPORTANTE À LA GRANGE.

Dominique Hauser, codirectrice du Théâtre La Grange de Dorigny, dans 24 heures du 5 novembre.

UN PROGRAMME

INTERDISCIPLINAIRE

QUI LIE PLUSIEURS

DOMAINES DES

SCIENCES HUMAINES

ET SOCIALES.

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2095

Le nombre d’articles que les chercheurs de l’UNIL et du CHUV ont fait paraître dans des revues scientifiques en 2015 (d’après Serval au 18 décembre 2015).

Parmi les thèses soutenues l’an passé figure le riche travail de Stéphanie Pin Le Corre, première assistante à l’Institut des sciences sociales. Dirigée par Dario Spini, co- directeur du pôle de recherche national LIVES, elle s’inti- tule La chute comme événement du parcours de vie : signifi- cation, conséquences, adaptation et prévention.

Les aspects économiques, médicaux ou en termes de Santé publique de cet accident ont déjà fait l’objet d’études.

Toutefois, ses facettes psychosociales ont très peu été ex- plorées. D’abord, une chute « constitue une révélation iden- titaire forte, explique la scientifique. La personne prend conscience que le vieillissement opère et qu’elle entre dans une autre étape de sa vie. » La confiance en soi en prend un coup. La crainte de ne plus pouvoir assurer les gestes du quotidien peut s’installer. Ensuite, la peur de tomber à nouveau incite à restreindre les activités.

Ce phénomène peut être renforcé par l’entourage, qui souhaite « protéger » son proche contre une récidive. Or, c’est

« exactement le contraire qu’il faudrait faire : une activité physique régulière, comme par exemple le tai-chi, consti- tue une bonne prévention », note la chercheuse. Enfin, cer- taines personnes ne veulent pas que les membres de leur réseau social les voient choir. Dès lors, elles s’en éloignent.

La chercheuse a également découvert que les consé- quences psychosociales des chutes étaient plus importantes chez les 50-65 ans que chez leurs aînés, dont la santé est pourtant moins bonne. L’accident est probablement res- senti comme une forme d’humiliation.

Si la recherche de Stéphanie Pin Le Corre couvre de nombreux aspects, il reste encore des champs à traiter, comme une meilleure compréhension du regard que les proches portent sur un parent qui a chuté. DS

La thèse est accessible sur https://serval.unil.ch. Chercher par le nom de l’auteure.

5597

Le nombre de références faites à l’Uni- versité de Lausanne et au CHUV dans les médias en 2015, selon la revue de presse Argus, au 18 décembre 2015.

Les résultats des élections fédérales se sont révélés conformes aux pronostics du professeur René Knüsel, pré- sentés dans Allez savoir ! de septembre 2015. Le chercheur s’est basé sur les élections cantonales zurichoises du 12 avril pour parvenir à anticiper les tendances générales.

En octobre, c’est une étude de l’Ecole des sciences crimi- nelles sur la consommation de drogues en Suisse qui a été médiatisée. Basée sur l’analyse des eaux usées de 13 villes, elle livre des informations étonnantes, comme ces 8,8 kilos de cocaïne pure consommés... chaque jour, ou que Saint-Gall est un haut lieu de l’ecstasy.

Assistante à l’Institut de psychologie, Odile Cantero consacre sa thèse à l’accès aux soins des personnes sourdes, comme l’écrit 24 heures le 12 octobre. Elle a éga- lement lancé des cours de langue des signes au CHUV, avec l’appui de la Fédération suisse des sourds. Grand succès : « Au total, 126 étudiants en médecine ou profes- sionnels de la Santé ont participé et 14 sont inscrits pour ce mois », a expliqué la chercheuse.

Le 3 novembre, France 2 a présenté les travaux de jeunes chercheurs du Risk Analysis Group de l’UNIL.

Ils s’intéressent aux chutes de blocs dans le massif du Mont-Blanc (lire également en page 8, pour découvrir des recherches semblables au Spitzberg).

Dans le cadre de la COP21 et plus largement des chan- gements climatiques, le professeur et philosophe Domi- nique Bourg a été très souvent interrogé par les médias.

Ainsi, il a notamment été invité à l’émission Le téléphone sonne, menée par Nicolas Demorand sur France Inter. DS

QUAND UNE CHUTE CHANGE LA VIE ÉLECTIONS, DROGUE,

ÉBOULEMENTS ET COP21

HISTOIRE

BRÈVES

L’UNIL DANS LES MÉDIAS PASSAGE EN REVUE

BENJAMIN CONSTANT BIEN ENTOURÉ

Paru en décembre der- nier, le dernier numéro des Annales Benja- min Constant s’attache à la famille de l’auteur.

Cette revue internatio- nale, éditée par l’Insti- tut Benjamin Constant, propose par exemple de faire connaissance avec l’oncle David-Louis, mi- litaire et passionné de théâtre de société. Haut en couleur, il faisait partie des proches de Voltaire, venu à Lausanne dans les années 1750. Samuel Constant de Rebecque, un autre oncle officier, fait l’objet de contribu- tions. L’une porte sur la correspondance de sa première épouse, Char- lotte Pictet. L’autre sur un roman inachevé, Une femme philosophe.

Confessions, conservé à la Bibliothèque de Ge- nève. La correspondance de sa fille Rosalie, épisto- lière et artiste de grand talent, avec Constance Constant d’Hermenches est traitée dans un autre chapitre. Enfin, la revue présente l’étonnant cou- sin Charles, qui a entre- pris de longs voyages en Chine. L’année 2016 est celle du bicentenaire de la publication d’Adolphe, œuvre la plus connue de Benjamin Constant. A Lausanne, une exposition permet de découvrir la postérité du roman (lire en p. 64). DS

ANNALES BENJAMIN  CONSTANT 40.

Slatkine (2015), 240 p.

© Coll. P. Le Grand Roy © Melpomene - fotolia

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Allez savoir ! N° 62 Janvier 2016 UNIL | Université de Lausanne 15

INSECTES, MANAGEMENT ET ÉNERGIE

À L’HONNEUR

Thinkers50, qui produit un classe- ment des penseurs du manage- ment les plus influents au niveau international, a décerné le 9 no- vembre dernier un Strategy Award à Yves Pigneur, professeur à la Fa- culté des Hautes Etudes Commer- ciales et à Alex Osterwalder, CEO de Strategyzer et titulaire d’un doc- torat de HEC. Ces derniers entrent également à la 15e place du ran- king. C’est d’ailleurs la première fois qu’un professeur d’une institution suisse est présent dans cette liste.

Ces spécialistes sont les auteurs de deux best-sellers dans le domaine, Business Model Generation et Value Proposition Design. Les ouvrages sont disponibles en français. (RÉD.) https://strategyzer.com

Le Prix Roberval est un concours francophone international qui ré- compense des œuvres consa- crées à l’explication des sciences et des technologies. Fin no- vembre, il a été décerné au livre de Suren Erkman (professeur as- socié à l’Institut des dynamiques de la surface terrestre de l’UNIL), François Vuille et Daniel Favrat (de l’EPFL). Les enjeux de la tran- sition énergétique suisse. Com- prendre pour choisir : 100 ques- tions-réponses est un e-book très complet édité par les Presses Po- lytechniques et Universitaires Ro- mandes. Le même éditeur en pro- pose une version abrégée sous le titre 100 questions brûlantes, 100 réponses la tête froide. (RÉD.) PERSONNES ÂGÉES ET SOCIÉTÉ

PLÂTRE ET CIMENT

LA BANANE A LA PÊCHE

L’Unithèque, qui abrite la Bibliothèque cantonale et universitaire et des restaurants, constitue le centre de gravité du campus. Très fréquenté, ce bâtiment construit en 1983 va être agrandi. C’est le projet Abaka, du bureau lausannois Fruehauf, Henry et Viladoms, qui a remporté le concours d’architecture. L’extension est principale- ment située dans la pente. Un « phare », c’est-à-dire un puits de lumière, caractérise le nouvel ouvrage. Dès 2019, les utilisateurs pourront compter sur 2000 places de travail (contre 863 actuellement), ainsi que sur un doublement des espaces de stoc- kage pour la bibliothèque. Les cafétérias bénéficieront également d’une augmenta- tion de capacité. (RÉD.)

La Fondation Leenaards soutient deux études exploratoires pilotées par des chercheurs de l’UNIL, dans le cadre de son appel à projets de recherche sur la qualité de vie des plus de 65 ans. Menée par Daniela Jopp, professeure associée à l’Institut de Psychologie, l’une d’elles s’intitule « Atteindre ensemble un âge très avancé : nature et implications de la relation entre parents très âgés et leurs enfants âgés ». Di- rigée par Pierre-Yves Brandt, professeur à l’Institut de Sciences Sociales des Religions Contemporaines (ISSRC), l’autre traite de « Spiritualité et bien-être chez les personnes âgées en EMS : besoins, pratiques et réponses institution- nelles ». Ces deux sujets concernent un grand nombre de personnes aujourd’hui. (RÉD.)

Plus d’informations et vidéos : www.leenaards.ch/#social-prix

© FHV

Le Prix Latsis national 2015 a été décerné à Richard Benton. Pro- fesseur associé au Centre intégra- tif de génomique, ce chercheur s’intéresse à l’odorat des droso- philes. Il décrypte la logique molé- culaire qui permet aux insectes de distinguer compagnons, proches, concurrents, proies et prédateurs.

Ces travaux passent par l’identi- fication des récepteurs présents dans le nez et des neurones du cerveau. Richard Benton essaie de comprendre comment une subs- tance spécifique active certaines régions du cerveau pour provoquer des comportements particuliers.

Des applications pratiques pour- raient se trouver du côté de la lutte contre les espèces nuisibles. (RÉD.)

lix Imhof © UNIL

Directeur du Département d’éco- logie et évolution, le professeur Laurent Keller est le lauréat du Prix Marcel Benoist 2015. Cette distinction lui a été remise par le conseiller fédéral Johann Schnei- der-Ammann, le 26 octobre der- nier. Célèbre pour ses recherches sur les fourmis, auteur d’un grand nombre d’articles parus dans des revues scientifiques et président de la Société européenne de bio- logie évolutive, ce chercheur est également un mentor exigeant et reconnu. De plus, il apprécie la communication scientifique, auprès des médias et du grand public. Le magazine du campus, l’uniscope, lui a consacré un portrait dans son nu- méro 608 (novembre 2015). (RÉD.)

lix Imhof © UNIL lix Imhof © UNIL Nicole Chuard © UNIL

© DR

DEUX RECHERCHES LAURÉATES

© Bastien Genoux lix Imhof © UNIL

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« LES EXPERTS : CYBER »

Dans cette série, Avery Ryan (incarnée par Patricia Arquette) dirige une agence du FBI en charge de la lutte contre la cybercriminalité.

@ CBS Photo Archive / Getty Images

SCIENCES CRIMINELLES

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Allez savoir ! N° 62 Janvier 2016 UNIL | Université de Lausanne 17

Il y a quinze ans, la série TV Les Experts révolutionnait notre vision du travail de la police. Et voici qu’un nou- veau feuilleton, Les Experts : Cyber, présente de nouveaux « scienti-flics » spécialisés dans les traces numériques.

Réaliste ?

TEXTE SASKIA GALITCH

Allez savoir ! N° 62 Janvier 2016 UNIL | Université de Lausanne 17

EXPERTS, LES CYBER

I

l y a une quinzaine d’années, les séries TV Les Experts Las Vegas – Miami et Manhattan ont complètement bou- leversé notre perception du travail de la police. Si bien que, aujourd’hui, tout le monde a entendu parler de lumi- nol, sait qu’une minuscule trace d’ADN peut être uti- lisée pour confondre un coupable et connaît plus ou moins les tenants et aboutissants des sciences forensiques. Mais le téléspectateur est souvent moins conscient que, ces quinze

dernières années, les avancées dans le domaine du numé- rique ont généré le développement d’une criminalité étroi- tement liée à ces technologies et, dans la foulée, d’une nou- velle manière de combattre le crime.

De fait, pour lutter efficacement contre des infractions qui vont du « simple » piratage de cartes bancaires à la pédo- pornographie, en passant par le blanchiment d’argent, des usurpations d’identité ou des trafics de toutes sortes, les

DE LA TELEVISION

A LA VRAIE VIE

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enquêteurs se doivent désormais d’être parfaitement à l’aise dans les mondes virtuels. Une évolution dont témoigne notamment la nouvelle série TV Les Experts : Cyber.

Apparue récemment sur les antennes de la RTS, cette nouvelle déclinaison de la franchise Experts propose de suivre les investigations d’une équipe d’agents du FBI spécialisés dans la cybernétique en général, et dans la recherche et l’analyse des traces numériques en particulier.

Mais l’approche, les méthodes et les techniques utilisées sont-elles vraisemblables ? Les excellents résultats obtenus par ces policiers de fiction en vadrouille dans le cyberes- pace sont-ils réalistes ? Décryptage et explications en com- pagnie de vrais experts : David-Olivier Jaquet-Chiffelle, pro- fesseur à l’Ecole des sciences criminelles de l’UNIL (ESC), où l’on peut désormais suivre une formation en « Investi- gation et identification numérique », et David Billard, qui donne des cours de Forensique numérique à l’UNIL et qui est par ailleurs professeur à la HEG Genève, où il dirige le laboratoire de recherche de traces numériques.

Dans Les Experts : Cyber, il suffit de quelques clics et hop ! l’équipe de la cyberpsychologue Avery Ryan sait pré- cisément ce qu’un suspect a fait de ses journées (et de ses

nuits !) plusieurs semaines auparavant. Plausible ? Oui et non. Pour David-Olivier Jaquet-Chiffelle, il est potentiel- lement possible de reconstituer les faits et gestes d’à peu près tout le monde en suivant les traces numériques. Et de préciser : « L’ordinateur, les connexions Internet, le télé- phone portable, les caméras de surveillance dans la rue, la localisation GPS ou les ordinateurs de bord des voitures enregistrent effectivement toutes sortes d’éléments... Dans la société connectée où nous vivons, la plupart de nos acti- vités génèrent des empreintes virtuelles et l’on peut ainsi retrouver beaucoup d’indications. »

Le professeur ajoute : « D’ailleurs, dans l’idée de pou- voir réétudier ces traces, le cas échéant, certains logiciels vont dans ce sens-là et les révélations de Snowden nous montrent qu’il existe des programmes qui stockent une très grande quantité de données. » Cela dit, ajoute le pro- fesseur Jaquet-Chiffelle, la théorie se heurte à la réalité :

« S’il est vrai que l’information est bel et bien là, cachée quelque part, encore faut-il savoir où aller la chercher, avoir le temps de la retrouver et, parallèlement, réussir à en déterminer la pertinence. Or cette triple dimension ne semble pas exister dans les fictions : les investigateurs trouvent pile-poil la bonne info au bon moment et suivent tout de suite la bonne hypothèse. Cet aspect-là n’est pas du tout crédible ! »

Les traces s’estompent avec le temps

A suivre les enquêtes fictionnelles de la division de la cybercriminalité du FBI, on pourrait croire que les traces numériques sont indélébiles et n’attendent que d’être retrouvées. Tant David-Olivier Jaquet-Chiffelle que David Billard nuancent: dans la vraie vie, rien n’est jamais si simple !

« Prenons un ordinateur, note le professeur Jaquet- Chiffelle. Si vous mettez un fichier à la poubelle, il reste sur le disque dur et, pour le coup, il est effectivement possible de le retrouver... ou pas ! Il faut se rappeler que lorsqu’on supprime un document ou une image, on dit à sa machine : je n’ai plus besoin de ça, tu peux disposer de cet espace.

Ce qu’elle fera quand elle en aura besoin. En gros, c’est comme un tableau noir : il y a de la place, on écrit. Puis, lorsque tout est rempli, on efface un petit coin et on réé- crit par-dessus. En d’autres termes, plus le temps passe et plus on utilise son ordinateur, plus il y a de risques que la mémoire qui avait été rendue disponible ait été réutili- sée. Et donc que la zone qui avait été libérée soit détério- rée et que les traces soient perdues. »

Quant aux empreintes laissées par des activités sur un mobile, très prisées par les experts de fiction, il est égale- ment imaginable de pouvoir les récupérer... avec les mêmes réserves que pour les ordinateurs, puisque les limites de mémoire sont également valables. « Comme expert, j’ai dû analyser un téléphone saisi six mois après les faits, explique le professeur Billard. Il a été extrêmement dif- L’Ecole des sciences criminelles

www.unil.ch/esc

DAVID BILLARD Chargé de cours à l’UNIL, professeur à la Haute Ecole de gestion de Genève.

© Pierre-Antoine Grisoni - Strates

SCIENCES CRIMINELLES

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Allez savoir ! N° 62 Janvier 2016 UNIL | Université de Lausanne 19 DAVID-OLIVIER

JAQUET-CHIFFELLE Professeur à l’Ecole des sciences criminelles.

© Pierre-Antoine Grisoni - Strates

Experts : Cyber, l’un des membres de l’équipe est un hacker reconverti en enquêteur qui, le cas échéant, peut s’égarer (involontairement, bien sûr !) dans des zones pas tout à fait officielles. Est-ce à dire que la fin justifie les moyens ? Que les voies du hacking ou les chemins sombres du Darknet sont des recours envisageables quand il s’agit de démas- quer un criminel ?

Les professeurs Jaquet-Chiffelle et Billard modèrent :

« Tout doit rester dans un chemin très légal, disent-ils en chœur. Si on arrive à trouver des éléments à charge mais que ceux-ci ont été obtenus de manière non standard et illé- gale, ils ne sont pas recevables. Pour présenter une preuve en tribunal, il faut démontrer qu’elle a pu être acquise de façon autorisée par la loi ! »

Les vraies enquêtes vont moins vite qu’à la TV Histoire de coller aux formats télévisuels habituels, les scénaristes des Experts : Cyber s’arrangent pour que leurs agents aient résolu leurs énigmes en 50 minutes chrono.

Un optimisme qui amuse les experts. « Ce qui me frappe, c’est la rapidité avec laquelle les investigateurs trouvent leurs infos et les analysent », sourit le professeur Jaquet- ficile de retrouver les données spécifiques ! C’est comme

une scène de crime : plus on attend, plus les empreintes s’estompent et sont corrompues ! »

Apple, Google ou Yahoo ne sont pas forcés de coopérer avec les polices suisses

Si l’on en croit les cyberpoliciers créés par Carol Mendelsohn, Ann Donahue et Anthony E. Zuiker, l’exa- men des chats, SMS ou conversations WhatsApp et Face- book permettrait de confondre des coupables avec une efficacité redoutable. A priori, cette pratique paraît tech- niquement plausible : « Il faut en effet distinguer ce qui est gardé dans les ordinateurs, tablettes ou téléphones de ce qui est mis sur le Cloud ou sur un serveur sur lequel on n’a aucune maîtrise. Facebook, par exemple, conserve des données qui ont pourtant disparu de nos disques durs ! », note David-Oliver Jaquet-Chiffelle.

Cependant, et pour autant qu’elles aient été sauvegar- dées, ces potentielles sources de renseignements ne sont pas en libre accès et leur obtention est très réglementée.

En Suisse, seul un mandat émis par un procureur permet de consulter ce type d’informations. Le hic, c’est que bon nombre de serveurs possiblement utiles sont propriété de sociétés étrangères et, de ce fait, ne sont pas régis par les lois suisses. Autrement dit, Apple, Google ou Yahoo, dont le for juridique se trouve aux Etats-Unis, ne sont pas tenues de livrer quelque donnée que ce soit à un investigateur d’ici.

Recouper les données, ce n’est pas simple

Dossiers médicaux ou bancaires, vieux bulletins scolaires...

En recoupant toutes sortes d’éléments apparemment dispa- rates, les cyberflics de la télévision américaine parviennent à établir des profils fins et fiables de leurs suspects. Mais là encore, la fiction se heurte à la réalité. « En plus des bar- rières légales déjà évoquées, il existe des complexités sys- témiques. Aux Etats-Unis, la plupart des gens sont iden- tifiés sous leur numéro de sécurité sociale. Du coup, il est assez facile de faire correspondre des données. Ici, ce n’est absolument pas le cas : nous avons un N° d’employé, un N° d’AVS, un N° d’assuré... bref, rien ne colle ! », spécifie le professeur Jaquet-Chiffelle.

Avant de reprendre : « Si on se met dans l’état d’esprit de la série, d’un point de vue théorique et simplifié, l’informa- tion est en effet là... C’est vrai qu’il y a une espèce de fan- tasme lié au fait de pouvoir réunir rapidement une masse d’infos venues de partout et de comprendre à quoi elles correspondent. Cela dit, il peut arriver qu’on doive effec- tivement avoir accès à des données protégées, tel un dos- sier médical, mais dans des cas très précis, du type iden- tification des victimes d’une catastrophe, par exemple. »

La police doit respecter la loi

Très prisés dans les séries télévisées, les pirates informa- tiques jouent souvent un rôle important. Ainsi, dans Les

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Chiffelle. Il reprend : « Imaginons un puzzle de 10 000 pièces. Si on nous en indique les emplacements respectifs, il va évidemment être très facile à reconstituer. Mais dans la pratique, ce n’est pas comme ça que cela se passe. Dans une enquête, tout est éparpillé et on ne sait pas combien de morceaux validés et pertinents on va devoir ajuster et on n’a même pas l’image sur le carton pour nous guider. Autant dire que cela prend des heures, des jours ou des semaines...

Ce qui ne ressort pas du tout de la série. »

Le professeur Billard ajoute : « Pour ce que j’en sais, à la TV, ils utilisent des techniques que nous connaissons et auxquelles nous avons également recours. En revanche, le temps de réponse ne colle pas du tout. Pour analyser un télé- phone portable un peu perfectionné ou récalcitrant, il nous faut au moins une semaine de travail. Et quand nous avons des objets en mauvais état qui ont séjourné dans l’eau ou ont été abîmés après un accident comme un crash d’avion, par exemple, c’est encore plus long et difficile. Alors que, dans les séries, ils branchent l’appareil, et, pouf-pouf, les infos sortent ! »

A la TV, la première idée est la bonne

Particulièrement fin nez, les Cyber-experts sentent avec une rapidité et une acuité démoniaques vers qui diriger leurs soupçons. Ce facteur laisse sceptique David-Olivier Jaquet- Chiffelle : « Dans une vraie investigation, on a toutes sortes d’hypothèses qui se présentent. Eux, jamais... Comme s’ils estimaient que leur première idée est la bonne, ils énoncent une théorie et, comme par hasard, tout va dans le bon sens.

Scientifiquement parlant, c’est léger ! Dans un travail sérieux et rigoureux, comme celui auquel nos étudiants sont for- més, la démarche n’est pas si simpliste. Il faut envisager tous les possibles puis réduire et procéder par élimination. »

Sans verser dans la paranoïa, force est de constater que Les Experts : Cyber met en lumière le maillage virtuel dans lequel le monde évolue aujourd’hui. Pourtant, comme le

relève David-Olivier Jaquet-Chiffelle, chaque individu est partiellement responsable de ce qu’il diffuse : « Toutes les infos que l’on donne sur nous, même les plus anodines, créent une espèce d’identité virtuelle... »

David Billard renchérit : « Aux Etats-Unis, la police a peut-être d’autres manières de procéder mais une chose est sûre : en Suisse, les enquêteurs ont accès à nette- ment moins de données que beaucoup d’entreprises pri- vées ! Grâce aux cartes de fidélité qu’elles proposent, les grandes enseignes en savent beaucoup plus sur vous que les Autorités. Elles savent où vous faites vos courses, à quelles heures, ce que vous achetez comme type de produits, etc... »

Le gros problème, relève le professeur Jaquet-Chiffelle, c’est qu’on perd la maîtrise de cette identité : « Le fait qu’on soit allé en vacances aux Canaries ou dans les Alpes peut modifier notre profil et faire de nous un bon ou un mau- vais “risque” pour une assurance ou pour une banque – cela dépend de la manière dont ils font leurs calculs. Un algorithme peut parfaitement tirer des déductions erronées sur notre compte et, en conséquence, nous mettre dans une fausse catégorie ! »

Il raconte alors l’histoire d’une avocate londonienne qui, il y a plusieurs années, s’est vu refuser une carte de crédit malgré son salaire élevé. Fâchée, elle a mené l’enquête. Et a fini par comprendre: quelque temps auparavant, son mari et elle avaient décidé de louer une grande TV plasma. Au bout de deux-trois mois, conquis, ils avaient décidé de l’acheter et, en conséquence, cassé le contrat de location... Or, c’est précisément cet acte qui lui a valu le refus bancaire : pour le système, une rupture de contrat de location implique un problème de paiement! Et si cette logique n’est pas vérifiée dans 10 % des cas, elle l’est dans 90 % !

Autrement dit... pour vivre heureux, vivons cachés ? Même pas ! « Si vous essayez, ça va se voir et, du coup, vous attirez la suspicion sur vous comme étant en dehors du modèle », note David Billard.

Les Experts de la TV ne connaissent pas l’échec Munis d’ordinateurs flambant neufs, de programmes et logiciels super-perfectionnés et se payant le luxe de ne s’occuper que d’une enquête à la fois, comme le constatent de concert les professeurs Jaquet-Chiffelle et Billard, les agents Cyber du FBI version TV semblent infaillibles.

Et dans le monde réel ? Malgré une formation poussée qui leur permet de retrouver des traces, d’en comprendre la provenance et de les analyser dans une vision transver- sale de la science forensique, les experts suisses peuvent être mis en échec. Bien sûr, « un cybercriminel complè- tement naïf et amateur est rapidement retrouvé, note David-Olivier Jaquet-Chiffelle. Mais plus son niveau est élevé, mieux il peut se cacher efficacement ou donner de fausses pistes sur sa véritable identité. » Cela dit, que les cybercriminels ne rêvent pas trop : s’ils perfectionnent leurs techniques, les investigateurs aussi ! 

DROIT AU BUT

Dans la série, les inves- tigateurs trouvent la bonne information au bon moment et suivent la bonne hypothèse.

Cela n’arrive pas dans le monde réel.

© CBS Photo Archive / Getty Images

SCIENCES CRIMINELLES

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Allez savoir ! N° 62 Janvier 2016 UNIL | Université de Lausanne 21

A

l’heure où nous le rencon- trons dans un café genevois, Samuel Grandchamp passe quelques jours dans sa ville natale pour réaliser un docu- mentaire sur la musique baroque.

« Nous avons suivi un orchestre pré- parant une tournée sur la Messe en si mineur de Bach. » La musique, il connaît bien. Certificat du Conserva- toire en percussions, puis en batterie.

Il touche à tout : classique, rock, jazz.

Aujourd’hui, il s’adonne à la guitare.

« C’est plus discret quand on vit au centre-ville de New York », concède, amusé, l’ancien étudiant en HEC.

C’est cependant une autre forme d’art qui porte désormais Samuel Grandchamp sur le devant de la scène : le cinéma. A 25 ans, le réa- lisateur a remporté le Léopard d’or du meilleur court-métrage suisse au Festival international de Locarno 2015. Son film, intitulé Le Barrage, relate le road trip d’un père et d’un fils, à la découverte de la Grande - Dixence. L’histoire d’une famille écla-

tée. Même s’il ne s’agit pas à proprement parler d’une auto- biographie, le jeune homme avoue, avec franchise, que le scénario fait écho aux relations parfois compliquées avec son propre père, cinéaste et photographe. Cette œuvre de fiction, une manière de renouer avec la figure paternelle à travers la passion partagée qu’est le cinéma.

Initié très jeune à la culture de l’image, le Genevois réalise le premier de ses quatre courts-métrages en 2009.

Caméra au poing, le gymnasien dresse le portrait d’Arta- mis, haut lieu de la culture alternative alors en perdition.

Le documentaire sera plusieurs fois primé. Malgré une maturité en physique et application des maths, Samuel Grandchamp n’embrassera pas la carrière d’astronaute

dont il rêvait enfant. « Mon côté analy- tique vient de mon oncle, physicien de formation, dont je suis très proche. »

Il se lance dans des études en éco- nomie politique à l’UNIL. « En pre- mière année, c’était la guerre. » A chaque éclat de rire, sa tignasse hir- sute virevolte. Il garde un excellent souvenir de son investissement au sein du comité des étudiants HEC.

« J’ai adoré ajouter un côté associatif à ma vie estudiantine. » Mais le cinéma n’est jamais bien loin. C’est durant son séjour à Lausanne qu’il achève son second court-métrage, avant de partir terminer son bachelor à Bar- celone. Diplôme en poche, il se lance à la conquête de New York, « un rêve de toujours ». Il achève actuellement un master en réalisation à la NYU Tisch School of the Arts.

On le questionne sur son parcours atypique. « Si c’était à refaire, je ne changerais rien ! HEC m’a permis d’acquérir une capacité entrepreneu- riale essentielle dans le monde du cinéma. Réaliser un film, c’est comme créer une start-up. » Les mots sont posés et choisis, tou- jours. Ils contrastent parfois avec une gestuelle nerveuse.

Cette année, le cinéaste s’est vu décerner la Martin Scor- sese Young Filmmakers Scholarship. Un honneur puisque le réalisateur de Taxi Driver et des Affranchis inspire tout particulièrement le jeune artiste. « Ces deux films sont de vrais chefs-d’œuvre, mais esthétiquement, je suis beau- coup plus proche des frères Dardenne. Leurs fictions s’ap- parentent presque à des documentaires. » Un cinéma réa- liste et, surtout, intimiste, cher à Samuel Grandchamp. Son avenir, il l’imagine entre New York et la Suisse. Il prépare actuellement son premier long métrage, l’adaptation d’un livre d’un écrivain genevois. MÉLANIE AFFENTRANGER SAMUEL

GRANDCHAMP Bachelor à la Faculté des hautes études commerciales (2012).

Photographié à New York où il vit actuellement.

© Aline Paley

La communauté des alumni de l’UNIL en ligne : www.unil.ch/alumnil

IL Y A UNE VIE APRÈS L’UNIL

L’ÉCONOMISTE

DU SEPTIÈME ART

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NANOTECHNOLOGIE

Médiatisés dans les années 2000, les nanos- robots devaient permettre de réparer le corps humain de l’intérieur.

© ktsimage / iStock by Getty image

SCIENCES

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De l’avènement de la médecine personnalisée à la simulation informatique du cerveau censée bouleverser la neurologie, en passant par la révolution des nanotechnologies et bien d’autres : les technosciences nous font miroiter des futurs enchantés, alors que leurs retombées tardent souvent à se concrétiser. Dans Sciences et technologies émergentes : pourquoi tant de promesses ?, dirigé par un sociologue des sciences de l’UNIL, des chercheurs analysent les ressorts et les conséquences de cette « inflation de promesses ».

TEXTE ÉLISABETH GORDON

LES PROMESSES DES

TECHNOSCIENCES

CROIENT N’ENGAGENT QUE CEUX QUI LES

Allez savoir ! N° 62 Janvier 2016 UNIL | Université de Lausanne 23

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L'Interface Sciences-Société www.unil.ch/interface

SCIENCES

N

eurosciences, cellules-souches embryonnaires, biologie de synthèse, médecine personnalisée ou anti-âge, mais aussi nanotechnologies ou société hydrogène : les sciences et technologies émer- gentes sont l’objet d’une « surenchère de pro- messes », comme l’écrivent les auteurs de l’ouvrage col- lectif Sciences et technologies émergentes : pourquoi tant de promesses ? dirigé par Marc Audétat, sociologue des sciences de l’UNIL et publié avec le soutien de la Fondation Brocher. Des sociologues, historiens, philosophes, anthro- pologues de plusieurs pays discutent des implications de ce régime de promotion des technosciences tant pour la société que pour la recherche.

Les grands programmes : un ton prophétique...

Les promesses scientifiques n’ont rien de nouveau. « On peut remonter jusqu’à La Nouvelle Atlantide de Francis Bacon (1627), ou les promesses biomédicales qui ont amené

Aldous Huxley à écrire Le meilleur des mondes (1932) », souligne Marc Audétat. La différence est que les visions et promesses qui ont un rôle d’orientation et de coordina- tion des efforts et investissements de recherche, se sont emballées à partir des années 1990 et 2000. Ce phénomène est lié aux grands programmes de recherche technoscien- tifique décidés pour relancer la croissance, rester compé- titif, notamment face aux pays émergents, et promouvoir la recherche « utile ». Un seuil a été franchi, selon le socio- logue des sciences, lors de la publication par la Fondation nationale des sciences américaine du rapport Converging Technologies (2002) pour accompagner le programme de financement des nanotechnologies. Au-delà du ton messia- nique de ce document, typiquement américain, l’Europe s’est aussi lancée dans la course aux grands programmes, depuis la promotion de « l’économie de la connaissance » en 2000 jusqu’aux récents programmes Future Emerging Technologies (FET) qui sélectionnent des projets comme le Human Brain Project (lire l’article en p. 26).

Les parties prenantes sont nombreuses

Les grands programmes de recherche et les départements de communication des laboratoires ne sont pas les seuls à alimenter l’inflation de promesses. « Les analystes indus- triels et des spécialistes de la fabrication de futurs tech- noscientifiques y contribuent beaucoup, et les médias, la publicité et Internet amplifient circulation et réécriture », d’après Marc Audétat. Les promesses sont d’abord desti- nées aux politiciens, aux sponsors, conseils de la recherche, agences de financement, fournisseurs de capital-risque.

Les plus futuristes qui sont portées à l’attention du public trahissent des buts très présents, et ne font plus rêver, elles ont un caractère désincarné. Finalement, les promesses sont partout dans le travail scientifique, et les chercheurs eux-mêmes doivent anticiper leurs résultats pour obte- nir les fonds alors qu’ils se « montrent généralement plus prudents » dans les espoirs que soulèvent leurs travaux.

Trop de promesses annihilent les promesses

« La compétition toujours plus vive à laquelle se livrent les laboratoires pour capter des fonds » a ainsi conduit « à une tendance à vendre des futurs technologiques bien avant que des résultats tangibles ne l’autorisent ». Marc Audétat cite comme exemple-type la thérapie génique, dont la promotion « en fanfare » il y a une vingtaine d’an- nées s’est brutalement terminée par l’échec de l’essai cli- MARC AUDÉTAT

Sociologue des sciences, responsable de

recherche à l’Interface Sciences-Société.

Nicole Chuard © UNIL

«CE QUASI­

MARCHÉ OÙ LES PROMESSES SONT VENDUES FONCTIONNE SUR LA SPÉCULATION ET PEUT DONC S’EFFONDRER, COMME LA BULLE DES PRODUITS FINANCIERS. »

ARIE RIP, SOCIOLOGUE

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Allez savoir ! N° 62 Janvier 2016 UNIL | Université de Lausanne 25 sciences et technologies. « Pour l’éviter, il faudrait ralen- tir les promesses, pas la recherche, la revaloriser dans sa diversité, encourager les autres façons de faire, et reve- nir à des visions mieux connectées aux problèmes et aux espoirs. » Par exemple, le chercheur propose de « rendre visibles les expériences interdisciplinaires et participa- tives. Toute proportion gardée, l’UNIL a une politique active dans ce domaine et c’est remarquable », constate Marc Audétat. Le projet « Vivre ensemble dans l’incertain », qui s’est récemment conclu, consistait à associer des acteurs de la société à des équipes de chercheurs, et ce, de la défi- nition des objectifs de recherche à la diffusion des résul- tats (voir le site www.unil.ch/vei). Aujourd’hui, le projet « Vol- teface » associe des équipes de l’UNIL, Romande Energie, des acteurs du secteur de l’énergie et des membres de la société pour explorer les aspects sociaux, légaux, écono- miques et culturels de la transition énergétique (lire éga- lement en p. 34).

Quand la bulle du business des promesses va éclater

Dans un chapitre intitulé « L’avenir du régime des pro- messes », le Néerlandais Arie Rip constate que l’on assiste à

« l’émergence d’un “business de promesses” agissant comme une bulle spéculative qui se surimpose à la recherche et l’innovation ». Mais, ajoute-t-il, ce « quasi-marché où les pro- messes sont vendues fonctionne sur la spéculation et peut donc s’effondrer, comme la bulle des produits financiers ».

Scénario-fiction

Arie Rip imagine d’ailleurs un scénario-fiction qui condui- rait à ce krach. Tout commencerait par la décision du comité Nobel qui, sous le poids des pressions, créerait deux Prix par an. Cela inciterait d’autres institutions à multiplier les Prix qui finiraient par être dévalorisés. « Les chercheurs n’étaient plus intéressés et les Autorités gouvernemen- tales comme les agences de financement arrêtèrent de tenir compte de ces indicateurs d’excellence. En 2018, la course à la réputation perdit son élan et la bulle des pro- duits dérivés (comme le classement de Shanghai des uni- versités) venait d’éclater. » En conséquence, « la dynamique des promesses des technosciences émergentes fut boule- versée : les promesses devaient désormais s’accompagner de spécifications permettant de les concrétiser ».

Ralentir la course aux promesses

« On nous fera toujours des promesses et l’inflation en ce domaine existera toujours elle aussi », conclut Arie Rip. Le défi « consiste à éviter (ou à limiter) le fait que la course ne se déroule que pour elle-même, dans un jeu prenant des proportions démesurées ». Marc Audétat ajoute :

« Comme le dit mon collègue Olivier Glassey, les pro- messes sont comme une ressource, qu’il faudrait se garder de dilapider .» 

nique avec les « enfants bulles », occasionnant une grande déception; ce n’est qu’aujourd’hui que cette thérapie très nouvelle montre enfin des résultats encourageants. Le risque des promesses est d’engendrer des obligations de résultats et des désillusions dommageables.

La médecine personnalisée : une promesse ambiguë Un exemple de promesse analysé dans l’ouvrage par Xavier Guchet, philosophe à l’Université Paris I Panthéon-Sor- bonne, est celui de la médecine personnalisée. Celle-ci fait miroiter des traitements dans lesquels « la prise en charge de chaque patient sera customisée en fonction de ses carac- téristiques moléculaires ». Mais l’expression semble arriver

« en bout de course », et hormis pour les maladies rares, les résultats prendront beaucoup de temps, commente Marc Audétat. « Alors une autre expression circule déjà pour lui venir en aide et relancer cette promesse de la génomique : la médecine de précision .»

Les sciences humaines et sociales ne sont pas épargnées

Toutes les sciences et technologies ne sont toutefois pas affectées de la même manière. Le « régime des promesses technoscientifiques » touche les sciences fondamentales et toutes les disciplines « qui ont plus de mal à se vendre ». Les sciences sociales et humaines ne sont pas épargnées car, dans ces disciplines, « nous assistons aussi à une inflation de promesses et de discours qui ont un air d’optimisme scientifico-technique », écrit Dominique Vinck, professeur de Sociologie des techniques, dans un chapitre consacré aux humanités digitales.

Les innovations se font attendre

Les promesses et visions, qui ont un rôle de motivation de la recherche, finissent par former « un écran de fumée entre ce que l’on perçoit et l’état de l’art dans les laboratoires », estime Marc Audétat. « Elles conduisent à des décisions qui sont plus politiques que scientifiques et court-circuitent les discussions qui devraient avoir lieu sur les possibilités en fonction des priorités. » La situation devient franchement

« paradoxale », constate le sociologue, lorsque l’inflation de promesses s’accompagne « d’un déficit d’innovation ». C’est connu pour le domaine pharmaceutique, et c’est aussi le cas de la nano-médecine et d’autres domaines promet- teurs. « Ce déficit d’innovation est dû à “l’attentisme des investisseurs”, qui s’explique par le fait qu’ils font moins de recherche et attendent de racheter les meilleurs, par des perspectives de profit trop faibles ou trop éloignées, ou, parfois, par une chasse aux brevets qui freine ou rem- place carrément la course à l’innovation. »

Revaloriser la recherche

Le constat est sévère et l’on peut se demander s’il n’est pas de nature à provoquer la méfiance du public vis-à-vis des

LE RISQUE

DES PROMESSES EST D’ENGENDRER DES OBLIGATIONS DE RÉSULTATS ET DES DÉSIL­

LUSIONS DOMMA­

GEABLES.

SCIENCES ET TECH NO LOGIES ÉMERGENTES : POURQUOI TANT DE  PROMESSES ? Sous la direction de Marc Audétat.

Hermann (2015), 318 p.

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P

arfaite illustration des promesses que font souvent miroiter les grands programmes de technos- ciences, le Human Brain Project « est construit sur des fictions d’avenir qui se disent réalistes », selon les termes de Francesco Panese, professeur d’Etudes sociales des sciences et de la médecine à l’UNIL, qui consacre au HBP un cha- pitre dans Sciences et technologies émer- gentes : pourquoi tant de promesses ?

Fonctionnement du cerveau En janvier 2013, la Commission euro- péenne a décidé de financer le HBP.

En se plongeant dans le volumineux dossier de candidature du programme, Francesco Panese a été « surpris » de constater « qu’il parlait relativement peu de sciences ». Si le HBP a malgré tout gagné la compétition et obtenu une énorme intention de subvention euro- péenne (500 millions d’euros sur 10 ans), c’est parce qu’il promettait beau- coup. Il avait pour objectif non seule- ment d’élucider le fonctionnement du cerveau, mais aussi de développer de nouvelles stratégies de traitements des maladies d’Alzheimer, de Parkinson et autres troubles cérébraux, sans oublier ses nombreuses retombées supposées dans le domaine informa- tique. Cela fait dire à Francesco Panese qu’un « grand projet tel que celui-ci res- semble à une corde à linge à laquelle ses promoteurs accrochent beaucoup de choses qui débordent de son seul cadre scientifique ».

La présentation du HBP, précise le pro- fesseur de l’UNIL, s’apparente à une

« fiction ». Elle se présente comme « un récit technoscientifique d’anticipation qui vise à fonder la pertinence, la légiti- mité et la crédibilité d’une “science qui pourrait se faire” dont l’avenir espéré est pavé d’incertitudes et de paris ».

Ce n’est donc pas à sa faisabilité que le HBP doit son succès, mais au fait qu’il a permis la rencontre entre les imagi- naires des scientifiques et ceux des politiques. Les premiers rêvent, selon leurs propres dires, de « la découverte d’un nouveau continent » – le cerveau – alors que les seconds pensent pouvoir ainsi « faire face à l’épidémie de mala- dies neurodégénératives et améliorer la vie des gens ».

Retour au pragmatisme

Les promesses ont été payantes puisque le Human Brain Project a été accepté par la Commission européenne. Toutefois, il a aussitôt fait l’objet de controverses dans la communauté des neuroscienti- fiques. Un grand nombre d’entre eux ont signé une pétition qui dénonçait le manque de bases scientifiques réalistes du projet et critiquait sa gouvernance.

Après la mise en place d’une média- tion, les objectifs et l’organisation du HBP ont été révisés et, en novembre dernier, la Commission a finalement donné son feu vert. Francesco Panese constate que « cette crise a été relative- ment bien gérée », ce qui a permis « un retour bienvenu au pragmatisme ». EG

Simuler le cerveau humain sur ordinateur afin de comprendre son fonctionnement : tel est l’objectif ambitieux du « Human Brain Project » (HBP), soutenu par la Commission européenne.

Une « rhétorique prophétique » Dans leur discours devant la commis- sion d’évaluation à Bruxelles, les initia- teurs du projet « ont situé le projet à une échelle immense, plaçant l’Europe au centre du monde et le cerveau au centre des maladies et des comportements humains », constate Francesco Panese.

Il y voit la mise en œuvre d’une « rhéto- rique prophétique » qui vise à « antici- per la possibilité d’un avenir meilleur en empruntant aux registres de l’espoir et des promesses ».

LE HUMAN BRAIN PROJECT :

UNE FICTION QUI SE VEUT RÉALISTE

FRANCESCO PANESE Professeur associé à l’Institut des sciences sociales

Nicole Chuard © UNIL

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