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Diversité, caractéristiques évolutives et rôles des effecteurs salivaires du puceron du pois dans l’interaction avec ses plantes hôtes

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Submitted on 13 Jun 2018

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Diversité, caractéristiques évolutives et rôles des effecteurs salivaires du puceron du pois dans

l’interaction avec ses plantes hôtes

Helène Boulain

To cite this version:

Helène Boulain. Diversité, caractéristiques évolutives et rôles des effecteurs salivaires du puceron du pois dans l’interaction avec ses plantes hôtes. Biologie végétale. Agrocampus Ouest, 2017. Français.

�NNT : 2017NSARA082�. �tel-01814755�

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Yannick OUTREMAN

Professeur, AGROCAMPUS OUEST, UMR INRA-UR1-AO IGEPP / président

Virginie COURTIER-ORGOGOZO

Directrice de recherche, CNRS / rapporteure Philippe REYMOND

Professeur, Université de Lausanne / rapporteur Christine COUSTAU

Directrice de recherche, CNRS / examinatrice Boris SZUREK

Chargé de recherche, IRD / examinateur Akiko SUGIO

Chargée de recherche, UMR INRA-UR1-AO IGEPP / directrice de thèse

Jean-Christophe SIMON

Co-directeur de recherche, UMR INRA-UR1-AO IGEPP / Thèse AGROCAMPUS OUEST

sous le label de l’Université Bretagne Loire pour obtenir le grade de DOCTEUR D’AGROCAMPUS OUEST

Spécialité Écologie et Évolution

ÉCOLE DOCTORALE • Écologie, Géosciences, Agronomie et Alimentation (EGAAL)

LABORATOIRE D’ACCUEIL • UMR 1349 Institut de génétique, environnement et protection des plantes (IGEPP)

Thèse A-82 2017-32 • BOULAIN H élène

Hélène BOULAIN • 15 décembre 2017

Diversité, caractéristiques évolutives et rôles des effecteurs salivaires du puceron du pois dans l’interaction avec ses plantes hôtes

AGROCAMPUS OUEST • Institut supérieur des sciences agronomiques, agroalimentaires, horticoles et du paysage

65 rue de Saint-Brieuc – CS84215 – F-35042 Rennes Cedex Tél. : 02 23 48 50 00

www.agrocampus-ouest.fr

RÉSUMÉ ABSTRACT

Diversité, caractéristiques évolutives et rôles des effecteurs salivaires du puceron du pois dans l’interaction avec ses plantes hôtes

Diversité, caractéristiques évolutives et rôles des effecteurs salivaires du puceron du pois dans l’interaction avec ses plantes hôtes

Les effecteurs jouent un rôle fondamental lors des interactions antagonistes plantes-pathogènes en supprimant les défenses de la plante, permettant ainsi aux parasites de se développer.

De tels effecteurs ont été caractérisés chez les insectes herbivores mais leur rôle dans la spécialisation à la plante reste méconnu. Les pucerons se nourrissent de la sève du phloème et injectent dans la plante des effecteurs salivaires. L’étude des patrons d’évolution des effecteurs, ainsi que la caractérisation de leurs fonctions sont nécessaires à la compréhension des mécanismes de spécialisation chez les pucerons. Au cours de ces travaux, nous avons cherché à identifi er les effecteurs salivaires impliqués dans l’adaptation du puceron du pois, Acyrthosiphon pisum, à ses hôtes. Des approches évolutives, basées sur un nouveau catalogue de 740 effecteurs candidats surexprimés dans les glandes salivaires de A. pisum, ont révélé que certains d’entre eux évoluent rapidement et que l’expansion de familles multigéniques apparaît comme une source importante de diversité des effecteurs. En parallèle, ces travaux ont permis d’optimiser l’expression transitoire médiée par Agrobacterium dans le pois. Ce nouvel outil d’analyse fonctionnelle permet maintenant l’étude des effecteurs candidats afi n d’identifi er les effecteurs du puceron du pois impliqués dans l’adaptation à la plante hôte.

Diversity, evolutionary characteristics and role of pea aphid salivary effectors in the interaction with host plants Effectors play fundamental roles in antagonistic plant- pathogen interactions mainly by suppressing plant defense and allow parasites to multiply on the plant. Some effectors have been characterized in herbivorous insects; however, their role to the evolution in plant specialization remains unknown. Aphids feed from phloem sap and inject salivary effectors into the host plant. Studying evolutionary patterns and characterizing functions of effectors appear as important steps toward unveiling the mechanisms of host plant specialization in aphids. This work sought to identify salivary effectors that are involved in plant specialization of the pea aphid, Acyrthosiphon pisum. Evolutionary approaches based on a new catalogue of 740 putative effectors that are up- regulated in salivary glands of A. pisum revealed that some of them evolve rapidly. Moreover, gene family expansion appear as an important source of novel effectors. In parallel, this work optimized Agrobacterium-mediated transient gene expression in pea to provide a new tool for functional analyses of pea aphid effectors. The construction of a comprehensive catalogue of A. pisum salivary effectors and evolutionary analysis of them provide new candidates in host plant adaptation. By using the gene expression tool now available in pea, functional characterization of candidates will help to identify the effectors that are involved in plant specialization of the pea aphid.

Keywords: salivary effectors, pea aphid, plant-aphid interactions Mots clés : effecteurs salivaires, puceron du pois, interactions

plantes-pucerons

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REMERCIEMENTS

Je tiens tout d’abord à remercier mes deux directeurs de thèse Akiko Sugio et Jean-Christophe Simon.

Merci à vous d'avoir pris le temps de m'aider dans la rédaction de ce mémoire, aux dépens de vos vacances et heures de sommeil... ! Durant ces trois années de thèse vous m'avez offert la possibilité de rencontrer des collaborateurs étrangers passionnant et de présenter mon travail à de nombreux colloques internationaux, merci car cela m'a vraiment enrichie ! Merci aussi de m'avoir poussé à passer 5 mois de ma thèse en Angleterre, c'était tout simplement génial !

Ensuite je remercie Endrick Guy, maître incontesté de la bactério et de la biomol, tu m'as tout appris.

Merci pour ces fous-rires partagés dans le bureau durant ces deux années passées ensemble.

Merci à "the amazing Fabrice Legeai", la bioinfo n'a pas de secrets pour toi, heureusement que tu as été présent et toujours réactif pendant ces 3 ans pour m'aider dès que j'en avais besoin !

Merci à Patoche d'être toujours dispo pour nous accompagner dans toutes ces démarches administratives compliquées ! Que ferait-on sans toi !

Merci à tous les membres du labo de Saskia Hogenhout, Saskia, Sam, Beccy, Sylvain, Yazhoo, Adi, Zigmunds, Thomas, et Gabriele de m'avoir si bien accueilli à Norwich. Mention spéciale à Sam, mon deuxième maître en biomol, merci pour ta bonne humeur, ta patiente et ta fameuse rengaine du vendredi soir : "Beer o'clock ?"

Merci à mes formidables collocs' du 14 Fairfax Road, Nuno, Marc, et Andrew pour ces 4 mois d'échanges et de rigolade et à Billy, Tom et Sylvain de m'avoir accueilli le dernier mois. Sans oublier tous les amis rencontrés durant ces 5 mois, Jemima, Agathe, Antoine, Torsten et Jofus. Vous avez tous participé à rendre cette expérience anglaise incroyable !!

Merci à Jim et Nadine de m'avoir fait découvrir l'Irlande, les pubs de Dublin et la protéomique !

Merci aux membres de mon comité de thèse pour leur bienveillance et les discussions que nous avons

partagées.

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Un grand merci à tous les techniciens de l'équipe EGI qui ont participé à mes travaux de thèse, Grégory, Stéphanie, Gaetan, Jeff, et Fred, le comptage de pucerons c'est quand même mieux à plusieurs ! Merci à tous les membres de l'équipe EGI pour ces trois années passées dans la bonne humeur.

Merci à ma famille de m’avoir toujours soutenue pendant ces longues années d’études !

Merci aux amis, surtout aux biches Dadou, Mayon, Anne-so, de n’avoir pas changé, d’être toujours là, depuis bientôt 10 ans que l’on s’est rencontrées sur les bancs de la fac ! NEM NEM

Merci à Elisabeth Huguet, de m’avoir, un jour en licence 3, ouvert les portes de son labo, me faisant ainsi découvrir le monde merveilleux des interactions hôtes-parasites. Vous êtes LA personne à qui je dois d’être là, sans notre rencontre je n’aurais peut-être jamais fait de thèse… MERCI POUR TOUT.

Et enfin, merci à Jérémy…. POUR TOUT !

J’espère que mon manuscrit de thèse sera un assez beau cadeau en ce 3 Novembre, jour de tes…. (non

jvais pas le dire), alors JOYEUX ANNIVERSAIRE !!!! (pas eu le temps de prévoir d’autres cadeaux

de toute façon ^^)

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TABLE DES MATIERES

I. Introduction générale ... 1

1. Evolution des insectes herbivores ... 2

1.1 Coévolution antagoniste ... 2

1.2 Les sauts d’hôte ... 5

2. Bases moléculaires de l’adaptation des insectes herbivores ... 6

2.1 Chimioréception ... 6

2.2 Défenses des plantes et effecteurs des insectes herbivores ... 7

3. Interactions plantes-pucerons ... 11

3.1 Caractéristiques générales des pucerons ... 11

3.2 Dialogue moléculaire lors des interactions plantes-pucerons ... 16

4. Modèle d’étude : Acyrthosiphon pisum, le puceron du pois ... 22

5. Objectifs des travaux de thèse ... 25

II. Paper 1: Fast evolution and lineage-specific gene family expansions of putative aphid effectors shed light on molecular evolution driven by aphid-plant interactions ... 27

III. Functional characterization of candidate salivary genes that are potentially involved in the pea aphid-plant interactions ... 77

1. Context ... 77

2. Paper 2: Optimization of agroinfiltration in Pisum sativum provides a new tool for studying the salivary protein functions in the pea aphid complex ... 81

3. Functional characterization of salivary effector candidates in the A. pisum-pea plant system ... 91

4. Discussion and perspectives on functional characterization of salivary effectors ... 99

5. Supplementary materials ... 103

IV. Discussion générale et perspectives ... 111

1. Effecteurs salivaires du puceron du pois ... 111

1.1 Identification des effecteurs candidats ... 111

1.2 Apports de l’analyse protéomique de la salive ... 113

2. Evolution des effecteurs salivaires et adaptation à la plante hôte ... 115

2.1 Les effecteurs aphidiens vus à une échelle macro-évolutive ... 116

2.2 Les effecteurs aphidiens vus à une échelle micro-évolutive ... 120

2.3 Adaptation à la plante hôte ... 123

3. Outils et stratégies pour une meilleure compréhension des interactions moléculaires dans le système puceron du pois-légumineuses ... 124

3.1 Différents types d’effecteurs pour différentes fonctions ? ... 124

3.2 Outils et stratégies pour caractériser la fonction des différents effecteurs dans les interactions plantes-pucerons ... 125

4. Implications évolutives et appliquées ... 129

5. Conclusion ... 130

V. Références bibliographiques... 131

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ABBREVIATIONS

ACE: Angiotensin-converting-enzyme apN: Aminopeptidase N

Avr: Avirulence

BEB: Bayes empirical Bayes CPM: Count per million CRP: Cystein-rich-protein CSP: Chemosensory protein

DAMP: Damage-associated-molecular-pattern

DIMBOA: 2,4-dihydroxy-7-methoxy-1,4-benzoxazin-3-one ET: Ethylène

ETI: Effector-triggered-immunity ETS: Effector-triggered-susceptibility FPKM: Fragment per kilobase million GFP: Green fluorescent protein

GOX: Glucose oxidase GR: Gustatory receptor

GST: Glutathione S-transferase

HAMP: Herbivore-associated-molecular-pattern HGT: Horizontal gene transfer

HIGS: Host-induced-gene-silencing HTI: HAMP-triggered-immunity IR: Inotropic receptor

JA: Acide jasmonique

MAPK: Mitogen-activated-protein-kinase MS: Mass spectrometry

NB-LRR: Nucleotide binding-leucine rich repeat NSP: Nitril-specifier-protein

OBP: Odorant-binding protein OPDA: 12-oxo-phytodienoic acid OR: Olfactory receptor

PAD4: PHYTOALEXIN DEFICIENT 4 PAMP: Pathogen-associated-molecular-pattern PC: Parthénogénèse cyclique

PO: Parthénogénèse obligatoire PP1: Phloem protein 1

PP2: Phloem protein 2

PTI: PAMP-triggered-immunity QTL: Quantitative trait locus ROS: Reactive oxygen species SA: Acide salicylique

SG: Salivary gland SHP: Sheath protein

SSGP: Secreted salivary gland protein T3SS: Type III secretion system VIGS: Virus-induced-gene-silencing

VPS52: Vacuolar protein sorting-associated protein 52

WIR: Wound-induced-resistance

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I. Introduction générale

Comprendre les mécanismes sous-jacents à l’adaptation des organismes à leur environnement est une question centrale en biologie évolutive. L’adaptation en tant que processus peut être définie comme l’ensemble des modifications anatomiques, physiologiques ou comportementales d’une population d’individus sous l’effet de la sélection naturelle. Ainsi, les nouveaux états de ces différents caractères améliorent la survie et le succès reproductif des individus (i.e fitness) qui en sont porteurs dans un environnement particulier. Les récents progrès des technologies « omiques » et les développements méthodologiques en génétique des populations offrent aujourd’hui la possibilité d'utiliser de nouvelles approches théoriques et conceptuelles pour mettre en évidence les bases génomiques de l’adaptation des organismes dans un grand nombre d’écosystèmes (Stapley et al. 2010;

Savolainen et al. 2013; Bindschedler et al. 2016).

Les insectes représentent le plus large groupe de métazoaires de la planète, et il apparait aujourd’hui évident que l’évolution de l’herbivorie a joué un rôle fondamental dans la diversification des espèces de ce groupe (Mitter et al. 1988; Mayhew 2007; Wiens et al. 2015). A ce jour, un million d’espèces d’insectes sont recensées et la moitié d’entre-elles se nourrit sur des plantes (Wu and Baldwin 2010). De plus, Wiens et al. (2015) ont montré un taux de diversification plus élevé chez les insectes herbivores, expliquant ainsi la richesse d’espèces de ce clade regroupant plus de la moitié des espèces vivantes.

Les interactions entre les plantes et les insectes herbivores durent depuis plus de 350 millions

d'années (Gatehouse 2002). Au cours de leur évolution, les insectes herbivores ont établi des relations

très intriquées avec leurs plantes-hôtes, qui constituent à la fois un habitat, une source d’alimentation

et un lieu de reproduction. Pour cela, ils ont dû s’adapter à la phénologie, à la composition en

nutriments et aux défenses physico-chimiques de leurs plantes hôtes (Fraenkel 1959). Par conséquent,

les insectes herbivores sont souvent adaptés à une gamme restreinte d’hôtes (i.e. spécialistes), ainsi

capables de se nourrir sur des plantes proches phylogénétiquement et/ou de compositions biochimiques

similaires (Futuyma and Moreno 1988; Futuyma and Agrawal 2009; Forister et al. 2012). Cependant,

des espèces généralistes existent et représentent environ 10% des espèces d’insectes herbivores

(Bernays and Graham 1988). Il est à noter que ces deux stratégies, sont les deux extrêmes d'un

continuum et qu'il existe bien souvent une variation du spectre d'hôte au sein des espèces, rendant cette

estimation peu fiable (Loxdale and Harvey 2016). Par la suite, nous parlerons d'espèces généralistes

(9)

quand ces dernières sont capables d’exploiter de nombreuses plantes appartenant à différentes familles botaniques et qu'elles ne montrent pas de populations spécialisées.

Décrire les bases, aussi bien évolutives que fonctionnelles, de la spécialisation à la plante hôte chez les insectes herbivores représente un défi majeur dans la compréhension de l’adaptation des espèces à leur environnement et offre la possibilité d’éclaircir les processus qui ont conduit à une grande diversification des métazoaires sur la planète.

1. Evolution des insectes herbivores

Au cours du processus de spécialisation des insectes herbivores, des populations génétiquement distinctes et adaptées à différentes plantes-hôtes peuvent évoluer suite à une pression de sélection divergente imposée par les nouvelles niches écologiques (e.g. spécialisation et différentiation des populations en races hôtes, biotypes ou écotypes). L'établissement de barrières reproductives entre ces populations peut conduire à la formation d'espèces distinctes (Peccoud et al. 2009a; Powell et al. 2013).

Cette spécialisation des insectes herbivores à une plante hôte particulière peut se produire lors d’interactions antagonistes réciproques entre plantes et insectes (i.e. coévolution) ou lorsque les insectes colonisent de nouvelles plantes par le biais de sauts d'hôtes (Ehrlich and Raven 1964; Feder et al. 2003; Janz 2011).

1.1 Coévolution antagoniste

Lors d’une interaction antagoniste (relation hôte-parasite), la sélection retient les stratégies qui permettent à chaque espèce d’augmenter sa valeur sélective, ou fitness (e.g. survie et reproduction), et ce, aux dépens de celle de l'autre. Le parasite développe des stratégies afin d'exploiter au mieux son hôte. A l'inverse, chez l'hôte, des stratégies de défense permettant de réduire les dommages causés par le parasite vont être sélectionnées.

C’est en examinant les relations entre les Papilionidés (Lepidoptères) et leur plantes hôtes, que

Ehrlich et Raven (1964) introduisent pour la première fois le terme de coévolution. Leur théorie repose

sur le fait que certains papillons phytophages ont exercé une pression de sélection sur les plantes, qui

en réponse ont développé certains mécanismes de défense, entraînant en retour l’émergence, chez

certains papillons, de caractères permettant de contrer ces défenses. Ehrlich et Raven émettent alors

(10)

l’hypothèse qu’une sélection réciproque a joué un rôle fondamental dans l’évolution de ces espèces, favorisant ainsi l’apparition de nouvelles lignées de plantes et de papillons. En 1977, Leigh Van Valen affirme que la persistance d’une espèce dans un environnement variable n’est possible que par un effort adaptatif permanent (la fameuse théorie de la Reine rouge inspirée de Lewis Caroll et son roman Alice au pays des merveilles). Dans le cas des interactions hôte-parasite, une coadaptation s'instaure dans le temps évolutif, poussant les organismes à se modifier réciproquement pour rester à la même place sur le plan adaptatif. La théorie de la Reine rouge est ainsi une métaphore symbolisant la course aux armements qui peut exister entre les espèces (Van Valen 1977). Cette course aux armements favorise alors de façon réciproque la diversification des hôtes et des parasites à travers le développement de nouveautés évolutives, key innovations (Simpson 1953). Finalement, en 1980 le terme de coévolution est redéfini comme étant le changement évolutif d’un trait chez une espèce en réponse à un trait d’une deuxième espèce, suivie d’une contre-adaptation évolutive chez cette dernière (Janzen 1980).

L’hypothèse proposant que la grande diversité des espèces de papillons est le résultat d’une

coévolution avec leurs plantes hôtes, soutenue par Ehrlich et Raven (1964), a longtemps été remise en

question du fait de l’existence de controverses dans la datation de l’origine des lépidoptères (Braby et

al. 2005). En effet, pour retracer la réciprocité et l’enchaînement des adaptations/contre-adaptations

supportant l’hypothèse de coévolution, la datation est primordiale. Récemment, une telle coévolution

des insectes herbivores et leurs plantes hôtes a été décrite entre les papillons de la famille des Piéridés

et les plantes de l’ordre des Brassicales (Wheat et al. 2007; Edger et al. 2015). Ainsi, un système de

détoxification des glucosinolates (métabolites secondaires spécifiques des Brassicales, anciennement

crucifères) propre aux Piéridés, les nitrile-specifier proteins (NSP), a été identifié comme innovation

clé dans l’adaptation et la diversification de ces papillons (Wheat et al. 2007). Les NSP semblent avoir

évolué peu après l’évolution du groupe des plantes hôtes et la diversification de leurs activités

biochimiques suit la distribution des glucosinolates chez les Brassicales (Figure 1). De plus, les

principales innovations à l’origine de cette détoxification des glucosinolates sont associées à des

duplications de gènes, impliquant notamment des duplications de NSP (Edger et al. 2015). Ces études

apportent les preuves d’une course aux armements graduelle entre les Piéridés et les Brassicales, et

permettent d’établir un lien entre diversité des espèces, coévolution, et importance des duplications

géniques en tant que sources de nouveautés biologiques.

(11)

Figure 1. Coévolution entre insectes herbivores et leurs plantes hôtes. Phylogénie datée des Brassicales et des

Pieridés indiquant les différentes innovations et les diversifications (Edger et al. 2015).

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1.2 Les sauts d’hôte

Le saut d’hôte, ou host shift, peut être décrit comme tout gain d’un nouvel hôte par une population d’insectes herbivores (Forbes et al. 2017; Vertacnik and Linnen 2017). Ce saut d’hôte peut s’accompagner d’un changement dans la gamme d’hôtes de l’insecte. L’expansion de la gamme d’hôte survient quand le changement d’hôte n’implique pas la perte d’un hôte ancestral. En revanche, une réduction de la gamme d’hôte peut apparaître quand le changement d’hôte induit la perte d’hôtes ancestraux. Les populations ont alors un degré de spécialisation plus fort que la population ancestrale (Vertacnik and Linnen 2017). Au sein d’une espèce, des populations ayant acquis un nouvel hôte peuvent diverger de celles n’ayant subi aucun changement, et un isolement reproducteur de ces populations peut aboutir à l’émergence de nouvelles espèces (e.g. spéciation écologique). Ainsi, le phénomène de changement d’hôte peut participer à la diversification des espèces d’insectes herbivores.

Un exemple de changement d’hôte est décrit chez les mouches Tephritidés appartenant au complexe d’espèces sœurs Rhagoletis pomonella. Les mouches Rhagoletis d’Amérique du Nord ont opéré un changement d’hôte de leur hôte natif Crataegus mollis vers un nouvel hôte, le pommier (Bush 1966). Les différentes populations de mouches ont évolué et forment maintenant un continuum comprenant des races d’hôte en isolement reproducteur partiel (McPheron et al. 1988), et des espèces sœurs lorsque l’isolement reproducteur est plus fort (Powell et al. 2013). A la base de ce changement, des flux de gènes entre 2 populations de Rhagoletis – Mexicaine et Nord-Américaine séparées il y a 1,57 millions d’années – affectant le polymorphisme de traits liés de la diapause, ont été identifiés. Les variations de diapause ainsi créées ont permis aux populations Nord-Américaines de s’adapter à différents hôtes avec des phénologies différentes (Feder et al. 2003).

Un phénomène de changement d’hôte a également été décrit chez le puceron vert du pêcher Myzus persicae. Une sous espèce de ce puceron, résistante à la nicotine, a récemment colonisé un nouvel hôte, le tabac. Le mécanisme sous-jacent à ce changement d’hôte a été identifié comme lié à une surexpression d’un cytochrome P450 permettant de détoxifier la nicotine. La surexpression de cette enzyme est causée par une très importante amplification génique (100 copies du gène CYP6CY3 codant pour le cytochrome P450) et des modifications dans les promoteurs (Puinean et al. 2010; Bass et al. 2013; Bass et al. 2014).

Bien que les insectes herbivores soient depuis longtemps des modèles d’étude de l’évolution et de la spécialisation écologique, seules les récentes avancées des techniques de séquençage haut débit ont permis d'identifier des loci qui contribuent à l’adaptation des insectes herbivores à leur plante hôte.

Ainsi, de nombreux gènes candidats liés à l’adaptation ont été identifiés chez les insectes herbivores

(13)

ces dernières années, révélant certains traits déterminants de ces interactions plantes-insectes (Vertacnik and Linnen 2017).

2. Bases moléculaires de l’adaptation des insectes herbivores

Parmi les déterminants qui peuvent être impliqués dans l’adaptation à la plante hôte, il convient d’identifier les différents mécanismes qui contribuent à la capacité d'un insecte à localiser et exploiter ses hôtes. Ainsi, la détection de la plante-hôte, la suppression des défenses végétales, la détoxification des métabolites secondaires et les symbioses microbiennes influencent l’issue des interactions plantes- insectes herbivores (Simon et al. 2015), sans oublier les autres interactions à des niveaux trophiques supérieurs ou inférieurs (Biere and Bennett 2013; Simon et al. 2017).

2.1 Chimioréception

La chimioréception, qui met en jeu le système antennaire, les poils olfactifs des pièces buccales des insectes et le système nerveux central, joue un rôle majeur dans les interactions plantes-insectes en guidant les insectes vers une plante qui représente une ressource favorable. En effet, les plantes émettent un grand nombre de composés volatiles qui sont reconnus et permettent dans un premier temps aux herbivores de s’orienter vers leurs plantes hôtes. Ensuite, la perception d’autres molécules lors du contact direct avec la plante détermine les préférences des insectes herbivores. La reconnaissance des composés chimiques des plantes repose principalement sur des récepteurs olfactifs (Olfactory receptors ORs, Ionotropic receptors IRs, Chemosensory proteins CSP, Odorant-binding proteins OBPs) et des récepteurs gustatifs (Gustatory receptors GRs) (Missbach et al. 2014; Eyun et al. 2017). Ainsi, différentes études ont montré que les familles de gènes codants pour les ORs et les GRs évoluent rapidement, et par des mécanismes dynamiques de gain/perte de gènes chez les drosophiles, en parallèle de l’adaptation de celles-ci à de nouvelles niches écologiques (Vieira et al.

2007; Gardiner et al. 2008; Ramasamy et al. 2016). Chez les lépidoptères, l’expansion de ces deux

familles multigéniques pourrait avoir contribué à l’adaptation à diverses plantes hôtes consécutivement

à la radiation des angiospermes (Engsontia et al. 2014).

(14)

2.2 Défenses des plantes et effecteurs des insectes herbivores

Défenses des plantes en réponse aux insectes herbivores

Les plantes possèdent des défenses constitutives contre les insectes herbivores, qui peuvent être des barrières physiques (comme les trichomes ou cires) ou chimiques (alcaloïdes comme la nicotine chez le tabac). Ces défenses constitutives sont utilisées de concert avec les défenses induites pour lutter efficacement contre les insectes herbivores. Différents travaux ont montré que les plantes utilisent une perception rapide et précise des herbivores ou pathogènes pour mettre en place ces défenses induites, spécifiques des parasites qui les attaquent (Howe and Jander 2008). Lorsque les insectes herbivores causent d’importantes blessures, les plantes produisent des molécules comme les DAMPs (Damage- Associated-Molecular-Patterns) qui vont déclencher les réactions de défenses (Figure 2). Les insectes herbivores produisent également certaines molécules qui sont reconnues par la plante et activent les réactions de défenses, les HAMPs (Herbivore-Associated Molecular Patterns). Ces HAMPS peuvent être présents dans les sécrétions orales, la salive, les cires cuticulaires et les sécrétions de ponte (Bonaventure et al. 2011; Acevedo et al. 2015; Hilker and Fatouros 2015; Schmelz 2015). Lorsque ces patterns sont reconnus, les plantes expriment des réactions de défenses rapides généralement non- spécifiques, qui induisent par exemple la production de composés toxiques (reactive oxygen species, ROS). Ces réponses sont principalement dépendante de la voie d’influx calciques dans les cellules ou encore de l’activation de la voie de signalisation de MAPK (Mitogen activated protein kinase) (Howe and Jander 2008).

Ensuite des réponses plus spécifiques peuvent être régulées par l’action des phytohormones, principalement l’acide jasmonique (JA), l’éthylène et l’acide salicylique (SA) (Erb et al. 2012). Ainsi, les voies JA et ET sont connues pour induire les réponses qui sont efficaces contre les insectes herbivores mais également contre les pathogènes nécrotrophes. La voie de signalisation SA joue quant- à-elle un rôle fondamental dans la défense contre les pathogènes biotrophes (Erb et al. 2012; Pieterse et al. 2012; Kazan and Lyons 2014). Une interaction antagoniste entre les voies JA et SA (crosstalk) semble très répandue dans le règne végétal, même si ce modèle tend à se complexifier au fur et à mesure que de nouvelles interactions sont étudiées et révèlent le rôle des autres phytohormones (Robert-Seilaniantz et al. 2011). Ainsi, les herbivores ou pathogènes peuvent manipuler ces voies pour leur propre bénéfice (Diezel et al. 2009; Chung et al. 2013; Kazan and Lyons 2014).

La voie JA est connue pour induire des défenses spécifiques directes ou indirectes en réponse

à l’attaque des insectes herbivores. Ainsi, des métabolites secondaires (e.g. glucosinolates ou

alcaloïdes) et des protéines de défenses – polyphénol oxidase (PPO), lipooxygénase (LOX), ou encore

peptidase et phosphatases – peuvent avoir des effets anti-appétants, anti-digestifs ou toxiques directs

(15)

sur les insectes. De plus, la voie JA permet d’induire la production de composés volatils qui peuvent soit attirer des prédateurs et parasitoïdes de l’insecte herbivore, soit induire des réactions de défenses dans d’autres parties de la plante (voire chez les autres plantes alentours ; Das et al. 2013).

Cette description des défenses mises en place par les plantes pour lutter contre les herbivores étant simplifiée et non-exhaustive, plus de détails peuvent être trouvés dans les nombreuses revues qui traitent de ce sujet (Gatehouse 2002; Freeman 2008; Howe and Jander 2008; Wu and Baldwin 2010;

Erb et al. 2012; War et al. 2012; Fürstenberg-Hägg et al. 2013).

Figure 2. (A) Modèle des réactions de défense des plantes contre les pathogènes proposé par Jones and Dangl (2006). (1) Les patterns moléculaires associés aux agents pathogènes et des dommages physiques (PAMPs et DAMPs) sont reconnus par des récepteurs des plantes ce qui déclenche le premier niveau de défense (PTI). (2) Ensuite, certains effecteurs des pathogènes suppriment la réponse PTI. (3) Des gènes de résistance peuvent alors reconnaitre spécifiquement les effecteurs, et déclencher l’ETI. (B) Modèle des réactions de défense adapté aux insectes herbivores. (4-5) Les composés associés aux herbivores (HAMPs et composés des oeufs) sont reconnus par les récepteurs et entraînent le premier niveau d’immunité contre les herbivores HTI. (6) Les DAMPs, libérés lors des blessures infligées par les herbivores sont également reconnus et induisent la wound-induced resistance (WIR). (7) Les effecteurs sécrétés par les insectes peuvent supprimer l’HTI et le WIR. (8) A leur tour, les effecteurs d’insectes peuvent être reconnus et la réponse ETI se mettre en place. Adapté d’après Erb et al. (2012).

Pathogens

A B Herbivores

Effectors Effectors

(16)

Relation gène-pour-gène et effecteurs des insectes

Jones and Dangl (2006) ont proposé un modèle théorique en zigzag décrivant différents niveaux dans l’immunité anti-pathogène des plantes, ce modèle peut par extension s’appliquer aux interactions plantes-insectes herbivores (Figure 2). Lors de la première phase, les PAMPs, (Pathogen-Associated Molecular Patterns), DAMPs et HAMPs reconnus déclenchent le premier niveau de défense, respectivement PTI (PAMP-Trigerred-Immunity), WIR (Wound-Induced Resistance) et HTI (HAMP- Triggered-Immunity). Ensuite, durant la phase 2, les herbivores (Figure 2B) – comme les pathogènes (Figure 2A) – sécrètent des effecteurs qui interfèrent avec le premier niveau de défense HTI/PTI, ce qui entraîne l’Effector-Triggered-Susceptibility (ETS). Dans la troisième phase, un des effecteurs (protéine d’avirulence, Avr) de l’herbivore est reconnu par un récepteur NB-LRR (nucleotide binding- leucine rich repeat), codé par un gène de résistance (R) de la plante, ce qui conduit à l’Effector- Triggered-Immunity (ETI) (Figure 2). Cette relation gène-pour-gène Avr-R (Kerr 1987), est une composante majeure de la course aux armements entre les herbivores/pathogènes et leurs planes hôtes.

La salive et les sécrétions orales des insectes herbivores peuvent donc contenir des molécules

dont certaines déclenchent les défenses des plantes et d’autres qui permettent de manipuler la

physiologie de l’hôte et de contrer les défenses, les effecteurs. L’étude des effecteurs des insectes

herbivores est un domaine relativement nouveau, ils sont donc beaucoup moins connus que ceux des

pathogènes bactériens ou fongiques. Néanmoins, certaines protéines comme la glucose oxidase (GOX)

secrétée par les chenilles de la famille des Noctuidés (Eichenseer et al. 2010), les SSGP-71 sécrétées

par la mouche de Hesse, Mayetiola destructor (Zhao et al. 2015) ou encore des protéines secrétées par

les pucerons (Hogenhout and Bos 2011; Rodriguez and Bos 2012) ont été caractérisés comme des

effecteurs modulant les défenses de la plante et contribuant à la fitness de l’insecte. Certains gènes de

résistances aux insectes herbivores ont été identifiés chez les plantes, dirigés notamment contre les

pucerons (Dogimont et al. 2010, voire partie I.3.2), la mouche de Hesse (Stuart 2015) et la cicadelle

brune Nilaparvata lugens (Du et al. 2009; Hu et al. 2016). Ces gènes de résistances codent bien souvent

pour des récepteurs de type NB-LRR qui sont aussi impliqués dans la résistance aux pathogènes (Jones

and Dangl 2006). En revanche, l’association Avr-R n’est pleinement décrite que chez M. destructor,

impliquant des protéines sécrétées dont deux effecteurs salivaires SSGP-71, une phosphatase et une

protéine de fonction inconnue, respectivement reconnues par les gènes de résistance H6, H9, H24 et

H13 chez le blé (Aggarwal et al. 2014; Zhao et al. 2015; Zhao et al. 2016). Les mécanismes exacts de

reconnaissance restent néanmoins à éclaircir.

(17)

Détoxification des métabolites secondaires

Les insectes herbivores ont développé des activités enzymatiques leur permettant de métaboliser les métabolites secondaires qui sont constitutivement produits par les plantes ou induits lors de l’interaction plante-herbivore (Simon et al. 2015). La détoxification des composés toxiques a principalement été étudiée chez les drosophiles (Yassin et al. 2016) mais aussi chez les lépidoptères, mettant en évidence des mécanismes d’amplification génique par duplications (Edger et al. 2015). Les enzymes associées à la détoxification sont le plus souvent des cytochrome P450, des gluthathione-S- transferase, ou des familles d’enzymes spécialisées dans la détoxification de certains groupes de glucosinolates (Mao et al. 2007; Celorio-Mancera et al. 2012; Edger et al. 2015; Giraudo et al. 2015).

D’autres observations chez les pucerons montrent un lien entre l’expansion des familles de gènes codant pour les enzymes de détoxification et l’adaptation à la plante hôte. Ainsi, chez M.

persicae la détoxification de la nicotine est assurée par une forme de cytochrome P450 dont le gène est fortement dupliqué dans le génome de la sous-espèce adaptée au tabac (Puinean et al. 2010; Bass et al. 2013; Bass et al. 2014).

Ces mécanismes de détoxification sont étroitement liés à l’adaptation des insectes herbivores à leurs plantes hôtes en étant associés bien souvent à des processus de coévolution antagoniste (Edger et al. 2015) ou de changement d’hôte (Bass et al. 2013) propices à l’émergence de nouvelles espèces.

Influence de la communauté microbienne

En plus des déterminants moléculaires (plantes et insectes) décrits précédemment, les interactions plantes-insectes sont grandement influencées par la communauté bactérienne/microbienne hébergée par les insectes herbivores et les plantes, qu’elle soit en association symbiotique ou non (Frago et al. 2012; Sugio et al. 2015; Giron et al. 2017; Shikano et al. 2017).

Ainsi, la communauté microbienne hébergée par les insectes peut contribuer à la diversification

et à la spécialisation à l’hôte (Hansen and Moran 2014). Les interactions plantes-insectes-microbes

représentent aussi un terrain propice aux transferts horizontaux de gènes (HGT) qui sont souvent à

l’origine de l’acquisition de nouvelles fonctions chez les insectes, leur permettant d’exploiter de

nouvelles niches écologiques (Acuña et al. 2012). La communauté microbienne qu’ils hébergent peut

également interférer avec les défenses de la plante. Ainsi, le déclenchement de la signalisation SA-

dépendante par la communauté microbienne peut court-circuiter (e.g. crosstalk) les défenses JA-

dépendantes – normalement les plus efficaces contre les herbivores – ce qui profite à l’insecte et peut

impacter positivement sa fitness sur l’hôte (Diezel et al. 2009; Chung et al. 2013). Cependant, la

communauté microbienne impliquée dans les interactions plantes-insectes n’influence pas toujours les

interactions en faveur de l’herbivore (Sugio et al. 2015). Des bactéries peuvent ainsi déclencher des

(18)

défenses qui sont défavorables à l’insecte herbivore, diminuant ainsi sa fitness (Chaudhary et al. 2014).

Enfin, certaines bactéries associées aux plantes hôtes peuvent produire des toxines qui vont aussi diminuer la fitness des herbivores (Vachon et al. 2012).

3. Interactions plantes-pucerons

3.1 Caractéristiques générales des pucerons

L’ordre des Hémiptères, qui comprend entre 50 000 et 80 000 espèces d’insectes piqueurs- suceurs, forme le plus large groupe d’insectes hétérométaboles (i.e. à métamorphose incomplète), dont 90% des espèces sont herbivores (Dolling 1991). Grâce à des parties buccales spécialisées, notamment les stylets, les pièces buccales des hémiptères herbivores peuvent naviguer entre les cellules végétales pour atteindre les tubes criblés du phloème et se nourrir de la sève élaborée.

Les pucerons appartiennent au sous-ordre des Aphidomorpha, et la famille des Aphididae est celle qui contient la majorité des espèces. A ce jour, plus de 4000 espèces de pucerons ont été décrites et comptent parmi les ravageurs de cultures les plus destructeurs des régions tempérées de la planète.

Ainsi, 250 espèces de pucerons sont ravageurs d’espèces végétales d’intérêt agricole ou sylvicole

(Blackman and Eastop 1994; Blackman and Eastop 2000). Les dommages engendrés directement par

les pucerons sur les cultures sont dus au prélèvement de la sève, qui réduit les ressources disponibles

pour la plante et contribue à diminuer les rendements. Les dommages les plus conséquents, sont ceux

indirectement causés par la transmission de virus phytopathogènes dont les pucerons sont d'importants

vecteurs. Les pucerons sont impliqués dans 50% des transmissions de virus vectorisés par les insectes

aux plantes (Ng and Perry 2004; Harris and Maramorosch 2014). Ainsi, le puceron vert du pêcher

Myzus persicae, herbivore généraliste, peut transmettre plus de 100 virus différents à sa large gamme

d’hôtes (Blackman and Eastop 2000). Leur cycle de vie particulier, leur importante plasticité

phénotypique, le développement de symbioses mutualistes avec des bactéries et la sécrétion

d’effecteurs salivaires permettant de contourner les défenses de la plante hôte, sont autant de

caractéristiques des pucerons qui en font de redoutables ravageurs.

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Cycle de vie

Une des caractéristiques qui contribuent au succès des pucerons en tant que ravageurs de plantes, réside dans la mise en place d’un cycle de vie complexe permis par une importante plasticité phénotypique (Hardy et al. 2015). Au cours de leur cycle de vie, ils expriment des phénotypes différents à partir d’un même matériel génétique (i.e. polyphénisme). Ainsi, le polyphénisme de dispersion permet la production de formes aptères ou ailées au sein de la même lignée clonale (Braendle et al. 2006), et le polyphénisme de reproduction permet l’alternance de formes sexuées et asexuées, ces dernières étant produites par parthénogénèse apomictique ou reproduction clonale (Simon et al. 2010).

Lorsque qu’il y a réalisation d’un cycle complet avec alternance entre reproduction sexuée et asexuée, on parle alors de parthénogénèse cyclique (PC). La phase sexuée a pu être perdue dans diverses sous-familles de pucerons, certaines espèces ne se reproduisent plus que par parthénogénèse dite obligatoire (PO). La PO est favorisée par des hivers doux, ainsi la plupart des espèces tropicales ont perdu la phase sexuée de leur cycle, mais cela existe aussi chez certains pucerons ravageurs des milieux tempérés. De plus, une variabilité de cycles peut co-exister au sein de la même espèce dont certaines populations se reproduisent par PC et d’autres par PO en fonction de la rigueur de l’hiver et de la disponibilité des plantes hôtes. Ce phénomène est par exemple observé chez M. persicae, le puceron du merisier à grappes Rhopalosiphum padi et le puceron de la pomme de terre Macrosiphum euphorbiae, qui sont d’importants ravageurs (Blackman and Eastop 2000).

Les espèces à PC qui exploitent la même espèce ou famille d'hôte durant les phases sexuée et

asexuée sont dites monœciques. En revanche, 10% des espèces de pucerons effectuent leur phase de

reproduction sexuée sur un hôte primaire – généralement une plante ligneuse – et leur phase asexuée

sur un hôte secondaire le plus souvent une plante herbacée, elles sont dites diœciques. Le déterminisme

du sexe des pucerons se fait par un système X0, ou les femelles possèdent 2 chromosomes sexuels

(XX) et les mâles un seul (X0) alors que les deux sexes ont des chromosomes autosomes diploïdes AA

(Hales et al. 2002). La Figure 3 illustre le cycle de vie à PC monœcique du puceron du pois

Acyrthosiphon pisum. Les différentes phases décrites sont les mêmes pour les espèces de pucerons

monœciques, excepté le changement d’hôte. Ainsi, les pucerons passent l’hiver sous forme d’œuf (œuf

d’hiver) – sur l’hôte primaire pour les diœciques – duquel une femelle fondatrice va émerger au

printemps. Celle-ci va ensuite produire, par parthénogénèse vivipare, d’autres femelles qui se

reproduiront elles aussi de manière clonale pendant plusieurs générations (Figure 3). Pour les espèces

diœciques, la colonie qui se développe sur l'hôte primaire au printemps va produire des femelles

parthénogénétiques ailées qui vont coloniser les hôtes secondaires. Durant l’été, les générations

clonales se succèdent. Lorsque la plante entre en sénescence ou qu’il y a une surpopulation de pucerons

(20)

sur celle-ci, de nouvelles femelles ailées émergent afin de disperser sur de nouvelles plantes (hôtes secondaires). C’est durant cette phase (reproduction clonale combinée à de grandes capacités de dispersion) que les populations sont les plus importantes, correspondant aux pics d’infestation. En réponse à la diminution de la longueur du jour en automne, des femelles sexupares sont produites et vont donner naissance à la fois à des femelles sexuées (XX) et à des mâles (X0 après l’élimination d’un des deux chromosomes X). Ces femelles s’accouplent alors avec les mâles – unique reproduction sexuée du cycle – et vont ensuite pondre un œuf d’hiver (sur hôte primaire pour les espèces diœciques).

De cet œuf qui peut résister à des températures très basses en hiver (jusqu’à -30°C), émergera au printemps une nouvelle femelle fondatrice (XX). Le mâle ne pouvant transmettre qu’un chromosome X à la suite de la dégénérescence des gamètes 0 (Figure 3), la descendance de cette phase sexuée est obligatoirement femelle.

Figure 3. Cycle monœcique du puceron du pois, Acyrthosiphon pisum (adapté de Jaquiéry et al. 2013).

Winged asexual female

AA XX AA XX

Asexual female Fundatrix

Asexual female

AA XX

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Symbioses bactériennes

Les Hémiptères constituent le seul groupe d’animaux à utiliser la sève élaborée du phloème des plantes comme ressource alimentaire principale. Ce mode d’alimentation a évolué de multiples fois chez ces derniers, et est devenu prédominant dans le sous-ordre des Sternorrhyncha, comprenant les pucerons, les aleurodes, les psylles et les cochenilles, ainsi que chez les Auchenorrhyncha regroupant les cicadelles, les fulgores, et la plupart des Hétéroptères herbivores comme les pentatomidés (Dolling 1991). Ces insectes sont adaptés à une niche alimentaire spécifique, le phloème, qui est riche en sucres mais dans lequel certains acides aminés et vitamines sont en quantité insuffisante. Ainsi, seulement 8,2% des acides aminés présents dans la sève de la féverole, Vicia faba, sont essentiels aux pucerons alors que 72% correspondent à l’asparagine, un acide aminé non-essentiel (Douglas 2006).

Chez les pucerons, ce déficit en apport azoté est surmonté grâce à une symbiose obligatoire avec la bactérie Buchnera aphidicola (Buchner 1965). Le genre Buchnera forme un groupe monophylétique dont la phylogénie suit parfaitement celle de ses hôtes pucerons, ce qui démontre un co-spéciation à long terme entre les deux partenaires (Moran et al. 1993). B. aphidicola est une γ- proteobactérie intracellulaire qui est confinée dans le cytoplasme de cellules spécialisées de l’insecte, les bactériocytes. Ces symbiotes comptent pour une très large partie du microbiome des pucerons et peuvent représenter jusqu’à 10% de leur biomasse totale.

Buchnera est transmise verticalement à la descendance soit dans l’œuf d’hiver, soit aux embryons lors de la parthénogénèse vivipare. De nombreuses expériences ont montré que les pucerons dépendent de cette bactérie endosymbiotique pour la synthèse des neuf acides aminés essentiels (Douglas 1998). Au cours de l’évolution de cette relation symbiotique établie entre 160 et 180 millions d’années, le génome de Buchnera s’est considérablement réduit (Gil et al. 2002; Ham et al. 2003) jusqu’à atteindre une taille entre 500 et 600 kilobases. Ainsi, les gènes codant pour les enzymes impliquées dans les voies de biosynthèse des acides aminés essentiels ont été maintenus alors que ceux des voies de synthèse des non-essentiels ont été perdus. Une relation de mutualisme s’est donc créée entre les pucerons et leur symbiote obligatoire Buchnera, le puceron fournit un environnement de vie protégé et des acides aminés non-essentiels alors que Buchnera assure la synthèse d'acides aminés essentiels et de vitamines.

En plus du symbiote obligatoire B. aphidicola qui est présent chez tous les Aphididae, des

symbiotes facultatifs sont hébergés par les pucerons. Ces symbiotes facultatifs peuvent influencer

l’écologie et la physiologie de leurs hôtes de plusieurs manières (Oliver et al. 2010). Parmi les

nouveaux traits écologiques que peuvent conférer ces symbiotes aux pucerons qui les hébergent, le

plus documenté est certainement la protection contre les parasitoïdes, les pathogènes ou les prédateurs.

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Ainsi, la γ-proteobactérie Hamiltonella defensa confère à son hôte puceron une protection contre les guêpes parasitoïdes. Cette protection contre le parasitisme a d’abord été montrée dans le système puceron du pois, A. pisum et son parasitoïde, Aphidius ervi (Oliver et al. 2003; Oliver et al.

2006). Chez A. pisum, la présence d’H. defensa a un effet bénéfique sur la fitness quand il y a une pression exercée par les parasitoïdes, mais représente un coût quand ceux-ci sont absents (Oliver et al.

2006). D’autres études ont également observé ce phénomène de protection chez le puceron noir de la fève, Aphis fabae, ainsi que chez le puceron noir de la luzerne, Aphis craccivora (Schmid et al. 2012;

Asplen et al. 2014). Ce phénotype n’est pas induit par la seule présence d’H. defensa, il est influencé par l’infection de celle-ci par un phage lambdoïde lysogénique qui produit des toxines probablement impliquées dans la résistance (Moran et al. 2005; Oliver et al. 2009). La bactérie endosymbiotique Regiella insecticola, confère quant à elle une résistance au champignon entomopathogène Pandora neoaphidis (Ferrari et al. 2004; Scarborough et al. 2005). Les symbiotes facultatifs peuvent aussi influencer les interactions entre les pucerons et leurs prédateurs. Le symbiote Rickettsiella provoque un changement de couleur du rose au vert chez le puceron du pois, ce qui confère au puceron un camouflage plus efficace sur sa plante hôte et est supposé le protéger des prédateurs (Tsuchida et al.

2010).

Les symbiotes facultatifs peuvent également permettre une plus grande tolérance à la chaleur chez les pucerons. Ainsi en conditions de fortes températures, de meilleures performances (survie, temps de développement, fécondité) sont observées chez les pucerons du pois qui possèdent la bactérie Serratia symbiotica comparés à ceux qui ne la possèdent pas (Montllor et al. 2002; Russell and Moran 2006).

Enfin, peu d’études décrivent le rôle des symbiotes secondaires dans l’adaptation à la plante hôte. Le symbiote R. insecticola a été montré comme étant associé à de meilleures performances d’A.

pisum sur le trèfle, Trifolium sp. (Tsuchida et al. 2004). Cependant, ce phénotype semble dépendre d’une association complexe entre la souche de R. insecticola, le génotype du puceron hôte et la plante.

En effet, dans certains cas il est impossible de démontrer une quelconque association entre R.

insecticola et l’utilisation du trèfle comme plante hôte ou dans d’autres cas, celle-ci est négative

(Leonardo 2004; Ferrari et al. 2007; McLean et al. 2011). Le symbiote Arsenophonus, est quant à lui

associé à de meilleures performances du puceron du soja Aphis glycines sur sa plante hôte (Wulff and

White 2015), et également à l’exploitation du robinier faux-acacia par le puceron noir de la luzerne,

Aphis craccivora (Wagner et al. 2015).

(23)

3.2 Dialogue moléculaire lors des interactions plantes-pucerons

Préférence et acceptation de l’hôte

Avant d’ingérer de la sève du phloème – grâce à leurs pièces buccales spécialisées, notamment les stylets (Figure 4A) – les pucerons doivent sélectionner la plante hôte sur laquelle se nourrir. Une séquence de comportements est alors mise en place à longue et courte distances pour localiser celle-ci (résumé par Powell et al. 2006).

A longue distance, les pucerons vont d’abord s’orienter en fonction des longueurs d’ondes lumineuses reflétées par les plantes. Ces signaux visuels ne permettent probablement pas d’identifier spécifiquement la plante hôte, ainsi l’orientation est sûrement complétée par la perception de composés volatils émis par plantes, qui sont détectés grâce aux sensilles olfactives antennaires du puceron (Chung Park and Hardie 2003).

Une fois une plante atteinte, les pucerons vont apprécier, par des mouvements d’antennes, les caractéristiques physico-chimiques à la surface de la plante, telles que la texture, la couleur, les exsudats des trichomes ou encore les cires cuticulaires (Powell et al. 2006). Un comportement de sondage de l’épiderme de la plante par piqûres à la surface va néanmoins apparaître aussi bien dans les interactions compatibles qu’incompatibles. C’est pendant cette phase de sondage que les pucerons transmettent un grand nombre de phytovirus aux plantes hôtes et non-hôtes. La préférence pour la plante est essentiellement basée sur la phase de sondage

Ensuite le stylet, très flexible, empreinte un chemin majoritairement extracellulaire (Figure 4C). De brèves ponctions intracellulaires sont effectuées par le stylet tout au long de son trajet, ce qui permet au puceron de se diriger vers le phloème grâce à des gradients de pH et sucrose entres les différentes cellules végétales (Hewer et al. 2011). Cette phase de ponction dans les différentes couches végétales, qui précède la phase d’alimentation durable dans le phloème, semble jouer un rôle fondamental dans l’acceptation de la plante hôte (i.e. initiation de la production des descendants). Ainsi la reproduction est stimulée par les signaux chimiques des tissus périphériques avant la pénétration du stylet dans les tubes criblés du phloème (Powell et al. 2004). La chimioréception joue donc un rôle prépondérant dans les différentes phases de sélection de la plante hôte (Pickett et al. 1992). Les gènes codants pour ces chimiorécepteurs sont des déterminants majeurs de la reconnaissance des plantes hôtes et ont pu évoluer sous sélection positive suggérant leur rôle dans l’adaptation et la spécialisation des pucerons à leurs plantes hôtes (Smadja et al. 2009). Même si à ce stade le puceron a déjà accepté la plante comme un hôte, dans certains cas il ne peut établir de connexion durable avec le phloème.

Ainsi, l’ingestion durable ou non de la sève par le puceron semble dépendante de la salivation qui est

mise en place après la phase de sondage.

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Sécrétions salivaires des pucerons

Tout au long de son trajet dans les tissus végétaux, la salive gélifiante est secrétée pour former autour du stylet une gaine protectrice – gaine sétale ou sheath saliva (Tjallingii and Esch 1993;

Tjallingii 2006). Cette gaine produite par les glandes salivaires (Figure 4B), est riche en protéines, phospholipides et glucides. Elle limite le contact avec l’apoplasme et les parois cellulaires végétales et permet de protéger le stylet des composés de défenses de la plante (Hogenhout and Bos 2011). De plus, la protéine qui compose majoritairement cette gaine (SHP, sheath protein) est essentielle lors de l’alimentation du puceron. En effet, lorsque l’expression du gène SHP est réprimée par ARN interférence la formation de la gaine sétale est perturbée ce qui induit un arrêt de l’alimentation et une diminution de la fécondité des pucerons (Will and Vilcinskas 2015).

Figure 4. Alimentation et salivation des pucerons. (A) Puceron s’alimentant sur sa plante hôte, (B) glandes salivaires, (C) trajet du stylet dans les tissus végétaux et sécrétions des différents types de salive d’après Tjallingii 2006). 1, 2, et 3 indiquent respectivement le stylet, les glandes salivaires primaires et les glandes salivaires accessoires.

Un deuxième type de salive, la salive aqueuse, est secrétée le long du trajet du stylet dans les cellules de l’épiderme et du mésophylle et également au niveau des tubes criblés du phloème une fois celui-ci atteint par le puceron (Figure 4C). L’ingestion durable de la sève par le puceron est alors dépendante de cette sécrétion de salive aqueuse qui contient des protéines capables de prévenir le phénomène d’occlusion du phloème. Plusieurs mécanismes peuvent alors être impliqués (Will et al.

2013). Lorsque le stylet pénètre dans le phloème, créant une blessure mécanique, un influx de calcium

Gelling saliva Watery saliva Salivary effectors

Epiderm Mesophyl Phloem

Aphid

Stylet

120µm

A C

1

2

3

B

© Bernard Chaubet

(25)

déclenche l’occlusion des tubes criblés pour prévenir la perte de sève. Des complexes protéiques forment alors des bouchons, comme le forisome qui est une plaque protéique spécifique des Fabacées.

Certaines protéines présentes dans la salive possédant des domaines de liaison au calcium, sont supposées bloquer l’occlusion calcium-dépendante (Will et al. 2007; Carolan et al. 2009). Ainsi, la salive de Megoura viciae permet le basculement d’un état relâché du forisome – bloquant l’influx de sève – à un état contracté assurant un flux continu de sève dont le puceron va s’alimenter (Will et al.

2007). Cependant cette observation, réalisée in vitro sur des forisomes de Vicia faba, reste difficile à démontrer in vivo (Medina-Ortega and Walker 2013). Les protéases identifiées dans la salive de différentes espèces de pucerons (Harmel et al. 2008; Carolan et al. 2009; Rao et al. 2013; Chaudhary et al. 2015) pourraient également participer à la dégradation des plaques protéiques qui occluent les tubes criblés. Les protéases de la salive de M. euphorbiae et d’A. pisum permettent ainsi de dégrader la principale protéine du phloème PP1 (phloem protein 1) de Cucurbita maxima in vitro (Furch et al.

2015). Chez cette curcurbitacée, PP1 a été identifiée comme pouvant participer à l’obstruction du phloème en se couplant avec la protéine PP2 – phloem protein 2 (Furch et al. 2010).

Une fois le flux de sève assuré par la réversion de l’occlusion des tubes criblés du phloème, d’autres protéines contenues dans la salive aqueuse, peuvent permettre aux pucerons de moduler les autres défenses que la plante hôte met en place suite à l’infestation par les pucerons (Hogenhout and Bos 2011; Rodriguez and Bos 2012).

Réactions de défenses des plantes

En plus de l’occlusion du phloème, d’autres mécanismes de défense sont mis en place par les plantes pour lutter contre les pucerons (Jaouannet et al. 2014). Ainsi, plusieurs études sur le système M. persicae-A. thaliana ont permis d’explorer les voies de signalisation qui sont impliquées dans l’activation des défenses lors des interactions plantes-pucerons. Des gènes impliqués dans les voies de biosynthèse des phytohormones telles que l’acide salicylique (SA), l’éthylène (ET) et l’acide abscissique (ABA) sont induits chez Arabidopsis lorsque celle-ci est attaquée par M. persicae (Moran and Thompson 2001; De Vos et al. 2005; Kerchev et al. 2013). Les marqueurs de la voie de signalisation de l’acide jasmonique (JA) semblent en revanche réprimés (Kerchev et al. 2013). De plus, l’activation permanente de la voie JA augmente la résistance d’Arabidopsis à M. persicae (Ellis et al.

2002). En conséquence, De Vos et al. (2007) émettent l’hypothèse que la voie SA est manipulée et

induite par les pucerons pour ainsi réprimer la voie JA, normalement mise en jeu lors d’attaques

d’insectes herbivores et de pathogènes nécrotrophes. Bien qu’une manipulation du crosstalk JA-SA

soit observée chez plusieurs insectes (Diezel et al. 2009; Chung et al. 2013), ce phénomène reste peu

clair concernant les interactions plantes-pucerons car l’induction de la voie SA ne supprime pas

(26)

forcément la voie JA pour promouvoir les performances des pucerons (Kerchev et al. 2013). De plus, malgré des changements dans l’expression des gènes marqueurs, laissant penser à une activation des différentes voies de signalisation, il n’y a pas d’augmentation des niveaux phytohormones JA, SA, et ET lorsque A. thaliana est exposé à M. persicae (De Vos et al. 2005). Chez A. pisum, les clones adaptés à la luzerne Medicago sativa induisent de plus faibles niveaux de JA et SA que les clones non-adaptés à cette plante. Ceci est également observé pour certains autres métabolites de la voie JA comme l’OPDA (Sanchez-Arcos et al. 2016). La manipulation des voies de signalisation SA et JA permettrait aux clones d’A. pisum de se développer sur leur hôte. A la vue de ces différents résultats, des études complémentaires apparaissent nécessaires pour mieux comprendre la manipulation des voies signalisation de défenses des plantes par les pucerons. En effet, les pucerons n’induisant que très peu de dégâts physiques à la plante, comparés aux insectes broyeurs (e.g. larves de lépidoptères, coléoptères), l’implication de la voie JA dans le déclenchement des défenses dirigées spécifiquement contre les pucerons reste à approfondir.

Néanmoins, certains gènes ont été caractérisés comme impliqués dans les défenses mise en place par les plantes contre les pucerons. Ainsi, le gène PAD4 qui encode une lipase contribue à la défense d’Arabidopsis contre M. persicae, les pucerons se reproduisant mieux sur les mutants knockout PAD4 et moins sur les mutants sur-exprimant ce gène (Pegadaraju et al. 2007). Un cytochrome P450 encodé par le gène PAD3, a aussi été montré comme impliqué dans la défense contre M. persicae. Ce gène induit une augmentation d’un alcaloïde secondaire, la camalexine, qui réduit les performances du puceron sur A. thaliana (Kettles et al. 2013). Des composés comme les glucosinolates ou le DIMBOA peuvent également s’accumuler lors d’attaques par les pucerons (Kim and Jander 2007; Meihls et al.

2013), ainsi les mutants présentant de forts taux de glucosinolates sont plus résistants aux pucerons alors que ceux présentant de plus faibles taux sont sensibles (Kim and Jander 2007; J.H. Kim et al.

2008).

A ce jour, aucune molécule (HAMP) déclenchant les premières réactions de défenses des plantes (PTI) n’a été identifiée chez les pucerons contrairement aux lépidoptères (Bonaventure et al.

2011; Acevedo et al. 2015). En revanche, il a été montré que la salive de M. persicae ou encore la protéine GroEL produite par le symbiote B. aphidicola déclenchent une telle réponse chez A. thaliana (De Vos and Jander 2009; Chaudhary et al. 2014).

La deuxième phase de l’immunité des plantes – ETI – implique une relation gène-pour-gène

entre effecteurs et gènes de résistance. Des gènes de résistance ont été identifiés dans plusieurs

systèmes plantes-pucerons. Ainsi, la très grande variation observée dans la capacité qu’ont les biotypes

du puceron du pois à infester différents génotypes de la plante Medicago truncatula est notamment

dépendante du gène de résistance RAP1 pour Resistance to Acyrthosiphon pisum 1 (Stewart et al. 2009;

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Kanvil et al. 2014; Kanvil et al. 2015). L’émergence de biotypes virulents chez le puceron de blé Diuraphis noxia (Haley et al. 2004; Burd et al. 2006), le puceron de la laitue Nasonovia ribisnigri (ten Broeke et al. 2013) et le puceron du soja A. glycines (Kim et al. 2008) apparait également dépendante de relations gène-pour-gène.

Plusieurs gènes de résistance aux pucerons, codants pour des récepteurs cytoplasmiques NB- LRR, ont été identifiés chez les plantes (Dogimont et al. 2010). Le gène Mi-1 confère ainsi à la tomate une résistance contre le puceron M. euphorbiae (Rossi et al. 1998), mais également contre les nématodes, les aleurodes, et les psylles (Rossi et al. 1998; Nombela et al. 2003; Casteel et al. 2006).

Le gène Vat confère au melon une résistance contre certains génotypes du puceron du cotonnier Aphis gossypii (Villada et al. 2009). Le gène Ra confère quant à lui une résistance contre le puceron des racines de la laitue Pemphigus bursarius (Wroblewski et al. 2007). D’autres résistances identifiées notamment chez le blé, le soja, l’orge le pêcher, ou encore Medicago truncatula pourraient être dépendantes de récepteurs NB-LRR (voir Dogimont et al. 2010). Dans tous les cas, les effecteurs de puceron qui sont reconnus par les NB-LRR ne sont pas encore caractérisés.

Effecteurs salivaires des pucerons

Les pucerons sont capables de manipuler les réponses de leur plante hôte de diverses manières.

Ainsi, ils peuvent induire des changements morphologiques (e.g. galles) au niveau de la plante (Van Emden and Harrington 2007), d’impacter l’allocation des nutriments en leur faveur (Girousse et al.

2005) ou bien de supprimer les réaction de défenses des plantes (Will et al. 2007). Ces manipulations peuvent être liées à l’injection dans la plante hôte d’effecteurs comme cela est décrit chez les pathogènes de plantes (Hogenhout and Bos 2011). De récents progrès dans le séquençage des génomes de pucerons (The International Aphid Genomics Consortium 2010; Nicholson et al. 2015; Mathers et al. 2017; Wenger et al. 2017), le séquençage des transcriptomes de glandes salivaires (Ramsey et al.

2007; Bos et al. 2010; Carolan et al. 2011; Atamian et al. 2012) et l’analyse protéomique de salive récoltée sur milieu artificiel (Carolan et al. 2009; Nicholson et al. 2012; Rao et al. 2013; Chaudhary et al. 2015) ont permis d’identifier des effecteurs salivaires candidats chez plusieurs espèces.

Certains de ces effecteurs potentiels ont des fonctions connues comme les pectinases, glucanases ou amylases impliquées dans la dégradation de la paroi des cellules végétales. D’autres protéines potentiellement sécrétées ont des fonctions de détoxification comme les metalloprotéases, oxidoreductases, les peroxidases ou les phenol oxydases (Harmel et al. 2008; Carolan et al. 2009;

Carolan et al. 2011; Nicholson et al. 2012; Rao et al. 2013). Cependant, la grande majorité des

effecteurs candidats ne présentent aucune similarité avec des protéines/domaines connus et sont donc

spécifiques des pucerons. Parmi le large répertoire d’effecteurs potentiels, seul un nombre limité a été

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