• Aucun résultat trouvé

QUEL SCÉNARIO POUR 2049 ?

Dans le document HIPPOPOTAMES COMMENT L’UNIL ÉTUDIE LES (Page 38-43)

Volteface www.volteface.ch

En se basant sur les habitudes des occupants, le système informatique des appartements chauffe et éclaire unique-ment les pièces utilisées le matin. Via SMS, l’entreprise californienne qui fournit l’immeuble en électricité informe chacun de sa consommation d’énergie, dans le but de la com-parer à celle des voisins. La géolocalisation des gens par leurs smartphones permet de plonger leurs appartements vides en mode « sommeil ». Le chauffage se réactive quand ceux-ci se trouvent à 500 mètres de la porte.

Le télétravail et les espaces de coworking sont très dévelop-pés. Pour se rendre physiquement dans les locaux des entre-prises, ces dernières organisent les transports avec des bus électriques connectés. Le trajet, productif, compte comme temps de travail. Il est également possible d’utiliser des voi-tures à hydrogène sans chauffeur pour les imprévus. Dans la zone d’activités, une ferme verticale fournit les aliments pour les cafétérias. Les biens de consommation sont munis de puces RFID qui permettent de tracer leurs cycles de vie.

Les sociétés organisent les sorties culturelles et sportives, et prennent en charge les déplacements, ce qui simplifie la vie des familles. De nombreux loisirs sont virtuels. De même, des vacances « clés en mains » sont proposées aux employés par les firmes de la Silicon Valley.

Les habitants des communautés d’habitation logent dans des appartements lowtech mais solides qu’ils ont réalisés ensemble. La colocation est très répandue. Les questions relatives à l’énergie, l’eau, l’instruction et la garde des enfants ou les soins des personnes âgées sont réglées en assemblées locales. Les appareils électroménagers et élec-troniques, ainsi que les outils, sont acquis en commun et prêtés selon les besoins.

Les transports publics, le vélo et la marche sont les moyens de transport les plus courants. Via des coopératives, la culture des légumes, la gestion des forêts et l’entretien du parc photovoltaïque et éolien font partie des tâches de tous.

De nombreux objets sont fabriqués grâce à des imprimantes 3D. Le troc et les monnaies locales dominent. Les com-munautés sont très connectées entre elles, et échangent énergie, services et conseils. Le secteur tertiaire diminue d’importance.

Les divertissements sont simples. Parfois, on se déplace dans d’autres communautés ou à la campagne, mais tou-jours dans le but de travailler ou de se former. Les personnes douées de leurs mains sont accueillies à bras ouverts. La notion même de vacances s’effiloche. Les voyages lointains n’existent presque plus.

Les géants du privé, notamment de la Silicon Valley, prennent en main la transition énergétique, investissent dans la recherche et la production. Ce sont des progrès tech-nologiques, et non les changements de modes de vie, qui permettent de gagner en efficacité énergétique.

Des accidents nucléaires et les conférences sur le climat ont réveillé l’opinion publique. Les citoyens s’organisent entre eux, se forment, changent leur mode de vie vers une forte baisse de leur consommation d’énergie et vers le renouvelable. Le partage devient la norme.

SCÉNARIO 1 - BE SMART SCÉNARIO 2 - TRANSITONS ENSEMBLE

ÉCOLOGIE

08 h 00 >

13 h 00 >

18 h 00 >

08 h 00 >

13 h 00 >

18 h 00 >

Allez savoir ! N° 62 Janvier 2016 UNIL | Université de Lausanne 39

QUEL SCÉNARIO POUR 2049 ? Comment nos choix en matière d’énergie vont-ils changer nos logements, notre mobilité, notre économie et nos loisirs, dans 33 ans ? Elaborés lors du World Knowledge Dialogue 2015, présentés à la COP21, ces quatre scénarios d’avenir seront soumis au vote du public lors de la deuxième rencontre Volteface. Rendez-vous le 9 février 2016 à l’UNIL. Auditoire Erna Hamburger, 17 h. www.volteface.ch

Placés sous forte pression étatique, les habitants et les pro-priétaires rivalisent d’inventivité en termes d’isolation et d’économies. Ainsi, il n’existe presque aucun toit dépourvu de panneaux solaires. Chaque immeuble a un quota de pro-duction. Les citoyens sont soumis à un contrôle strict de leur consommation et incités à dénoncer les gaspilleurs à la Police de l’énergie.

La circulation est faible. Les transports publics et les vélos constituent la norme, alors que les véhicules privés ont presque disparu. Tout comme la viande dans les assiettes.

Le chômage est élevé au vu de la baisse des échanges inter-nationaux. Les citoyens se tournent vers le secteur primaire et les bricoleurs capables de réparer des pompes à chaleur ou des panneaux solaires sont appréciés. Les agriculteurs, qui produisent du biogaz et de la nourriture, redeviennent les rois. L’agriculture urbaine se développe.

Les loisirs sont plus simples et locaux. Les traditions popu-laires et le folklore connaissent un renouveau. Les familles se rendent à la campagne – pour travailler ou se former en agriculture. On pratique intensivement les échanges entre régions linguistiques. Les voyages dans les pays d’Europe proches continuent pour les plus fortunés, mais les desti-nations lointaines deviennent inaccessibles.

Des bâtiments positifs en énergie coexistent avec des immeubles anciens. L’énergie reste très bon marché et les producteurs, soumis à une forte concurrence, multiplient les offres avantageuses. L’individualisme règne et les modes de vie ne changent pas. Par volonté politique, la qualité de la vie demeure très élevée en Suisse, qui s’est bien préparée aux effets du réchauffement. Ce havre de paix attire du monde, dont des réfugiés climatiques.

Les véhicules privés à essence, de plus en plus perfor-mants, dominent. Toutefois, les véhicules électriques ou à gaz, à deux et quatre roues se répandent. Les temps de trajet pour les pendulaires, y compris en transports publics, s’al-longent sans cesse. Le télétravail ne prend pas. L’économie est fortement tertiarisée. La globalisation fonctionne à plein régime et les produits viennent de plus en plus loin, quelle que soit la saison.

Les loisirs individuels et les vacances lointaines demeurent la norme. Les touristes recherchent les derniers espaces proté-gés de la planète. Les problèmes géopolitiques plus intenses dus aux changements climatiques limitent toutefois les des-tinations possibles. La campagne et les forêts suisses, déser-tées par les agriculteurs, deviennent des zones résidentielles et de loisirs.

08 h 00 >

13 h 00 >

18 h 00 >

08 h 00 >

13 h 00 >

18 h 00 >

La situation internationale est très tendue. Plusieurs chocs énergétiques ont lieu. L’approvisionnement de la Suisse en produits fossiles et en électricité étrangers n’est plus assuré. Le pays vise l’autonomie, comme lors de la Seconde Guerre mondiale.

Aucune conférence sur le climat n’aboutit. La consomma-tion de produits fossiles et la quantité de CO2 continuent de croître. On s’adapte au réchauffement, sans lutter contre ses causes. On délocalise tout ce qui pollue, ainsi que la production d’énergie, dans les pays en développement.

SCÉNARIO 3 - LE PLAN WATTLEN SCÉNARIO 4 - DÉLOCALISONS

GUERRE

Le drapeau de l’Etat islamique flotte dans la région de Kirkouk, au nord de l’Irak. La fumée au loin provient des combats entre les peshmergas kurdes et les troupes de Daech.

© Marwan Ibrahim / AFP / Getty Images

SYRIE

Allez savoir ! N° 62 Janvier 2016 UNIL | Université de Lausanne 41

Que veut Daech ? Qui se bat contre qui en Syrie ? Le conflit est-il arrivé jusqu’ici ? Pourquoi les terroristes sont-ils souvent des dealers ? Les réponses de Bernard Wicht, enseignant en stratégie à l’UNIL et spécialiste des « guerres moléculaires » du XXI

e

siècle.

TEXTE JOCELYN ROCHAT

RELIGION

Allez savoir ! N° 62 Janvier 2016 UNIL | Université de Lausanne 41

ET KALACHNIKOV

DROGUE

D

epuis un peu plus d’un an, avec les attentats de Charlie Hebdo, l’Occident est plongé dans la per-plexité. Les attaques se multiplient ; des villes paniquent (Bruxelles) ; la France prend des mesures policières sans précédent ; des vagues de réfugiés déferlent, et, surtout, plus personne ne comprend ce qui se passe, ici comme en Syrie. Pour y voir plus clair, Allez savoir ! a rencontré Bernard Wicht, qui enseigne la géos-tratégie à l’UNIL.

1 KALACHNIKOV

C’est la guerre ou pas?

« Nous sommes en guerre », a dit et répété François Hollande après les attentats à Paris, en novembre 2015. Faux, « la guerre est en Syrie », a rétorqué Daniel Cohn-Bendit. A l’image de ces deux politiciens, l’opinion publique se demande comment qualifier les attaques de l’Etat

isla-L’Institut d'études politiques, historiques et internationales www.unil.ch/iephi

mique. Pour Bernard Wicht, cette perplexité générale a une explication : les conflits, notamment ceux menés par Daech, ont changé de nature. « C’est une guerre différente, hybride, mais cela reste une guerre par rapport à la défini-tion de Clausewitz, qui pensait que les conflits armés sont la continuation de la politique par d’autres moyens. Avec Daech, on a affaire à des gens qui ont des objectifs poli-tiques et qui sont prêts à utiliser des tacpoli-tiques irrégulières, comme le terrorisme et le crime, pour les atteindre. » Nous sommes donc en guerre, mais autrement.

Depuis la Seconde Guerre mondiale et la Guerre froide, l’Occident a pu croire que la guerre était « devenue un phé-nomène de masse où ce sont les grandes puissances qui l’emportent », ajoute le géostratège de l’UNIL. Pourtant, l’avènement de l’arme nucléaire n’a pas signifié la fin de l’histoire des conflits. « Tous ceux qui n’avaient pas accès à une telle puissance de feu, ni à la très haute technologie ont élaboré d’autres formes de combat, poursuit Bernard Wicht. Ils ont privilégié la guérilla (frapper et disparaître).

Ils ont optimisé les forces morales : le choix des combat-tants, leur préparation mentale, leur motivation, et ils ont travaillé sur les esprits et les cœurs plutôt que sur la tech-nique. Dans les conflits du XXIe siècle, la modernité de l’ar-mement n’est plus le facteur premier. » Ni le facteur décisif.

Si l’Etat islamique a frappé les esprits l’an dernier, à Paris notamment, Daech n’a rien inventé. « La révolution militaire, tactique, c’est de passer de la guerre « classique » à une guerre irrégulière, pour annuler l’avantage de l’ad-versaire », explique Bernard Wicht. « Au-delà du recours à la guérilla contre l’hyperpuissance, il s’agit surtout de rechercher systématiquement l’imbrication sur le champ de bataille proprement dit, ou par la pratique de la guerre moléculaire au sein des sociétés (attentats, etc.). On passe ainsi de la séquence concentration-manœuvre-destruction à celle de dilution-imbrication-destruction. »

Ce retournement remonte à 1942, quand les Japonais constatent qu’ils ne peuvent pas faire face à la puissance de feu américaine. Il se poursuit à travers la Guerre de Corée jusqu’au Vietnam. Aux orages d’acier délivrés par l’armée US, les adversaires répondent par la décentralisation, le recours au sous-sol et le combat rapproché (attaques-sui-cides, embuscades, minage, etc.), afin d’annuler le diffé-rentiel de puissance.

Et « comme il n’y a pas de droit d’auteur dans l’art de la guerre, on reproduit toujours ce qui fonctionne », observe Bernard Wicht. Les Tchétchènes font largement usage du procédé lorsqu’ils se retrouvent confrontés à la puissance de feu russe. Enfin, le Hezbollah a recouru à cette straté-gie face à Israël. Et « avec Daech, cette tactique de la guerre irrégulière arrive à maturité ».

Pour l’enseignant, Daech, « est l’accomplissement parfait du groupe armé à l’âge de la mondialisation. C’est l’armée, ou les armées que l’Europe aura probablement à combattre sur son territoire d’ici une décennie environ .» D’abord, parce BERNARD WICHT

Privat-docent à la Faculté des SSP où il enseigne la stratégie. Il est aussi l’auteur d’un livre intitulé

« Europe Mad Max demain ? » (Favre, 2013).

Nicole Chuard © UNIL

SYRIE

Allez savoir ! N° 62 Janvier 2016 UNIL | Université de Lausanne 43 pas Bernard Wicht. Parce que ces liens avec le crime orga-nisé « sont l’une des grandes caractéristiques des groupes armés à l’heure actuelle, que ce soit Daech, le Hamas (en Palestine), les Talibans (en Afghanistan) ou encore les FARC en Colombie. A la différence des armées conventionnelles, ces mouvements sont devenus capables de se financer par eux-mêmes », explique le chercheur.

Si la conquête des puits de pétrole à Mossoul, en Irak, a assuré un financement régulier à l’Etat islamique grâce aux livraisons clandestines de pétrole et de gaz, Daech se finance aussi via de nombreuses autres activités illégales : le trafic des antiquités, le commerce de la « drogue du dji-had », le captagon, la vente d’esclaves ou d’otages, les tra-fics d’armes et autres extorsions ou rapines.

Là encore, Daech n’a rien inventé, mais a optimisé des pratiques déjà éprouvées. « Le crime et les guérillas, ça a été un mariage de raison, explique le géostratège de l’UNIL. Dans les années 80, l’OLP (en Palestine), mais aussi l’IRA (en Irlande), ne voulaient plus dépendre d’un parrain, comme l’URSS ou les monarchies pétrolières qui étaient là un jour et ne payaient pas le lendemain. Ils ont donc cherché un financement autonome. Comme c’étaient des mouvements considérés comme terroristes, ils se sont logiquement tournés vers l’économie grise, en particulier les trafics de drogue et d’armes, qui étaient en main du crime organisé. »

Ces réseaux maffieux pourraient encore constituer une porte de sortie, le jour où l’Etat islamique connaîtra des dif-ficultés à défendre sa base arrière. On peut ainsi imaginer que, si Daech devait être contré en Syrie, il sera capable de se rematérialiser en Libye (voire en Europe), en faisant passer ses combattants dans le flux des réfugiés, pour les réarmer sur place grâce aux trafics d’armes.

Là encore, rien de nouveau. Dans un passé récent, de nombreux agents des anciens services secrets du Bloc soviétique se sont reconvertis dans le crime organisé après la chute de l’URSS. « Les ex-espions comme les ex-terro-ristes peuvent devenir des maffieux comme les autres, note Bernard Wicht. Ils peuvent même devenir plus efficaces, parce qu’ils connaissent les canaux et les coulisses de ces mondes parallèles. »

3 RELIGIONS

Pourquoi les musulmans sont-ils les principales victimes de Daech

On l’entend sans cesse : les musulmans seraient les pre-mières et les plus nombreuses victimes des terroristes.

Reste à comprendre qui tire sur qui. L’exercice est un véri-table défi, parce qu’il y a plusieurs conflits en un, et qu’ils sont fortement entremêlés.

La première guerre est menée par l’Etat islamique qui cherche à conquérir un espace pour installer son Califat, notamment aux dépens du président syrien que l’Etat islamique est une nouvelle forme d’organisation

militaire et politique transnationale, qui est capable de recruter à la fois de jeunes recrues qui arrivent d’Europe ou d’ailleurs, mais aussi des mercenaires et des combattants qui ont une forte expérience, parce qu’ils ont fait la guerre en Irak contre les Américains, ou en Tchétchénie contre les Russes, ou qu’ils ont été se battre en Libye ou au Mali.

L’organisation islamiste peut susciter des vocations « sur la base d’un récit, relayé sur Internet, avec son projet de Cali-fat qui propose une cause, voire une patrie, à des dizaines de milliers de jeunes, musulmans ou non, garçons et filles, qui se sont engagés », ajoute le chercheur. Ainsi, le projet de Daech se révèle beaucoup plus mobilisateur que celui d’Al-Qaida, qui peinait à séduire avec son image de despe-rados clairsemés qui criaient « Mort à l’Occident ! » depuis les montagnes afghanes.

Daech a également compris que la mondialisation, c’est le règne du lowtech et du lowcost. A Paris, en novembre 2015, l’Etat islamique a porté des coups avec de petites équipes de 3-4 combattants armés de leur détermination et de leur kalachnikov, cette arme de guerre solide et bon marché, qui a justement été imaginée dans l’ex-URSS en prévision de ces combats de guérilla.

Et surtout, le Califat constitue un adversaire d’autant plus dangereux qu’il n’est pas toujours perçu comme réel-lement menaçant en Occident. A tort, assure Bernard Wicht qui, dans son livre Europe Mad Max demain ? a annoncé la multiplication des affrontements entre les Etats-nations actuels et des groupes sans territoire, mais dotés d’une réelle puissance financière et militaire. « Je pense que nous entrons lentement mais sûrement dans l’ère de la guerre civile moléculaire. Si la Suisse est encore épargnée, les attaques s’accélèrent ailleurs, notamment en France. » Dans un tel scénario, l’équilibre de la terreur change de niveau.

Les tensions ne s’exercent plus entre Etats, ou entre des coalitions d’Etats. « Dans la guerre civile moléculaire, le conflit se déroule au niveau des individus, et c’est là qu’il faut empoigner le problème. »

Les individus, parlons-en. Parce que les « soldats » du dji-had laissent les téléspectateurs occidentaux presque aussi perplexes que la question de savoir si nous sommes en guerre. Avec cette nouvelle trilogie formée de la kalachni-kov, du Coran et de la drogue, le profil des kamikazes inter-pelle. On pensait trouver des fous de Dieu, et voilà qu’ils ressemblent à de petits dealers.

2 DROGUES

Pourquoi les terroristes sont-ils souvent des petits délinquants

C’est devenu une habitude. Quand on découvre la biographie d’un terroriste de Daech, ou quand un enquêteur détaille le résultat d’une perquisition chez des islamistes, on parle de trafic de drogue. Un mélange des genres qui ne surprend

« DAECH, C’EST

Favre (2013), 148 p.

Dans le document HIPPOPOTAMES COMMENT L’UNIL ÉTUDIE LES (Page 38-43)

Documents relatifs