R EVUE DE STATISTIQUE APPLIQUÉE
F. B ASTENAIRE
Étude théorique du mode de génération des distributions granulométriques
Revue de statistique appliquée, tome 11, n
o1 (1963), p. 61-75
<
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61
ETUDE THÉORIQUE DU MODE DE GÉNÉRATION
DES DISTRIBUTIONS GRANULOMÉTRIQUES (*)
F. BASTENAIRE Ingénieur
au ServiceStatistique
Institutde Recherches de la Sidérurgie
AVANT- PROPOS
L’idée d’utiliser les
concepts
de laStatistique
pourreprésenter
la va- riété des dimensions des morceaux d’unproduit
n’est pas nouvellemais,
à l’heureprésente,
labibliographie
estbeaucoup plus
riche en étudesempi- riques
de la validité de telle ou telle fonction de distributionqu’en
étudesthéoriques expliquant
oujustifiant
les résultats énoncés. Certains auteurs ,toutefois,
se sont efforcés dereprésenter
le bris d’unproduit
par un modèlemathématique
et ont cherché àjustifier
certaines formes de distribution. o Au-béry [1],
parexemple,
asuggéré
la distributionlog-normale
sur la basedes
hypothèses classiques qui
conduisent à cette loi.Epstein [2],
en1947,
a cherché à en donner une démonstration
rigoureuse
en utilisant un modèleapproprié
de ladégradation
d’unproduit
en morceaux.Cependant,
dans les travaux de ce genre que nousconnaissons,
la dis- tinction entre la distributiongranulométrique
tellequ’elle
est définie et em-ployée
dans l’industrie et la distributionstatistique
des dimensions des mor- ceaux n’ajamais
étéposée
avec netteté alors que cette distinction est, à notreavis,
essentielle.Les mémoires
d’Epstein,
parexemple, [2] [3]
sont assez obscurs à cesujet.
o Enfait,
les raisonnementsd’Epstein
sontjustes lorsqu’on les
inter-prête
comme serapportant
à ladégradation globale
de lapopulation
mais ilsne
s’appliquent,
ni à l’étude de ladégradation
dechaque
morceau, ni à celle de la relation entre ce dernierphénomène
et ladégradation
de lapopulation.
oNous allons
précisément
montrer, dans cetravail, qu’il
existe un moyen de décrire ladégradation
d’un morceau et d’en déduire celle de lapopula-
tion.
A
chaque système d’hypothèses
relatives au processus dedégradation
d’un morceau
correspond
alors une distributiongranulométrique
finale déter- minée de lapopulation.
(*) Mémoire présenté à la réunion commune de ’Institute of Mathematical
Statistics",
"The Institute of Management Science" et "EconometricSociety"
à Dublin (Irlande) en Sep-tembre 1962.
Revue de Statistique Appliquée. 1963 - Vol. XI - N’ 1
62 I - INTRODUCTION
Malgré
leuranalogie,
lesconcepts
de distributionstatistique
et de dis-tribution
granulométrique
ne doivent pas être confondus. oCependant, malgré
la différence entre ces deux
concepts,
on a souvent constaté que les fonc- tionsmathématiques
utilisées pourreprésenter
des distributionsstatistiques
conviennent aussi pour
représenter
des distributiongranulométriques.
Nous allons donner une
explication
de ce faitd’expérience
en montrantque l’on
peut
définir une variable aléatoire dont la distributionstatistique
estidentique
à la distributiongranulométrique
d’unproduit
donné.Les raisonnements que nous aurons à faire étant assez
délicats,
il est nécessaire que nous commencions en donnant des définitionsrigoureuses
destermes que nous aurons à
employer
dans la suite.II - DONNEES DU PROBLEME ET DEFINITIONS
Nous supposerons que la
quantité
de matière étudiée est illimitée afin depouvoir
raisonner sur despopulations
infinies. oOn
peut
aussi bien supposer que cette matière est initialementcompacte
ou divisée. Elle est ensuite
soumise,
soit à une séried’opérations,
soit,plus généralement,
à un processusqui
a pour effet de la réduire par des di- visions sucessives en des morceaux de dimensions variables.II. a - Définition de la
population
considéréeLorsque
le processus de division de la matière estachevé,
celle-ci seprésente
en morceaux de formes et de dimensions bien déterminées.Chaque
morceau sera considéré comme un individu et la totalité de la matière dis-
ponible, supposée illimitée,
comme lapopulation.
II. b - Caractères des individus
Certaines
caractéristiques
des morceaux sont définies sansambiguité :
leurs
poids
et leursvolumes,
parexemple.
Il est
plus
difficile de donner une définitionprécise
de la dimension d’unmorceau. Plusieurs
définitions, d’ailleurs,
sontpossibles.
Dans la
pratique industrielle,
on déterminetoujours
la distribution gra-nulométrique
d’unproduit
en le faisant passer sur despassoires (tôles
per- cées de trousronds)
ou des tamis(formés
de fils laissant entre eux des vides de formecarrée).
Si l’onprend garde
de ne pas ledétériorer,
unmorceau donné ou bien passe, d’une certaine
façon,
dans un trou de diamètre donné ou bienn’y
passe d’aucunefaçon.
S’il y passe, il passe aussi dansn’importe quel
trou de diamètreplus grand
et, s’iln’y
passe pas, il nepasse dans aucun trou
plus petit.
Il existe donc un trou de diamètre mini-mum au travers
duquel
un morceau donnépeut
passer. Ce diamètre est uncaractère
quantitatif
bien défini pour tout morceau.Ce caractère, bien
qu’il
ne soit pas aisément mesurable surchaque
morceau, est souvent
l’objet
d’une étude car il estfacile,
avec unepassoire,
de
séparer
les morceaux dont le diamètre ci-dessus défini estsupérieur
àune valeur donnée de ceux dont le diamètre est inférieur à cette valeur. o
Le raisonnement que nous avons fait pour des trous ronds
s’applique
Revue de Statistique Appliquée. 1963 - Vol. XI - N’ 1
63
sans
changement
à des trous carrés ets’appliquerait
aussi à des trous deforme
plus complexe (polygonale, elliptique
d’excentricité donnée,rectangu- laire, etc.).
oLes morceaux d’un
produit
divisépossédent
donc de nombreux carac- tères dont il estpossible
de donner des définitionsprécises
et, dupoint
devue du
statisticien,
letirage
d’un morceau au hasard dans unepopulation
demorceaux définit une variable aléatoire à
plusieurs dimensions
dont onpeut très
bien ne considérer d’ailleurs que certaines distributionmarginales.
II. c - Distributions de
fréquences
et distributionsgranulométriques
Nous allons
définir,
enlangage statistique,
cequ’il
faut entendre par"distribution granulométrique".
1 er Cas - La
population
de morceaux est finieConsidérons d’abord une
population
finie de n morceaux et un caractèreX de ces morceaux. On sait que la variable aléatoire X
peut
être entière- ment caractérisée par sa fonction derépartition.
Endésignant
park(x)
lenombre des morceaux de la
population
dont le caractère X est inférieur ouégal
à x, cette fonction derépartition
est définie par :Voyons
maintenant comment est définie la distributiongranulométrique
de X.
En
pratique, lorsque
X est la grosseur, parexemple,
les morceauxpour
lesquels
X > x sontséparés
des morceaux pourlesquels
X x et, aulieu de compter les morceaux, on
pèse
chacune des deux fractions ainsi sé-parées.
La fractiongranulométrique
enpoids
est définie par lerapport
dupoids
de la fraction constituée par les morceaux tels queX
x aupoids
detous les morceaux. o
Du
point
de vuestatistique, chaque
morceau est un individuqui pré-
sente deux caractères : X et son
poids
P. Endésignant
par xi et p i les va- leurs de X et de P serapportant
aux différents individus de lapopulation,
la fraction
granulométrique
enpoids
des individus tels queX
x est donnéepar :
On voit que la notion de fraction
granulométrique
est aisémentgénéra-
lisable
puisque,
une variable aléatoire à deux dimensionsU, V,
étantdonnée ,
on
peut
définir larépartition granulométrique
de U parrapport
à V(on peut
dire,plus
brièvement,’’la répartition
de U parrapport
àV")
par la fonction suivante de u :En
pratique, évidemment,
aucunerépartition granulométrique
n’est aus-si commode à déterminer
expérimentalement
que celle enpoids. (La répar-
Revue de Statistique Appliquée. 1963 - Vol. XI - N’ 1
64
tition en volume serait toutefois facile à déterminer en
immergeant
ensembleles morceaux
représentant chaque
fractiongranulométrique
dans unliquide
convenable et en mesurant le volume de
liquide déplacé).
Remarque 1 :
Considérons
l’unequel conque
des valeurs ui et soit si le nombre des mor-ceaux de ta
population
pourlesquels U =
ui. En ui,la fonction
derépartition
deU croît
de si.
Pour que larépartition
de U parrapport à
V soitidentique à la
n
fonction
derépartition de U, il faut
que :croisse de la même
quantité
enu i,
Ilfaut
donc que :En
particulier,
si si =1,
c’est-à-dire siu i est
une valeurisolée,
il tfaut
que :
A insi i donc, les valeurs de V
correspondant
à des valeurs de U isolées doi- vent être touteségales
entre elles. Si toutes les valeurs de U sontisolées,
ilfaut que V
soi t une variable aléatoire certaine pour que larépartition
de U parrapport à
V soit identique à larépartition
deprobabilité de U.
Si toutes les valeurs de U ne sont pasisolées,
les valeurs de V restenttoutefois
soumisesà
la condition
(3).
Remarque
2 :La
répartition
de U par rapport à elle-même existe et estdéfinie
par :2ème cas - La
population
est infinieSupposons qu’un
échantillon d’effectif m ait été tiré au hasard dans unepopulation
infinie et soitk(x)
le nombre des individus de cet échantillon dont le caractère X est inférieur ouégal
à x. On sait que lafréquence
relativek(x) m
est une estimation de Pr(X x)
c’est-à-dire de la valeurF(x)
de lafonction de
répartition
de X en x a On a d’ailleurs :De
plus, k(x) m
converge en
probabilité
et en moyennequadratique
versF(x) lorsque
m tend vers l’infini.Revue de Statistique Appliquée. 1963 - Vol. XI - N’ 1
65
Parallèlement aux notions de
fréquence
et deprobabilité,
il faut que soient définies les notions de fractiongranulométrique
dans un échantillon et dans lapopulation.
Dans unéchantillon,
cette fractiongranulométrique
doitêtre définie comme dans une
population
finie par :(en supposant qu’il s’agisse
de la fraction enpoids).
Dans lapopulation,
ilest
légitime,
paranalogie
avec cequi
a lieu pour les notions defréquence
et de
probabilité,
de la définir par la valeurlimite,
si elle existe, depi 03A3 pi lorsque
l’effectif m de l’échantillon tiré dans lapopulation
tend versl’infini.
Nous ne nous engagerons pas ici dans une recherche
approfondie
desconditions d’existence de cette limite et nous nous contenterons d’en men-
tionner une condition suffisante.
Soit
Gm(x)
la fractiongranulométrique
dans un échantillon d’effectif m.On a
évidemment :
Supposons
alors que le moment du second ordre de la variable aléatoire P existe. Dans cecas, m
Dp i
tend en moyennequadratique (donc,
en pro-babilité)
vers E[P] lorsque
m~~.D’autre
part, 1 m p.
est la moyenne de m variables aléatoireségales
à P si X x et à 0 si X 4 x. Comme les variables ainsi définies
possédent
aussi un moment d’ordredeux(xo~op2 f (x,p)
dxdp
la moyenne de cesm variable converge, en moyenne
quadratique
et enprobabilité,
versl’espé-
rance
mathématique
de chacune d’ellequi
est :f
(x, p) désignant
la densité deprobabilité
ducouple X,
P.Gm(x)
étant lerapport
de deuxquantités qui convergent
enprobabilité,
G;(x)
converge lui-même enprobabilité
vers :En
effet,
on sait que toute fonction R de variables x, y, ..., zqui convergent
enprobabilité
vers des limites x., y., ..., Zorespectivement
Revue de Statistique Appliquée. 1963 - Vol. XI - N’ 1
66
converge
elle-même,
si elle est continue en xo, yo,..., zo, vers R(xo,
yo,...,zo).
(H.
Cramer en a donné la démonstration pour toute fonction rationnelle dans(4) chapitre
20 p.254,
mais onpeut
facilementgénéraliser
la démonstration à toute fonctioncontinue).
Remarque
3 :La variable aléatoire P étant
supposée positive,
on peut noter que,d’après
la
définition
même deGmp(x) :
Il
résulte
de cette doubleinégalité
quel’espérance mathématique de
la va-riable
aléatoire G’(x)
existe et nous allons chercher s i E[Gmp(x)] possède
unelimite
lorsque
m~~.Puisque Gmp(x)
converge enprobabilité
vers03A6p(x),
il t existe un nombreM tel que pour m M on a i t :G"’(x)
ne peut donc être extérieur àl’intervalle 03A6p(x) -
&,03A6p(x)
+ 03B5qu’avec la
probabilité
T1 auplus.
CommeG;(x)
ne peut, d’autre part, êtreinférieur
àzéro,
il t est
facile
de minorerl’intégrale
quidéfinit
E[Gmp(x)]
et on trouve :De même, comme
G’(x)
ne peu t êtresupé r i eur
à1,
on peu tmajorer
cette mêmeintégrale
et il vient :Il
suffit
alors deposer 03B5 = ~ = 03B6 2
pour t irer de (10) et (11) la doubleinégalité :
Ainsi donc E
[Gmp(x)]
tend,lorsque m
tend versl’infini,
vers03A6p(x).
En
résumé,
la variable aléatoireGmp(x),
fractiongranulométrique
dansun échantillon de m morceaux tirés au hasard dans une
population
de mor-ceaux, tend en
probabilité
vers une limite03A6p(x)
dont nous avons donné l’ex-pression
et E[Gmp(x) ]
tend aussivers 03A6p(x) lorsque
m~~.Il est donc
légitime
deregarder 03A6p(x)
comme la fractiongranulomé- trique
relative à lapopulation.
Remarque 4 :
On peut démontrer que, pour que la distribution
granulométrique
de X par rapportà P, caractérisée par 03A6p(x),
soitidentique
à la distribution deproba-
bilité deX, il faut
et ilsuffit
quel’espérance mathématique
conditionnelle deP par
rapportà X
soit constante, cequ’on
peutécrire :
Revue de Statistique Appliquée. 1963 - Vol. XI - N’ 1
67
La constante devant évidemment être
égale
à E[P]. On peut
noter que la condi tion é noncée dans la remarque(1)
pou r lespopulations finies possède
exactement la mêmesignification.
III - DEFINITION D’UNE VARIABLE ALEATOIRE DE DISTRIBUTION DE PROBABILITE
IDENTIQUE
A LA DISTRIBUTIONGRANULOMETRIQUE Supposons qu’on prélève
un échantillon par unprocédé quelconque (donc ,
pas nécessairement au
hasard)
dans unepopulation
finie ou infinie de mor- ceaux d’unproduit.
Soient xi, vs les valeurs de deux caractères X et V des morceaux de l’échantillon
(taille
et volume parexemple),
i servant àdésigner
les mor-ceaux et variant de 1
à 1 .
Choisissons au hasard un
point
R dans la totalité de la matière consti- tuant l’échantillon avec uneprobabilité
uniformémentrépartie
en volume etsoient X et V la taille et le volume du morceau contenant le
point
R.La
probabilité
pourqu’un
morceaudonné,
de volume vi, contienne lepoint
R est, parhypothèse vi 03A3 vi
et laprobabilité
pour que lepoint
R appar- tienne à l’unquelconque
des morceaux dont la taille X est inférieure ouégale
à x est,
d’après
l’axiome desprobabilités totales, vi
S
v,Cette
probabilité
est doncégale, quel
que soit x, à la fraction granu-lométrique
envolume,
dansl’échantillon,
des morceaux detaille inférieureou
égale
à x. En d’autres termes, la fonction derépartition
du caractère X du morceau contenant lepoint
R estidentique
à larépartition granulométrique
de X par
rapport
au volume.Remarque 5 :
Le lecteur
vérifiera
aisément que,pour obtenir
une variable aléatoire dontla
fonction
derépartition
serai t larépartition granulométrie
enpoids
de cette mêmevariable,
ilsuffirait
que le po i n t Rfût
choisi au hasard dans le volume mais avec une densité deprobabilité proportionnelle
à la densitéphysique
ponc- tuelle du matériau.Il faut noter toutefois que le fait
qu’on
ait défini une variable aléatoire de fonction derépartition identique
à larépartition granulométrique n’explique
nullement la forme de cette dernière car la distribution de
probabilité
enquestion
est en fait construite àpartir
de larépartition granulométrique
don-née.
Pour vraiment
expliquer
la forme d’une distributiongranulométrique,
il faut montrer comment cette forme résulte du processus
qui
donne à cettedistribution
granulométrique
sonexistence,
c’est-à-dire du processus de bris ou,plus généralement,
de division.Or,
la variable aléatoire de fonction derépartition
F(x)= vi 03A3 vi
a été définiequ’une
fois ce processus achevé.Cette remarque va nous amener à rechercher la loi de
probabilité à priori du
caractère X du morceauqui,
le processus de divisionachevé,
con-Revue de Statistique Appliquée. 1963 - Vol. XI - N’ 1
68
tient un
point
R choisi dans le matérieau antérieurement à ce processus c’est- à-dire avantl’épreuve
dedivision.
Considérons donc la matière dans l’un de ses états de division anté- rieurs à l’état final et soit M un morceau choisi au hasard dans la matière
lorsqu’elle
est en cet état.Choisissons encore un
point
R au hasard dans M avec uneprobabilité
uniformément
répartie
en volume et considérons maintenant la matière dansson état final : le morceau M est alors divisé en 1 morceaux de tailles x
et de volumes vi tandis que le
point
R se trouve dans un certain morceau detaille X et de volume V. a
Appelons
alors E l’événementqui
consiste dans le choix du morceau M et dans le fait que M s’estfragmenté
en les 1 morceauxxi, vi. Conditionnellement à
E,
laprobabilité
que X soit inférieur ouégal
àx est
donnée,
commeprécédemment, par vi(*) 03A3 vi
. On
peut
donc écrire :L’équation (13) permet
de calculer laprobabilité
àpriori
que X xcar la
probabilité
àpriori
d’un événementquelconque
estégale
àl’espérance mathématique
de saprobabilité conditionnelle(**).
En
prenant
lesespérances mathématiques
des deux membres de(13),
il vient ainsi :
(*) Nous supposons que la division de M se fait sans aucun changement de volume de ses
parties. Tout fragment occupe, après la division, un volume égal à celui qu’il occu- pait avant.
(**) Soit en effet Z une variable aléatoire égale à 1 si X x et égale à 0 si X > x. D’après
la définition même de l’espéranc’e mathématique E [Z] = Pr (X x). o De même,
E
[Z/E] -
Pr (Xx/E).
De l’égalité :valable pour toute variable aléatoire, on tire :
Remarque : On peut aussi parvenir à ce résultat de la façon suivante. o Soit A un événe- ment
quelconque
etBi
des évenements disjoints et telsque
Bi est un évenement cer-tain. o D’après l’axiome des probabilités composées :
L’événement A étant la réunion de tous les événements A Bi, l’application de l’axione
des probabilités totales donne :
et on voit que le second membre n’est autre que E [Pr
(A/Bi)]
Revue de Statistique Appliquée. 1963 - Vol. XI - N’ 1
69
En
fait, l’équation (14)
est encoreapplicable si,
au lieu de choisir unseul morceau M et un
point
R au hasard dans ce morceau, on choisit k mor- ceaux dansla
matière dans un étatprécédant
l’état final et lepoint
R au ha-sard dans
le
volume total de ces k morceaux. Ilsuffit,
dans la démonstra-tion
précédente,
dedésigner
par E l’événement consistant dans le choix deces k morceaux.
Soit alors
A j (x)
la somme des volumes des morceaux de taille infé- rieure à xprovenant
de la divisiondu j ème
des k morceauxprélevés
à l’étatinitial :
et
Bj
la somme des volumes de tous les morceauxprovenant
de la division de ce même morceau :D’après l’équation (14),
on a :A.(x)
etB.
sont évidemment des variables aléatoires et onpeut
mon-trer,
comme nous l’avons fait auparagraphe
U.c. o pour lerapport pi 03A3pi que
Aj(x) Bj
conv erge enprobabilité
vers une limiteégale
àE [Aj(x)] E[Bj] lorsque
k tend vers
l’infini,
ensupposant
queAj(x)
etBj possèdent
des moments dusecond ordre.
Or,
il convient de remarquerque
est la fractiongranulomé- trique
en volume des morceaux tels queX
x dans le lot de matière obtenu par division des k morceauxpris
au hasard dans la matière à un stade an-térieur.
La limite vers
laquelle tend Aj(x) Bj lorsque
k tend vers l’infini est la fractiongranulométrique
desmorceaux
tels que X x dans lapopulation
Revue de Statistique Appliquée. 1963 - Vol. XI - N’ 1
70
obtenue par division d’un nombre infini de morceaux considérés au stade an-
térieur. C’est donc la fraction
granulométrique
dans lapopulation
considéréeau stade final. o
Nous avons
donné,
auparagraphe II, l’expression
de cette fraction gra-nulométrique
enpoids
mais tous nos raisonnements sontintégralement
trans-posables
à la fractiongranulométrique
en volume que nousappelerons 03A6v(x).
oCelle-ci est donnée par une
équation analogue
à(7) :
g
(x, v) désignant
la densité ducouple
de variables aléatoiresX,
V pour unmorceau choisi au hasard dans la
population
finale.On a donc :
D’autre
part,
la démonstration de laRemarque
3 duparagraphe
II. c .E A j (x)
est
applicable
sanschangement
à Bj.
Cette
quantité
étant nécessairementcomprise
entre 0 et 1 et conver-geant
enprobabilité
versE[Aj(x)] E[Bj] lorsque
k ~~, sonespérance
mathé-matique
tend aussi vers une limiteégale
àE -
, On a donc :En
rapprochant
leséquations (17)
et20),
il vient alors :équation
dont lasignification
est la suivante :En
choisissant k morceaux auhasard dans la matière à un stade intermédiaire
quelconque
du processus de division et unpoint
R au hasard à l’intérieur de ces k morceaux, laproba-
bilité
qu’un
caractère X du morceauqui,
une fois le processus de division achevé contient lepoint R,
soit inférieur ouégal
à xtend, lorsque
k tendvers
l’infini,
vers la valeur de la fractiongranulométrique
en volume desmorceaux tels que X x dans la
population
finale. o Remarque 6 :On peut
répéter
ici la remarque 5. Pour obtenir Une variable aléatoire dont lafonction
derépart i t ion
serai t larépart i t ion granulométrique
enpoids,
ilsuf- f irai t
de choisir le point R au hasard avec une densité deprobabilité
propor- tionnelle à la densitéphysique ponctuelle
de la matière.Revue de Statistique Appliquée. 1963 - Vol. XI - N’ 1
71
Il est donc clairement établi que la
répartition granulométrique
en vo-lume ou en
poids
d’un caractèrequelconque
des morceaux de lapopulation
finale est
identique
à la fonction derépartition
d’une variable aléatoire dont la distribution est déterminée par le processus de division.IV - RELATION ENTRE LA FORME D’UNE DISTRIBUTION GRANULOME-
TRIQUE
ET LE PROCESSUS DE DIVISIONQUI
LUI A DONNE NAIS-SANCE
Nous avons dit que c’est dans le processus de division
qu’il
faut re-chercher une
explication
de la forme des distributionsgranulométriques.
Poursuivre ce processus, il semble
qu’on
devrait suivre les transformations d’unmorceau déterminé
mais,
dèsqu’un
morceau sefragmente,
il cesse d’exis-ter et l’on se trouve en
présence
de deux ou deplusieurs
morceauxprésen-
tant chacun des
caractéristiques
propres.Une manière de définir à tout moment et sans
ambiguité
le"descen- dant"
d’un morceau initial est dechoisir,
comme nous l’avonsfait,
unpoint
dans ce morceau et de ne s’intéresser
qu’à
celui de sesfragments qui
con-tient ce
point.
Contrairement à ce que l’onpourrait craindre,
cette méthodene
néglige
pas réellement les autresfragments puisque
lepoint
est choisi auhasard et
qu’il peut appartenir
àn’importe lequel
de cesfragments.
Nous allons donc
considérer,
comme auparagraphe
IIIprécédent,
unpoint
R choisi au hasard dans le volume de k morceaux eux mêmes choisisau hasard dans la matière à un stade intermédiaire du processus de division
qui
serapris
comme stade initial.Considérons un caractère donné
des
morceaux et desfragments auxquels
ils donnent naissance
(taille, poids etc.)
et soit X la valeur de ce caractère pour celui des k morceauxqui
contient R. Apriori,
la distribution de Xpeut dépendre
de k mais onpeut
déterminer sa limitelorsque
k tend versl’infini. En
effet,
onpeut
vérifier que leséquations (13)
et(14)
sontappli- cables,
afortiori, lorsqu’il n’y
a pasfragmentation.
Onpeut
aisément dé- montrerensuite,
exactement comme nous l’avons fait auparagraphe
II et àla remarque 3 de ce
paragraphe
pourGmp(x),
que le second membrel’équa-
tion
(14),
soitE [vi 03A3 vi],tend, lorsque
k tend versl’infinie
vers la valeurde la fraction
granulométrique
dans la matière en morceaux au stade initial(dans
les démonstrations duparagraphe
III onremplacera
pi parvi
et m park).
La distribution de la variable aléatoire X tend
donc, lorsque
k tend versl’infini,
vers celle d’une variable aléatoire que nousdésignerons
parX qui
a pour fonction de
répartition
larépartition granulométrique
de X dans la ma-tière considérée en son état initial. Nous
désignerons par 03A6ov(x)
cette fonc-tion.
Considérons donc le
morceau
choisiparmi
un trèsgrand
nombre demorceaux de la
population
initiale enprenant
unpoint
R au hasard en volumedans ces morceaux et en retenant celui
qui
contient R. Le caractère X dece morceau est la variable aléatoire
X o.
Examinons maintenant ce
qui
va se passer au cours du processus de division : ce morceau va sefragmenter
et lepoint
R vaappartenir
à unRevue de Statistique Appliquée. 1963 - Vol. XI - N’ 1
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fragment
dont le caractère X est une nouvelle variable aléatoireXl.
Le pro-cessus se
poursuivant,
ce dernierfragment
va se diviser à nouveau et lepoint
R va se retrouver dans un nouveaufragment
dont le caractère X est une variable aléatoireX2.
Si le processus de divisioncontinue,
lepoint
R vaappartenir
ainsi successivement à desfragments
dont le caractère X estX3, X4..., Xr.
La suite de variables
X0, X1, X2,
...,Xr
caractérise lesphases
suc-cessives du processus de division.
D’ailleurs, l’équation (21) appliquée
à unprocessus consistant dans les i
premières phases
seulement du processus total montre que la fonction derépartition
de la variable aléatoireXi est identique, quel
que soiti,
à larépartition granulométrique
de la matière à la fin de lai ème phase.
En
général,
les valiablesX0, X1, X2,
...,X
r neseront pas indépen-
dantes. Si X est un caractère tel que le
poids
ou le diamètreminimum,
onaura, en
particulier :
Cependant,
il sepeut qu’un changement
de variablespermette
de rem-placer X0, X1, X2, ... Xr par
unsystème
de variablesindépendantes.
Il esttoutefois
impossible
de prouverqu’uti
telchangement
de variables existe tou-jours
et nous entrons ici dans le domaine deshypothèses.
Posons,
parexemple :
et supposons que
X0, t1, t2, ..., tr-1,
tr soient des variables aléatoires in-dépendantes.
Dusystème
des deséquations (23),
on déduit parmultipli-
cation membre à membre :
d’où
On sait que, sous des conditions très
larges,
la distribution de pro- babilité de la somme d’un nombre de variable aléatoiresqui
tend vers l’infi-ni tend vers une distribution normale. Si ces conditions sont
remplies
parXo
et les variablesti
et si r est assezgrand, log X, possède
une distribu-tion normale et
X,
une distributionlog-normale.
Une autre
hypothèse
estpossible.
Posons :Revue de Statistique Appliquée. 1963 - Vol. XI - N’ 1
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et supposons que
03B51, 03B52, ..., 03B5r
vérifient les conditionsexigées
pour que03A3 03B5i
tende vers une variable normalelorsque
r~~. Par addition membre à membre deséquations (26)
on obtient :d’où
Xr
est alors distribué normalement si r est assezgrand
et siXo
n’est pasprépondérant.
Ce schéma décrit la division d’un matériau dont les morceaux diminuent de grosseur par abrasion ou
écaillage
c’est-à-dire par laperte
departicules
de dimensions assez constantes mais
petites
devant celles des morceaux dont ellesproviennent.
Le matériaucomprend alors,
d’unepart,
des gros mor-ceaux de dimensions diverses et d’autre
part,
de très nombreux et très pe- titsfragments (poussière). Si,
l’on considère unpoint
R d’un morceaupris
au stade
initial,
deux cas sontpossibles,
ou bien Rappartiendra
au stadefinal à un gros morceau, ou bien R passera dans la
"poussière".
Or ilfaut,
dans
l’équation (28),
que tousles Ei
soient du même ordre degrandeur
pour queXr
ait une distribution normale. Si l’on admet quechaque
03B5icorrespond
à une
particule,
on admetimplicitement,
en écrivantl’équation (28),
que lemorceau dont on a suivi l’évolution n’a diminué de grosseur que par la
perte
de
particules.
Ce doit être un"gros morceau".
La distribution de
probabilité
du caractère X du morceauqui
contientle
point
R à l’état final n’est donc normale que conditionnellement à ce que Rappartienne
à un gros morceau à l’état final.Or, désignant
cet événementpar
H,
onpeut démontrer,
enreprenant
la démonstration duparagraphe III ,
que
l’équation (21)
admet lagénéralisation
suivante :où
03A6v(x/H) représente
larépartition granulométrique
des gros morceaux.C’est donc la
répartition granulométrique
des gros morceauxsupposés
sé-parés
de lapoussière qui
est normale.Un troisième schéma est
susceptible
dereprésenter
un processus de division : supposonsqu’il
existe une fonction 03A8 telle que les différences 03A8(Xo) -
T(X1), 03A8 (X1) - 03A8 (X2), T (Xr-1) - 03A8 (Xr)
soient des variables aléatoiresindépendantes
etqu’il n’y
ait aucune de ces variablesqui
soit non né-gligeable
parrapport
à leur somme. La somme de ces variables 03A8(Xo) - (Xr)
suit alors une loi voisine de la normale si r est assez
grand. Si T (Xc)
n’apas non
plus
un rôleprépondérant, 03A8 (Xr)
est aussi distribuénormalement.
Dans la
pratique,
on constate souvent que lespetits
morceaux se brisentbeaucoup plus
difficilement que les gros. La loi deprobabilité
deXr dépend
Revue de Statistique Appliquée. 1963 - Vol. XI - N’ 1
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donc de la valeur de
X r-l
et un moyen dereprésenter
cettedépendance
entreles variables aléatoires
X0, X1, X2,
...,Xr
serait encored’admettre,
parexemple,
que cette suite forme une chaine de Markov d’ordre 1. On se trouve- rait alors enprésence
d’unsystème
défini par une variable continue chan-geant
d’état defaçon discontinue,
cequi
est un cas de chaine de Markovqui
a
déjà
donné lieu à des études.Ce
qu’il
faut noter, c’est que, dans tous les cas,Xr
est fonction d’ungrand
nombre de variables aléatoires. Onpeut
donc s’attendre à ce que moyen- nant des transformationsdiverses,
la loi normalepermette
de décrire laplupart
des distributionsgranulométriques.
V - APPLICATIONS
La notion de distribution
granulométrique
est d’unemploi
trèsfréquent.
En
effet,
nombreux sont les matériaux utilisés par l’industriequi
seprésen-
tent sous forme de morceaux
d’inégales
grosseurs résultant du bris de mor-céaux plus
gros. C’est le cas parexemple
descharbons,
descokes,
desminerais,
des matériaux de construction extraits du sol etc.Dans la
plupart
desemplois qu’on
enfait,
lespropriétés
des matériaux divisésdépendent
fortement de larépartition
des grosseurs des morceauxqui
les constituent. C’est
pourquoi
il est trèsimportant
de connaître cetterépar-
tition que l’on
décrit,
enpratique,
non par une distribution defréquences
comme celles que les statisticiens connaissent mais par une distribution gra-
nulométrique.
Cependant,
onpeut
se demandersi,
en dehors de cesapplications
clas-siques,
la notion de distributiongranulométrique
nepourrait
pas être em-ployée
dans d’autres cas.D’un bout à l’autre de cette
étude,
nous avonsemployé
les termes de"processus
dedivision"
avec l’idée d’atteindre une certainegénéralité.
Laparenté
que nous avons établie entre une distributiongranulométrique
et lemécanisme de division d’un matériau
indique bien,
eneffet,
que la notion de distributiongranulométrique pourrait
éventuellement servir dans les cas où les individus d’unepopulation
résultent d’unpartage.
Il en existeplusieurs exemples
dans le domaineéconomique (répartition
desfortunes,
des revenus ,des
productions
desentreprises etc.).
Dans un tout autre domaine onpeut
encore mentionner comme
exemple
la structure d’un solidepolycristallin.
Ilest intéressant de noter, à ce
sujet,
que certainsexpérimentateurs
ont trou-vé,
pour la grosseur desgrains
d’unmétal,
desrépartitions logarithmico-
normales
[5].
REFERENCES
[1]
J. AUBERY - Lacomposition granulométrique
des charbons -Ajustement mathématique.
Revue de l’Industrie Minérale(1937)
p. 178.[2]
B. EPSTEIN - The mathematicaldescription
of certainbreakage
mecha-nisms
leading
to alogarithmico-normal
distribution forparticle
size.Journal of the Franklin Institute
(Décembre 1947)
p. 471-477.[3]
B. EPSTEIN -Logarithmico-normal
distribution inbreakage
of solids.Industrial and
engineering chemistry -
Vol.40,
n° 12(1948)
p.2289-91.
Revue de Statistique Appliquée. 1963 - Vol. XI - N’ 1
75
[4]
H. CRAMER - Mathematical methods of statistics. PrincetonUniversity
Pres.
(1957).
[5]
W. DICKENSCHEID - Une méthode de calcul desgrains
et sonapplica-
tion. Métaux n° 341(1954)
p. 14.Revue de Statistique Appliquée. 1963 - Vol. XI - N’ 1