EMBRYOLOGIE DE LA MAMELLE CHEZ LE MOUTON
Lise MARTINET
Station de Recherches de
Physiologie
animale,Centre national de Recherches
zooteclcniques, Jouy-en-Josas (Seine-et-Oise)
SOMMAIRE
Nous avons étudié l’accroissement
volumétrique
de laglande
mammairependant
la vie intra- utérine chez le fœtus mâle et femelle de Brebis Ile-de-hrance.L’étude
volumétrique
de l’ébaucheglandulaire
a mis en évidence une croissance mammaire chez la femelle différente de celle du foetus entier ; il semble en effetqu’au
cours de la vieembryon-
naire, la mamelle chez le mâle suit ledéveloppement général
du foetus, alors que, chez la femelle,elle passe par une
phase
de ralentissement de croissance aux environs du 7oejour
de lagestation (fig. 7 ).
Au cours de la vie des
Mammifères,
la croissance mammairecomprend quatre grandes étapes :
1
0 La mise en
Place et
l’induction de l’ébauche mammaire avec formation desbourgeons
mammaires. Cettepremière phase apparaît
très tôtpendant
la vie foetale.2
0 Le
développement de
l’ébaucheglandulaire, qui
à ce stade necomprend
que.le
système
canaliculaire. Cettepériode
s’étendpendant
la vieembryonnaire
et lavie
post-natale jusqu’à
lapuberté.
3
0
Ledéveloppement glandulaire
résultant dufonctionnement cyclique de l’ovaire, qui
se fait donc àpartir
de lapuberté.
4!
Ledéveloppement périodique de la
mamellependant
lagestation
et la lactation.A ce moment débute la
préparation glandulaire
menant audéveloppement complet
du
parenchyme,
le rendantapte
àaccomplir
sa fonction : la sécrétion du lait.La croissance mammaire
pendant
la vieembryonnaire
à été relativementnégligée.
Aucontraire,
les études sontplus
nombreusesdepuis
la naissancejusqu’à
la
puberté.
Citons notamment les travaux deF OLLEY ,
GuTax>~r,cx et Zucx!RMnrrrr( 1939
),
COWIE(1 949 ),
MARIAN SILVER( 1953 ).
Pezzdant la vie
embryonnaire,
chez les Bovins. et lesOvins,
les études de PROFE(
1 8 99
),
de TURNER( 1930 ),
nous ontapporté
desprécisions morphologiques
sur ladifférenciation mammaire. Chez le
Lapin
et laSouris,
ce sontprincipalement
lesétudes de BnW Nsxy
( 1950
a,b) qui
confirment les conclusions deT URNER ,
àsavoir,
l’existence de trois
périodes :
a)
unepériode
de formation desépaississements épithéliaux
aboutissant àl’apparition
de laligne mammaire, puis
desbourgeons mammaires ;
b)
unepériode passive pendant laquelle
la croissance mammaire est à peuprès nulle ;
c)
unepériode
de croissance trèsrapide
parmultiplication
cellulaire intense.La
période (a) correspond
à lapremière étape
telle que nous l’avons définie initialement.La
période (b)
est unepériode
de reposséparant
lapremière
de la secondeétape.
La
période (c)
constitue lapartie embryonnaire
de la secondeétape.
Les deux
premières périodes
dudéveloppement
mammaireparaissent morpho- logiquement identiques
chez les foetus mâles et femelles. Aucontraire,
àpartir
dela 3e
période,
la mamelle du foetus mâleprend
un retard considérable parrapport
à la femelle.
Voici,
chez leMouton,
ladescription
que donnent PROFE etT URNER ,
del’appa-
rition des ébauches mammaires :
Dans la
partie
ventrale del’embryon, postérieurement
àl’ombilic,
et depart
et d’autre d’une
ligne
médianelongitudinale apparaissent
deux bandes de cellulesqui
se différencient àpartir
des cellulesépidermiques
chez un foetus de 9 à 10 mm delong,
c’est-à-dire environ de 28 à 32jours ; l’équivalence
del’âge
parrapport
à la
longueur pouvant
être estiméed’après
le travail de GREEN et WINTERS(i 945 ) ;
1P
ROFE et TURNER ne donnent
jamais l’âge
ou lepoids
dufoétus,
car toutes leurs études ont été faites chez des foetus recueillis aux abattoirs.Les cellules constituant ces bandes s’infiltrent à l’intérieur de la
paroi ventrale,
formant deuxlignes parallèles composées
deplusieurs
assises. Ces formations visibles chez un foetus de3 6 jours
constituent leslignes
mammaires.Chez le foetus un peu
plus âgé,
leslignes
mammaires sefragmentent,
les cellulesmigrant
en certainspoints qui correspondent
àl’emplacement
des futuresglandes
mammaires : ces
points
constituent lesbourgeons
mammaires.Mais cette étude est essentiellement
descriptive ;
seul BAUNSKY a tenté une ana-lyse biométrique.
Il a mesuré l’accroissement de volume de la
glande
par la méthode de DORNFELD, S!,nT!x et SHEFFE( 1942 )
et l’acomparé
à la croissance totale del’embryon.
Cesmesures ont été faites chez la Souris et le
Lapin,
où des résultatsidentiques
ont ététrouvés.
Au
début,
la croissance estplus
lente que celle du foetus entier. Maispendant
la dernière
partie
de lagestation (i6! jour),
la croissance mammaire devientbeaucoup plus rapide ( 2
foisplus rapide
chez laSouris).
Il a
également
évalué l’indexmitotique
et constaté un taux de mitoses très faiblependant
laphase
de formation desbourgeons
et uneaugmentation
considé-rable de ce taux au moment de la croissance de l’ébauche
glandulaire.
Nous avons
entrepris
chez le Mouton une étudecomparable
à celle de Bnr,msKy chez laSouris,
à savoir l’accroissementvolumétrique
de laglande
mammairependant
la vie intra-utérine.
I. -
MATÉRIEL
ETMÉTHODES
Nous avons pu
disposer
d’un matériel abondant d’âgeparfaitement
connu, cequi
nous apermis
de
prélever plus
de 100mamelles de fcetus femelles de 44à i5ojours
et unecinquantaine
de mamelles de foetus mâles de 46 à i5ojours.
Après
fixation au Bouin Hollande et coloration à l’hemalum de Masson et aupicro-indigo-
carmin, nous avons réalisé des coupes sériées de iodes
moitiés droite etgauche
dechaque
mamelle.Par
projection
surpapier calque homogène,
nous avons dessiné sur toutes les coupes le contour de l’ébaucheglandulaire, découpé
cetteimage
et pesé lesfigures
obtenues. Legrossissement
utiliséà la
projection
était 100 X . Un calculsimple
nous apermis
d’obtenir le volume de laglande
Si Pl=
poids
de 100 cm2 depapier,
P, =
poids
depapier représentant
la surface totale des sections de laglande,
N = nombre de coupes entre 2 coupes mesurées,
E =
épaisseur
des coupes = 0,01 mm, La surface réelle des sections de laglande
est :et le volume :
Une étude
statistique
et un calcul de variance faits sur une mamelle de 69jours
et une mamellede 97
jours
nous ont montréqu’à partir
d’un certain nombre de coupes il étaitpossible
de faire unéchantillonnage.
Pour une mamelle de r24coupes, nous faisons :
Pour une mamelle de 278 coupes :
Etant donné les causes d’erreurs
plus importantes,
dues à la méthode, une erreur inférieure à z,5
p. cent était
acceptable.
Nous avons donc pour les mamelles de o à x zo coupes, mesuré toutes les coupes ; de 120à 25o coupes : i coupe sur 5 ; deplus
de 25o coupes : i coupe sur 10.II. -
RÉSULTATS
ÉVOLUTION
MORPHOLOGIQUEA 44
jours,
nous retrouvons exactement le stade dubourgeon
mammaire décrit par TURNER chez le Mouton(fig. I ).
Lebourgeon
n’évolue pas avant le4 8 e jour.
La
période
s’étendant du35 e
au4 8 e jour correspondrait
donc à laphase passive.
Au
4 8 e jour,
àpartir
dubourgeon
mammaire se forme uneinvagination
ducordon
primaire.
Vers le50 e jour
letrayon
commence à sedessiner,
unléger
renfle-ment
apparaît
à la surface del’épiderme.
Jusqu’au
55ejour, l’invagination
progresse,perpendiculairement
à lasurface,
les cellules de l’extrémité interne semultipliant
activement.A
partir
du5 6 e jour,
une lumièreapparaît
dans lapartie
laplus
interne du cordon mammaire et remonteprogressivement
vers l’extrémité distale. Les cellulesne se
désagrègent
pas, mais semblent s’écarter les unes des autres. Vers le59 e jour,
le cordon mammaire
bourgeonne
de nombreusesinvaginations
secondaires(fig. 2 ).
A 7o
jours
existe tout unsystème
de canaux dont laparoi
estcomposée
de 3ou q assises de cellules. A la base du
trayon,
la lumière del’invagination primaire
s’est
élargie,
formant ainsi la citerne. Leparenchyme mammaire,
sous letrayon,
s’est
développé ;
des îlots de cellulesgraisseuses
commencent às’y
former. La crois-sance des canaux
galactophires
sepoursuit
ainsijusqu’à
la mise bas(fig. 3 ).
Chez le foetus
mâle,
lebourgeon
mammaires’invagine
aussi en cordonsprimaires
et
secondaires,
mais ces formationscaniculaires, beaucoup plus réduites,
restentlocalisées dans le
trayon qui
semble s’insérer directement sur le sac scrotal : iln’y.
a en effet presque aucun
développement
duparenchyme
mammaire(fig. 4 ).
ÉVOLUTION VOLUMÉTRIQUE
W Chez le
foetus lemelle.
Les résultats obtenus concernent
des
foetus de4 8
à 150jours.
Nous n’avonspas fait de mesures pour les foetus de q.4 à
4 8 jours,
le volumereprésenté
par lescanaux étant alors extrêmement
faible,
l’erreur due aux mesures devenait considé- rable. D’autrepart,
cettepériode
est celle de la différenciation dubourgeon
mammaireet non une
phase
de croissance.L’étude volumétrique
de l’ébaucheglandulaire,
enexprimant
les données encoordonnées
logarithmiques,
a mis en évidence une croissance mammaire chez lafemelle différente de celle du foetus entier. En
effet, l’augmentation
dupoids
dufoetus au cours de la
gestation
estreprésentée
par deuxdroites,
larupture
depente
se situant à
8 5 - 9 o jours (fig. 5 ).
Tandis que larupture
depente
de la droitequi repré-
sente
l’augmentation
du volume mammaire en fonction del’âge
se situe à 70jours
(fig. 6).
Le
logarithme
du volume mammaire en fonction dulogarithme
dupoids
dufoetus varie suivant une droite de
pente
5,0 1 de4 8
à 70jours
et une droite depente
1,74 de 70 à i5ojours (fig. 7 ) ( 1 ).
2
0 Chez le
loetus
mâle.La croissance
pondérale
du foetus mâle est tout à faitcomparable
à celle dufoetus femelle.
L’augmentation
du volume mammaire au cours de lagestation
est (’) D’après la loi de TEISSIERet HUXLEY, relative à une croissance allométrique simple :Le calcul suivant permet d’obtenir ce :
1 1 , , 1 1
représentée
par deuxdroites,
larupture
depente
se situant à85- 90 jours,
c’est-à-dire au même moment que pour la croissance
pondérale
du foetus(fig.
5 et6).
Le
logarithme
du volume mammaire en fonction dulogarithme
dupoids
dufoetus varie suivant une droite de
pente 2 ,8 1
de4 8
à I50jours (fig. 7 ).
DISCUSSION
Les allométries que nous constatons dans la croissance des
glandes
mammairesau cours de la vie
embryonnaire posent
leproblème
de stimulationsresponsables
de la vitesse de leur
développement,
donc essentiellement du rôle des hormonesembryonnaires.
Chez le mâle.
On sait que le tissu interstitiel du testicule
embryonnaire
est actif(BouiN
etANCEL,
I903 ; WELLS etFRALICK, 1951 ; JOST, 1953 ;
ROOSEN-RuNGE etA ND E R SON, I959) !
R AYNAUD
,
réalisant des castrations de foetus mâle de Souris par irradiationau moyens des rayons X a
essayé
d’élucider le rôle des testicules dans la croissance mammaire.Après
destruction des testicules chez le foetus de 13jours,
les ébauchesmammaires se
développent
suivant le mode observé chez la femelle. Ce serait donc le testiculequi
seraitresponsable
chez le mâle de l’inhibitionpartielle
dudévelop- pement
mammaire(R AYNAUD ,
1952,Ig56 ;
RAYNAUD etFRIL L EY, 1947).
Chez la
femelle.
R
AYNAUD
( 195 6) suggère
que laglande
mammaire chez la Souris femelle sedéveloppe
de manière anhormonale.Cependant
il est intéressant derapprocher
nos résultats de ceux de MAULEON(
19 6 1
) qui
a montré que la courbe defréquence
du nombre total de mitosesgoniales
des ovaires de foetus de Brebis
présente :
- une
phase
depoussée
des divisionsgoniales
entre le35 e
et le4 8 e jour
de lagestation ;
- un
palier
entre leq.8 e
et le52 e jour ;
- une nouvelle
phase
de croissancerapide
entre le52 e
et le70 e jour ;
- une chute brutale aux environs du
70 e jour.
Dans la mamelle on observe
également
uneaugmentation
du taux de crois-sance à
partir
du 50ejour, augmentation correspondant
àl’invagination
du cordonprimaire.
A cestade,
BALINSKI( 1950 )
note chez la Souris et laLapine
une augmen- tationmarquée
de l’indexmitotique
des cellules de l’ébauche mammaire. Une dimi- nution du taux de croissance de la mamelle seproduit
vers 70jours
comme l’arrêtdes divisions
goniales
dans l’ovaire. Cette similitude dans ledéveloppement suggère
l’idée d’un facteur communrégissant
les deux organes.Reçu
enjuin
i962.SUMMARY
E1IBRYOLOGY OF THE MAMMARY GLAND OF TIIE SHEEP
The volumetric
growth
of the mammarygland during embryonic
life in the male and female Ile-de-Franre foetus has been studied.Samples
were taken from udders of ¢¢ to r5odays
ofembryonic
life ;histological analysis
confirmed the stages
already
described by PROFE( 1 8gg)
and TURNER( I93 o) ;
theplanimetric
nan-lysis
was madeby projection
of serial sections.The volumetric
study
of the mammarygland
showed that the growth of the udder in the female differs from thegrowth
of the whole fcetus ; in fact it seems thatduring embryonic
life, while theudder in the male follows the general development of the foetus, in the female
growth
slows downfrom about the 7oth
day
of pregnancy(fig. 7 ).
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