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Au Québec, le patrimoine de la modernité, au défi de la mémoire collective

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47 | 2022

Patrimoine architectural du XXe siècle en Europe.

Valeurs, doctrines et politiques publiques de reconnaissance

Au Québec, le patrimoine de la modernité, au défi de la mémoire collective

In Quebec, the heritage of modernity, faced with the challenge of collective memory

France Vanlaethem

Édition électronique

URL : https://journals.openedition.org/insitu/34709 DOI : 10.4000/insitu.34709

ISSN : 1630-7305 Éditeur

Ministère de la Culture Référence électronique

France Vanlaethem, « Au Québec, le patrimoine de la modernité, au défi de la mémoire collective », In Situ [En ligne], 47 | 2022, mis en ligne le 14 avril 2022, consulté le 17 avril 2022. URL : http://

journals.openedition.org/insitu/34709 ; DOI : https://doi.org/10.4000/insitu.34709 Ce document a été généré automatiquement le 17 avril 2022.

In Situ Revues des patrimoines est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.

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Au Québec, le patrimoine de la modernité, au défi de la mémoire collective

In Quebec, the heritage of modernity, faced with the challenge of collective memory

France Vanlaethem

1 Au Québec, la patrimonialisation de l’architecture du XXe siècle fut amorcée en 1988, avec la campagne menée pour dénoncer la rénovation du grand complexe multifonctionnel érigé à la marge du centre-ville de Montréal, le Westmount Square, une intervention peu respectueuse de l’œuvre de son architecte, Ludwig Mies van der Rohe (1964-1969)1. Elle devint une préoccupation institutionnelle quand la Commission des biens culturels du Québec publia, en 2005, le rapport intitulé

« Comment nommer le patrimoine quand le passé n’est plus ancien2 ? ». Dans la foulée, le « patrimoine de la modernité » acquit une reconnaissance administrative, devenant un des thèmes du Répertoire du patrimoine culturel du Québec, aux côtés de celui de la Nouvelle-France ou encore des patrimoines autochtone, agricole, industriel. La catégorie regroupe les édifices et les ensembles novateurs liés aux transformations sociales survenues au Québec, entre 1930 et 1975. Cependant, près de vingt ans plus tard, la protection de ce « nouveau » patrimoine reste très faible. Sur les 686 immeubles et sites classés par le ministre de la Culture et des Communications, seulement une bonne douzaine en relève, et le ratio n’est pas meilleur pour ceux cités par les municipalités. Fin octobre 2020, en réponse au Rapport du Vérificateur général du Québec qui s’alarmait des récentes destructions de bâtiments d’intérêt patrimonial, fut déposé le projet de loi no 69 modifiant la loi sur le patrimoine culturel3. Parmi les nouvelles dispositions, l’une concerne les inventaires dont la réalisation n’était, jusqu’à présent, une obligation ni pour le ministre ni pour les municipalités : désormais, il incombe aux municipalités régionales de comté de se doter d’un inventaire des immeubles patrimoniaux situés sur leur territoire, du moins ceux construits avant 1940, l’intégration d’éléments plus récents étant laissée à leur discrétion. Cette date

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butoir fixée par la loi déprécie l’héritage de l’architecture novatrice du XXe siècle, dont nombre d’éléments furent érigés dans les années 1960, alors que le Québec était profondément transformé par la Révolution tranquille4. Comment comprendre une telle limitation ? Les mouvements sociaux que provoquèrent les opérations de rénovation urbaine et leurs démolitions dès le milieu de la décennie n’ont-ils pas marqué la mémoire collective, au point d’entacher durablement la valeur culturelle du bâti de cette époque ? Et ceci, d’autant plus que ces luttes contribuèrent à faire de la sauvegarde du patrimoine historique un enjeu de société majeur.

2 La destruction de la maison Van Horne (1869, John William Hopkins ; 1889, Bruce Price, Edward Colonna), une des somptueuses demeures bourgeoises de la fin du XIXe siècle, le 10 septembre 1973, pour faire place à une tour de bureaux fut un événement fondateur dans l’histoire du patrimoine, qui suscita la création de Sauvons Montréal5. La particularité de ce groupe de pression est qu’il fédérait plusieurs associations de citoyens – un phénomène nouveau –, dont ceux de Milton-Parc, un secteur résidentiel bouleversé par la construction du complexe Cité Concordia (aujourd’hui La Cité, Eva Vescei, 1973-1977). Formé en 1968, le comité des citoyens de Milton-Parc est à l’origine de la « Canada’s largest citizen-developper confrontation6 ». À l’époque, la capitale Québec était aussi le lieu d’une mobilisation populaire liée, ici, à l’aménagement de la Colline parlementaire. Un de ses bâtiments cristallisa l’aversion suscitée par l’architecture moderne, le complexe H et J (1967-1971, Tessier, Corriveau, St-Gelais, Tremblay, Tremblay & Labbé), aujourd’hui dénommé édifice Jean-Talon, voisin de l’hôtel du Parlement. En témoignent ses surnoms : « le bunker » et « le radiateur ». Explorons les représentations qu’ont générées ces deux vastes projets de modernisation urbaine ainsi que celles suscitées par la construction du Parc olympique de Montréal, réalisé, comme les premiers, en béton, matériau associé plus que tout autre aux ratés de la modernité. La presse quotidienne couvrit régulièrement ces sujets pour informer ses lecteurs des volontés des autorités et des maîtres d’ouvrage ainsi que des réactions de la population. Observons leur inscription dans la mémoire collective au fil des événements.

3 Un tel questionnement est loin d’être neuf. En septembre 2002, DOCOMOMO International tenait sa VIIe conférence internationale à Paris, à l’enseigne de la réception du Mouvement moderne. Dans son adresse d’ouverture, le professeur Gérard Monnier, président fondateur de DOCOMOMO France, initiateur de la rencontre et son garant intellectuel, soulignait la résonance du thème pour l’architecture moderne étant donné la gamme étendue d’opinions qu’elle suscitait, de « l’idolâtrie au mépris, de l’hostilité à l’approche critique, en passant par le respect7 ». Il s’agissait d’étudier les pratiques culturelles et sociales qui ont leur source dans les édifices et, ainsi, d’étendre le cadre temporel dans lequel l’œuvre est considérée, la réception constituant un relais dans la formation de l’héritage, concluait-il. Quelques participants soulignèrent les limites du parallèle établi entre architecture et littérature qu’induit la référence à l’historien de la littérature Hans Robert Jauss, auteur de Pour une esthétique de la réception8. Dans les cas qui nous occupent, les effets sont subis plutôt que voulus et ils se manifestent avant la livraison du bâti.

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Rénover le quartier de Milton-Parc à Montréal

4 Le quartier, qui tire son nom du croisement entre la rue Milton et l’avenue du Parc, est situé au pied du mont Royal, à la marge, hier, du faubourg Saint-Laurent qui s’étendait au nord de la cité établie en bordure du fleuve Saint-Laurent, aujourd’hui, du centre- ville moderne de la métropole, son cœur s’étant rapproché de la montagne dans la première moitié du XXe siècle. L’urbanisation de Milton-Parc s’amorça dans les années 1860, alors que l’une des institutions fondatrices de Montréal, l’Hôtel-Dieu, quittait la proximité du port pour s’installer sur ses terres du plateau Sherbrooke. À la veille de la Première Guerre mondiale, elle était achevée, ses maisons en rangée et ses duplex et triplex (formes bâties typiques superposant deux ou trois appartements) étant habités principalement par des familles de commerçants et de professionnels. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, tandis que les nouvelles banlieues attiraient les mieux nantis, sa population changea, nombre de logements étant subdivisés et le bâti se dégradant, les propriétaires n’y résidant plus [fig. 1].

Figure 1

Vue aérienne de Milton-Parc aux abords de l’avenue du Parc et au nord de la rue Milton, incluant l’Hôtel-Dieu situé sur l’avenue des Pins (en haut, à droite), 1949, conservée aux Archives de la Ville de Montréal (VM97, S3, D7, P09-29).

© Photographic Surveys (Québec) Limited.

5 Parmi ses habitants se retrouvaient des étudiants fréquentant l’École des beaux-arts de Montréal ou l’université McGill, toutes proches. La forte présence de ces derniers motiva l’autre dénomination du secteur, le « Ghetto McGill », un quartier à l’« esprit simple et libre » et au « charme villageois », selon le quotidien The Gazette, qui le surnomma « Hippieland9 ». Au tournant des années 1950, sont convoités par la

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compagnie Domaines Concordia les abords de l’avenue du Parc, au sud de l’échangeur routier récemment creusé au croisement de l’avenue des Pins, en vue de la réalisation d’un vaste complexe multifonctionnel, Cité Concordia, auquel s’opposent farouchement les résidents.

6 De 1962 date un premier projet de Cité Concordia : faisant table rase du bâti existant, il prévoit la rénovation de six îlots, par l’implantation de tours d’une cinquantaine d’étages et de barres [fig. 2].

Figure 2

Cité Concordia : panneau de présentation conçu en 1962, architectes Mayerovitch et Bernstein, conservé au Centre canadien d’architecture (fonds Mayerovitch et Bernstein).

© Mayerovitch et Bernstein / Reproduction Centre canadien d’architecture.

7 Reconfigurant une vingtaine d’hectares, l’opération était d’une envergure sans précédent à Montréal ; elle est plus de deux fois plus ambitieuse que celle amorcée en 1911, avec l’implantation d’une troisième gare ferroviaire à l’ouest de la vieille ville, et relancée dans les années 1950 avec la construction de Place Ville Marie (1957-1966, I.

M. Pei & Associates ; Affleck, Desbarats, Dimakopoulos, Lebensold et Sise), saluée unanimement par la presse. Son flamboyant promoteur, l’Américain William Zeckendorf (1905-1976), est un modèle pour les administrateurs de Domaines Concordia. Nouvelle venue sur le marché immobilier, la société remporta en 1963 la mise en valeur du dernier emplacement que possédaient les Chemins de fer nationaux au centre-ville, en offrant de construire un centre commercial au-dessus des voies.

Pour sa réalisation, elle fit appel aux partenaires locaux de I. M. Pei dans le projet de Place Ville Marie, la firme d’architectes montréalais surnommée Arcop (Architects in Co-partnership). Elle retint de plus ses services pour poursuivre l’aventure de Cité Concordia.

8 Au cours de l’été 1968, des habitants de Milton-Parc proches de l’University Settlement of Montreal, groupe à vocation sociale issu de l’université McGill et établi dans le

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quartier depuis la fin du XIXe siècle, eurent vent de l’opération immobilière. Après avoir rencontré les promoteurs qui tentèrent de les convaincre de la portée progressiste de leur projet, ils décidèrent d’informer leurs voisins qui ignoraient tout des plans de Domaines Concordia, ainsi que le fait que cette société était leur propriétaire. En une dizaine d’années, sous des prête-noms, elle avait acquis la presque totalité des immeubles qui devaient disparaître pour laisser place à son projet. Le comité des citoyens de Milton-Parc était né.

9 « Le progrès est-il toujours souhaitable ? » C’est par cette question que s’amorce l’article paru le 13 novembre 1968 dans le quotidien La Presse10afin d’informer de la création du nouveau comité de citoyens, tout en relayant leurs inquiétudes :

« Convient-il de démolir complètement un quartier si des centaines de familles doivent être chassées, faute de pouvoir verser les nouveaux loyers qui seront exigés pour vivre dans des blocs ultramodernes ? » Intéressant à observer, un des autres titres de la page : « La république des beaux-arts. Les tenants de “l’occupation” répondent aux

“non-occupants” », qui nous rappelle que l’époque était en pleine effervescence, socialement et politiquement, et que le quartier encadré par le campus de l’université McGill et l’École des beaux-arts était un des foyers de contestation.

10 Dès lors, le ton était donné : les critiques étaient de portée sociale et idéologique. Il ne changea pas quand, en juin 1970, la maquette de Cité Concordia fut dévoilée en présence du Premier ministre du Québec, Robert Bourassa (1933-1996), qui se réjouit des milliers d’emplois ainsi créés. « Une cité dans la Cité », titrait La Presse, tout en rappelant l’opposition des citoyens11. Le promoteur annonça un investissement de 250 millions, en sept ans et trois phases. L’emprise au sol du projet fut réduite et sa silhouette profilée. L’ensemble s’élève à la croisée de l’avenue du Parc et de la rue Prince-Arthur, des immeubles résidentiels occupant la moitié de trois îlots, tandis qu’une tour de bureaux et un hôtel s’implantent sur le quatrième, tout en préservant soixante maisons, de même que deux églises et une école [fig. 3]. Cependant, la proposition fut loin d’apaiser les inquiétudes des résidents et des commerçants.

Figure 3

« Cité Concordia : phase 1 » dans la brochure Cité Concordia, Edward Bantey, Concordia Estates, ca.

1970, conservée au Centre canadien d’architecture (NA44.D582.25 C5 1970).

© Reproduction Centre canadien d’architecture.

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11 Depuis une bonne année, le comité tenait des réunions hebdomadaires et communiquait au moyen d’un bulletin au titre suggestif, Bulldozer. Il réclamait la participation des habitants à l’élaboration du projet de Cité Concordia, tant auprès du promoteur que des autorités publiques. Pour faire entendre leur voix, une première manifestation avait été organisée le 23 mai 1969, une marche de protestation vers l’Hôtel de Ville. Notons qu’en aucun cas, la critique ne portait sur la facture esthétique de l’ensemble ni sur sa forme urbaine, qui perturbait l’échelle du quartier et l’empreinte des îlots irrigués en leur centre par des ruelles [fig. 4].

Figure 4

Marche de contestation du Comité des citoyens de Milton-Parc contre le projet immobilier du promoteur Concordia Estates en direction de l’Hôtel de ville de Montréal, vers les 22-23 mai 1969, photo conservée à la Bibliothèque et Archives Canada (PA-153958).

© Gerry Bird pour le journal Montréal Star (Woodbridge Company Limited).

12 Fin 1969, le projet avait profité d’une loi privée qui autorisait l’expropriation des ruelles au bénéfice de Domaines Concordia : plus aucun obstacle n’entravait sa réalisation. Le démarrage du chantier, maintes fois annoncé, tardait, la rumeur voulant que le promoteur rencontrât des difficultés financières. Entre-temps, la vie communautaire s’épanouissait, malgré les nombreux immeubles vidés. En mai 1972, l’arrivée de l’entreprise de démolition sur le site provoqua une vive réaction : un mur humain l’accueillit. Le comité décida d’investir des appartements barricadés pour les rénover, des membres occupèrent les bureaux du promoteur, ce qui leur valut une poursuite en justice, et certains entamèrent même une grève de la faim de manière à convaincre la Ville de retirer son appui au projet : autant d’événements relatés par la presse12.

13 Au cours des années suivantes, le chantier connut d’autres retards. Débutées fin 1973, la plupart des excavations étaient béantes un an plus tard, seul l’immeuble de bureaux conquérait le ciel, conférant une image peu reluisante à l’opération. Les travaux de la

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première et de l’unique phase ne furent terminés qu’en 1977, sous la direction de l’architecte Eva Vecsei13 [fig. 5].

Figure 5

Vue aérienne du piémont est du mont Royal, avec à l’avant plan le complexe La Cité, 2015.

© Pierre Lahoud.

14 L’opposition des citoyens de Milton-Parc fit-elle école ? Fin 1970, un autre projet

« mammouthique », selon l’expression des opposants, souleva l’indignation, le remplacement de la vénérable gare Windsor – la « deuxième » gare montréalaise, non loin de la gare Centrale – par un vaste ensemble multifonctionnel. Les Amis de la gare Windsor amorcèrent la mobilisation citoyenne en faveur du patrimoine qui connut un point d’orgue avec la démolition de la maison Van Horne. Fin 1973, la fondation de Sauvons Montréal fédéra les initiatives, communautaires et patrimoniales. Le milieu artistique ne fut pas en reste : en 1972, le musée des Beaux-Arts de Montréal avait présenté « Montréal, plus ou moins ? », une exposition collective qui dénonçait la gestion urbaine du maire Jean Drapeau (1916-1999). Suivit la création d’Héritage Montréal en 1975, qui devait jouer un rôle déterminant dans la conversion des phases ultérieures de Cité Concordia en un projet de logements sociaux coopératifs.

15 L’affaire Milton-Parc, dont la chronique fut publiée dès 1987, n’est pas tombée dans l’oubli. Elle représente la résistance de citoyens face à un puissant promoteur immobilier, la victoire du patrimoine sur la rénovation urbaine, même si l’enjeu au départ était plus politique que culturel, s’agissant de préserver de l’assaut du capitalisme un milieu de vie abordable plus qu’un cadre bâti ancien. En 2018, le jubilé de la formation du comité de citoyens de Milton-Parc fut souligné de multiples façons : expositions, visites, festivités… autant de manifestations collectives qui contribuèrent à faire partager le souvenir de cette lutte urbaine. La modernisation que connut la

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capitale Québec à la fin des années 1960 a aussi laissé des traces dans la mémoire collective.

Moderniser la Colline parlementaire à Québec

16 Depuis la fin du XIXe siècle, l’hôtel du Parlement est implanté sur les hauteurs de Québec, à l’extérieur des fortifications qui protègent l’éperon formé par la confluence de la rivière Saint-Charles et du fleuve Saint-Laurent. Sa construction s’inscrivit dans le cadre des projets d’embellissement dont la capitale fut l’objet à la suite du départ des troupes britanniques, en 1791. Bien que le Conseil de ville ait envisagé de détruire l’enceinte, devenue obsolète, celle-ci fut finalement mise en valeur, une première en matière de conservation du patrimoine bâti au Canada. La nécessité d’améliorer la circulation des véhicules ne fut pour autant pas négligée : on reconstruisit la porte Saint-Louis en l’élargissant. De plus, à la place du glacis qui s’étirait à l’ouest, vers la porte Saint-Jean, l’avenue Dufferin fut amorcée, sa prolongation restant en suspens jusque dans les années 1960. La présence de l’édifice gouvernemental stimula la construction de résidences bourgeoises le long de la Grande Allée qui le flanque à l’est, du côté des plaines d’Abraham, tandis qu’un bâti modeste l’enserre à l’ouest et au nord [fig. 6]. Avec l’entrée de la province dans la modernité et le renforcement du rôle de l’État, deux annexes latérales furent construites, une première à la veille de la Première Guerre mondiale, une seconde, après. Dès les années 1920, la nécessité d’un plan et d’instances compétentes se fit sentir pour contrôler le développement de la colline et de la ville. Au cours de la décennie suivante, deux édifices furent érigés à l’arrière du Parlement afin de loger une fonction publique en croissance constante. Leur implantation nécessita des démolitions, un processus qui prit une ampleur inégalée deux décennies plus tard.

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Figure 6

Vue aérienne de la cité administrative du gouvernement du Québec (à l’avant-plan, la Grande Allée et au centre l’hôtel du Parlement), Québec, vers 1925, conservée à la Bibliothèque Archives nationales du Québec, Collection initiale (P600, S4, SS3, P565-385).

© Photographe inconnu (Fairchild Serial Surveys Co) / reproduction BAnQ - Bibliothèque Archives nationales du Québec.

17 Moins d’un mois après son élection en juin 1960, le gouvernement libéral de Jean Lesage (1912-1980), principacteur de la Révolution tranquille, réactiva la Commission d’embellissement de Québec en vue de doter la capitale d’une cité parlementaire digne de son rôle historique. Aux membres représentant le gouvernement, la Ville et la Chambre de commerce fut adjoint l’architecte urbaniste Édouard Fiset (1910-1994), auteur du projet d’aménagement de Québec et de sa région déposé en 1956, avec son confrère français Jacques Gréber (1882-1962) et le directeur du Service d’urbanisme de Québec. L’ajout d’une telle compétence est significatif, le but étant « de mettre à exécution le rapport Gréber » en assurant le développement harmonieux de la ville et la protection des sites et des monuments historiques, en relocalisant les services gouvernementaux éparpillés sur le territoire et en établissant un réseau de grandes voies entre le centre et la périphérie, où seraient relogés les résidents déplacés. L’impératif, souligné par Gréber, d’un organisme doté des pouvoirs nécessaires pour réaliser un tel programme conduisit à réformer la Commission afin qu’elle puisse coordonner, voire entreprendre, les travaux publics de construction et d’aménagement.

18 En octobre 1963, un plan directeur signé par Édouard Fiset fut publié. Il aligne les immeubles gouvernementaux le long du boulevard Saint-Cyrille (aujourd’hui René- Lévesque), prolongation de la rue homonyme prévue de longue date et dont le chantier était alors amorcé [fig. 7], et il inclut la rive opposée de l’artère. Ce secteur limitrophe est voué à un « réaménagement quasi global » dans le « Rapport de la Commission

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d’enquête sur le logement de la Cité de Québec » déposé en 1961. Cette restructuration urbaine fut source de dissensions entre la Ville et la Commission d’aménagement, notamment à propos de la hauteur maximale permise afin de préserver la prééminence de l’hôtel du Parlement. En 1964, la proposition d’un promoteur immobilier qui dérogeait au principe fit débat. Pour dénouer les problèmes, un comité fut formé par le gouvernement. Conseillé par l’urbaniste Jean-Claude La Haye (1923-1999), il préconisa un développement vertical plutôt qu’horizontal. De plus, il recommanda de conférer à la Commission la pleine autorité sur le réaménagement de la colline et de la charger de l’élaboration du plan complet et précis de rénovation [fig. 8].

Figure 7

Vue aérienne de la prolongation du boulevard Saint-Cyrille (à l’avant-plan, les édifices

gouvernementaux), W. B. Edwards, 1965, photo conservée aux Archives de la Ville de Québec (P012- N024141).

© W. B. Edwards Inc / reproduction Archives de la Ville de Québec.

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Figure 8

Plan masse de la Colline parlementaire (secteur 1 d’étude particulier, en grisé), extrait du rapport Concept général de réaménagement de la Colline parlementaire, 1967-1987, Comité directeur de la commission d’aménagement de Québec, conservé à la Bibliothèque Archives nationales du Québec (A11A4/A31\C6 OFF).

Reproduction BAnQ - Bibliothèque Archives nationales du Québec.

19 Au milieu des années 1960, ce n’est pas le réaménagement de la colline qui suscita l’inquiétude populaire mais celui de la basse ville aux abords de la rivière Saint-Charles, une zone dont l’habitat était diagnostiqué « inadéquat » depuis 1961, et donc voué à la démolition. En janvier 1967, lors d’une assemblée convoquée par le curé de la paroisse Saint-Roch, le Comité des citoyens de l’aire no 10 fut créé afin de permettre à ses habitants de s’exprimer sur l’avenir de leur quartier. L’une de ses premières prises de position dénonça l’investissement public fait dans la culture alors que les « pauvres » étaient négligés : « il est impensable qu’on songe au Grand Théâtre et qu’on ignore les taudis14. » Pour défendre la cause des habitants qui ne voulaient pas être relogés ailleurs dans la ville, les moyens de pression utilisés furent semblables à ceux déployés par le Comité de Milton-Parc – communiqués, pétitions, manifestations – bien qu’ici l’interlocuteur principal fût la Ville et non un promoteur immobilier, et que la négociation prévalût sur la confrontation.

20 La situation évolua alors qu’en mai 1967, le gouvernement de l’Union nationale entré en fonction à la suite des élections de novembre annonça la construction de deux édifices sur la Grande Allée, à l’entrée des plaines d’Abraham. L’intention était d’ériger sur une grande terrasse une tour de dix-huit étages et un immeuble de cinq à sept étages pour loger le Conseil exécutif de la province. Le ministre des Travaux publics, Armand Russell (1921-2012), s’attendait à ce que les futurs architectes conçoivent un projet qui s’harmonise au cœur du Parlement, tout proche. Cependant, la nécessité de détruire « des vieilles maisons qui ont vécu les beaux jours de la Grande Allée » fut

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immédiatement dénoncée [fig. 9]. Quelques jours plus tard, dans Le Soleil, un citoyen s’interrogeait sur l’adéquation de l’emplacement et la possibilité d’une architecture moderne utilisant des matériaux anciens : « Le progrès s’obtient en construisant, non en détruisant15. »

Figure 9

Les résidences de la Grande Allée vouées à la démolition pour faire place au complexe H et J, aujourd’hui, édifice Jean-Talon, vers 1970 (Fonds de L’Action catholique, P428, S3, SS1, D39, P9-19).

© Photographe anonyme / reproduction BAnQ - Bibliothèque Archives nationales du Québec.

21 Un an plus tard, malgré la diminution du nombre d’étages du complexe, la disparition des maisons de la Grande Allée était toujours inacceptable : un « scandale », « un crime contre la beauté de Québec » déclara le député libéral et ancien ministre des Affaires culturelles (1964-1966) Pierre Laporte (1921-1970), des propos relayés par la presse. « Je ne peux être plus québécois que les organismes consultés », rétorqua le ministre des Travaux publics, soulignant que pour la Commission des monuments historiques, ces maisons n’étaient pas « historiques »16.

22 D’autres voix s’ajoutèrent à celle de l’ancien ministre des Affaires culturelles, à commencer par l’exécutif du Comité des citoyens de l’aire no 10. « Sous le coup de l’émotion », une lectrice du Soleil écrivit : « une profanation », « une autre “horreur”

comme on en voit trop depuis quelque temps à Québec17. » Deux jours plus tard, la Société historique de Québec protesta à son tour : « même si ces maisons ne sont pas tellement anciennes pour être historiques, elles sont de beaux types de résidences bourgeoises ou aristocratiques d’une époque révolue18. » Le Premier ministre Daniel Johnson (1915-1968) trancha : le projet du complexe H serait révisé19.

23 Fin novembre 1968, la maquette du nouveau projet fut exposée. Occupant tout le quadrilatère, le complexe articule deux corps de bâtiment, l’un plus bas et plus ramassé que l’autre, abritant le Conseil exécutif, à l’aplomb de l’entrée des plaines d’Abraham, l’autre s’étirant le long de la Grande Allée. En conférence de presse, le ministre des

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Travaux publics expliqua la « robustesse » des façades et « leur texture ainsi que la descente en escaliers des toits » par un souci d’intégration et la volonté de rappeler les vieilles rues de Québec20. Une telle justification ne convainquit pas. Ce secteur, avec la porte Saint-Louis, le Parlement et les vieilles maisons, constituait une heureuse introduction à la vieille ville pour les touristes.

24 Les doléances relatives à la perte des maisons de la Grande Allée ont la vie longue, comme en témoigne la page Facebook de la Société historique de Québec. La dernière publication à ce sujet date de 2019 ; elle relaie l’article du Soleil qui leur est consacré dans la rubrique « d’Hier à aujourd’hui »21. Depuis bientôt cinquante ans, l’appréciation commune de l’édifice Jean-Talon [fig. 10] a peu changé : scandale, horreur, gâchis…

Figure 10

L’édifice Jean-Talon bordant la Grande Allée, Québec (Canada), 2011.

© Michel Brunelle.

25 Deux chapitres sont consacrés au « Bunker » dans le livre sur Les Lieux de pouvoir au Québec écrit par deux journalistes qui prennent pour prétexte les sites et les édifices d’où les Premiers ministres ont gouverné pour relater leur quotidien et leurs grands gestes. Les collaborateurs des hommes d’État ne sont pas tendres : ils se « souviennent tous d’un immeuble austère plongé dans la pénombre22 ». Les chefs de gouvernement sont ambivalents. Le Premier ministre Bernard Landry (1937-2018) l’avait tellement en horreur qu’en 2002 il décida de retraverser la Grande Allée pour installer ses bureaux dans le vénérable édifice Honoré-Mercier, livré en 1925. Il rejoignait ainsi le territoire patrimonial de la Cité parlementaire, le site historique national déclaré en 1985. En 2012, lors de l’entrée en vigueur de la loi sur le patrimoine culturel, le secteur protégé fut étendu. Cependant, seuls les édifices gouvernementaux datant des années 1930 furent intégrés, les plus récents étant ignorés [fig. 11].

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Figure 11

Vue aérienne de la colline du Parlement au Québec (Canada), Pierre Lahoud (LAH9182), 2011.

© Pierre Lahoud.

Le béton, stigmate de la modernité

26 Outre de rappeler un passé disparu, le complexe La Cité à Montréal et l’édifice Jean- Talon à Québec ont le défaut d’être en béton, des briques de béton pour les façades des tours résidentielles du premier, des panneaux préfabriqués pour le second. Nombreux sont les immeubles en béton au Québec, un matériau très apprécié par les architectes nord-américains au milieu du siècle dernier. La presse spécialisée de l’époque reconnaît Montréal comme la ville du continent ayant produit des structures en béton spectaculaires et exploité pleinement ses potentialités. Cette réputation reposait sur des réalisations comme la place Bonaventure, la place Victoria, le métro de Montréal et l’ensemble de logements Habitat 67. Cependant, une telle appréciation est loin d’être partagée au-delà du cercle des spécialistes. Elle est même plus négative aujourd’hui qu’hier, en raison des conditions de production massive du bâti et des infrastructures routières à la fiabilité douteuse, minée par la corruption et la collusion comme l’a révélé la Commission d’enquête sur l’industrie de la construction au début des années 2010.

27 Une réalisation condense un tel désamour : le stade olympique de Montréal [fig. 12], œuvre de l’architecte français Roger Taillibert (1926-2019), auquel le maire Jean Drapeau avait confié la conception des principales installations des Jeux olympiques d’été de 1976. Pour la métropole québécoise, Taillibert reprit le concept technique du parc des Princes qu’il terminait à Paris – le tout premier stade en béton précontraint – et, afin de répondre aux exigences de l’équipe de baseball que l’enceinte devait accueillir après les Jeux, il la dota d’une couverture textile rétractable semblable

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à celle de la piscine Roger-Legal située à Paris, dans le 12e arrondissement, d’une envergure néanmoins dix fois plus ample.

Figure 12

Vue aérienne du Parc olympique : le stade olympique surplombé par la Tour de Montréal abritant dans son pied les piscines du Centre sportif, adjacent au Biodôme de Montréal, Pierre Lahoud (Lah 7977), 2011.

© Pierre Lahoud.

28 L’enthousiasme quasi unanime démontré par la presse lors de l’obtention des Jeux olympiques en mai 1970 fut de courte durée. Furent ensuite dénoncées la politique de prestige du maire au détriment des préoccupations sociales et son attitude despotique, le projet étant mené dans le plus grand secret. Une fois le chantier amorcé, en 1973, d’autres inquiétudes apparurent, liées à l’explosion des coûts et aux grèves plus ou moins longues qui ralentissaient son avancement. En novembre 1975, afin d’assurer la tenue des Jeux, le gouvernement du Québec créa la Régie des installations olympiques (RIO) permettant de parachever les installations : tout comme Taillibert, Drapeau devint persona non grata sur le chantier. Il fut néanmoins ovationné lors de la cérémonie d’ouverture qui se déroula dans un stade inachevé, le temps ayant manqué pour ériger le mât incliné à partir duquel devait se déployer le toit rétractable. De plus, lors des élections municipales de 1978, le maire perdit sa confortable majorité à l’Hôtel de Ville, au profit d’un nouveau parti, le Rassemblement des citoyens de Montréal, né des luttes urbaines. En 1986, l’achèvement du stade olympique n’arrêta pas la controverse, vu les défaillances à répétition de la couverture. Ses surnoms témoignent du discrédit qui le frappe : « Big O », « éléphant blanc », « monstre bétonné ».

29 En 2012, le dépôt du rapport du Comité-conseil sur l’avenir du Parc olympique marqua un tournant en recommandant que soit envisagée sa protection dans le cadre de la loi sur le patrimoine culturel. Malgré les conclusions de l’étude patrimoniale, le ministre de la Culture et des Communications ne jugea pas bon de le classer. Cependant, les nombreuses initiatives prises ou soutenues par la RIO – entrevues, expositions,

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colloques, conférences, festivités, visites… – pour marquer les quarante ans des Jeux olympiques de Montréal en 2017 ont contribué à infléchir l’appréciation populaire.

Certes, celle-ci oscille toujours entre haine et amour, rejet et attachement, mais le premier est moins radical et le second s’exprime plus librement. En 2020, la ministre du Tourisme, dont relève le Parc olympique, a annoncé le remplacement de la Régie créée en novembre 1975, dans l’urgence, afin d’achever les installations en vue de la tenue des Jeux en juillet 1976 et de les exploiter ensuite. L’objet de la mission de la nouvelle Société de développement et de mise en valeur du Parc olympique s’étend au patrimoine et à l’héritage des Jeux de 1976.

Conclusion

30 Après consultations et étude détaillée, le projet de loi no 69 modifiant la loi sur le patrimoine culturel a été adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale le 25 mars 2021. La date butoir de 1940 établie pour les inventaires est toujours spécifiée dans le texte, néanmoins sa portée a été limitée par l’introduction d’un amendement par la ministre de la Culture et des Communications Nathalie Roy en commission parlementaire : par règlement, la période de construction pourra être étendue. Certains avaient pesé pour que la borne temporelle soit repoussée à 1975 (une balise reconnue par plusieurs municipalités, telles Montréal et Québec, ou encore par le Conseil du patrimoine religieux du Québec, dont les inventaires incluent le bâti des années 1970).

La limite est principalement motivée par souci d’efficacité : il est urgent d’inventorier à l’échelle du Québec, d’abord, les éléments les plus anciens et les plus fragiles de l’héritage bâti, et nécessaire de procéder par étapes vu l’ampleur de la tâche ; la prolongation sera envisagée dans cinq ans, une fois ce premier portrait établi.

Soulignons que pour sa réalisation, l’aide financière aux municipalités a été grandement abondée par le gouvernement de la Coalition Avenir Québec.

31 L’inscription dans la loi de l’année 1940, début d’une décennie où les manifestations de la modernité étaient encore balbutiantes au Québec, a ébranlé les membres de DOCOMOMO Québec vu son poids symbolique. Elle a poussé sa présidente à réfléchir, à nouveau, à la difficile patrimonialisation de l’architecture novatrice du XXe siècle. Celle- ci ne peut pas être uniquement associée au projet social et émancipateur de la modernité ; lui sont aussi attachées des représentations sombres et amères, notamment liées à la violence de bien des projets urbains, un aspect rarement considéré dans les cercles voués à sa documentation et à sa conservation. Par ailleurs, la mobilisation citoyenne au long cours dont témoigne Milton-Parc et la gestion éclairée du Parc olympique montrent que d’autres voies que celles chapeautées par le ministère de la Culture sont possibles, sinon nécessaires, pour sauvegarder le patrimoine. Cependant, concernant l’héritage récent, l’effort de mise en valeur doit être poursuivi si l’on considère la non-familiarité vis-à-vis d’un bâti plus ou moins en rupture avec la tradition et auquel fait défaut l’ancienneté.

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BIBLIOGRAPHIE

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NOTES

1. VANLAETHEM France, « Le Westmount Square. Les tribulations d’un projet », ARQ : Architecture Québec, no 71, février 1993, p. 12-17, disponible en ligne https://collections.banq.qc.ca/ark:/

52327/2689712 [lien valide en décembre 2021].

2. BRUNELLE Suzel & VANLAETHEM France (dir.), « Comment nommer le patrimoine quand le passé n’est plus ancien ? Document de réflexion sur le patrimoine moderne », Québec, Commission des biens culturels du Québec, 2005, disponible en ligne https://cpcq.gouv.qc.ca/

app/uploads/2020/05/Patrimoine_moderne.pdf [lien valide en décembre 2021].

3. Assemblée nationale du Québec, « Projet de loi no 69 (2021, chapitre 10). Loi modifiant la Loi sur le patrimoine culturel du Québec et d’autres dispositions législatives », Québec, Éditeur officiel du Québec, 2021, disponible en ligne http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/

dynamicSearch/telecharge.php?type=5&file=2021C10F.PDF [lien valide en décembre 2021].

4. Les profondes et rapides transformations que connaît le Québec dans les années 1960 sont qualifiées de « révolution tranquille » étant engagées dans la foulée des élections de 1960 et de 1962 que gagne le Parti libéral ; se référer à DUROCHER René, « Révolution tranquille », L’Encyclopédie canadienne, 30 juillet 2013, disponible en ligne https://

www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/revolution-tranquille [lien valide en décembre 2021].

5. LONDON M., « Un mouvement en progression : la préservation à Montréal », Continuité, (20), 1983, p. 18-20, disponible en ligne https://www.erudit.org/fr/revues/continuite/1983-n20- continuite1050588/18254ac.pdf [lien valide en décembre 2021].

6. Selon le sous-titre de l’ouvrage qui relate la lutte menée par les habitants de Milton-Parc pour sauver leur quartier, HELMAN Claire, The Milton-Park Affair. Canada's Largest Citizen-Developer Confrontation, Montréal, Véhicule Press, 1987.

7. MONNIER Gérard, « La réception de l’architecture du Mouvement moderne », in ANDRIEUX Jean-Yves et CHEVALIER Fabienne (dir.), La Réception de l’architecture du Mouvement

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moderne : image, usage, héritage. Actes de la septième conférence de Docomomo International/

The Reception of Architecture of the Modern Mouvement: Image, Usage, Heritage, Proceedings of the Seven International Conference Docomomo, Saint-Étienne, Publications de l’université de Saint-Étienne, 2005, p. 85.

8. JAUSS Hans Robert, Pour une esthétique de la réception, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des idées », 1978.

9. CAHILL Linda, « The Ghetto… Straight from the Heart », The Gazette, 10 août 1972, p. 25.

10. « Centre ville ? SOS d’un nouveau comité citoyen », La Presse, 13 novembre 1968, p. 3 et 6, disponible en ligne https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/2682116?

docsearchtext=le%20progres%20est-il%20toujours%20souhaitable [lien valide en décembre 2021].

11. « Dans dix ans, Montréal aura sa cité dans la cité », La Presse, 23 juin 1970, p. 46 ; « Les citoyens du quartier Milton-Parc ont maintes fois contesté le projet », ibid.

12. CAHILL Linda, « Milton-Park Protesters Plan Human Wall to Bar Wreckers », The Gazette, 22 mai1972, p. 37 ; Ead., « Development Protesters Dispersed », The Gazette, 2 mai 1972, p. 5;

« Fifty-Nine Arrested in Milton-Park Sit-In », The Gazette, 27 mai 1972, p. 3 ; « Hunger Strike Continue », The Gazette, 12 juin 1972, p. 3.

13. Une succession de firmes d’architecture montréalaise furent engagées dans le cadre de l’opération immobilière Cité Concordia. Amorcé par Mayerovitch et Bernstein en 1962, le projet fut poursuivi par Affleck, Desbarats, Dimakopoulos, Lebensold et Size en 1969. L’opposition des habitants créa un malaise au sein de l’équipe d’Arcop qui conduisit à la dissolution de la firme, Dimitri Dimakopoulos reprenant le dossier à son nom. À la suite du refus de la Ville de Montréal de fermer la rue Prince-Arthur à la circulation pour l’intégrer aux espaces extérieurs du complexe, il se retira du dossier. L’architecte Eva Vecsei qui, au sein de Dimakopoulos et Associés était en charge du plan d’ensemble de Cité Concordia, assura la relève, en collaboration avec Dobush Stewart Longpré Marchand Goudreau Architectes pour la réalisation. MARCOUX Alain, The Life and Works of Dimitri Dimakopoulos Architect (1929-1995), Montréal, Concordia University, 2002, p. 59-64.

14. « Il est impensable qu’on songe au Grand Théâtre et qu’on ignore les taudis », Le Soleil, 20 avril 1967, p. 21.

15. « L’opinion du lecteur », Le Soleil, 1er juin 1967, p. 4.

16. « Démolir des maisons de la Grande-Allée pour construire un édifice gouvernemental de 11 étages : un “Scandale” »,Le Soleil, 21 mai 1968, p. 13. Deux jours plus tard, la Commission des sites et des monuments historiques déclare : « Complexe “H” : il n’y a pas eu de consultation », Le Soleil, 24 mai 1968, p. 17.

17. « La Grande Allée », Le Soleil, 24 mai 1968, p. 4.

18. LARIE Eddie, « La Société historique de Québec proteste à son tour contre la démolition des maisons situées près du Parlement provincial », L’Action, 28 mai 1968, p. 3.

19. GARON Alfred C., « Le projet du complexe “H” sera révisé », Le Soleil, 25 mai 1968, p. 1.

20. CLERRY Bernard, « Québec aura son palais présidentiel », Le Soleil, 2 novembre 1968, p. 17.

21. « L’opinion du lecteur. Le complexe “H”, Grande Allée et le tourisme », Le Soleil, 25 novembre 1968, p. 4.

22. BÉLAIR-CIRINO Marco & NOËL Dave, Les Lieux de pouvoir au Québec, Montréal, Boréal, 2019, p. 11.

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RÉSUMÉS

L’inventaire est un moyen de connaissance et un premier outil de protection du patrimoine. À la suite de la loi modifiant la loi sur le patrimoine culturel et autres dispositions législatives adoptée par l’Assemblée nationale du Québec le 25 mars 2021, les municipalités régionales de comté doivent se doter d’un inventaire des immeubles patrimoniaux situés sur leur territoire, du moins ceux construits avant 1940, l’intégration d’éléments plus récents étant laissée à leur discrétion.

Cette date butoir fixée par la loi déprécie l’héritage bâti de l’architecture novatrice duXXe siècle, dont nombre d’éléments furent érigés dans les années 1960, alors que le Québec était profondément transformé par la Révolution tranquille. Les mouvements sociaux que provoquèrent les opérations de rénovation urbaine et leurs démolitions dès le milieu de la décennie et les ratés de certains grands chantiers mettant en œuvre le béton au début de la suivante n’ont-ils pas marqué la mémoire collective, au point d’entacher durablement la valeur culturelle du bâti de cette époque ? Pour répondre à cette question, nous explorons les représentations suscitées par trois cas, la rénovation du quartier Milton-Parc à Montréal, la modernisation de la Colline parlementaire à Québec et la construction du Parc olympique de Montréal pour les Jeux olympiques d’été de 1976.

The inventory is a means of knowledge and a first tool for heritage protection. Subsequent to the law amending the cultural heritage law and other legislative provisions passed by the National Assembly of Quebec on 25th March 2021, the regional county municipalities have to provide themselves with an inventory of the heritage buildings located on their territory, at least those built before 1940, the integration of more recent elements being left at their discretion. This cut- off time set by the law belittles the built heritage of innovative architecture of the 20th century, whose many elements were constructed in the 1960’s, while Quebec was undergoing major transformations with the “Révolution tranquille”, the Quiet Revolution. Social movements caused by urban renewal operations and their demolitions by the middle of the decade, as well as the failures of some major construction sites implementing concrete at the beginning of the next one, have they not left their imprint on the collective memory to such an extent that they have permanently marred the cultural value of the buildings from this time? To answer this question, we explore the representations emanating from three cases, the renovation of the Milton-Parc neighbourhood in Montreal, the rehabilitation of the Parliament Hill in Qubec City and the construction of the Olympic park of Montreal for the 1976 summer Olympic Games.

INDEX

Mots-clés : rénovation urbaine, Québec, béton, patrimonialisation, législation Keywords : Law, Quebec, urban renewal, concrete, heritagisation

AUTEUR

FRANCE VANLAETHEM

Professeure émérite, École de design, Université du Québec à Montréal (UQAM) vanlaethem.francine@uqam.ca

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