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ET L AIGLE BAISSA LA TÊTE

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Academic year: 2022

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Le sentiment provoqué par l’évocation de la campagne de 1812 est mitigé. Il y a d’abord cette amertume due à l’épouvantable naufrage de la Grande Armée, à ces centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants disparus dans les steppes de Russie, engloutis par la fournaise et la pluie à l’aller, par le froid et la neige au retour.

Il y a aussi cette impression de gâchis, de rêve brisé.

Pourtant, Napoléon connaissait l’exemple tragique de Charles XII de Suède, exemple rappelé par le capitaine Leclerc. Ce dernier, observait, en janvier 1812, que « si l’empereur Napoléon faisait pénétrer son armée dans l’intérieur de la Russie, elle serait anéantie comme celle de Charles XII le fut à Poltava ou forcée à une retraite précipitée. »

Académie de Villefranche et du Beaujolais Séance publique

Samedi 13 octobre 2012 à 16 heures Une conférence de Ronald ZINS

ET L’AIGLE BAISSA LA TÊTE

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1812. Et l’Aigle baissa la tête

ronald Zins

L

e sentiment provoqué par l’évocation de la campagne de 1812 est mitigé. Il y a d’abord cette amertume due à l’épouvantable naufrage de la Grande Armée, à ces centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants disparus dans les steppes de Russie, engloutis par la fournaise et la pluie à l’aller, par le froid et la neige au retour.

Il y a aussi cette impression de gâchis, de rêve brisé.

Pourtant, Napoléon connaissait l’exemple tragique de Charles XII de Suède, exemple rappelé par le capitaine Leclerc. Ce dernier, qui avait réuni une partie de la documentation nécessaire à l’établissement d’une statistique de la Russie, observait, en janvier 1812, que

« si l’empereur Napoléon faisait pénétrer son armée dans l’intérieur de la Russie, elle serait anéantie comme celle de Charles XII le fut à Poltava ou forcée à une retraite précipitée. »

Cet exemple lui fut encore rappelé au début de la campagne. Le 1er juillet, à Vilna, Napoléon se fit amener Balakov, ministre russe de la Police, qui venait demander de la part de son maître l’évacuation des terres occupées et le repli de la Grande Armée derrière le Niémen.

Ayant pris connaissances des nouvelles exigences du Tsar, Napoléon se montra très irrité et il mit sous les yeux du Russe les torts du Tsar qui s’entourait d’étrangers, tous ennemis de lui, Napoléon, qui avait entrepris d’armer contre la France, avait tenté de soulever le duché de Varso- vie : reproches tout à fait fondés, il faut le reconnaître.

Il tenta d’intimider son interlocuteur en indiquant que contre les 200 000 hommes du Tsar, il amenait 550 000 combattants. Il déclara qu’il ne faisait la guerre que parce qu’on l’y avait obligé, mais qu’il n’y tenait pas et était prêt à signer la paix.

Le soir, Napoléon invita Balakov à sa table, avec

conversation, il demanda d’un ton badin quel était le chemin de Moscou. Balakov aurait répondu : « Sire, cette question est faite pour m’embarrasser un peu. Les Russes disent comme les Français, que tout chemin mène à Rome. On prend le chemin de Moscou à volonté ; Charles XII l’avait pris à Poltava. » Le mot était cuisant… et prémonitoire.

Parallèlement à l’amertume, il y a aussi cette fascination devant l’expédition la plus gigantesque menée à cette époque par le génie fait homme, par Napoléon.

La destination de la Grande Armée elle- même envoûte. La Russie est à la fois si proche et si lointaine de nous, empire bicéphale dont une tête est l’Europe et l’autre l’Asie. Elle était et est encore mystérieuse, captivante et inquiétante.

Les origines de la campagne de Russie Dans le cadre de sa politique extérieure, Napoléon poursuivit toujours le même objectif : obtenir une paix durable avec l’Angleterre. Après l’échec de la paix d’Amiens et le renouvellement des coalitions financées par Londres, il pensa que pour atteindre son but une alliance avec Alexandre Ier, tsar de Russie serait le meilleur moyen. La campagne de 1807 prépara le rapprochement qui fut déterminé à Friedland et aboutit à Tilsit.

Napoléon cherchait en vain un allié

séance publique du

13 octobre

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86 continent tandis qu’il se consacrerait à

neutraliser l’Angleterre, qui finançait indéfiniment les coalitions. Il crut le trouver en la personne d’Alexandre.

Le Tsar, consterné par les résultats des combats, ne demandait que la paix. Il fut surpris de trouver en Napoléon un consolateur et d’être traité comme un vainqueur.

Mais, le traité de Tilsit était un traité de dupes. Certes, Napoléon et Alexandre ne pouvaient se départir d’une admiration réciproque, mais trop de choses et d’intérêts les séparaient. Napoléon créait un État polonais afin de surveiller la Prusse et l’Autriche et de placer un allié dans leur dos. Mais ceci ne pouvait que déplaire à Alexandre qui voyait son expansionnisme borné à l’ouest.

Napoléon avait laissé espérer au Tsar des gains territoriaux aux dépens de l’empire ottoman, mais il ne pouvait en réalité y donner suite. Cela aurait été jeter Constantinople dans les bras de l’Angleterre et rouvrir l’Orient à l’influence britannique. Surtout, Napoléon avait des doutes sur la fidélité du Tsar. Autour d’Alexandre, tout restait ennemi de la France.

Le commerce russe regrettait les produits anglais, interdits par le Blocus continental. La société se montrait irréconciliable, menait une guerre dans les salons et intriguait avec toutes les aristocraties d’Europe. Elle pesait sur Alexandre, le menaçait dans son pouvoir et dans sa vie : la disparition tragique de Paul Ier prouvait à quel point le pouvoir du Tsar était fragile.

Deux ans après Tilsit, la campagne de 1809 contre l’Autriche fut fatale à l’alliance franco-russe. Ainsi que Napoléon le lui demandait à Erfurt, en 1808, Alexandre aurait dû adopter un langage sévère envers l’Autriche et il aurait pu par cette attitude arrêter les Autrichiens dans leur démarche belliqueuse. Quand les hostilités eurent éclaté, le Tsar, en remplissant son devoir d’allié et en prenant franchement part à la lutte, aurait pu en modifier le déroulement, réserver ses intérêts et participer aux négociations de paix avec l’autorité des services rendus.

Hélas, sa conduite fut faible et déloyale. Il n’osa refuser son concours à Napoléon, mais ne le lui prêta qu’en apparence, rassura l’Autriche discrètement en faisant mine de la combattre. Il laissa les Polonais paraître seuls aux côtés de Napoléon sur le champ de bataille déserté par les Russes. Quand les soldats de Poniatowski reçurent le prix de leur valeur, une extension du duché de Varsovie, Alexandre se plaignit.

Néanmoins, Napoléon croyait encore à l’utilité d’un accord apparent avec la Russie. Pour reformer le lien qui semblait se dénouer, il demanda au Tsar la main de l’une de ses sœurs et lui offrit des garanties contre le rétablissement de la Pologne.

Mais Alexandre se montra hésitant et exigeant, ce qui fit échouer les négociations. Il ne croyait pas à la possibilité d’un mariage autrichien et en aggrava les conséquences en préjugeant qu’il était un revirement total de la politique napoléonienne. Il y vit une arrière-pensée d’offensive contre la Russie et renonça aux obligations de l’alliance en ne songeant plus qu’à se mettre en posture de défense.

Dès le début de 1810, l’alliance franco-russe n’était plus qu’une illusion. Des deux côtés, on s’observait, on se suspectait. Napoléon et Alexandre s’intitulaient encore alliés et amis, mais en réalité chacun se préparait à un conflit qu’il jugeait dorénavant inévitable.

La cour de Saint-Pétersbourg et la noblesse russe souhaitaient une rupture avec la France, car la participation au Blocus continental se faisait au détriment des intérêts économiques des nobles, fermant le marché anglais à leurs graines et à leurs produits forestiers.

Chaque camp poussait ses pions sur l’échiquier diplomatique. Napoléon autorisait Bernadotte à accepter de devenir prince héritier de Suède. Il pensait ainsi obtenir un fidèle allié dans le Nord, mais c’était méconnaître les sentiments réels de Bernadotte à son égard.

Alexandre devait protéger ses flancs, c’est-à-dire éliminer tout danger au nord et au sud de l’empire russe. Il se rapprocha de la Suède et Bernadotte promit à plusieurs reprises de ne jamais se déclarer contre la Russie. La déclaration de guerre aux Anglais que Napoléon arracha au gouvernement suédois ne fut qu’un simulacre et provoqua un courant d’opinion nettement antifrançais.

Au moment où la Russie et l’Angleterre se rapprochaient Alexandre pouvait croire que les Suédois ne bougeraient pas.Sur l’autre flanc russe, la situation était plus compliquée.

La guerre continuait avec les Turcs, une guerre molle, qui repassait alternativement d’une rive du Danube à l’autre. L’empire ottoman, épuisé d’hommes et d’argent, partiellement disloqué par l’insubordination des pachas provinciaux et leurs velléités d’indépendance, paraissait hors d’état d’exécuter une réelle diversion. Il continuait néanmoins à occuper une partie des forces russes et Alexandre désirait se débarrasser de cet ennemi peu dangereux, mais incommode.

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Depuis 1808, les négociations furent plusieurs fois entamées, rompues et reprises. Elles se poursuivaient officiellement en Moldavie et secrètement à Constantinople où Pozzo di Borgo s’efforçait d’intéresser la diplomatie anglaise à la cause russe.

Dans l’hiver 1811, Alexandre songea à franchir le Niémen, à envahir le duché de Varsovie et à en faire une Pologne russe, à soulever la Prusse et à corrompre l’Autriche. Mais, comme souvent velléitaire, il s’arrêta avant de passer à l’acte. Les Polonais refusaient de le suivre et demeuraient fidèles à Napoléon. Le Tsar envisagea donc une guerre où il aurait à combattre dans son pays.

Napoléon constata l’impossibilité de s’entendre plus longtemps avec la Russie et, à l’été 1811, il se résolut à la guerre, la fixa à l’année suivante. Certes, il fallait du temps pour mettre sur pied la Grande Armée, mais c’était laisser à Alexandre le temps de se préparer à recevoir le choc et c’était lui laisser le temps de sécuriser ses flancs, ce qu’il fit en signant avec la Porte ottomane le traité du Bucarest et avec la Suède celui de Saint-Pétersbourg.

La marche victorieuse vers Moscou

Dans la nuit du 23 au 24 juin 1812, la Grande Armée franchit le Niémen en plusieurs points. Sur 470 000 hommes qui sont engagés dans un premier temps, moins de la moitié sont Français. Les Autrichiens de Schwarzenberg et les Saxons de Reynier sont sur le flanc droit. À gauche, Prussiens, sous Macdonald, et Bavarois du 6e corps, sous Gouvion Saint-Cyr, côtoient les Français, Suisses, Hollandais et Portugais du 2e corps d’Oudinot.

Napoléon mène le centre qui, outre la garde impériale, compte les 1er, 3e et 4e corps, composés essentiellement de Français, même si on trouve des Wurtembergeois au 3e corps et des Italiens au 4e. En revanche, le 5e corps est tout polonais et le 8e westphalien. À la réserve de cavalerie, le 4e corps est entièrement formé de Polonais et d’Allemands.

Face à Napoléon, deux armées russes sont commandées respectivement par Barclay de Tolly et par Bagration.

Napoléon veut obtenir un succès décisif dès les premiers jours, mais les Russes refusent le combat et se replient vers l’est, l’obligeant à pénétrer toujours plus profondément en Russie. Les premières opérations se résument en trois points :

1) La manœuvre de Vilna (24 juin - 8 juillet 1812), qui aurait pu se conclure par la destruction de l’armée de Bagration, échoue, car Jérôme Bonaparte poursuit mollement le prince géorgien.

2) La manœuvre de Vitebsk (9 juillet - 27 juillet 1812), voit Napoléon se retourner contre Barclay de Tolly. Mais ce dernier laisse son 1er corps, celui de Wittgenstein,

tandis qu’il se dérobe avec le reste de ses forces vers Vitebsk.

Napoléon fait suivre Wittgenstein par Oudinot et tente de précéder Barclay à Vitebsk pour le contraindre à livrer bataille. Mais le IIe corps russe d’Ostermann livre un combat d’arrière- garde à Ostrowno et permet à Barclay de Tolly de gagner les vingt-quatre heures nécessaires pour se défiler. Le 27 juillet, la Grande Armée s’empare de Vitebsk livrée aux flammes.

Le 23 juillet, Davout, qui tentait de réparer les fausses manœuvres de Jérôme, est parvenu, au prix d’une marche forcée des divisions Compans et Dessaix, à intercepter Bagration à Mohilew. Toutefois, s’il a repoussé la jonction des deux armées russes, le maréchal n’a pu détruire Bagration et n’a pu le poursuivre.

3) L’attente stratégique à Vitebsk (28 juillet - 10 août 1812). En cinq semaines, la Grande Armée a progressé de presque 500 kilomètres en territoire ennemi, mais sans obtenir aucun succès significatif.

En revanche, ses ailes, encore bien en arrière, ont toutes deux subi des revers.

Oudinot a été stoppé à Jakoubowo et a dû se réfugier à Polotsk, tandis que les Saxons de Reynier ont été « punis » par les Russes à Kobrin, en partie à cause du manque de soutien autrichien. Ces derniers empêchent toutefois les Russes d’accabler les Saxons, mais doivent désormais tenir compte de l’arrivée annoncée de l’armée russe du Danube.

Plus grave, ce constat se complique par les pertes considérables dues essentiellement à la faillite généralisée de la logistique. Les contingents alliés, qui ne sont pas habitués à vivre sur le terrain, y meurent en attendant des distributions de vivres qui ne viennent pas.Environ 150 000 hommes et 10 000 chevaux manquent déjà à l’appel.

L’ennemi a des pertes moindres et il lui manque 30 000 hommes.

A Vitebsk, Napoléon active ses réserves. Le 6e corps (bavarois) de Gouvion Saint-Cyr va renforcer Oudinot à Polotsk, tandis que le 9e corps de Victor

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88 L’Empereur ne peut s’arrêter sans avoir

obtenu un succès majeur et il espère que les Russes livreront enfin la bataille qui, pense-t-il, leur sera fatale, pour défendre Smolensk la Sainte, dont la perte serait un déshonneur pour eux. Il continue donc sa marche et opère une nouvelle manœuvre qui s’étend du 11 au 20 août 1812 : c’est la manœuvre de Smolensk. Il parvient, malgré les Cosaques, à garder secrète la marche de flanc de toute son armée et franchit le Dniepr pour attaquer Smolensk par le Sud. Le 17 août, il s’en empare au prix de lourdes pertes, 7 668 hommes, mais Barclay de Tolly et Bagration ont pu une nouvelle fois s’échapper vers l’Est, ayant perdu 6 000 soldats.

C’est seulement le 19 août, que le 3e corps du maréchal Ney, bien éprouvé l’avant-veille, est envoyé « à la découverte », et presque sans cavalerie, vers l’est, que Davout franchit le Dniepr et que Grouchy et Montbrun s’avancent sur la route de Saint-Pétersbourg. C’est donc par hasard, que le 3e corps de Ney rencontre, à peine à huit kilomètres de la ville, à Gedeonowo, une arrière-garde de l’armée russe. Il livre, avec Davout et Eugène de Beauharnais, la bataille de Valoutina-Gora, mais ne peut empêcher les Russes de s’échapper.

Le bilan des premières manœuvres est lourd. Le 23 août 1812, les feuilles d’appel de la Grande Armée indiquent pour les forces réunies sous l’Empereur en personne 162 811 présents sous les armes, là où les mêmes unités présentaient encore 192 988 hommes le 4 août et 267 809 hommes le 25 juin.

Après avoir donné quelques jours de repos aux troupes, Napoléon reprend sa marche vers l’est. Au début du mois de septembre, il se heurte à un nouvel adversaire : Koutouzov a remplacé Barclay de Tolly à la tête des armées russes et a décidé de livrer bataille à Borodino pour protéger Moscou.

Le 5 septembre, la division Compans s’empare de la redoute de Schevardino près de laquelle Napoléon installe son quartier général. Le lendemain, chaque camp prend ses dispositions pour la bataille qui est maintenant inéluctable.

Le choc a lieu le 7 septembre. Vers six heures du matin, les batteries françaises ouvrent le feu.

A l’aile gauche française, Eugène de Beauharnais s’empare du village de Borodino. Au centre, Ney et Davout attaquent la grande redoute et les trois flèches, positions fortifiées où les Russes se font tuer plutôt que de reculer.

Leur holocauste s’achève vers dix-huit heures. Ils ont perdu 45 000 hommes, dont 18 généraux. De plus, 5 000 hommes se débandent à la faveur de la nuit et 10 000 blessés de la bataille sont encore pris à Mojaïsk le 11 septembre. Le total relatif à la bataille s’élève à 60 000 hommes sur 132 000 engagés.

Il y a peu de prisonniers et la plupart sont blessés. La Grande Armée n’a pas pris un seul drapeau, et seulement 20 à 30 canons trouvés démontés dans les ouvrages. Elle a perdu 28 000 hommes, dont 52 généraux, sur 128 000 présents.

Le sacrifice est immense, mais il n’y a dorénavant plus aucun obstacle sur le chemin de l’antique capitale russe.

Le 14 septembre 1812, les premiers éléments de la Grande Armée pénètrent dans Moscou. Napoléon s’y installe le lendemain, mais les Russes incendient la ville qui est majoritairement détruite.

L’Empereur y reste plus d’un mois, attendant vainement une réponse d’Alexandre à ses offres de paix. Le 19 octobre, enfin, il se résout à quitter Moscou et à marcher vers le Niémen.

L’héroïque retraite de Russie

Afin d’éviter les terres dévastées à l’aller, il choisit la route du sud et se dirige vers Kalouga. Mais, la Grande Armée voit son chemin barré par les Russes et, malgré le succès de Malojaroslavets, le 24 octobre, il faut reprendre la route de Smolensk. Sur les 104 000 hommes qui ont quitté Moscou, il en reste 96 000. A Viasma, début novembre, ils ne sont plus que 70 000 survivants. Ce n’est pas encore l’action du froid, mais celles de la faim et des privations. Les chutes de neige des 3, 4, 5 et 6 novembre font disparaître routes et chemins, et compliquent l’avancée des chevaux et des voitures. La Grande Armée chemine avec peine, poursuivie par Koutouzov et harcelée par les Cosaques.

Le 9 novembre, Napoléon parvient à Smolensk et le 17 il force le défilé de Krasny au prix de lourdes pertes. De plus, Ney, qui fait l’arrière-garde, est coupé de la Grande Armée. Il démontre alors toute la force de son caractère et, ne pouvant franchir le défilé de Krasny, il parvient à échapper aux Russes par une marche de nuit, franchit le Dniepr gelé et parvient à rejoindre la Grande Armée à Orcha, provoquant l’admiration de tous.

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Le mensonge de la Bérézina

Napoléon désirait rejoindre Minsk, mais la ville a été prise par les Russes et, de plus, le pont de Borisov a été détruit par l’ennemi. La situation est dramatique, presque désespérée. Il faut donc chercher un gué pour franchir la Bérézina. Le maréchal Oudinot a trouvé ce gué et a repris Borisov aux Russes. Grâce à lui, Napoléon peut entreprendre le passage de la rivière devant le hameau de Studianka. Des diversions sont faites au sud de Borisov pour détourner l’attention des Russes et le passage s’effectue du 26 au 29 novembre, tandis que les attaques russes sont repoussées sur les deux rives de la rivière.

Le nom de Bérézina est, dans le langage populaire, synonyme de désastre, ce qui est une erreur car les Russes voulaient empêcher le franchissement de la rivière et n’y sont pas parvenus. Ils ont été repoussés par la Grande Armée qui leur a échappé. La Bérézina est bien une victoire de Napoléon, qui n’a pas été battu une fois en Russie lors de batailles en ligne.

La fin de la campagne

Les souffrances de la Grande Armée ne sont pas finies. Elle poursuit son chemin vers l’Ouest en endurant un froid intense et accablée par l’ennemi.

Le 8 décembre, les premiers éléments de la Grande Armée arrivent à Vilnius. Mais la ville se transforme en un immense mouroir. Des milliers d’hommes meurent de leurs blessures, d’épuisement et du typhus.

Le 10 décembre, le maréchal Ney quitte la

ville le dernier, abandonnant 5 000 malades et blessés et 10 000 traînards. Quatre jours plus tard, le 14 décembre, n’ayant plus que 500 hommes à l’arrière-garde, il traverse le Niémen, la campagne de Russie est terminée. Les pertes sont énormes : 200 000 morts, 150 000 prisonniers et 50 000 déserteurs. Pour leur part les Russes ont perdu environ 300 000 hommes.

Le bilan

La campagne de Russie sonne le glas de la puissance napoléonienne. Pourtant aucune entreprise militaire de Napoléon n’avait été aussi bien et aussi longuement préparée. Il est bien facile, a posteriori, de le critiquer.

Mais resituée dans son contexte, cette campagne était inévitable pour plusieurs raisons. Napoléon était prisonnier du Blocus continental, système qu’il avait instauré en 1806 contre l’Angleterre, or ce blocus contrariait les intérêts russes. Par ailleurs, il ne pouvait attendre à Paris que le

printemps 1811. Il fallait donc agir, mais l’intendance ne put pallier la dévastation de la Russie par les Russes eux-mêmes et la Grande Armée se trouva affamée dès les premières semaines du conflit.

Le ventre vide, le soldat ne peut résister longtemps aux marches, au climat extrême, aux combats et aux maladies.

Là se situe l’explication essentielle de la défaite.

Si la campagne de Russie fut un tournant dans l’histoire de la France, ce fut également un tournant dans l’histoire européenne.

En effet, la conséquence de la défaite française fut, dès 1813, l’éclatement de l’unité européenne. Même si cette dernière fut souvent imposée par la force, ce fut un rendez-vous manqué des États européens au XIXe siècle.

La bataille de la Moskowa, au centre Napoléon sur son cheval blanc,

détail du Panorama de Borodino, Musée-panorama de Borodino, Moscou, cliché R. Zins.

Vasily Vereshchagin, La retraite de Russie (détail),

Musée de la guerre de 1812 Moscou, Cliché R Zins.

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Bulletin de l’Académie de Villefranche et du Beaujolais 90 Publication 2013 - Travaux de l’année 2012

January Suchodolski, La grande armée passe la Bérézina, 1866.

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